L’ATTRACTIVITÉ TOURISTIQUE
COMME LEVIER DE
DYNAMISATION
ÉCONOMIQUE DES
TERRITOIRES DE MONTAGNE
RAPPORT PRÉPARATOIRE
À LA 5ème BIENNALE EUROPÉENNE DE LA MONTAGNE
5ÈME BIENNALE
EUROPÉENNE
DE LA MONTAGNE
À l’occasion de la 5ème Biennale européenne de la montagne, le Comité Scientifique mis en place par
les Chambres de Commerce et d’Industrie de montagne, s’est penché sur la thématique de
l’attractivité touristique des massifs européens et méditerranéens afin d’éclairer scientifiquement les
acteurs socioprofessionnels sur les enjeux actuels de ces massifs et d’appuyer leurs actions et projets
en faveur de la montagne.
Si les conditions qui ont prévalu à l’émergence de la montagne touristique dans les années de
croissance n’existent plus aujourd’hui, le poids des politiques publiques, des actions collectives et des
initiatives privées reste déterminant pour le renouvellement de l’économie touristique de montagne.
Quelles en sont les marges de manœuvre ? Quelles stratégies pourraient être déployées pour
accroître l’attractivité touristique de la montagne dans le sens d’un développement plus durable et plus
intégré ? À quelle échelle territoriale raisonner ? Quels acteurs sont légitimes pour entreprendre les
démarches et stratégies d’attractivité et comment peuvent-ils s’organiser ? Quel est le devenir des
moyennes montagnes “fragiles” ou “banales” dans un contexte de concurrence accrue ?
Autant de questions auxquelles le Comité scientifique a tenté de répondre de façon synthétique en
rappelant au préalable que l'attractivité ne va pas de soi, que ses effets économiques n’ont pas
toujours été perçus et qu'il peut y avoir des résistances locales face aux équipements et pratiques
touristiques.
Le touriste qui fréquente un espace et utilise ses ressources peut être à l’origine de conflits d'usage
et de “nuisances” imposées “de l’extérieur”, surtout lorsqu’il est associé à des formes spécialisées
comme les stations intégrées. De même, la question du “levier” de dynamisation économique, permet
de poser la question de l’origine géographique des flux : la ressource apportée par le tourisme
reste-t-elle sur le territoire montagnard ? Provient-elle du massif ? Devient-elle une externalité
positive, un outil de développement local ou bien, au contraire, une contrainte bloquant les initiatives
et l’installation de créateurs d’autres activités ?
Pour répondre à ces questions délicates, il faut souvent croiser les dimensions de l'inter-spatialité
(le territoire local et “l’ailleurs” désiré par le touriste) et d'inter-temporalité (la quotidienneté de la
société locale/le temps court du visiteur). Cela donne lieu à des effets cumulatifs, vertueux ou vicieux,
qui détermineront l'interaction entre le tourisme et les autres secteurs de l'économie. Peut-on
dynamiser l'économie par des activités qui ne sont pas celles de la quotidienneet qui n'appartiennent
pas nécessairement au même espace que celui des autres activités économiques ?
2-3
Quelques éléments de
définition : attractivité
et développement
L’attractivité peut être définie
comme la capacité à drainer
et à attirer des hommes, des
activités/fonctions et des com-
pétences sur un territoire grâce
à ses ressources, sans les
dilapider et sans négliger la
qualité de vie des populationsI.
À l’échelle des territoires de montagne,
nous émettons l’hypothèse que si les
deux notions d’attractivité et de
développement durable peuvent
sembler distinctes, elles doivent être
reliées autour des enjeux de qualité
de vie et de dynamisme socio-économique
d’un massif. En effet, toute politique
de développement en montagne doit
veiller à ne plus opposer les soute-
nabilités sociale et environnementale
à une attractivité plus élevée qui se
traduirait par l’arrivée de nouvelles
populations ou d’entreprises. Il s’agit
bien, sans favoriser une concurrence
exacerbée des territoires, de permettre
la construction d’une attractivité
durable, au sens premier et littéral du
terme, c’est-à-dire sans négliger des
critères de performances, tels que la
quali de la vie et de l’environnement,
le bien-être de la population (voir les
réflexions mees par la Commission
Stiglitz en 2009II), l’accessibiliaux
équipements ou service, la diversité
et la cohésion sociale ou encore la
culture de l’innovation et la bonne
gouvernance. Comme le relèvent
Le Roy et OttavianiIII, une définition
de l’attractivité fondée de manière
exclusive sur l’économie et les
entreprises nous apparaît domma-
geable pour les politiques publiques
au sens elle ne permet pas de
penser et concilier un certain nombre
de questions cruciales (qualité de vie
sur le territoire, qualité de l’emploi,
développement soutenable) qui se
posent aujourd’hui aux décideurs.
Pour A. MussonIV, lattractivi durable
permettrait alors au territoire de non
seulement préserver les investisse-
ments acquis mais également de
s’assurer d’une attractivi pérenne
grâce aux activités innovantes déjà
installées et au dynamisme qu’elles
créent, aidées par l’environnement des
affaires adapté”. Il ne s’agit donc pas
d'évaluer les dimensions environ-
nementales et sociales comme des
effets externes à l’économie et à
l’attractivité, mais bien comme les
parties d’un tout que constituerait
l’attractivité territoriale durable.
On le voit, la question de l’attracti-
vité est clairement reliée aux
problématiques de développement
durable des montagnes : développement
économique et social, politiques
d’accueil, aménités de l’environne-
ment, “qualité à l’égard de l’indi-
vidu”, efficience du maillage
territorial et de la gouvernance,
etc.
Des travaux de chercheurs dans le
Massif centralVfont apparaître, par
exemple, cinq critères et types
d’indicateurs pour caractériser
l’attractivité : le paysage, et de
façon plus générale le cadre de vie,
l’offre en services et les infrastruc-
tures, le patrimoine culturel et
la vie culturelle (y compris les
dynamiques associatives et partici-
patives), les activités économiques
et le dynamisme des acteurs
professionnels, les images et le
marketing territorial, voire la
capacité des acteurs à s’organiser
pour renforcer l’attractivité de leur
espace.
UNE PROBLÉMATIQUE COMPLEXE
EN MONTAGNE :
NOUVELLE
ATTRACTIVITÉ
ET TOURISME
Attractivité touristique
et développement
des territoires de
montagne : quelles
grilles de lecture ?
Comment définir alors plus précisé-
ment l’attractivité touristique ? Au-
delà de la capacité à attirer
quantitativement et qualitativement
des touristes sur un territoire, il est
important de croiser les indicateurs
(nombre de nuitées, capacité d’hé-
bergement, notoriété, etc.) et de
rechercher les formes d’interaction
avec les autres formes d'attractivité
(migratoires, économiques). Ce problème
de définition touche en fait aux
fondements même du tourisme
contemporain complètement recomposé,
passant du tourisme de séjour avec
des nuitées recensées au post-tourisme
alliant des pratiques de loisirs, une
“présence” intermittente sur le
territoire et de multiples mobilitésVI.
Quoi qu’il en soit, les effets de cette
attractivité touristique sur l’économie
montagnarde ont été largement
étudiés et il est clair que le dévelop-
pement contemporain de l’économie
montagnarde doit beaucoup au
tourisme. Historiquement ce fut le
thermalisme qui permit l’émergence
de nombreuses stations valorisant les
qualités thérapeutiques de l’eau de
montagne, puis avec le développe-
ment des générations successives de
stations de ski, les montagnes hautes
et moyennes connurent une révolution
économique sans précédentVII. De
nos jours, le tourisme a gagné toutes
les montagnes françaises et européennes
attirant les populations urbaines
pour des séjours de toutes natures,
en moyenne et haute montagne,
l’hiver, l’été comme en intersaison,
Dans leur analyse scientifique des interactions entre attractivité touristique et
développement de la montagne, les chercheurs ont pu privilégier différents
modèles d’interprétation :
• L’étude des stations touristiques d’altitude peut conduire à l’analyse des
effets d’entraînement ou de diffusion d’activités liés à la polarisation de la
station « intégrée », relevant d’une théorisation des effets locaux d’attraction
d’activités complémentairesXI. On peut alors rechercher les effets “induits” du
tourisme : dépenses directes et indirectes des clientèles, création d’activités
induites…, même si la recherche se heurte toujours à la difficile quantification
des liens entre les strictes activités touristiques et les autres fonctions des
territoires de montagne ;
• Plus récemment, les travaux ont tenté de caractériser les conséquences d’une
“économie présentielle” et de la diffusion de revenus captés par les territoires
indépendamment de leur capacité productive, notamment touristiques et de
loisirsXII. Ce type d’économie repose sur une offre territoriale de nature
résidentielle (aménités, environnement, cadre de vie, paysage...) qui s’articule
et interagit avec les autres bases économiques que sont la base productive
(l’ensemble des revenus que capte un territoire grâce aux activités privés
exportatrices), la base publique (les traitements des agents publics) et la base
sociale (lensemble des revenus de transfert). Lobjectif en terme de veloppement
est bien que ces revenus circulent et soient consommés dans le territoire.
• La question de l’attractivité touristique peut aussi s’inscrire dans le cadre d’une
réflexion générale portant sur le développement et la “construction” de
l’attractivité via la valorisation des ressources “territoriales”XIII. Ces ressources
peuvent être génériques ou spécifiques, existantes ou latentes. Les processus
de valorisation supposent que les acteurs s’engagent dans des stratégies de
différenciation par les coûts ou par la qualité de l’offre (hors coût) qui rendent
compte d’une plus ou moins grande spécifici de l’offre et de ses composantes.
Dans ce cas, le substrat relationnel du territoire importe. L’existence d’une
identité et d’une base sociale commune apparaît essentielle dans l’émergence
et la solidité d’un système économique qui permet de discriminer
favorablement les territoires concernés et leur trajectoire d’évolution. En
matière de processus, la présence d’éments spécifiques du territoire qui offrent
et pour des pratiques particulière-
ment diversifiées alliant la nature et
les paysages au loisir, au sport, à la
santé, au bien-être, à la découverte des
patrimoines culturelsVIII.L’activité
touristique se révèle ainsi un
puissant levier d’innovation et
de changement, susceptible
d’entraîner dans sa dynamique
propre l’ensemble de l’économie
locale et régionaleIX.Le monde
politique a d’ailleurs saisi l’opportunité
en mettant en place des politiques
publiques favorables à l’émergence
d’une économie touristique de
montagneX.
4-5
De nombreux exemples montrent le
cercle vertueux de l’attractivité à
partir des premières innovations, par
combinaison d’effets de compétitivité,
de productivité et d’entraînement.
Mais l’hyper-attractivité peut aussi
conduire à des cercles vicieux. Il
suffit d’introduire de nouveaux
déterminants (impact des dégradations
environnementales, coût du foncier
excessif, fermeture ou déplacement
des entreprises, faible implication des
organisations locales, blocages sociolo-
giques en lien avec des perceptions
négatives du territoire, conflits
d’usage…) pour que le système
engendre une baisse de la demande,
un recul de l’attractivité pour les
créateurs d’entreprises et pour les
actifs ou demandeurs d’emplois…, et
finalement une remise en cause du
processus de développement et de
polarisation.
Les enjeux de
l’attractivité touristique
Pourtant l’inquiétude est palpable
quant à l’avenir du tourisme dans
un monde en crise économique,
sociale et environnementale
interpellé dans le même temps
par l’exigence du veloppement
durableXVI.
La crise économique, la mondialisation
et la mise en concurrence des entreprises
et des territoires, frappent les économies
de montagne dans toutes leurs
dimensions productives hors tourisme.
L’activi touristique serait moins
touchée par la délocalisation dans la
mesure les ressources qu’elle
utilise sont fortement territorialisées
(les paysages, le patrimoine, etc.),
mais pas insensible à la concurrence
dans le cas contraire. Par ailleurs
l’activité touristique n’est pas
spontanément à leurs habitants plus de possibilités de développer
des produits ou activités spécifiques, entrant en synergie les unes
avec les autres ; cette démarche, lorsqu’elle est menée à son
terme, permet d’intégrer dans la valeur du produit une rente de
qualité territorialeXIV. Cette survalorisation économique des
productions est obtenue à partir de l’exploitation de ressources
spécifiques et construites par une société locale sur son territoire.
On insiste en outre sur la nécessaire coordination entre les acteurs
privés (entreprises) et publics (collectivités locales). On parle d’«effet
panie lorsque, sur un même territoire, plusieurs produits ou
services complémentaires et typiques, sont proposés : les consom-
mateurs sont alors enclins à les payer davantage car, ce faisant,
ils valorisent une scifici qui ne porte plus sur les caractéristiques
du produit pris isolément, mais sur une combinaison spécifique
au territoire considéré XV. Un cercle vertueux s’installe dans lequel
les acteurs locaux affectent une part de la plus-value au renouvelle-
ment des aménités territoriales (paysage, patrimoine,
biodiversité…) et se donnent ainsi les moyens de repenser le
développement économique, d’implanter durablement l’accueil
touristique ; le rôle intercesseur du tourisme ne doit pas être négli:
non seulement, il intervient sur la réputation du territoire, mais
surtout, il amène sur les marchés locaux bon nombre de consommateurs
à la recherche de produits et services spécifiques. Ces flux favorisent
une augmentation de la demande. La problématique de l'attractivité
est ici celle de la recherche de la singularité, de la spécificité,
notamment à travers une ressource spécifique, pour capitaliser
dessus, pour la mettre en avant et favoriser le veloppement
économique. En même temps, chaque massif travaille sur les mêmes
facteurs et partage cette même quête de singularité. Logique
commune et recherche de singularité sont-elles alors compatibles ?
1 / 20 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !