PRB 07-05F Service d’information et de recherche parlementaires Bibliothèque du Parlement Philippe Bergevin Le 27 août 2007 Les taxes fédérales à la consommation : Une introduction Partout dans le monde, les gouvernements considèrent de plus en plus les taxes à la consommation, et notamment les taxes dont l’assiette est large telles que la taxe sur les produits et services et la taxe de vente harmonisée (TPS/TVH), comme une source importante de recettes fiscales. Les recettes tirées des taxes à la consommation représentent actuellement 30 p. 100 environ de toutes les recettes fiscales des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)(1). Si les gouvernements au Canada comptent un peu moins sur les taxes à la consommation que la plupart des pays de l’OCDE, le graphique 1 montre que ces taxes ont rapporté 49 milliards de dollars au fédéral en 2005-2006, soit environ 20 p. 100 du total de ses recettes fiscales et cotisations de sécurité sociale. Graphique 1 Recettes fiscales et cotisations de sécurité sociale au niveau fédéral, exercice 2005-2006 Taxes à la consommation (49 milliards $) Cotisations de sécurité sociale (39 milliards $) Impôt des sociétés (33 milliards $) Autres taxes et impôts (7 milliards $) Impôt sur le revenu des particuliers (107 milliards $) Note : Les cotisations de sécurité sociale comprennent les cotisations aux régimes de pension du Canada et du Québec et à l’assurance-emploi. L’impôt sur le capital fait partie de l’impôt des sociétés. Source : Données obtenues de Statistique Canada, tableaux CANSIM 385-0002 et 385-0006. Après une brève description des taxes fédérales à la consommation, nous examinerons quelques avantages et inconvénients qui leur sont propres. Dans la dernière section, nous analyserons ces taxes dans un contexte international. VUE D’ENSEMBLE Les taxes à la consommation sont souvent considérées comme des taxes indirectes, parce qu’elles s’appliquent aux transactions et non directement aux profits ou aux revenus. Elles se répartissent en deux catégories : les taxes à la consommation générales, appliquées à une multitude de produits et de services, et les taxes à la consommation spécifiques, appliquées à un nombre limité de produits et de services. Au fédéral, la TPS/TVH est une taxe à la consommation générale, tandis que les taxes d’accise, les droits d’accise et les droits de douane sont des taxes à la consommation spécifiques. La TPS/TVH est une taxe à valeur ajoutée qui est perçue à chaque étape du processus de production : les entreprises versent au gouvernement fédéral la différence entre la TPS/TVH qu’elles perçoivent de leurs clients et la TPS/TVH qu’elles paient sur les intrants achetés. La TPS/TVH, qui s’applique à la plupart des produits et services vendus au Canada, est payée en bout de ligne par le consommateur final. Certains produits et services – comme les denrées alimentaires de base, les médicaments sur ordonnance et les appareils médicaux – sont détaxés (les fournisseurs n’ont pas à percevoir la TPS/TVH et peuvent se faire rembourser la TPS/TVH payée sur les intrants achetés), tandis que d’autres – par exemple les soins de santé, les loyers résidentiels et les services financiers – sont exonérés (les fournisseurs n’ont pas à percevoir la TPS/TVH, mais ne peuvent pas se faire rembourser la TPS/TVH payée sur leurs intrants achetés). Les municipalités, les universités, les collèges et les écoles ainsi que les hôpitaux ont droit à un remboursement complet ou partiel de la TPS/TVH payée sur certains intrants achetés. Outre la TPS/TVH, des taxes et droits d’accise fédéraux s’appliquent à un nombre limité de biens fabriqués ou produits au Canada. Ces prélèvements sont effectués à différents taux et de différentes façons selon le bien. Une taxe d’accise est imposée sur les véhicules énergivores, les climatiseurs d’automobiles et certains produits dérivés du pétrole. Ces taxes sont payées au moment de la livraison à l’acheteur. Une taxe d’accise est appliquée sur la bière, les spiritueux, le vin et les produits du tabac fabriqués au Canada. Ces droits s’appliquent au point de fabrication. Le gouvernement fédéral impose également un droit de douane sur une multitude de produits et ce droit varie selon le produit et le pays d’où il vient. Les taxes à la consommation générales sont souvent considérées comme plus efficaces que les autres types d’imposition, parce que leur d’incidence sur la répartition des ressources dans l’économie est moindre. Les marchés concurrentiels ont tendance à répartir les ressources – comme les capitaux ou la main-d’œuvre – selon l’utilisation la meilleure ou la plus valorisée, et à mener ainsi à des produits et services qui coûtent moins cher aux consommateurs. Les taxes à la consommation générales qui sont appliquées à tous les produits et services n’influent pas sur les habitudes de consommation et donc sur la répartition des ressources entre les secteurs de l’économie. Toutefois, dans les faits, la TPS/TVH ne s’applique pas à tous les produits et services. Il faut donc mettre en balance la perte d’efficacité économique associée aux exemptions de TPS/TVH avec les avantages associés aux objectifs de politique publique visés. AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS La consommation est considérée comme un meilleur indicateur du bien-être d’un contribuable que son revenu, puisque c’est ce que le contribuable consomme et non ce qu’il gagne qui détermine son bien-être économique réel. Selon ce raisonnement, les gouvernements devraient appliquer des taxes sur les dépenses réelles des contribuables et non sur leur capacité de dépenser. Il convient de préciser que le taux de taxation qui s’applique à la consommation actuelle et à la consommation future est le même et qu’il n’influe donc pas sur la décision de consommer maintenant ou d’économiser pour consommer plus tard. En revanche, l’impôt sur le revenu rend la consommation immédiate plus intéressante que l’épargne, puisque les profits réalisés sur cette épargne, notamment les intérêts, sont imposés( 2 ). Le système fédéral d’impôt sur le revenu permet toutefois aux particuliers d’investir une partie de leur revenu dans des abris fiscaux comme les régimes enregistrés d’épargne retraite (REER). Recourir davantage aux taxes à la consommation plutôt qu’aux impôts sur le revenu peut encourager l’épargne en ce sens que le système d’impôt sur le revenu impose des limites à ce que les particuliers peuvent investir dans les abris fiscaux. L’épargne est à son tour vue comme un stimulant de l’investissement et donc de la productivité et de la croissance économique. Dans l’économie mondialisée d’aujourd’hui, les sociétés peuvent toutefois avoir accès à l’épargne étrangère pour financer leurs investissements, ce qui atténue le lien entre l’épargne d’un pays et ses taux d’investissement. Les taxes à la consommation générales qui sont appliquées à tous les produits et services influencent tout de même l’offre de main-d’œuvre. En augmentant le prix des produits et services, ces taxes peuvent avoir deux effets possibles. Premièrement, les particuliers doivent toucher un revenu plus élevé pour consommer la même quantité de produits et de services qu’avant l’imposition d’une taxe, ce qui amènerait certaines personnes à travailler davantage et à s’adonner moins à leurs loisirs. En revanche, une taxe à la consommation générale réduit les avantages associés au revenu gagné (une quantité donnée de travail ne permet pas de consommer autant en raison de la taxe) et certaines personnes pourraient en conséquence travailler moins et s’adonner davantage à leurs loisirs. L’incidence nette d’une taxe à la consommation générale sur la main-d’œuvre disponible dépend des préférences individuelles. On estime toutefois que ces taxes ont moins d’effets négatifs sur l’incitation au travail que l’impôt sur le revenu. Au Canada, l’impôt fédéral sur le revenu se caractérise par des taux d’imposition marginaux plus élevés – c’est-à-dire la quantité d’impôt payée sur les revenus additionnels – que la TPS/TVH. Il en est ainsi parce que les catégories supérieures d’impôt sur le revenu ont des taux d’imposition plus élevés, alors que la TPS/TVH s’applique à un taux fixe à tous les produits et services imposables. Les taux d’impôt sur le revenu sont aussi plus élevés en général que les taux de TPS/TVH. Un taux d’imposition marginal élevé est souvent vu comme un facteur de désincitation au travail. On dit toutefois des taxes à la consommation générales qu’elles sont régressives, puisqu’elles ont une incidence plus grande sur les personnes à faible revenu qui consomment d’habitude une part plus grande de leur revenu. Ce manque apparent d’équité est toutefois atténué quelque peu par le fait que la TPS/TVH n’est pas appliquée à des produits comme les denrées alimentaires de base; les Canadiens à faible revenu ont également droit à un crédit d’impôt de la TPS/TVH remboursable. Une taxe à la consommation générale pourrait également s’avérer discriminatoire à l’endroit des personnes dont les préférences de consommation vont à des produits et services taxables, alors que d’autres personnes dépensent une plus grande partie de leur revenu à des produits et services non taxables. On déplore souvent aussi que les taxes à la consommation générales à valeur ajoutée, comme la TPS/TVH, imposent des coûts d’observation aux entreprises, qui doivent percevoir la taxe sur chaque vente, tenir compte des taxes payées sur les intrants et verser périodiquement la différence aux gouvernements. Bien que l’on privilégie d’habitude les taxes à la consommation générales par opposition aux taxes à la consommation spécifiques, ces dernières peuvent être justifiées à deux égards. Premièrement, les taxes à la consommation spécifiques sont de bons générateurs de revenu quand elles sont appliquées aux produits, comme les cigarettes, dont la demande demeure relativement constante malgré l’augmentation de prix attribuable à l’imposition d’une telle taxe. De plus, les taxes à la consommation spécifiques peuvent être appliquées à des produits qui entraînent des coûts sociaux – des produits tels que l’essence qui imposent des coûts à des tierces parties, à cause de la pollution par exemple – qui ne sont pas reflétés dans le prix des produits. Une taxe égale en valeur au coût pour les tierces parties fait en sorte que les consommateurs assument les véritables coûts financiers associés à la consommation du produit. Il est toutefois difficile pour les gouvernements de déterminer le prix de ces coûts sociaux, si bien que le taux des taxes à la consommation spécifiques est souvent fixé de façon arbitraire. Ajoutons que des taxes spécifiques élevées ont souvent pour effet de multiplier les transactions de l’économie clandestine. LE CONTEXTE INTERNATIONAL Dans une petite économie ouverte comme le Canada, il est particulièrement important de tenir compte du contexte international dans l’analyse des avantages et des inconvénients des taxes à la consommation. La politique fiscale de son seul pays limitrophe et plus important partenaire commercial, les États-Unis, revêt un intérêt particulier pour le Canada. Par exemple, des taxes à la consommation beaucoup plus élevées au Canada pourraient encourager certaines personnes à consommer dans des pays où ces taxes sont moins élevées. Un plus grand recours aux taxes à la consommation pourrait toutefois être favorable aux exportateurs, puisque la plupart des produits et services sont exemptés des taxes à la consommation quand ils sont destinés aux marchés étrangers. Graphique 2 Taxes à la consommation générales perçues en pourcentage de toutes les recettes fiscales, tous les ordres de gouvernement, divers pays, diverses années 25 20 12,5 15 10 14,5 15,0 14,0 13,2 8.5 8,0 7,9 7,0 19,1 17,7 16,4 5 0 1975 1985 États-Unis Note : 1995 Canada 2004 OCDE Les taxes à la consommation générales désignent les taxes à la consommation, comme la TPS/TVH, qui sont appliquées à une vaste gamme de produits et services. Source : Organisation de coopération et de développement économiques, Statistiques des recettes publiques, 1965-2005. Au Canada, l’ensemble des gouvernements et des administrations publiques recourt moins aux taxes à la consommation que dans la plupart des pays de l’OCDE. Comme le montre le graphique 2, les taxes à la consommation générales comme la TPS/TVH représentaient 15 p. 100 de toutes les taxes perçues au Canada en 2004, alors qu’elles représentaient 19,1 p. 100 de toutes les taxes perçues en moyenne dans les pays de l’OCDE. Le graphique 3 indique pour sa part qu’en comparaison de la plupart des pays de l’OCDE, les gouvernements canadiens tirent relativement moins d’argent des taxes à la consommation spécifiques par rapport à l’ensemble des taxes perçues. On serait porté à en déduire que le Canada devrait accroître son recours aux taxes à la consommation, mais il est important de noter que les États-Unis perçoivent un pourcentage encore plus faible de leurs recettes fiscales sous forme de taxes à la consommation générales et spécifiques que le Canada. Graphique 3 Taxes à la consommation spécifiques perçues en pourcentage de toutes les recettes fiscales, tous les ordres de gouvernement, divers pays, diverses années 20 17,6 16,1 13,6 15 10,0 13,0 8,4 10 13,0 9,9 7,5 9,5 11,4 7,1 5 0 1975 1985 États-Unis Note : 1995 Canada 2004 OCDE Les taxes à la consommation spécifiques désignent les taxes à la consommation qui sont appliquées, comme les taxes d’accise, à un nombre limité de produits et de services. Source : Organisation de coopération et de développement économiques, Statistiques des recettes publiques, 1965-2005. Le Canada, les États-Unis et la plupart des pays de l’OCDE recourent de plus en plus aux taxes à la consommation générales plutôt qu’aux taxes à la consommation spécifiques. On note en effet un gain de popularité des premières, surtout des taxes à valeur ajoutée comme la TPS/TVH; les États-Unis sont le seul pays de l’OCDE à ne pas avoir de taxe à valeur ajoutée. Quant aux taxes à la consommation spécifiques, la part qu’elles occupent par rapport à l’ensemble des recettes fiscales a reculé depuis une dizaine d’années en raison de facteurs comme la libéralisation du commerce, qui a fait baisser les droits de douane. Les taxes d’accise sont néanmoins considérées par de nombreux pays de l’OCDE comme un outil important de politique fiscale, utilisé par exemple à des fins environnementales. (1) Organisation de coopération et de développement économiques, Consumption Tax Trends : VAT/GST and Excise Rates, Trends and Administration Issues, 2006, p. 7. (2) Les profits réalisés sur l’épargne peuvent être considérés comme le prix du marché de la consommation future par rapport à la consommation actuelle. En réduisant les profits nets sur l’épargne, l’impôt sur le revenu réduit l’avantage financier de reporter la consommation et rend donc la consommation immédiate plus intéressante.