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AVANT-PROPOS
Certains se demanderont pourquoi l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire
(INJEP) a choisi d’investir le champ de l’entrepreneuriat des jeunes. Les valeurs portées par l’édu-
cation populaire, filiation historique de l’établissement, seraient-elles de nature à freiner l’intérêt
pour les démarches entreprenantes et entrepreneuriales des jeunes ? La dimension individuelle
inhérente au processus de création d’activité peut en effet engendrer une forme de défiance
parmi les acteurs de l’éducation populaire qui revendiquent la construction collective des sa-
voirs ou la transformation sociale. Pourtant, l’entrepreneuriat peut contribuer à offrir à chacun la
possibilité de progresser, de se développer, de se former tout au long de la vie. En cela, il rejoint
les préoccupations récurrentes du ministère chargé de la jeunesse et de l’éducation populaire.
Le ministère en charge de la jeunesse, tutelle de l’INJEP, est en effet reconnu pour son rôle
pionnier dans l’accompagnement des projets de jeunes. Depuis 1987, avec la création de
Défi jeunes, les jeunes sont devenus progressivement une ressource pour le développement
social, économique, local des territoires dont ils sont issus. Avant sa disparition, Défi jeunes a
été d’ailleurs intégré en tant qu’unité au sein de l’Institut et géré en tant que tel. Le programme
Envie d’agir est venu dans la continuité conforter cette politique de développement de l’auto-
nomie, de la créativité, de l’implication des jeunes dans la vie sociale et publique, en plaçant
au cœur de la démarche l’expérience et la pédagogie de projet.
Ces dispositifs successifs portés par des professionnels de jeunesse intervenant très souvent loca-
lement dans la promotion de ces programmes, d’abord en direction départementale jeunesse et
sports (DDJS, devenue DDCS depuis 2010), puis en associations ou en collectivités territoriales au
titre d’autres dispositifs, renforcent la démarche de soutien de l’entrepreneuriat. Ces professionnels
ont peaufiné un savoir-faire spécifique dans l’accompagnement de l’émergence et du développe-
ment d’initiatives jeunes, principaux vecteurs à ce niveau-là de l’esprit d’entreprendre au sens large.
Esprit d’entreprendre en tant que capacité à concevoir des idées et à passer de ces idées aux actes,
en mobilisant l’esprit d’initiative, la créativité, l’innovation, l’indépendance… Autant d’atouts pour
prendre sa place dans la société. Les outils au service de la pédagogie de l’entrepreneuriat sont
nombreux, pensés et créés dans différents cadres, pour être utilisés auprès de publics très divers, de
l’élève de primaire à l’étudiant ingénieur, en passant par les jeunes peu qualifiés. Néanmoins, quel
que soit l’outil, on retrouve quatre éléments communs1 : la responsabilisation des apprenants dans
le processus d’apprentissage, l’apprentissage par l’expérience directe, l’apprentissage coopératif
ainsi que l’apprentissage réflexif (ou comment tirer les leçons de son vécu). Indéniablement, péda-
gogie de l’entrepreneuriat et pédagogie active partagent des valeurs communes. C’est aussi sur cette
idée d’innovation pédagogique qu’insistent les évaluateurs d’une expérimentation sur la promotion
de l’entrepreneuriat dans l’enseignement secondaire, menée dans le cadre du Fonds d’expérimen-
tation jeunesse (voir la synthèse de cette évaluation en annexe, p. 93).
Cependant, si les spécialistes s’accordent à dire que la pédagogie de l’entrepreneuriat est adaptée et
source d’épanouissement, pour beaucoup d’apprenants, il est nécessaire d’être clair sur le message
que l’on adresse aux jeunes qui ont des difficultés à trouver un emploi. Créer son activité, devenir
entrepreneur est présenté de plus en plus par les pouvoirs publics comme un remède à la crise. Dès
1998, un rapport, La formation entrepreneuriale des ingénieurs, remis au ministre de l’Industrie,
faisait le constat d’un faible degré de création d’entreprise et imputait le « retard » français aux
universités et écoles de gestion ou d’ingénieur notamment2, qui ne se préoccuperaient pas assez
de sensibiliser leurs étudiants à l’entrepreneuriat. Depuis, le nombre de colloques, salons, forums
1. Verzat C., « Expérimenter et coopérer pour apprendre à entreprendre, un livre de référence pour les équipes pédagogiques des
cursus d’entrepreneuriat », Entreprendre et Innover, nos 11-12, 2011/3, pp. 115-116.
2.
Les Échos, no 17799, 21 décembre 1998, p. 4
(consultable sur http://goo.gl/Zhpx1r).
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