
LA DANSE DES EAUX 
J'entends. J'entends et je ressens. Une vague qui se brise sur la 
côte et le temps qui se fige lorsque les éclaboussures flottent 
dans l'air salé. Un cœur qui ralentit. Un faible battement qui se 
mêle au chant sauvage de l'océan. C'est un cri du cœur, c'est le 
hurlement de l'océan. Et il me transporte sur ses crêtes, 
m'amenant toujours plus loin sur ses flots, m'élevant vers le ciel 
vaporeux. Je tends la main. Il m'engloutit. Je m'enfonce dans sa 
mélodie, ses paroles me transcendent, me portent encore plus 
profondément dans la musique de ses courants, dans l'abysse 
de son cœur immense. L'eau s'approprie chacun de mes sens. 
J'entends son rugissement et je ressens ses accalmies. Je goûte à 
sa liberté et à sa force, je les vois bercer et rythmer son corps 
sublime. Je sens la salinité de son être, elle s'accroche à moi 
dans sa complainte mélancolique. Je l’entends qui fait vibrer son 
corps et mon cœur suit la cadence des eaux de plus en plus 
tumultueuses. Un chant ancien et vibrant qui me fait oublier de 
vivre pour me fondre dans sa chaleur glaciale - une douce 
torpeur qui apaise mes craintes. Je suis la vague courant sur 
l'océan sans fin ni but, il est mon cœur battant sans foi ni loi. Je 
le ressens tout entier, son corps fluide braqué contre le mien. 
Son emprise est sans mesure et l'intensité submerge l'existence 
même de mon simple corps pour me faire sombrer dans la 
profondeur de sa réalité. Le fracas des vagues contre mon 
existence fragmente ma destinée pour ne laisser que le 
battement de mon cœur. Sa musique surpasse ma conscience 
et celle-ci se démantèle face à l'essence sauvage de l'océan. 
Mon souffle se perd, se joint au sien et son chant devient le 
mien. 
LÉA ROULEAU 
Cégep de Drummondville