Cuivre et alliages de cuivre : intérêt en secteur hospitalier
Dr Patrick PINA(1), Mme Sophie HAYAUD(1), Dr Nicolas FADEL(2), M. Alain GUMY(2)
(1) Equipe Opérationnelle d’Hygiène (2) Service de réanimation, C.H. de Rambouillet.
Introduction
La maitrise de la transmission croisée des bactéries multi-résistantes (BMR) est un enjeu important dans les
établissements de santé. La promotion de l’utilisation des solutés hydro-alcooliques (SHA) associée à la mise en
place de précautions complémentaires a permis de limiter la diffusion de ces germes. Le développement d’autres
mesures de contrôle devrait permettre de compléter efficacement les mesures actuelles.
Récemment, plusieurs établissements de santé ont utilisé les propriétés antimicrobiennes du cuivre et des alliages
de cuivre pour maitriser la contamination de l’environnement. Des études ont montré une nette diminution du
nombre de microorganismes sur les surfaces en cuivre, comparé avec les surfaces traditionnelles. Toutefois, très
peu d’études se sont attachées à mesurer l’impact du cuivre sur la réduction du nombre d’infections nosocomiales
ou la transmission de BMR.
But du travail
L’objectif de notre étude a été de mesurer les effets de surfaces de cuivre et l’usage des SHA sur l’incidence des
transmissions croisées de BMR en service de réanimation.
Matériel et méthode
Cette enquête quasi-expérimentale a comparé trois périodes : une première période (P1) sans intervention, du
1/1/2009 au 31/7/2011 ; une deuxième période (P2) avec équipement du service de réanimation de surfaces sèche
en cuivre du 1/9/2011 au 31/3/2013 ; une troisième période (P3) qui a suivi une campagne de sensibilisation à
l’hygiène des mains et à l’usage des solutés hydro-alcooliques, du 1/4/2013 au 30/9/2014.
Une recherche systématique de S. aureus résistant à la méticilline (SARM) et d’entérobactérie BLSE (EBLSE) a
été réalisée dès l’admission des patients et une fois par semaine jusqu’à leur sortie. Les cas importés étaient
définis par la présence d’une BMR dès l’admission, et les cas acquis par l’absence de BMR à l’admission et la
détection d’une BMR au cours de l’hospitalisation dans le service.
Résultats
La consommation de SHA est restée stable entre P1 et P2 (respectivement 70% et 75% de l’objectif personnalisé
– ICSHA2) tandis qu’elle a augmenté significativement entre la période P2 et P3 (respectivement 75% et 109%).
Les résultats d’importation et d’acquisition des SARM et des EBLSE sont reportés dans le tableau suivant :
Incidence des cas importés
Rapport acquis / importés*
Incidence des cas importés
Rapport acquis / importés*
* Le rapport acquis / importé reflète le taux d’acquisition rapporté au risque, à savoir le nombre de cas importés.
L’incidence de l’importation et de l’acquisition des SARM n’ont pas varié significativement dans les trois périodes.
En revanche, l’incidence des cas importés d’EBLSE n’a cessé d’augmenter alors que l’acquisition est restée
stable. Le rapport acquis/importés a diminué entre P1 et P2 (différence statistiquement significative, p = 0,017),
puis entre P2 et P3 (différence non statistiquement significative, p = 0,28). Cette diminution a été plus marquée
chez K. pneumoniae (respectivement 6,0 – 0,0 et 0,3 pour P1, P2 et P3) que chez E. coli (respectivement 0,21 -
0,10 et 0,15 pour P1, P2 et P3).
Discussion et conclusion
Notre étude montre que les surfaces de cuivre et en alliage de cuivre sont associées à une diminution du rapport
acquisition/importation des EBLSE. Malgré l’augmentation du risque de transmission lié à un taux d’importation
élevé, l’acquisition des EBLSE a diminué. Cette diminution est d’autant plus marquée pour K. pneumoniae, espèce
reconnue pour se retrouver plus fréquemment dans l’environnement des patients porteurs et pour entrainer des
épidémies hospitalières.
Dans notre étude, l’augmentation de la consommation des SHA est également associée à une diminution du
rapport acquis/importé des EBLSE. L’association cuivre/SHA semble donc combiner leur efficacité.
Ces résultats doivent toutefois être interprétés avec prudence. En effet, les caractéristiques des patients ont
sensiblement changé au cours du temps (diminution de la gravité des cas et durées d’hospitalisation plus courtes),
ce qui a pu influencer le taux d’acquisition. Par ailleurs, le nombre de patient étudié est relativement faible.
La maitrise de l’environnement semble être un élément important dans le contrôle de la diffusion de certaines BMR
en milieu hospitalier. Néanmoins, il serait intéressant de mener une étude multicentrique pour confirmer les
résultats obtenus.