Qu'on se garde, cependant, sauf exception, W'imputer cette situation au commerçant individuellement pris, dont le gain rémunère le travail et le service rendu. C'est dans leur nomme que réside l'èssentiel du problème. Enfin, la timidité du client devant le fournisseur dont il croirait incorrect de discuter les prix, la libre concurrence paralysée par la liberté des ententes, sont autant de facteurs de résistance à la baisse. La loi sur les prix imposés vous a apporté une arme. La proposition de loi sur les ententes abusives, en instance devant te Conseil de la République, devrait vous en offrir une autre dans un délai que nous voudrions .bref. Si la lutte contre la hausse des prix est l'objectif n° f du Gouvevnément et si cet effort doit être encouragé, l'entreprise ne «aurait cependant se limiter à cela. En effet, toute victoire dans ce domaine serait vaine si elle devait être payée par un ralentissement de l'activité et ses redoutables conséquences qui ont n o m : mévente, chômage, arrêt de l'équipement, amenuisement des ressources fiscales. C'est ce danger que nous avons craint quand, en avril, le Gouvernement a réduit les crédits d'investissement. C'est alors <Jue mes .amis et moi avons émis de précises réserves, car c'était le ralentissement et de notre outillage et de la construction que nous redoutions. Où en sommes-nous maintenant? Continuant sur la lancés des exercices précédents, la production a atteint dès le début de l'année la cote record de 152. Mais elle n'a pu, depuis, ni la dépasser ni même la rattraper. Si un progrès moyen de l'ordre de 5 ip. 100 peut être enregistré pour l'ensemble "de l'année, il faut observer des signes préoccupants en plus d'un secteur. En outre, l'augmentation de l'indice général est surtout assurée par les grandes activités de base énergétiques notamment, outre les industries d'armement. Le secteur des biens de consommation montre, par contre, des signes visibles de ralentissement. S'il ne convient pas de pousser ces choses au noir, il est bon de redoubler de vigilance. Il est, en effet, d'autres appareils de bord que ceux qui ont été observés tout à l'heure. L'exposé des motifs afiirme que « la situation de l'emploi prise dans son ensemble n'est pas sensiblement différente de celle de l'an passé ». C'est exact uuanl aux chiffres. Mais ceux-ci n'enregistrent pas la suppression des heures supplémentaires, ni toutes les réductions des heures de travail, qui sont autant de pouvoir d'achat ôlé à la main-d'œuvre industrielle et qui s'ajoute au décalage du pouvoir d'achat du monde rural en raison de la diminution de l'indice des prix à la terre, diminution non entièrement répercutée dans les prix de détail. Si 1e chômage total est comparable, quoiqu'un peu supérieur, h celui de l'an dernier, les demandes'd'emploi non satisfaites s'élèvent en octobre à 118.000 conlre 93.000 en octobre 1951. L'observation est malheureusement plus sérieuse encore en ce qui concerne le chômage partiel indemnisé qui atteignait 160.000 salariés en août conlre 85.000 en janvier. Voyez encore la réduction du nombre des wagons chargés, l'augmentation du tonnage disponible sur le carreau des mines, la baisse des importations, accompagnée, de surcroît, d'une aggravation du déficit à l'union européenne des pavements et le dramatique déséquilibre de la balance commerciale. Après avoir redouté l'inflation, aurions-nous donc à craindre son contraire? 11 serait téméraire de l'aflirmer quand l'inflation reste proche. Mais faudrait-il s'étonner si, pendant un temps, les deux menaces pesaien t à la fois sur notre économie : séquelles de l'inflation et dépression économique ? Prix élevés et début de mévente seraient,- pendant une période, parfaitement capables de faire bon ménage. Nous paraissons êlre dans un état d'équilibre instable qu'une légère poussée peut précipiter d'un côlé ou de l'autre. Le journal londonien L'Economist écrit que « seule l'économie française s'obstine à résister à la reprise ». 11 -dépend beaucoup de ce débat que l'impulsion soit donnée. Si l'on en juge par l'architecture même du projet de loi de finances, il ne "paraît pas que, malgré le progrès constaté dans le domaine des investissements prévus pour 1953, le but soit encore proche. Il serait injuste de ne pas constater que les crédits du fonds de modernisation et ceux destinés aux sociétés nationales sont en augmentation de 58 milliards et qu'un effort notable a pu être enregistré, dans le domaine industriel. De -même, il serait inéquitable, quelque jugement qu'on puisse porter sur l'ensemble des revisions fiscales proposées, de ne pas reconnaître, dans le principe de la taxe sur la valeur ajoutée, une tentative appréciable pour réduire la pénalisation fiscale qui frappe actuellement les biens d'équipement. Mais on (peut être préoccupé par d'autres éléments qui paraissent contredire cet effort. Que faut-il donc à notre économie pour accroître son rythme, yoire pour le soutenir Des matières premières ? Mais la baisse substantielle des importations en cours d'année', conséquence inévitable de la chute des exportations, fait naître de sérieuses appréhensions pour l'avenir. Le crédit ? Mais les 221 milliards de francs de dépenses budgétaires nouvelles contraignent de recourir à l'emprunt public et aux moyens de trésorerie pour un montant de 615 milliards. Celte somme, jointe à des prévisions fiscales supplémentaires de l'ordre de 227 milliards, risque de limiter les disponibilités d'une épargne sur la résurrection de laquelle on souhaitait compter. Dans la mesure où celte masse globale de 842 milliards doit servir à augmenter l'effort d'investissement, l'objection est sans portée. Elle demeure malheureusement valable pour la partie qui doit servir à faire face à une augmentation des charges improductives de l'Etat, en dépit de la stabilité des crédits militaires. D'autant plus que les bons du Trésor émis en payement des impôts futurs, les titres d'emprunt utilisables aux mêmes fins et les moins-values de recettes dérivant de l'amnistie fiscale font redouter des surprises dans la rentrée des impôts. Si, du moins, à défaut de reconnaissance à l'égard de l'Etat, les fraudeurs pardonnés avaient réinvesti ouvertement leurs avoirs libérés ! (Applaudissements au centre et sur certains bancs à gauche.) Hélas I on est généralement privé de cette consolation. Un journal financier, cependant favorable à cette mesure, écrivait en juin dernier : « Sans doute, certains amnistiables vendent-ils leur or, versent-ils le produit de la vente à un compte postal bancaire, après quoi, trace laissée du montant de leur avoir, ils rachètent de l'or. » N'avions-nous pas raison d'être réservés sur cette mesure ? Est-il possible de briser tant d'obstacles qui compriment notre économie entre des murailles trop étroites ? Oui, si l'Etat (peut, par une politique discriminatoire sévère, établir en toules ces matières une véritable échelle des urgences. Oui, si l'autofinancement anarchique cesse de faire payer au public, en un temps record, l'équipement des entreprises. Oui, si la productivité agricole qui est la condition vitale de notre redressement devient une réalité, si en tous secteurs, publics et prives, la productivité cesse d'être un beéu sujet de dissertation pour entrer clans les faits, au triple bénéfice du travailleur, du consommateur et de l'entreprise. (Applaudissements au centre et sur certains bancs à gauche.) Oui, si sortent des cartons les textes de cette matière étudiés depuis deux ans et au sujet desquels mes amis et moi ferons des suggestions au Gouvernement et à l'Assemblée au coure du présent mois. Oui, si la modernisation et de l'agriculture et des territoires d'outre-mer est activement poussée de façon à rattraper un très long retard. Oui, enfin, si observant les signes d'essouflement en certains secteurs, le Gouvernement acceptait de relancer toute l'économie par le démarrage intensif de la construction, comme mon groupe ie demandera d'ici quelques "jours par la proposition d'un plan d'ensemble. Sans cela, le maintien à quelque dix milliards près des crédits de reconstruction au même chiffre que cette année ouvrirait à notre crainte de très sombres perspectives. Nous ne pouvons pas ne pas être inquiets quand le ministre intéressé lui-même explique par « les restrictions budgétaires » le fléchissement du nombre des, logements construits. Alors ? Alors, le mal serait moins" grand si le Gouvernement s'engageait à mettre en œuvre tout un ensemble de mesures concrètes parmi lesquelles la réalisation de logements populaires à prix étudiés, une action décisive sur le coût et les méthodes de construction et l'adoption de la proposition do mon ami de Tinguv sur i'épargne-logement, qui vient d'être adoptée par la commission compétente. L'essor de la construction serait de nature à donner une impulsion nouvelle' à l'activité économique ' et à amorcer la solution de l'un des plus graves problèmes sociaux cle l'heure. C'est ici que nous touchons du doigt la question la plus délicate et la plus dangereuse de notre temps. J'ai apprécié l'exposé des motifs du projet de loi de finances. Il permet de prendre de la conjoncture une vuè circulaire fort utile. Tout le secteur économique et financier est là sous nos yeux. Mais il y manque une page, une page importante, celle d u secteur social (Applaudissements au centre) car, derrière les chiffres, il y a les hommes et, au surnlus, le comportement des hommes réagit finalement sur les chiffres. Si l'appât légitime d'un profit plus élevé est le moleur de l'entreprise, pourquoi n'en serait-il pas de même pour le salaire? (Applaudissements sur les mêmes bancs.) Est-il raisonnable que le travailleur puisse être considéré comme une sorte d'être -désincarné au point de ne lui laisser d'autre espérance qu'un salaire invariable, quel que soit l'accroissement de la production ou de la productivité auquel il