MAGNETOCHIMIE

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MAGNETOCHIMIE
Cours (25 h)
Professeur R.Welter
Laboratoire DECMET, Institut LeBel, 9ème étage
03. 90.24 15 93
[email protected]
Sommaire
- Notions élémentaires d’électromagnétisme
- Définitions des grandeurs utilisées dans l’étude des
propriétés magnétiques des matériaux.
- Revue des propriétés magnétiques (dia, para, ferro et
antiferromagnétisme)
- Mesures magnétiques
- Structure magnétique. Apport de la diffraction des
neutrons
- Interactions magnétiques dans les solides
- Exemples
I. Généralités sur les phénomènes magnétiques
dans l’état solide.
- a ) Introduction
L’une des conséquences de la proximité des atomes dans un
solide est que leur interaction peut-être coopérative et
produire des effets qui ne sont pas observés dans les liquides.
Un exemple bien connu est le ferromagnétisme. Dans un
morceau de fer aimanté, les moments magnétiques des
atomes de fer s’alignent et produisent un fort effet
magnétique. D’autres effets magnétiques coopératifs
entraînent la compensation totale (antiferromagnétisme) ou
partielle (ferromagnétisme) des moments magnétiques des
différents atomes. Les ferro- et les ferri-aimants ont beaucoup
d’applications commerciales, depuis les aiguilles de boussole
et les aimants pour les montres jusqu’aux bandes audio et
vidéo et les systèmes de mémoire d’ordinateur.
L’intérêt porté aux phénomènes magnétiques n’a cessé
de grandir depuis les travaux de P.Curie à la fin du 19ème
siècle. Tout au cours du 20ème siècle, de nombreuses
applications pratiques sont apparues, des aimants aux ferrites,
en passant par une gamme de matériaux utilisés pour le
stockage magnétique.
A coté de ces applications pratiques, les matériaux
nouveaux à propriétés magnétiques inédites ont servi de
support à des physiciens tels que Weiss, Néel pour créer de
nouvelles théories et les développer.
On sait bien (en général) que, du point de vue
magnétique, on peut classer les corps en trois groupes :
- les diamagnétiques
- les paramagnétiques
- les ferromagnétiques
Le but de ce cours est de préciser l’intérêt que doivent
porter les chimistes du solide à l’étude des phénomènes
magnétiques dans l’état solide et comprendre ainsi ce qui se
cache derrière cette première classification sommaire.
On s’attardera que peu de temps sur l’aspect théorique
ou mathématique des problèmes, l’objectif étant que vous
repartiez avec une vision globale et pratique des phénomènes
magnétiques.
NB. : pas de matériaux amagnétique.
- b ) Symétrie des champs magnétiques
Champs magnétiques dans le vide.
Au voisinage de certains corps tel que l’oxyde de fer naturel
appelé magnétite ( FeO ), ou au voisinage de conducteurs
parcourus par un courant électrique, l’espace n’est plus
isotrope : il est le siège d’un champs magnétique,
(visualisation au moyen de limaille de fer dont les grains se
groupent sur des lignes particulières).
1er problème : définir les grandeurs qui caractérisent un tel
champs.
Pour cela il nous faut revenir sur les fondements du
magnétisme.
La première loi fondamentale du magnétisme est la nonexistence de masse magnétique libre : l’expérience de
l’aimant brisé en est une conséquence.
Cette loi suffirait à infirmer la nature coulombienne du
champ magnétique, car un champ coulombien dénué de
sources ne peut être qu’identiquement nul.
A.Herpin nous dit que la nature réelle du champ magnétique
découle de ses propriétés de symétrie.
Une expérience le montre : la polarisation rotatoire
magnétique.
Lorsqu’un faisceau de lumière polarisée traverse une lame de
matière aimantée (direction // à M), le plan de polarisation de
la lumière tourne d’α, comme si elle traversait une lame d’un
milieu actif tel le quartz.
Mais contrairement au cas des milieux actifs, le sens de
rotation du plan de polarisation est indépendant du sens de
propagation de la lumière, de sorte que, si le faisceau
lumineux traverse une seconde fois la lame aimantée, après
réflexion sur un miroir M, son plan de polarisation tourne, au
total de l’angle 2α.
La seule symétrie possible est donc la symétrie axiale, qui est
celle d’un cylindre tournant, (symétrie du milieu ≡ symétrie
de la spire parcourue par un courant qui aurait produit M).
C’est la symétrie d’un plan sur lequel on a choisi un sens de
rotation.
Loi de Biot et Savart.
Lorsqu’un courant circule dans un conducteur, l’espace vide
environnant acquiert des propriétés particulières : il est le
siège d’un champ magnétique. Le caractère axial de ce
vecteur découle d’ailleurs immédiatement de la loi qui le
détermine.
Si on considère un élément de courant Ids centré en P, le
champ crée au point M = P + r est donné par :
dh = Ids ∧
r
r3
= -Ids ∧ ∇ 1
r
Rappel :
∇ = u1
∂
∂x1
+ u2
∂
∂x1
+ u3
∂
∂x1
u1, u2 et u3 sont les vecteurs unitaires des trois axes
La forme de la loi de Biot et Savart n’est pas conforme à ce
que nous savons de la nature électronique de la matière.
L’élément de courant Ids doit être remplacé par ρvdv où ρ est
la densité électronique, v la vitesse et dV un tube de courant
de longueur ds, de section dS telle que :
I = ρvdS (Ids = ρvdv)
La loi de Biot et Savart devient alors :
dh = ρv ∧
r
r3
dV
L’orientation relative de dh, Ids et r est donnée par la règle du
bonhomme d’Ampère.
Soit une spire circulaire de rayon R parcourue par I ;
l’intensité du champ au centre de la spine est 2πI/R
Si on donne un sens au courant, l’orientation du champ est
par là même définie.
Deux propriétés :
- invariance par rapport à l’inversion par rapport
à un centre
- par inversion du temps,
h (t) = -h(-t)
Formule de Lorentz. Loi de Laplace.
Le champ magnétique, tel qu’on le déduit de la loi de Biot et
Savart, n’est qu’une entité sans réalité physique. Pour lui en
donner une, il faut énoncer la loi d’interaction entre la
matière et le champ.
A l’échelle microscopique : (formule de Lorentz)
f = ev ∧ h
Si on considère un élément de volume dV, contenant des
charges animées d’une vitesse v dont la densité est ρ.
df = ρv ∧ hdV
On en déduit la loi macroscopique : (loi de Laplace)
df = Ids ∧ h
En utilisant les deux lois de Biot et Savart et de Laplace, on
trouve la force exercée par le circuit sur le circuit
F = ∫∫ I I’ ds’∧ (ds ∧ ∇
C
1
r
)
formule généralement connue sous le nom de formule
d’Ampère.
Champ d’un courant particulaire.
Il faut à présent déterminer le champ produit par le
constituant magnétique ultime de la matière, l’électron. c’est
le courant particulaire introduit par Ampère dès ses 1ère
recherche sur l’électromagnétisme. On considère une courbe
fermée C parcourue par un courant I.
On détermine le champ magnétique à une distance R du
centre géométrique de la courbe C.
C
r
θ
R
h(M)
M
h = ∇ ∧ a où a est appelé potentiel vecteur
a = I ∫ ds
R−r
C
par définition µ est le moment magnétique du courant
particulaire ; son expression est :
µ = I/2 ∫ r ∧ ds
C
ou encore
µ = I ∫ ds
S
Finalement il vient :
h=
3R( µ .R)
R5
-
µ
R3
De cette expression, on déduit la loi de Gauss :
A une même distance d’un petit aimant, le champ est
deux fois plus intense dans l’axe de l’aimant que dans une
direction perpendiculaire. Il est dans les deux cas parallèle au
moment µ de l’aimant.
m
NB. : l’énergie d’un courant particulaire placé dans un
champ h0 est
W = -µ.h0
- c ) Champ et induction magnétiques dans les milieux
aimantés.
Induction et aimantation
La matière est formée de noyaux et d’électrons. Ce sont les
mouvements de ceux-ci qui sont à l’origine des propriétés
magnétiques des corps, (en ce qui concerne les noyaux, leur
masse étant beaucoup plus grande, leur contribution est
généralement négligeable. Pour la mettre en évidence il est
nécessaire d’utiliser des méthodes de résonance).
Les électrons sont attachés à des orbites entourant les noyaux.
Ils sont à l’origine de :
- Courants particulaires
- Moments magnétiques µ
µ = I/2 ∫ r ∧ ds
C
A ces moments magnétiques d’origine orbitale doivent
s’ajouter les moments magnétiques propres des électrons que
la théorie classique ne pouvait prévoir.
Le comportement magnétique de la matière peut-être décrit
par le champ microscopique. Il est défini en tout point mais
varie follement, à la fois en fonction du temps et de la
position. Il faut prendre une valeur moyenne de ce champ, à
la fois dans le temps et dans l’espace. Le vecteur ainsi obtenu
est l’induction magnétique :
B (r) =
1
TV
∫∫∫V∫ h(r,t)dVdt
V est l’élément de volume entourant le point r.
Cet élément doit être petit à l’échelle macroscopique, mais
assez grand pour contenir un très grand nombre d’atomes ; de
même T doit être assez petit pour que les grandeurs
macroscopiques varient extrêmement peu dans cet intervalle
de temps, mais très grand devant les périodes des
mouvements atomiques. Nous nous limiterons d’ailleurs par
la suite au cas de la magnétostatique, de sorte que les valeurs
moyennes soient indépendantes du temps.
Nous allons considérer que la matières contient des moments
magnétiques atomiques, moments orbitaux ou moments
magnétiques propres, et nous définirons l’aimantation M
comme étant la valeur moyenne de la résultante de tous les
moments magnétiques contenus dans un volume unité
1
M = V ∑ µi
i
de sorte que le moment magnétique moyen de l’élément de
volume dV est
dm = MdV =
∑µ
i
i
Champ magnétique dans un milieu matériel
L’induction magnétique est la somme de 4 fois l’aimantation
et d’un vecteur appelé champ magnétique H.
Ce dernier satisfait à l’équation :
∇ ∧ H = 4 πi
qui traduit le théorème d’Ampère (ça se démontre)
On retiendra que par définition du champ H :
B = H + 4πM
Energie magnétique
Pour créer un champ magnétique, il faut dépenser une
certaine énergie qui se trouve emmagasinée dans tout
l’espace entourant les circuits créant le champ. Nous allons
établir la formule donnant cette énergie par un raisonnement
simple et assez général.
δB
H
dS
C
τ
Considérons un circuit conducteur C fermé et immobile, dont
la résistance est R. Il est alimenté par une machine créant une
force électromotrice ε0. En régime permanent, l’intensité du
courant est I = ε0/R, et l’énergie ε0Idt fournie par la machine
dans un temps dt est transformée en chaleur. Lorsqu’on ferme
le circuit C, il existe un régime transitoire pendant lequel le
courant I varie avec le temps, de même que le flux
d’induction ΦB à travers le circuit.
Il en résulte une force électromotrice d’induction :
εi = -
dΦ B
dt
L’énergie fournie par la machine dans un intervalle de temps
δt est alors
ε0 I δt = RI2 δt + I
dΦ B
dt
δt
Le premier terme du second membre représente l’énergie
dissipée par effet Joule, le second l’énergie qu’il faut fournir
pour créer le champ magnétique qui entoure le circuit. Il
s’écrit :
δWm = I
dΦ B
dt
δt = I δΦB
δΦB est le flux à travers C de la variation d’induction δ B
dans le temps δ t. B ayant une divergence nulle, il en est de
même de δB. On peut donc considérer un tube de force de δB
de section droite dS qui traverse une surface Σ s’appuyant
sur C. Sa contribution à W est :
dδWm = IbdS
Par construction δBdS est invariant le long du tube de force.
Remplaçons maintenant I par son expression intégrale :
I=
1
4π
∫ H.ds
L’intégrale doit être prise sur une courbe quelconque
traversant une fois le circuit C. Nous choisirons une ligne de
force T de δB, ce qui nous permet d’écrire :
dδWm =
1
4π
∫ H. ds δBdS
ce que nous pouvons écrire, en remarquant que ds est
parallèle à B :
dδWm =
1
4π
∫ H.δB dsdS
ds dS est un élément de volume arbitraire dV. On en déduit
que la variation d’énergie magnétique peut se mettre sous la
forme :
δFm = ∫ δfm (r) dV
L’intégrale doit étendue à tout l’espace. δfm(r) est la variation
de la densité de l’énergie magnétique dont l’expression est :
δfm =
1
4π
H.δB
Si la matière entourant le circuit C est paramagnétique,
l’induction est proportionnelle au champ en tout point et il
existe une densité d’énergie magnétique bien définie en tout
point :
fm(r) =
1
4π
B
∫ H.δB =
0
µ
8π
H2 =
1
8π
BH
En particulier, dans le vide cette densité d’énergie s’écrit :
fm(r) =
1
8π
H2
Lorsqu’il y a, au contraire, des matériaux magnétiques
présentant de l’hystérésis, l’énergie magnétique n’est pas
bien définie, la fonction
fm(r) =
1
4π
B
∫ H.δB
0
dépendant alors de l’histoire antérieure du corps aimanté.
-d) Susceptibilité. Perméabilité.
Du point de vue de la magnétostatique, un corps est défini par
la donnée de l’induction qui y règne et de l’aimantation. En
fait, ces deux grandeurs sont liées, et c’est la tâche de la
théorie du magnétisme que de prévoir cette relation. Il est
d’ailleurs généralement plus intéressant, pour des raisons que
nous verrons plus tard, de considérer la relation qui existe
entre le champ magnétique H et l’aimantation M :
M = f(H) ;
c’est, dans le cas le plus général, une relation compliquée
n’ayant pas de caractère tensoriel. Elle dépend également
souvent de l’histoire de l’échantillon.
Cependant, dans un très grand nombre de cas, l’aimantation
est une fonction linéaire homogène du champ et on appelle
tenseur de susceptibilité le tenseur qui relie l’aimantation au
champ :
M = [χ] H
L’aimantation étant, rappelons-le, le moment magnétique par
cm3 de matière, le tenseur de susceptibilité est également
rapporté à un cm3 de matière.
Cette définition a l’inconvénient de rapporter la
susceptibilité, comme l’aimantation, à un nombre d’atomes
qui dépend de la température, par suite de la dilatation
thermique. Il est donc souvent plus commode d’introduire
l’aimantation spécifique :
σ = M/ρ
où ρ est la densité du corps. Cette quantité est généralement
liée de plus près à la grandeur déterminée expérimentalement,
qui est le moment magnétique d’une certaine masse de
matière. Bien souvent, surtout en vue de la comparaison
théorique, il est usuel de rapporter l’aimantation à un
groupement moléculaire simple, l’unité naturelle est alors le
magnéton de Bohr, égal à
0,9.10-20 uem cgs. On appelle
tenseur de polarisabilité magnétique d’un atome le tenseur
[α] qui relie le moment magnétique atomique µA au champ :
µA = [αΑ] H
Lorsque l’aimantation est liée au champ par la relation
linéaire M = [χ] H, l’induction B lui est également liée de la
même manière par l’intermédiaire du tenseur de perméabilité
[µ] :
B = [µ] H
par définition :
[µ] = 1 + 4π[χ]
Dans les substances amorphes ou isotropes par compensation,
comme les polycristaux ou les poudres, l’aimantation définie
à l’échelle macroscopique est parallèle au champ. On peut
alors poser :
M=χH,
χ est un nombre appelé susceptibilité magnétique. C’est une
constante lorsque M varie linéairement avec le champ
(diamagnétiques ou paramagnétiques). Dans le cas général χ
est une fonction de H.
On peut alors définir la perméabilité comme le nombre :
µ = 1 + 4πχ
qui est le rapport entre l’induction et le champ. Considérons
le cas où M ne varie pas linéairement avec le champ. χ est
alors la pente de la droite OA. La susceptibilité initiale χi est
la limite de χ (H) lorsque H tend vers zéro.
Définition de la susceptibilité
et de la susceptibilité initiale
On définit également la susceptibilité différencielle χd (H).
Pour cela, on place la substance dans un champ H et, autour
de cette valeur, on fait effectuer au champ un grand nombre
d’oscillations d’amplitude Δ H ; il en résulte, lorsque le
phénomène est stabilisé, des oscillations de l’aimantation
d’amplitude ΔM. la susceptibilité différencielle est le rapport
ΔM
χd(H) = ΔH
Cette susceptibilité différencielle ne coïncide avec la pente de
la tangente à la courbe M (H) que s’il n’y a pas d’hystérésis.
A propos des unités
Dans le domaine de l’étude des propriétés magnétiques de la
matière, le système international SI n’est pas bien adapté et
complique la présentation des résultats (valeurs très petites).
Mais comme certains auteurs utilisent encore ce système, il
est nécessaire de connaître les opérations de conversion des
unités SI en unité CGS.
Dans un référentiel orthonormé,
B = µ0 H
la valeur de µ0 ne dépendant que des unités choisies.
µ 0 = 4π10-7 H.m-1, B est
Dans le système SI,
exprimé en Tesla et H en A.m-1
Dans le système CGS,
µ0 = 1 ,
B est alors exprimé en
Gauss et H en Oersted.
1 kOe = 80 kA.m-1
1 kG = 0.1 tesla
1 uemg-1 = 1 J.T-1.K-1
Dans le système CGS, χ est exprimé en erg.Oe-2.mole1
Il est enfin utile de savoir que :
1 µB.mol-1 = 5585 uem.mol-1
La relation générale entre le champ et l’induction magnétique
est :
Bij =
µ0
g
∑
g
ik g jl H
kl
k ,l
dans un référentiel caractérisé par un tenseur métrique gik
Il n’y a pas de différence d’ordre physique entre champ et
induction dans le vide. La différenciation apparaît lorsqu’on
veut formuler d’une façon mathématiquement correcte les
lois de la magnétostatique. A partir du moment où l’on a bien
saisi la différence entre champ et induction, la formule
générale permet dans tous les cas de passer facilement de l’un
à l’autre.
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