3.1.4 - Érosion et isostasie A l'échelle continentale, l'érosion par les eaux de ruissellement, la glace et le vent tend à aplanir les reliefs vers un profil de base qui est le niveau des mers. Selon le principe d'isostasie (rappelons que la lithosphère "flotte" sur l'asthénosphère), l'ablation d'une tranche de matériaux à la surface d'un continent entraîne un rééquilibrage des masses; il y a remontée de l'ensemble de la lithosphère continentale. De cette manière, la croûte continentale s'amincit progressivement; on tend vers la pénéplaine et vers une épaisseur de croûte continentale qui soit compatible avec l'épaisseur de la croûte océanique, en conformité avec les densités respectives des deux croûtes. En contrepartie, la surcharge due à l'addition de sédiments sur la lithosphère océanique crée un enfoncement qu'on appelle de la subsidence. "How many years can a mountain exist Before it's washed to the sea?" (Bob Dylan). Poser cette question, c'est s'interroger sur la perrenité de choses qui semblent faites pour durer toujours. Mais, on le sait, les montagnes s'érodent. Combien faut-il de temps (géologique) pour effacer un relief montagneux? L'étude comparative des volumes de sédiments dans les bassins océaniques issus de l'érosion de diverses chaînes de montagnes anciennes et des volumes restants des chaînes a permis d'en arriver à une certaine approximation exprimée par cette courbe. Il y a deux paramètres antagonistes à considérer: l'érosion qui abaisse la chaîne et le rééquilibrage isostatique qui la soulève. On considère que l'érection de la chaîne ne dure que quelques millions d'années à peine, soit de 2 à 5 Ma. Dans la dernière phase de l'érection de la chaîne, on peut dire que le taux d'érosion est égal au taux de soulèvement. On estime qu'à la fin de cette phase, pour une surrection absolue de 6000 m, il y a eu l'équivalent de 1000 m d'érosion; la surface de la chaîne se trouve donc à 5000 m d'altitude. L'érosion sera plus efficace sur des reliefs jeunes et accentués que sur des reliefs plus vieux aplanis. Il s'ensuit que le taux d'abaissement sera plus élevé au départ et qu'il décroîtra progresssivement avec le temps. Le rééquilibrage isostatique par rapport à l'érosion se fait dans une proportion de 4:5 (c'est-à-dire que pour 5 m d'érosion, il y a une remontée de 4 m). Le taux initial d'érosion de la chaîne est évalué à 1 mètre par 1000 ans (= 1000 m/Ma), ce qui donne un taux net d'abaissement de la chaîne de 200 m/Ma (soit une érosion de 1000 m et une remontée de 800 m pour respecter le rapport de 4:5). Mais le rythme de l'érosion diminue avec l'aplanissement progressif des reliefs. La courbe montre qu'après 15 Ma, la surface est abaissée à la moitié de sa hauteur initiale et que le taux net d'abaissement de la surface y est de 100 m/Ma. Après 30 Ma, la surface est abaissée au quart de sa hauteur initiale, avec un taux d'abaissement net de 50 m/Ma. En 60 Ma, la chaîne de montagnes est réduite à un nouveau segment de bouclier qui progressivement tend vers le profil de base (niveau zéro) qui serait atteint théoriquement après 90 Ma. Dans la nature, il n'est pas évident que la chaîne va se rendre à son stade de pénéplaine. Les reliefs peuvent être rajeunis, par exemple à la faveur de soulèvements reliés à la dynamique de la tectonique des plaques, ou être inhibés et même recouverts de sédiments par un enfoncement (subsidence) sous le niveau de base, par exemple, sous le poids des glaces. Même s'il s'agit ici d'une généralisation, il n'en demeure pas moins que ce genre d'études offre des ordres de grandeur. 3.1.1 - Les eaux de ruissellement Le schéma qui suit présente de façon simple le bilan hydrique de la surface terrestre. On y voit que moins de 7% de l'eau du cycle total est disponible pour modeler les continents par ruissellement, mais il s'agit d'un agent très efficace. C'est bien connu, les eaux de ruissellement creusent les vallées. La profondeur, la largeur et les formes de ces dernières se modifient avec le temps. Les schémas qui suivent illustrent ces modifications. Le stade de jeunesse d'une vallée fluviale se caractérise par du creusement qui conduit à la formation d'une vallée étroite en forme de V; les reliefs sont accentués le long du cours d'eau et on retrouve chutes, cascades et rapides. A l'étape de la maturité, le cours d'eau aplanit ses reliefs et diminue son gradient de pente; il commence alors à éroder latéralement, élargissant la vallée et créant, par ses dépôts, une plaine d'inondation. Cette dernière se construit par l'apport constant de sédiments issus de l'érosion en amont et par l'épandage dans la vallée de ces sédiments durant les périodes de débordement dues aux crues. Le stade de vieillesse de la vallée est atteint lorsque celle-ci est beaucoup plus large que les plus larges méandres du cours d'eau. A noter que les tributaires du cours d'eau principal contribuent eux aussi à aplanir les reliefs adjacents. Le schéma qui suit illustre comment agissent les processus d'érosion et de dépôt dans un cours d'eau méandrique. Dans un méandre (profils du haut et du bas), l'érosion se fait sur la rive concave, à pente raide, là où la vitesse du courant est la plus grande, alors que le dépôt se fait sur l'autre rive, convexe, là où la vitesse du courant est plus faible, formant une terrasse alluviale (ou barre de méandre). Le couple érosion-dépôt entraîne une migration latérale du méandre, causant un élargissement de la vallée au stade de maturité et une remobilisation des sédiments au stade de vieillesse de la vallée. Un abaissement du niveau des mers entraîne, pour les continents, un changement du profil d'équilibre des cours d'eau. Voici, par exemple, comment évoluera les relief d'une région dont le niveau de base aura été abaissé. Prenons une région qui a atteint son niveau d'équilibre (le niveau marin par exemple); il s'agit de ce qu'on appelle une pénéplaine. Si le niveau de base est abaissé (flèche), le cycle de l'érosion est remis à zéro et la région, plane au départ, accusera des reliefs de plus en plus accentués à mesure que les cours d'eau creuseront pour atteindre leur profil d'équilibre par rapport au nouveau niveau de base. Lorsque ces derniers auront atteint leur profil d'équilibre, la région s'aplanira progressivement pour devenir une nouvelle pénéplaine. 3.1.2 - Le rabotage par les glaces Si les eaux de ruissellement constituent un agent d'érosion très important, l'eau sous sa forme solide, la glace, est aussi très efficace pour modeler les surfaces continentales. Lorsque les températures moyennes d'une région se situent sous 0°C, les précipitations se font le plus souvent sous forme de neige et, surtout, les fontes ne sont pas suffisantes pour empêcher qu'il n'y ait accumulation de neige et de glace. On reconnaît deux grandes zones d'accumulation des glaces : les régions polaires et les régions en hautes altitudes. On aura conséquemment deux grands groupes de glaciers : les calottes polaires, et les glaciers alpins (ou de montagnes), en hautes altitudes. Les calottes polaires On estime que les glaces couvrent aujourd'hui à peu près 10% des masses continentales. La calotte polaire de l'Antarctique est la plus grande et la plus épaisse. Elle couvre pratiquement tout le continent antarctique. A son centre, la glace atteint une épaisseur de 4 000 m. C'est une énorme quantité de glace. Les forages faits à travers ces glaces par les soviétiques en 1988 ont montré que les derniers 2 000 m avaient mis 150 000 ans à s'accumuler, soit un taux annuel moyen d'accumulation de glace de 1,3 cm. L'autre calotte polaire, celle du Groenland, est un peu plus mince, 3 000 m au centre. Des forages complétés en 1992 par un consortium de 8 pays européens ont montré qu'il a fallu 250 000 ans pour accumuler ces 3 000 m, soit un taux moyen semblable à celui de l'Antarctique de 1,2 cm/an. Cette masse de glace crée une surcharge énorme sur la croûte continentale. Compte tenu de la densité de la glace qui est de l'ordre de 2,7 fois moindre que celle des roches de la croûte terrestre continentale, on peut simplifier en disant qu'ajouter 2 700 m de glace, c'est comme ajouter une épaisseur de 1 000 m de roches à la croûte continentale. Comme la lithosphère continentale "flotte" sur l'asthénosphère, cette surcharge, qui se fait dans un laps de temps géologique très court, a pour effet d'enfoncer le continent. Les glaciers alpins On réfère à la glaciation qui se confine aux hautes montagnes comme à la glaciation alpine, différente de la calotte polaire; alpine, parce que c'est dans les Alpes que ce type de glaciation a d'abord été décrit. En hautes montagnes, on aura deux types de glaciers: la calotte alpine formant une grande superficie de glace couvrant les sommets, à partir de laquelle s'écoulent des glaciers alpins confinés aux vallées (on dit aussi glaciers de montagnes, glaciers de vallées). Dans les secteurs montagneux qui se situent au-dessus de la limite des neiges persistantes, c'est-à-dire sous 0°C en moyenne, l'eau s'accumule sous forme de neige qui se compacte en glace. Mais la glace ne peut s'accumuler indéfiniment. Puisque les zones d'accumulation ne sont pas confinées, la glace s'écoule. Il peut paraître difficile de concevoir que la glace s'écoule, mais, en faisant intervenir le facteur temps, la glace se comporte comme un matériau plastique, ou tout au moins semi-plastique. Le poids du matériel à la zone d'accumulation initie et conduit l'écoulement de la glace en poussant sur toute la masse qui s'écoule. Cet écoulement est lent: 180 m/an pour les plus grands glaciers des Alpes, de 90 à 150 m/an pour les glaciers plus petits. Le schéma suivant illustre le système glaciaire alpin. Le glacier se répand sur une certaine distance. Rendu à une altitude où les températures moyennes sont au-dessus de 0°C, il y a fonte et évaporation au front du glacier. Si les températures annuelles moyennes et le taux de précipitation demeurent assez constants sur une période de temps assez longue, soit plusieurs dizaines ou même centaines d'années, il s'établit un équilibre entre l'alimentation, la vitesse d'écoulement, et la fonte et évaporation au front, ce qui fait que le front du glacier demeure stationnaire. Si au contraire, il y a augmentation ou diminution des températures moyennes, le front retraite ou avance. Sur le glacier et au front du glacier, la fonte de la glace produit des eaux de circulation qui distribuent les sédiments piégés dans le glacier et forment, à l'avant du glacier, une plaine d'épandage. Les glaciers alpins sculptent la montagne d'une manière bien caractéristique, facilement reconnaissable. Les schémas qui suivent illustrent ce modelage. Les glaciers empruntent souvent un relief déjà modelé par les cours d'eau. Rappelons que les vallées creusées par les cours d'eau ont un profil en V (voir à la section 3.1.1). Durant la glaciation, l'écoulement des glaces creuse à nouveau les vallées. L'épaisseur d'un glacier se mesure généralement en plusieurs dizaines, parfois même jusqu'à quelques centaines de mètres. C'est une masse importante qui agit sur la roche de fond comme un bulldozer. Le creusement n'est pas instantanné, mais se fait progressivement à mesure de l'écoulement sur de longues périodes de temps. Progressivement, vont se creuser des vallées qui peuvent atteindre des centaines de mètres de profondeur. Ces vallées auront un profil bien caractéristique en U. Après la fonte des glaces, on aura un paysage de cirques glaciaires (anciennes zones d'accumulation de la glace), de vallées dites en U (auges glaciaires), de pics et d'arêtes délimitant des vallées suspendues résultant du creusement par des glaciers plus petits venant se fondre dans le glacier principal. Le substrat rocheux porte la marque des glaciers: les roches sont moutonnées (arrondies par le frottement), ou cannelées, ou encore striées par les cailloux entraînés dans la glace, ce qui permet de déterminer la direction et le sens d'écoulement de la glace une fois le glacier disparu. Le glacier arrache des matériaux au substrat rocheux; tout ce matériel sédimentaire produit directement par l'action de rabotage de la glace sur la roche porte le nom général de moraine. Les eaux de fonte du glacier redistribuent les matériaux glaciaires sur une plaine d'épandage; il y a tout un cortège de dépôts qu'on dit fluvio-glaciaires. Le retrait du glacier laisse sur place tous ces dépôts qui caractérisent les paysages glaciaires. Voici les principaux dépôts qui caractérisent le paysage post-glaciaire : Moraine frontale: dépôt formé au front du glacier, quand le glacier a atteint son avancé maximum et qu'il est stationnaire, par l'amoncellement des fragments rocheux de toutes tailles arrachés au substrat par le glacier, ainsi que des sédiments produits par l'abrasion de la glace sur la roche. Ce mélange de sédiments s'appelle un till. Moraine de fond: dépôt morainique sous le glacier. Moraine latérale: dépôt morainique aux marges du glacier confiné. Drumlin: moraine de fond remodelée par l'avancé du glacier. Esker: dépôt fluvio-glaciaire serpentiforme formé par des cours d'eau confinés qui se situaient à l'intérieur ou sur le glacier; la fonte du glacier laisse un lacet de sédiments. Kame: dépôt fluvio-glaciaire dans une cavité ou une dépression du glacier qui, après la fonte forme de petits monticules. Kettle: dépression dans une moraine ou un dépôt fluvio-glaciaire créée par la fonte d'un bloc de glace emprisonné dans les matériaux. Le Grand Age Glaciaire en Amérique Présentement, il n'y a pas de glaces persistantes sur le continent nord américain proprement dit, si ce n'est une toute petite calotte alpine, la calotte de Colombia (Colombia Icefield) dans les Rocheuses canadiennes, à mi-chemin entre Jasper et Lac Louise. La seule grande masse glaciaire de l'hémisphère nord se situe au Groenland. Au total on évalue que les deux calottes polaires, celles du Groenland et de l'Antarctique, couvrent environ 10% de la superficie des masses continentales et emmagasinent 2% de l'hydrosphère. Mais il n'en était pas ainsi durant les deux derniers millions d'années (2 Ma) qui sont connus comme le Grand Age Glaciaire. Cette époque fut marquée par des conditions climatiques changeantes qui ont conduit à une alternance de périodes glaciaires et interglaciaires. En Amérique du Nord, on reconnaît quatre périodes distinctes de glaciation, chacune portant un nom, tout comme les stades interglaciaires les séparant. Ces périodes ont leur pendant en Eurasie où elles portent des noms différents. Le stade glaciaire wisconsinien ne s'est terminé qu'il y a à peine 6000 ans. Plus près de nous, on parle du Petit Âge Glaciaire qui couvre, en gros, la période qui va du milieu du 16° au milieu du 19° siècle. Cette succession de période d'englaciations (glaciaires) et de fontes (interglaciaires) fait en sorte que les dépôts les plus anciens sont remobilisés par les glaciations plus récentes. C'est pourquoi la glaciation wisconsinienne nous est la mieux connue. En fait, au Canada, seuls la glaciation wisconsinienne, l'interglaciaire sangamonien et une partie de la glaciation illinoienne nous sont connus. Voici le tableau des âges de cette période. On a évalué que la glace couvrait par moments jusqu'à 30 % de la superficie des continents durant le Grand Age Glaciaire. Une grande partie de l'Amérique du Nord a été périodiquement recouverte par une immense masse de glace qui, à certaines époques, s'est étendue jusqu'au sud des Grands Lacs actuels comme le montre cette carte de la distribution des glaces au Wisconsinien. 3.1.3 - L'action du vent Le vent constitue un facteur important d'érosion et de transport des sédiments à la surface de la planète. Il est particulièrement actif dans les régions sèches où la végétation est quasiabsente, comme les déserts. Les régions désertiques, qu'on définit comme les régions qui recoivent moins de 20 cm de précipitations/an, couvrent près du tiers de la surface terrestre. Les grands déserts du monde (Sahara, Kalahari, Gobi, les déserts d'Australie) se trouvent entre les latitudes 10° et 30° de part et d'autre de l'équateur. Ces régions sont constamment sous des conditions de haute pression atmosphérique où descend l'air sec, ce qui est aussi vrai pour les régions polaires qui sont aussi considérées comme désertiques compte tenu qu'elles reçoivent moins de 20 cm/an de précipitations (en équivalent pluie). La répartition des déserts est déterminée par la circulation atmosphérique qui, elle, dépend de la radiation solaire. L'air chauffé dans les régions équatoriales a tendance à monter. Il se crée donc à l'équateur, un flux d'air ascendant qui détermine une zone de basse pression: le creux équatorial. Arrivé dans la haute atmosphère plus froide, cet air ascendant très humide condense et forme les nuages et pluies de la zone équatoriale. L'air se débarasse donc de son humidité; il s'assèche. Il redescend au niveau des latitudes 30°, sous forme d'un air très sec, pour former une zone de haute pression. Ce couple ascension-descente forme une cellule de circulation atmosphérique, la cellule tropicale. Ceci engendre une autre cellule atmosphérique, la cellule tempérée qui crée autour des latitudes 60°, des courants ascendants. Plus vers les pôles, les cellules polaires vont ramener dans les cercles polaires de l'air sec. Il en résulte que les régions qui se situent à la hauteur des latitudes 30° et 90°, dans les deux hémisphères, sont balayées par de l'air sec. C'est pourquoi on y retrouve les grandes zones désertiques, non pas à l'équateur, comme on pourrait le penser puisqu'il y fait le plus chaud, mais autour des latitudes 30°. Il peut sembler paradoxal de qualifier les cercles polaires de déserts, mais effectivement, même s'il y fait froid, ce sont des déserts où les précipitations sont minimes. Dans les déserts, l'agent principal d'érosion et de transport des matériaux est le vent. Si le vent peut agir si efficacement pour éroder et transporter les particules, c'est qu'il n'y a ni humidité, ni végétation pour retenir celles-ci et les stabiliser. Le vent qui balaie la surface du sol entraîne donc facilement ces particules. Les particules sont transportées selon trois modes. Les plus grosses se déplacent par roulement ou glissement (traction) à la surface du sol, sous l'effet de la poussée du vent ou des impacts des autres particules. Les particules de taille moyenne (sables) se déplacent par bonds successifs (saltation). Les particules très fines (poussières) sont transportées en suspension dans l'air (loess), souvent sur de très grandes distances. Il en résulte deux structures importantes des déserts : les pavements de désert et les champs de dunes. Le vent entraîne les particules de la taille des sables, mais n'a pas l'énergie nécessaire pour soulever ou rouler les plus grosses particules. Ainsi, ces plus grosses particules se concentrent progressivement à mesure de l'ablation des sables pour former finalement une sorte de pavement qui recouvre les sables et les stabilise, ce qui, par exemple, permet aux véhicules robustes de rouler aisément. Les sables transportés par le vent s'accumulent sous forme de dunes. Ces dernières se déplacent, sous l'action du vent, par saltation des particules sur le dos de la dune; elles viennent se déposer sur le front de la dune, soit par avalanche, soit parce qu'elles sont piégées par le tourbillon que fait le vent à l'avant de la dune. C'est ce qui cause la structure interne en laminae parallèles inclinées qui indiquent le sens du déplacement de la dune. 3.1.5 - Le littoral : zone tampon entre continent et océan Le littoral est cette zone de transition entre continent et océan. Il est soumis à deux ensembles de processus, les processus continentaux et les processus marins. Il est le lieu d'arrivée de tout le matériel érodé sur le continent, mais il est aussi le lieu de transit de ces matériaux qui ultimement seront redistribués dans la grande fosse qu'est l'océan. Une partie du matériel sédimentaire qu'on retrouve au littoral provient de l'érosion des côtes, mais, en volume, le gros de ce matériel provient de l'érosion des surfaces continentales et est amené au littoral en des points bien spécifiques, les deltas, qui constituent la décharge des grands cours d'eau. Ces détritus sédimentaires sont redistribués le long du littoral par les courants littoraux. Une partie du matériel pourra retourner au continent lorsqu'arraché sur les plages par le vent et transporté pour former des dunes côtières. Mais le gros du matériel sera éventuellement apporté vers la haute mer de diverses façons. L'appareil deltaïque Les deltas constituent des lieux d'accumulation sédimentaire impressionnants, tant en superficie qu'en épaisseur. Ils construisent de grandes plaines marécageuses qui constituent des écosystèmes très importants à la surface de la planète. De plus, ils forment des corps sédimentaires très propices à la formation de réservoirs d'hydrocarbures comme, par exemple, le delta du Mississippi. La vue en plan de la figure qui suit montre un cours d'eau qui vient se jeter en mer. Les sédiments dans le cours d'eau sont chenalisés, c'est-à-dire confinés au cours d'eau. Ils sont transportés souvent avec une vitesse assez élevée. Lorsque la charge du cours d'eau arrive dans la mer, le courant perd son énergie et les sédiments se dispersent, en s'étalant sur un delta : une zone d'accumulation triangulaire en plan (de là le terme de delta). La vue en coupe montre comment, avec l'apport continue de sédiments, le delta avance progressivement : il prograde. Des quantités énormes de sédiments s'empilent. Le delta du Mississippi, par exemple, a déposé 4000 m de sédiments durant le dernier million d'années, soit un taux d'accumulation de 4 m par 1000 an, ce qui est un taux énorme à l'échelle géologique. Il a progradé de près de 100 km durant les derniers 5000 ans. L'avancé du delta construit une vaste plaine, la plaine deltaïque, dont la surface se maintient à peu près au niveau de la mer, de là l'origine de ces marais qui caractérisent les plaines deltaïques; par exemple les fameux bayous de la Louisiane. C'est au front deltaïque que se déposent les sédiments les plus grossiers, sables et graviers, amenés par le cours d'eau principal ou ses tributaires. On appelle ces sédiments la charge de fond, car ce sont les sédiments qui sont transportés sur le fond des cours d'eau. La charge de suspension, cette portion des sédiments qui est maintenue en suspension pour une certaine distance et qui se dépose plus au large vient former ce qu'on appelle le prodelta. Ces sédiments fins sont gorgés d'eau et forment des pentes assez fortes. C'est là une situation propice aux glissements de terrains sous-marins qui, par exemple, causent énormément de problèmes aux plates-formes de forages pétroliers ancrées sur le delta du Mississippi. Le delta du Mississippi Le régime sédimentaire littoral et l'aménagement des côtes Une grande partie des sédiments déposés sur les deltas est redistribuée le long du littoral. Cette redistribution se fait principalement grâce aux courants littoraux qui sont des courants parallèles à la côte. Les vagues engendrées en mer par le vent sont le moteur de ces courants. Lorsqu'elles frappent le rivage avec un certain angle, ce qui est le plus souvent le cas, elles empilent l'eau qui devra donc se déplacer dans le même sens que la propagation de la vague, parallèlement au rivage. Ces courants littoraux transportent continuellement les sables de la plage. Pour une région donnée, divers paramètres servent à établir le budget sédimentaire de la côte. L'interaction de ces paramètres se traduira par un bilan à l'équilibre, une accrétion de la plage ou par l'érosion de la côte. Cet état se maintient aussi longtemps que les conditions ne sont pas modifiées, soit par la nature elle-même, soit par l'intervention de l'homme. L'aménagement du territoire côtier doit tenir compte de ce budget. Voici deux exemples pour illustrer les effets de l'intervention humaine sur l'évolution du profil littoral. L'installation d'une jetée par quelqu'un qui souhaite protéger son bout de plage des vagues peut avoir des conséquences indésirées. Dans ce cas, il y avait un équilibre entre les entrées et les sorties de sable, et surtout une certaine constance dans le transport littoral. La jetée vient bloquer le transport du sable, amenant de l'accumulation en amont de la jetée; ce sable n'étant plus apporté en aval de la jetée, il se crée un déficit qui laisse libre cours à l'érosion par les vagues de la plage. La construction d'un brise-lames fait en sorte qu'à l'ombre du brise-lames, il n'y a plus de vagues (l'effet recherché), mais il n'y a plus de courant ni de transport et, par conséquent, il y a de l'accumulation; mais un peu plus loin, les vagues regénèrent le courant qui se chargera de transporter la plage.