International Crisis Group
Rapport Afrique N°201 11 avril 2013
Synthèse
Pour les populations maliennes originaires du Nord, le sentiment d’avoir été « libé-
rées » par l’intervention militaire française déclenchée le 11 janvier 2013 est une réa-
lité. Au Mali, mais aussi en Afrique de l’Ouest et au-delà, cet engagement militaire
soudain mais manifestement préparé a recueilli un large soutien. Il était nécessaire
pour mettre fin à une offensive des groupes jihadistes que l’armée malienne n’aurait
pas pu repousser. La France en a profité pour entreprendre une destruction des
forces d’al-Qaeda au Maghreb islamique (AQMI). Alors que des combats continuent
sporadiquement au Nord, le Mali va mieux mais les menaces sur la sécurité, la stabi-
lité et la coexistence des différentes communautés restent redoutables. Les autorités
de Bamako, les organisations africaines et les Nations unies qui vont déployer une
mission de stabilisation doivent s’entendre au plus vite sur une stratégie de sortie
de crise qui intègre la sécurisation du territoire, la protection des civils, le dialogue
inter-malien inclusif, le redéploiement de l’Etat au Nord et l’organisation d’élections
crédibles et non violentes.
Le Mali est entré dans la tourmente au début de l’année 2012 lorsque le Mouve-
ment national de libération de l’Azawad (MNLA) a entrepris de chasser l’armée ma-
lienne du Nord et de revendiquer l’indépendance de cette vaste partie du pays. Pro-
duit des années de guerre civile en Algérie, AQMI s’est installée au Nord-Mali depuis
une décennie et y a bâti des alliances locales qui ont débouché sur la neutralisation
de l’Etat et du MNLA et sur une prise de contrôle du Nord depuis fin juin 2012 par
des groupes armés jihadistes, Ançar Eddine et le Mouvement pour l’unicité et le ji-
had en Afrique de l’Ouest (MUJAO). Les rébellions au Nord et le coup d’Etat du 21
mars 2012 ont mis le pays à genoux. Laborieusement développé par la Communauté
économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), le projet de déploiement d’une
force africaine a été finalement validé, à reculons, par la résolution 2085 du Conseil
de sécurité de l’ONU le 20 décembre 2012.
L’offensive des jihadistes vers le centre du pays s’est révélée suicidaire pour ces
groupes qui n’avaient pas anticipé la réaction militaire puissante de la France sur la
demande du président intérimaire Dioncounda Traoré. L’armée malienne n’a fait
que suivre les forces françaises qui ont pris successivement les trois villes impor-
tantes du Nord, Gao, Tombouctou et Kidal. Dans la région de Kidal, la plus au Nord,
les forces françaises et tchadiennes ont pris pied sans les Maliens, moins pour re-
conquérir l’intégralité du territoire que pour poursuivre les combattants d’AQMI
dans leurs refuges et détruire leurs stocks d’armes, de munitions, d’essence et de
vivres. Pour la France, il s’agit bien de « finir le travail », dans le contexte d’une
guerre déclarée contre le terrorisme. Sauf qu’il est difficile de savoir à partir de quel
moment les capacités des groupes jihadistes auront été suffisamment réduites pour
ne pas exposer à des attaques terroristes les populations civiles et les forces de
l’actuelle Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (Misma).
L’opposition entre solution militaire et solution politique à la crise n’a pas plus de
pertinence après l’intervention qu’avant celle-ci. La sécurisation du Nord est loin
d’être acquise et l’Etat demeure absent de la région de Kidal, dont le MNLA reven-
dique le contrôle. Ses forces armées restent déstructurées et incapables d’empêcher
certains de leurs éléments de commettre de graves exactions contre des civils notam-