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Nos enquêtes à Dakhla nous ont permis de changer l’échelle d’analyse. Nous
avons étudié les processus électoraux du point de vue des significations données par les
acteurs locaux, des enjeux locaux, des rapports qui s’établissent entre candidats et
électeurs, puis entre représentants et représentés4. Cette manière d’aborder le moment
électoral a été révélatrice, entre autres, des critères de la notabilité, des critères de la
représentativité, des différentes conceptions des rôles des représentants. En d’autres
termes, elle a été révélatrice des « logiques » locales qui contribuent à la définition des
rôles joués par les élites locales et de là, à une conception de la représentation légitime
qui résulte des rapports sociaux, des actions et des interactions, inscrites dans un
« contexte ». Cependant, il faut bien s’éloigner de conclusions simples. Le système de la
représentation, tel que nous le montrerons, est davantage composite, complexe, son
étude devient un défi pour l’analyste dans une société marquée par des clivages
multiples, et faisant l’objet de dynamiques mouvantes, à de multiples niveaux, qui
conditionnent ses systèmes relationnels horizontaux et verticaux, à un moment donné et
dans le temps. Dans cette multiplicité complexe, nous avons remarqué un mode
d’interaction autre que la redistribution par des réseaux de clientèle, et c’est cette piste
que nous avons ici privilégiée, parce qu’elle nous est apparue tributaire des relations que
les acteurs locaux établissent avec le centre, au moment de nos recherches5. En ce sens,
nous rejetons l’idée d’un centre « tout-puissant », à côté d’espaces périphériques
écrasés6. Nous avançons en revanche qu’il existe une complexité de rapports sociaux,
continu des relations nouées de longue date entre les personnes qu’il observe et interroge ». BENSA
Alban, « De la micro-histoire vers une anthropologie critique » in REVEL Jacques (dir.), Jeux d’échelles.
La micro-analyse à l’expérience, Gallimard-Le Seuil, Paris, 1996, p. 44.
3 Vu « d’en bas », les élections au Maroc ne se réduisent pas « à des stratégies monarchiques de
cooptation successive d’une catégorie sociale à une autre ». BENNANI-CHAÏRIBI Mounia,
« Introduction » in BENNANI-CHRAÏBI Mounia, CATUSSE Myriam et SANTUCCI Jean-Claude (dir.),
Scènes et coulisses de l’élection au Maroc. Les législatives 2002, IREMAM-Karthala, 2004, p. 32.
4 Au sens large, car nous nous intéressons également aux énoncés, en dehors des processus électoraux,
des acteurs locaux se disant, par leurs discours, représentatifs de Dakhla.
5 Nous tenons compte de la temporalité des faits observés dans la mesure où « les catégories
anthropologiques soi-disant stables (tribus, ethnie) sont en fait changeantes et doivent, de toute manière,
être affinées au plus près de la réalité vécue au sein de laquelle elles sont bien sûr compliquées par
d’autres variables (politiques, économiques, psychologiques, individuelles, etc.) non moins prégnantes »
(Ahmed Salem, p. 205), et dans la mesure où les stratégies menées par l’Etat dans tous les domaines
locaux varient, par exemple, en fonction des conjonctures internationales autour de la résolution du
conflit. En ce sens, nous allons mettre l’accent moins sur « un trait structurel dominant et constant de
l’organisation politique ou de la « culture » locales » (Ahmed Salem, p.209), que sur des interactions
individuelles et contextualisées. AHMED SALEM Zekeria, « Sur la formation des élites politiques et la
mobilité sociale en Mauritanie » in BONTE Pierre et CLAUDOT-HAWAD Hélène, Elites du monde
nomade touareg et maure, Les Cahiers de l’IREMAM, nº 13/14, Aix-en-Provence, 2000.
6 Cette hypothèse nous renvoie à celle défendue par A. Signoles à propos de la Palestine et à celle
défendue par A. Abouhani dans le contexte marocain. SIGNOLES Aude, Municipalités et pouvoir local