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Défi diagnostic
le clinicien mars 2011
Lœil et la lumière
Comme la cornée absorbe presque tout le rayonnement ultraviolet (UV),
ce dernier est la cause la plus commune de lésion aux yeux due aux radi-
ations. Ce dommage causé par la lumière est semblable à celui des coups de
soleil sur la peau, puisqu’il est cumulatif. À cet effet, des expositions non pro-
tégées au soleil sur des surfaces hautement réfléchissantes peuvent engendrer
un dommage cornéen direct. C’est ce qu’on appelle la cécité des neiges.
De plus, une exposition prolone aux rayons UV peut causer une condition
assoce à plusieurs maladies de la surface oculaire (ex. : pinguecula, ptérygion,
métaplasie squameuse, carcinome, etc.). Le seul cancer oculaire associé aux rayons
UV est le cancer épidermoïde de la conjonctive bulbaire, une pathologie heureuse-
ment rare.
La kératite superficielle ponctiforme
Les rayons UV irritent l’épithélium cornéen superficiel, ce qui cause l’inhibi-
tion de la mitose, la fragmentation des noyaux cellulaires et le détachement de
l’épithélium. Conséquemment, une réponse inflammatoire se produit, avec
œdème et congestion de la conjonctive. Celle-ci se présente alors avec un
aspect criblé de minuscules trous correspondant à une kératite punctiforme
superficielle.
Lorsque grave, cette condition peut évoluer en une desquamation épithéliale
complète et en un blépharospasme. La réépitlialisation se produit malgré tout en
36 à 72 heures, et les séquelles à long terme sont rares.
La douleur oculaire et la perte de vision se produisent de 6 à 12 heures après la
blessure. On croit que ce délai est dû au fait qu’il s’agit d’une lésion d’ordre pho-
tochimique plut que thermique.
Morbidité et mortalité
Aucune mortalité n’a été décrite pour ce type de lésion. La morbidité est se-
condaire au dommage causé par les rayons UV à l’épithélium cornéen super-
ficiel – qui, en général, guérit spontanément en moins de 48 heures. Les
séquelles à long terme, secondaires aux surinfections, sont rares.
Histoire clinique
Les patients se plaignent d’une sensation de corps étranger, d’irritation, de
douleur, de photophobie, de larmoiement, de blépharospasme et d’une dimi-
Une lumière aveuglante
François Melançon, M.D.
Le cas de Jean
Question de joindre l’utile à l’agréable,
vous faites du « moonlighting » dans un
petit hôpital près d’un centre de ski.
Jean s’y présente vers 22 h. Il craint
avoir ru « des graines » dans les yeux;
ses yeux sont irrités et lui font mal. La
lumière des phares, lorsqu’il a conduit
sa voiture pour venir à l’hôpital, lui était
très désagréable et il a l’impression de
voir moins clair. Il vous explique avoir
passé la journée sur les pentes et avoir
profité de la magnifique journée
ensoleillée. Pourtant, à aucun moment
a-t-il eu l’impression de recevoir
quelque chose dans les yeux. L’inconfort
est devenu de plus en plus présent,
plusieurs heures après son retour à la
maison.
De quoi souffre Jean? Comment
allez-vous l’investiguer et le
traiter?
nution de l’acuité visuelle 6 à 12
heures après l’exposition.
Notez la nature et la durée de l’ex-
position aux rayons UV. Notez aussi
toujours s’il y a port de lentilles
corennes, histoire de trauma ou de
chirurgie oculaire, s’il y a prise de
médication ou encore si le patitent
souffre d’allergies à des médicaments
qui pourraient causer de la photosensi-
bilité (voir Encadré 1 pour les diagnos-
tics différentiels).
Examen physique
Vérifiez toujours l’acuité visuelle,
avec et sans verres. Examinez en-
suite l’ensemble des structures ocu-
laires (y a-t-il œdème des paupières,
par exemple?), complétez l’investi-
gation avec un examen du fond de
l’œil et, lorsque possible, un examen
à la lampe à fente après anesthésie
de l’œil. Dans les cas graves, la cor-
née peut avoir un aspect brumeux.
Lorsqu’il y a une histoire d’exposi-
tion à une grande luminosité avec
surfaces très réfléchissantes, recher-
chez surtout – mais pas exclusive-
ment – les lésions ponctiformes de
la kératite due aux rayons UV.
Traitement
Si vous soupçonnez une kératite UV,
nettoyez l’oeil durant plusieurs mi-
nutes avec de l’eau ou une solution
saline. Instillez ensuite une goutte
d’un cycloplégique à courte action
(ex. : cyclopentolate 1 %) pour
diminuer la douleur secondaire au
spasme du muscle ciliaire.
Il y a controverse quant à l’utilisa-
tion d’un pansement oculaire semi-
compressif, car il soulage la douleur,
mais retarde la réépitlialisation. En
raison de la vision monoculaire, il
cause aussi une perte de la perception
de la profondeur. Les patients portant
un pansement oculaire semi-compres-
sif ne devraient pas conduire. Si un
pansement est utilisé, il doit être enlevé
pour vérification de la condition après
24 heures. Par ailleurs, les pansements
ne doivent jamais être réappliqués par
les patients eux-mêmes, en raison du
risque d’une pression excessive.
L’analgésie
Cette pathologie est ts dou-
loureuse. Les gens affectés
devraient recevoir des anti-inflam-
matoires non stéroïdiens (AINS),
par exemple de l’ibuprofène 600 mg
4 f.p.j. et, au besoin, des anal-
gésiques narcotiques.
Il faut éviter les anestsiques to-
piques, car ils retardent la réépitlia-
lisation et augmentent le risque dul-
cère oculaire. Quoiqu’il ne s’agisse
pas d’une indication officielle, les
AINS topiques, tels que le diclonac
to-pique, sont efficaces pour traiter
l’inflammation et soulager la douleur.
Ils sont fréquemment utilis seuls ou
conjointement avec les analsiques
narcotiques.
La médication topique
Les cycloplegiques, tels que le
cyclopentolate 0,5 à 1 %, relaxent le
spasme du muscle ciliaire qui
provoque de la douleur et de la pho-
tophobie. Ces agents provoquent
une mydriase et facilitent l’examen
de l’œil. Attention, cependant, de
bien vous assurer que votre patient
ne souffre pas d’un glaucome. En
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Défi diagnostic
le clinicien mars 2011
Encadré 1
Les diagnostics
différentiels possibles
Le diagnostic différentiel va de la
conjonctivite à l’ulcère cornéen, en
passant par la kératite ulcéreuse.
Il faut considérer l’iritis et l’uvéite,
l’abrasion cornéenne et le
syndrome des yeux secs. La
blépharite avec croûtes des
paupières sera facile à identifier, en
raison desdites croûtes.
Un trauma oculaire ne doit pas être
éliminé; certaines personnes se
frottent les yeux si vigoureusement
qu’elles peuvent en devenir
symptomatiques.
Une kératopathie secondaire à une
mauvaise fermeture des yeux la nuit
donnera une histoire plus insidieuse,
à long terme, de même que
l’irritation secondaire au port de
lentilles cornéennes.
Une histoire d’utilisation de gouttes
topiques doit faire penser à une
toxicité de ces gouttes. La présence
de corps étranger sous les
paupières donnera en général des
symptômes unilatéraux.
Si vous soupçonnez
une kératite UV,
nettoyez loeil
durant plusieurs
minutes avec de
leau ou une solu-
tion saline.
Défi diagnostic
raison de l’ouverture maximale du
muscle ciliaire qui écrase les voies
d’échappement de l’humeur aqueu-
se, vous pourriez provoquer une
attaque de glaucome chez un patient
affecté.
L’usage prophylactique des antibio-
tiques topiques (érythromycine et gen-
tamicine) est controver. Cette utilisa-
tion pourrait retarder la réépithélialisa-
tion et plusieurs recommandent main-
tenant d’attendre une infection avant
de les utiliser. Si vous décidez malgré
tout de les utiliser, servez-vous de
gouttes (s’il n’y a pas de pansement
oculaire) ou de cme (s’il y a panse-
ment oculaire).
Suivi
Il faudra envisager une consultation
en ophthalmologie si une améliora-
tion significative ne s’est pas pro-
duite en moins de 48 heures.
À moins que le patient ne souffre
d’une kératite grave avec dommage
coren important ou d’une condition
oculaire grave préexistante, le suivi na
pas besoin d’être fait en spécialité.
Complications et pronostic
Les cas de surinfection sont rares
et ceux de cécité secondaire
presqu’inexistants. Le prono-stic est
excellent et on voit une récupération
complète en 24 à 76 heures.
L’éducation des patients
La prévention est essentielle; les
patients doivent savoir qu’il est pri-
mordial de porter des verres fumés
lorsque la lumière est reflétée sur la
neige. À cet effet, cette condition est
connue depuis des siècles par les
Inuits, qui utilisaient des « lunettes »
opaques traversées d’une fente hori-
zontale pour laisser entrer un mini-
mum de lumière et éviter cette
pathologie.
Attention!
Un patient ayant subi une anesthésie
de l’œil ne devrait pas quitter la salle
d’urgence avant que la sensation ne
soit revenue, en raison du risque
de blessure involontaire secondaire
(ex. : un frottage vigoureux des yeux)
et du risque subséquent d’ulre.
Notez toujours si le patient portait
des lentilles cornéennes ou des verres
de protection lors de son incident.
Recherchez aussi la psence de corps
étrangers et notez votre trouvaille par
écrit. Une kératite UV n’empêche
absolument pas une autre lésion ou
une autre pathologie oculaire.
On recommande un suivi chez les
patients souffrant de douleur persis-
tante ou de déficit visuel 48 heures
après la blessure. N’utilisez finalement
jamais de sroïdes topiques; s’il y
avait psence d’hers, la conséquen-
ce pourrait être catastrophique.
Retour sur le cas
de Jean
Vous apprenez que Jean avait oublié
ses lunettes de soleil et, comme il
ne faisait pas très froid, il n’a pas
senti le besoin d’en porter pendant
ses descentes.Votre examen
clinique a confirmé la présence
d’une kératite punctiforme. Le
patient a reçu, en plus de son
cycloplégique, du diclofénac per os,
puis une combinaison de codéine
et d’acétaminophène.
L’évolution clinique a été favorable
en moins de 48 heures, puisqu’il y
eut résolution complète des
symptômes. Jean porte maintenant
toujours ses verres fumés lorsqu’il
skie par journée ensoleillée.
C
Dr Melaon est
omnipraticien et compte
29 années d’exrience
dont 18 en salle
d’urgence. Il a pratiqué
en cabinet privé et en
CLSC. Il est cemment
revenu à ses premres amours, soit la
decine d’urgence, la traumatologie et la
psychiatrie.
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