Éthique et herméneutique

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La philosophie du soin
Bonjour à toutes et tous
je vous propose quelques fiches de lecture de chapitres publiés dans livre
philosophie du soin, ouvrage est issu du colloque la philosophie du soin qui a eu lieu
en Juin 2009 au centre G Ganguilhem.
Dans cet ouvrage les différents auteurs proposent un certain nombre de réflexions
qui abordent et débordent la philosophie du soin au travers des notions de care,
d’empathie, d’éthique du soin, de narration, d’herméneutique ainsi que les enjeux
psychiques de la relation de soin et la disposition aux soins dans la médecine
contemporaine…..
Ces notions devraient vous aider à mieux comprendre les options pédagogiques
choisies dans le DES de médecine générale de UPEC en particulier l’approche
centrée patient, la vision globale ou holistique ainsi que l’utilisation des récits de
situations complexes et des groupes d’échange qui accompagnent les trois années
du DES.
Je vous adresse donc la première fiche à la page suivante.
Afin de ne pas encombrer inutilement vos boites mail, je demande à celles et ceux
qui sont intéressés de recevoir les autres fiches de le faire savoir par retour de
courriel.
Bonne lecture et bonne année 2015
Claude Attali
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Fiche 1. Ethique et herméneutique du soin. Ethique de la responsabilité clinique, de l’attention et de
la réponse à la demande d’aide de la personne malade.
Lazare Benaroyo
Dans cette première fiche, nous tenterons de répondre aux questions suivantes :
-
Quelle finalité pour l’action clinique et particulièrement sur le statut du soin dans l’ « agir
médical » ?
Comment s’y prendre pour mettre en place une attention sensible.
1/ le statut de malade et la normativité de la souffrance.
Dans la mesure où chaque malade présente un profil particulier, il ne saurait être question de lui
appliquer des décisions normées de façon arbitraire et générale.
Le soignant doit donc opérer des choix qui orienteront ses actions dans une optique de soulagement
de la souffrance et du rétablissement du malade. Ces choix doivent donc tenir compte du profil du
patient.
Le malade n’est pas une simple identité nosologique. Le soignant se doit donc d’explorer les
multiples contingences qui caractérisent la situation d’où la notion de diagnostic de situation.
La maladie n’est pas vécue par le malade comme un simple incident de parcours technique ou un
accident dépourvu de sens. Se sentir malade n’est pas se sentir anormal au sens de l’écart avec la
norme (G Canguilhem : le normal et le pathologique). C’est au contraire être confronté à
l’élaboration une nouvelle norme individuelle.
Si être sain c’est non seulement être normal dans une situation donnée mais aussi être normatif (se
comporter comme la plupart) dans d’autres situations. La maladie est alors dans ce contexte une
réduction de la capacité à être normatif en toutes circonstances.
L’état de santé que le patient cherche à retrouver est un état dans lequel il aurait la possibilité
d’aborder l’existence en se sentant porteur et créateur de nouvelles valeurs et instaurateur de
nouvelles normes vitales et pas uniquement à partir des valeurs antérieures à l’apparition de la
maladie
Les caractéristiques relatives au mode d’existence de l’être humain confronté à la malade et à la
souffrance et que le médecin doit explorer sont :
-
le sentiment de vie contrariée
La perte du cadre des références habituelles
La perte du contrôle de soi
L’isolement profond (sentiment de profonde solitude)
La dépendance à l’égard des autres
La crainte de mort possible
L’altération de la conscience intime du temps qui inscrit la souffrance dans l’histoire du
patient
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La souffrance situe ainsi l’individu dans une sorte d’interminable présent ancré dans un passé qui
ne s’ouvre pas sur des horizons futurs ++++++.
Puisque chaque malade est particulier, il importe de l’appréhender dans sa normativité propre.
La visée (vision) éthique du soin peut être alors conçue comme un souci de trouver la voie qui aide
une personne malade à accéder à un nouvel état d’équilibre où elle devrait pouvoir retrouver toutes
ses potentialités.
L’activité clinique pourrait alors être comprise comme une activité de « Re-Possibilisation » et pas
seulement une activité visant à un retour à une quelconque norme physiologique antérieure.
2/ L’action clinique et la démarche herméneutique comprise comme l’interprétation des discours et
des plaintes des malades) .
L’anamnèse « centrée patient » est déterminante pour cette interprétation
-
Quel est le style de vie du patient ?
A quoi l’existence du patient s’est-elle destinée jusqu’alors ?
quels sont les conflits/tensions dans son existence ?
comment le patient engage-t-il son corps et son esprit dans cet affrontement (situation) ?
comment aménage-t-il son temps et son espace vital dans cette confrontation (situation) ?
de quelle manière met-il son existence en jeu au travers de la maladie ?
quelles modifications du réseau social sont survenues à cette occasion ?
Cette exploration nous ouvre la voie d’une meilleure compréhension des relations qui existent
entre la vulnérabilité du malade et l’attention de la narration que fait le malade lors de
l’élaboration d’un projet de soin qui réponde au plus près à sa souffrance.
L’écoute « centrée patient », est une écoute attentive et sensible de la narration du malade ( voir
la fiche sur le care) c’est-à-dire de la manière dont il se constitue comme sujet de sa propre histoire
accompagnée d’une écoute du langage du corps. Ces éléments sont déterminants et permettent
de percevoir comment l’identité du patient est affectée par la maladie.
Cette dernière est souvent racontée comme une expérience au cours de laquelle le malade est
délogé de l’image qu’il a de lui-même avec un sentiment de vulnérabilité, de perte de sens et de
perte de l’estime de soi.
La démarche narrative ne consiste pas seulement à inscrire la maladie dans l’histoire du malade
mais à explorer en quoi le projet de soin implique la transformation de la temporalité que le
patient aura à vivre dans l’avenir
Les trois registres langagiers de l’ « agir médical »
1/ Les moments langagiers de la relation clinique ou de la décision médicale centrée patient :
Les deux faces du phénomène morbide : le versant existentiel et le versant physiopathologique
déterminent deux niveaux anthropologiques de la relation médecin-malade.
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-
A/ Le niveau de la relation interpersonnelle
B/ Le niveau scientifique et technique
Ces niveaux s’interpénètrent pour définir trois moments langagiers et trois niveaux éthiques :
-
-
le stade sympathique (voir fiche care et éthique du soin et note de bas de page) au cours de
laquelle le soignant perçoit une détresse humaine : moment de l’attention à l’altérité, de
l’écoute du dialogue et de la promesse d’aide (éthique de l’aide)1.
le stade de l’agir scientifique : diagnostic, pronostic etc…aide impersonnelle quasi aliénante,
contraignante du fait des connaissances scientifiques à mobiliser,
le stade de l’acte thérapeutique personnalisé (éthique visant le rétablissement du pouvoir
du malade)
2/ Les aspects langagiers de la sagesse pratique : le cabinet médical est un lieu où certains tabous
peuvent être levés et la bienveillance est normalement attendue entrainant à priori une confiance
réciproque permettant d’utiliser un langage « libéré de contrainte habituelle »
Dans le cadre d’un pacte de soin basé sur la confiance moment déontologique qui contient les
préceptes de la bonne conduite de l’intervention médicale : le contrat implicite de la relation
médecin malade :
-
exigence du consentement éclairé.
exigence d’équité.
exigence de respect
élaboration d’une décision médicale circonstanciée et individualisée.
3/ Les aspects langagiers de la responsabilité clinique
-
Dans la mesure où elles intègrent une éthique de l’attention et de la réponse à la demande
d’aide du malade, les diverses postures langagières constituent le terreau fertile d’une
conception de la responsabilité éthique du professionnel qui se déploie au sein même de son
activité clinique
-
la souffrance et la vulnérabilité du malade investi le médecin d’une responsabilité inaliénable
dont il n’a pas l’initiative.
c’est le visage et la parole qui lui font prendre conscience que la première règle éthique « tu
ne tueras point » signifie ici « tu feras tout pour que je vive ».
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Il apparait donc que face à une personne atteint dans sa santé, le médecin a pour devoir de
mettre tout en œuvre mobilisant les ressources techniques et intersubjectives pour répondre à la
souffrance sur un fond commun d’humanité, source de confiance et de dialogue qui donne un
sens au pacte de soin (voir la fiche éthique du soin).
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La compassion (cum-passio) est l’équivalent latin du grec sympathie (sun-pathos)que l’on peut traduire par:
sentir / être affecté/ souffrir avec. Compatir, c’est souffrir de la souffrance d’autrui, en tant que d’autrui. Dans
aucun cas, il n’est question d’une fusion affective ou d’une identification quelconque avec autrui, d’une fusion
affective ou d’une identification de ma souffrance avec la sienne» Max Scheler
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