Adresse retour : Centre d’oncologie clinique du CHU de Liège • Domaine Universitaire du Sart Tilman, Bât. B 35, 4000 Liège • Octobre 2014 l’indispensable lien entre corps médical et patients Janssen-Cilag NV ©Janssen-Cilag NV/SA – 02-2011 – 5215 – vu/er Apr./Pharm. Bea Haegeman, Antwerpseweg 15-17, 2340 Beerse Because we care Adresse retour : Centre d’oncologie clinique du CHU de Liège • Domaine Universitaire du Sart Tilman, Bât. B 35, 4000 Liège n° 09 • Octobre 2014 Nursing ing oncologique : édito l’indispensable lien entre corps médical et patients THERE IS NO SUCH THING AS A "STANDARD", "AVERAGE AVER ", OR "USUAL" PATIENT (*) C’est l’accompagnement du patient dans sa vulnérabilité qui fa fait l’essence de la pratique clinique. Dans cet accompagnement, le rôle du nursing est primordial, particuliè rticulièrement en Cancérologie. Par exemple, en Hématologi tologie clinique, où s’appliquent des traitements dévastat dévastateurs (chimiothérapie d’induction de leucémies aiguës guës, greffes myélo-ablatives…), l’infection ou l’hémorrag hémorragie peuvent emporter le malade en quelques heures ures et la moindre erreur se paie comptant. Toute la ch chaîne des différents intervenants doit fonctionner correctement, correcte depuis la technicienne ci ne d de surface rf jusqu’au chef de service. Dans ce continuum, la qualité professi professionnelle de l’équipe de nursing est essentielle. Le continuum ntinuum s’impose à la fois dans le temps (24h/24), la compétence co et l’empathie vis-à-vis du malade. La surveillance attentive des patients, l’écoute de leurs plaintes, autant que les soins aux cathéters, la mise en place des perfusions et des transfusions chez les neutropéniques immunodéprimés, nécessitent un long apprentissage, fruit de la collaboration étroite entre infirmiers et médecins. Les médecins ont le nursing qu’ils méritent. Ceux qui le sous-estiment sont des prétentieux et/ou des imbéciles. De plus, ils doivent résister à la réduction de l’art médical à une simple mécanique, à sa "protocolarisation" et à sa "procédurisation" qui, sans nier leurs utilités, doivent être dépassées par des notions plus essentielles. Tout malade a droit à une égale attention et à une même qualité de soins quels que soient son âge, sa culture, ses comorbidités, et son traitement adapté en conséquence. La communication soignant – soigné est essentielle et le nursing joue ici encore un rôle capital, particulièrement vis-à-vis de patients qui, par essence, sont vulnérables et souvent totalement dépendants. Enfin, on ne peut occulter la difficulté permanente du nursing oncologique, confronté comme les médecins à la souffrance et à la mort, avec un fort sentiment d’impuissance ou d’échec, facteurs d’épuisement professionnel. C’est donc uniquement en travaillant de façon solidaire et soudée que l’équipe de soins parvient à diluer l’anxiété et à prévenir le burn-out. Pour illustrer l’importance du nursing oncologique, nous avons fait appel à Monsieur Fernand COURTOIS, chef d’unité en salle d’Hématologie. Il est tout naturellement le rédacteur invité de ce numéro car il a été un des précurseurs de sa discipline dans notre institution. Son vécu professionnel est impressionnant et ses qualités humaines exceptionnelles. Il a certainement contribué à l’essor de l’Hématologie et de l’Oncologie au CHU de Liège et c’est un privilège pour nous de pouv uvoir le remercier ici. G.Fillet, Chef de projet Centre Intégré d’Oncologie sommaire (*) In: Clinical Leukemia Practice, 1978, Alexander SPIERS ERS, Harold GAYA, John GOLDMAN, The Kynoch Press, Eng England, First Edition, p. 95. 2 Présentation du rédacteur invité : Fernand Courtois, infirmier chef d’unité 5 Le nursing oncologique en un coup d’œil 7 L'hôpital de jour onco-hématologique : quand qualité rime avec efficacité MAGAZINE DE L’ONCOLOGIE DU CHU DE LIEGE n° 09 • Octobre 2014 Edité par le Centre d’oncologie clinique du CHU de Liège Editeur responsable : M. Julien Compère, administrateur délégué du CHU de Liège, Avenue de l’Hôpital, 13, B35- 4000 Liège Directeur de la rédaction : Pr. Arthur Bodson Réalisation : L’empathie d’abord ! Service Communication 13 L’équipe mobile de soins continus et palliatifs PYM 15 Les psychologues à l’hôpital : des spécialistes (pas) comme les autres ? Michel Mathys (CHU de Liège), Michel Houet 16 Infirmier de liaison : « Si vous n’y croyez pas, passez votre chemin » 20 Actualités : Nouvelles en bref 9 Graphisme : Photos : Internet : www.chuliege www. chuliege.be ge.be 1 Présentation du rédacteur invité : Fernand Courtois, infirmier chef d’unité Fernand Courtois rédacteur invité Infirmier chef d’unité au service d’hématologie clinique - oncologie médicale et de l’unité stérile, Fernand Courtois est le rédacteur invité de ce numéro du Magazine de l’oncologie. Le service d’hémato-oncologie compte 26 chambres. Parmi celles-ci, dix, dites "isolements protecteurs", sont des chambres à pression positive prévues pour la prévention des risques aériens lors de la prise en charge, par exemple, de patients immunodéprimés comme les patients atteints de leucémie ou greffés de moelle. Il faut y ajouter six autres chambres d’isolements plus adaptés pour la prise en charge de personnes dépendantes relevant souvent de soins palliatifs ou de fin de vie, et, enfin, dix chambres doubles dont 6 peuvent encore être des isolements. La capacité d’accueil est en effet de 30 patients, 23 pour l’hématologie clinique, 7 pour l’oncologie médicale. Depuis plus de trente ans, vous avez tissé des relations particulières avec le Pr. Georges Fillet qui vous rend hommage à travers ce numéro consacré au nursing oncologique. Fernand Courtois : En effet, nos relations remontent à longtemps. Toute la profession que je représente ici lui sait gré de l’hommage qu’il lui rend. Si tout au long de sa carrière, le Pr. Fillet nous a reconnus au sein de son secteur, cette gratitude est aussi présente dans le chef du Pr. Yves Beguin, son successeur. L’un comme l’autre savent que cette équipe infirmière est rigoureuse, curieuse, soucieuse d’approfondir ses connaissances et de les développer et en recherche permanente de la qualité et de la sécurité au bénéfice des patients et de leurs proches. Cette somme de qualités, en plus de l’esprit d’équipe, n’est-elle pas aussi un facteur d’attrait pour votre service ? F. C. : Bien sûr. Depuis que je suis dans le service d’hématologie, nous n’avons jamais connu de difficulté particulière pour recruter du personnel. Certes, on constate un turn over, comme dans tous les services hospitaliers. Cela étant, bon nombre d’infirmiers ayant travaillé dans ce service ont partagé – et partagent toujours – leur expérience en s’engageant au sein de l’hôpital de jour, en intégrant le service de radiothérapie ou encore en devenant infirmiers de liaison tout en restant au CHU. Tous ont démontré que leur passage en hémato-oncologie apporte une valeur ajoutée. On pourrait parler de transfert de connaissances et de compétences. 2 M A G A Z I N E D E L’ONCOLOGIE Quel regard portez-vous sur l’évolution du nursing oncologique ? F. C. : Le CHU de Liège, en particulier son service d’hémato-oncologie, a été précurseur en termes de prise en charge holistique du patient, avec un intérêt tout particulier pour l’aspect psycho-oncologique. Depuis 1990, je m’intéresse aux moyens de renforcer les connaissances et compétences du personnel infirmier afin d’accompagner au mieux le patient et ses proches confrontés à la maladie grave. Nous avons pu bénéficier de formations spécifiques en psycho-oncologie. Des outils ad hoc ont été développés : la consultation infirmière pré-greffe, les réunions de parole. Très tôt, nous avons cru au bien-fondé de l’assistance psychologique au bénéfice du patient, de ses proches et du personnel soignant. Grâce à l’intervention du Télévie et avec l’aide du Pr. Fillet, une psychologue a été engagée il y a déjà 22 ans. Autre innovation du secteur: la mise en place des infirmières de liaison, chargées entre autres de l’information et de l’éducation à la santé tout au long du parcours de soins des patients. Ce sont autant de "solutions" que le CHU développe à destination des patients. Il faut aussi souligner l’évolution technologique du secteur : la recherche de pointe et ses applications se développent chaque jour au bénéfice du malade. Les progrès de la médecine sont réels. Les besoins en soins infirmiers de qualité suivent la même courbe, de même que les attentes de la patientèle. De plus en plus de jeunes infirmières se dirigent, après leur baccalauréat, vers la spécialisation en soins oncologiques. Fernand Courtois Enfin, grâce au Plan Cancer et à un effort très conséquent de formations internes, le CHU a pu bénéficier sur quatre ans (de 2009 à 2012) d’un renforcement important et cohérent des connaissances et compétences du personnel infirmier oncologique, au bénéfice de la qualité, de la rigueur, de la sécurité et de l’humanisation des soins. Je suis fier de faire partie d’une telle équipe qui sait se montrer à la hauteur de ses tâches tant dans les situations à visée curative ou palliative que de fin de vie. Concomitamment, une "révolution" informatique s’est produite. Depuis fin 2009, nous bénéficions d’un logiciel de gestion de l’administration des produits sanguins, depuis 2012, dans le secteur d’oncologie, du Dossier Infirmier Informatisé et depuis 2014, de la gestion et de l’administration informatisées des médicaments. D’ici fin 2014, la boucle sera achevée par le développement et le déploiement de la gestion et de l’administration informatisées des chimiothérapies. S’il faut relever une période parfois difficile d’appropriation de ces outils informatiques, il n’en demeure pas moins qu’au final c’est la sécurité et la qualité des soins aux patients qui en sont les bénéficiaires ! A terme, ces outils seront aussi une banque de données et de connaissances au profit du personnel infirmier. Parmi les différentes aides des apportées par le Télévie,, l’engagement d’une e psychologue a permis de soutenir le personnel soiignant face aux difficultés. tés. « Si les personnes sont hospitalisées, c’est parce qu’elles nécessitent des soins infirmiers et des traitements médicaux ... Les infirmiers sont une vitrine de l’institution qui les emploie. » Par ailleurs, vous n’accueillez pas que le patient mais aussi sa famille F. C. : En effet, le cancer est une maladie qui touche aussi l’entourage du patient. Depuis toujours, nous favorisons la présence de la famille. D’abord, nous accueillons 30 patients dans nos 26 chambres, ce qui permet aux proches d’être présents quelques heures ou une nuit entière. Ensuite, lors de la réorganisation du service il y a neuf ans, nous avons eu carte blanche pour aménager des espaces privatifs tels qu'une salle de repos, une cuisine pour la famille ou encore une salle de jeux. Certaines peintures qui égaient les couloirs ont été réalisées par des patients ou leur famille. Il y a donc une réelle reconnaissance des patients et de leurs proches pour notre métier. Nous avons aussi accueilli l’équipe mobile des soins palliatifs dans l’espace dévolu à notre secteur, ce qui représente une plus value par la proximité. De même, j’observe une solidarité et un respect entre les patients, quel que soit leur âge. Pourquoi n’y a-t-il pas plus d’hommes dans la profession ? F. C. : C’est vrai que nous sommes, d’une manière générale, peu représentés, mais aussi, je crois, peu attirés par les soins oncologiques. Peut-être sommes-nous davantage intéressés par la technicité que par le relationnel ? Il n’en demeure pas moins que s’engager dans un métier nécessitant des soins lourds et complexes (on parle de maladies graves et chroniques) reste un investissement merveilleux. Cela dit, je remarque qu’avec certains patients, une relation s’est tissée. Je ne peux pas parler d’intimité, mais il existe une forme de rapprochement. J’insiste cependant pour veiller à garder la distance nécessaire à l’accompagnement et à ne pas tomber dans la complicité. Tous les infirmiers du service ont, en effet, pour mission d’accompagner le patient dans son traitement ou sa perte d’autonomie vers une "guérison" ou une issue plus péjorative ou de fin de vie. Nous sommes confrontés à toutes les situations et réalités, comme aussi les soins d’euthanasie. Quelques locaux ont été réaménagés pour pouvoir accueillir les patients et leur famille. On y a même célébré des mariages ! CHU DE LIEGE 3 Fernand Courtois « Mon service est un vrai melting pot social et culturel, ce qui est un défi quotidien. » Il faut avoir conscience qu’un secteur d’hospitalisation en oncologie, particulièrement dans le secteur d’Hématologie clinique, n’est pas le reflet exact des maladies cancéreuses et de leurs prises en charge. C’est une concentration de situations complexes nécessitant précisément des soins infirmiers de haute qualité et de haute sécurité, humains et de niveau universitaire. Cette complexité est un défi permanent d’adaptation des soins infirmiers à l’évolution des soins médicaux offerts, par exemple de plus en plus loin dans la vie (développement de l’onco-gériatrie). Il y a 15 ans encore, la greffe de moelle allogénique était réservée aux adultes jusqu’à 55 ans. Actuellement, le greffé le plus âgé de notre service a 70 ans. De même, il était périlleux, voir délétère, d’entreprendre le traitement d’une leucémie chez une personne de 80 ans. Aujourd’hui, cela s’avère beaucoup plus réaliste et réalisable, avec maintien d’une qualité de vie, au terme d’une hospitalisation, voir de plusieurs, marquées par une perte d’autonomie transitoire parfois sévère et parfois aussi définitive. La complexité c’est aussi les choix liés à l’éthique : les attentes du patient et de ses proches confrontés au choc, à l’inconnu, aux espoirs accordés ou demandés à la médecine, à la perte du contrôle, au sens même de l’existence, aux pertes, aux deuils. Fernand COURTOIS 04 366 73 86 [email protected] La réunion de parole ou la nécessaire soupape Une fois par mois environ, depuis plusieurs années déjà, le service de Fernand Courtois se réunit pour ce qu’il est convenu d’appeler des réunions de parole. Différente de la réunion de service classique, cette séance lors de laquelle chacun peut s’exprimer et évoquer telle ou telle situation à laquelle il a été confronté s’apparente à une sorte d’exutoire. Elle a pour objet de soutenir l’équipe. « Et nous sommes les seuls au CHU à disposer d’un tel outil », insiste Fernand Courtois Je ne peux être exhaustif sur ce thème de la complexité, pourtant j’insisterai encore sur notre rôle éminemment important d’information et d’éducation à la santé. Apporter les connaissances nécessaires, adaptées et précises au patient et à ses proches, c’est leur permettre de maintenir ou de recouvrer leur autonomie mais aussi de prévenir les complications et de réagir adéquatement. Il faut en effet se rendre compte que dans la majorité des situations beaucoup des effets secondaires se présentent après le retour au domicile ! « Ce type de rencontre n’est pas facile à organiser », ajoute-t-il, « notamment à cause des nombreuses réunions déjà planifiées et des pauses. » Elle est animée par Mireille Monville, la psychologue institutionnelle du CHU de Liège. Des échanges, il ressort souvent de nombreuses propositions d’amélioration du fonctionnement du service. Repères • • 4 L’unité d’hémato-oncologie et l’unité stérile compte 32,5 ETP (équivalents temps plein), soit 41 personnes dont onze sont âgées de plus de quarante ans ce qui leur confère une expérience moyenne de 20 ans au sein du secteur. 30 infirmiers, entre 22 et 39 ans, jouissent d’une expérience professionnelle moyenne de plus quatre ans. M A G A Z I N E D E L’ONCOLOGIE • • Enfin, 34 infirmiers sont porteurs du titre d’infirmier spécialisé en oncologie, 6 sont dites "expertes" et une jeune est bachelière. Par ailleurs, l’équipe logistique est composée de 4 assistantes logistiques qui toutes sont des personnes ressources d’une haute compétence, de confiance et, elles aussi, imprégnées d’une philosophie "humaniste". Nursing oncologique Le nursing oncologique en un coup d’œil Dans aucun établissement hospitalier, on ne s’improvise infirmier en oncologie. La politique de soins s’inscrit dans un plan ad hoc avec, en point de mire, la meilleure offre de soins. Chantal Gilles, infirmière chef de service, rappelle que cette profession est régie par un arrêté royal de 2003 par ailleurs récemment modifié. « Il définit les grandes orientations de notre métier en oncologie », explique-t-elle. En effet, cet arrêté vise à contribuer à la dispensation de soins de qualité aux patients atteints d’un cancer. Le caractère pluridisciplinaire de l’oncologie et l’approche impérativement transversale de la maladie ont constitué les points de départ des règles proposées. « Ainsi », poursuit Chantal Gilles, « nos infirmiers doivent pouvoir disposer d’une formation spécifique en matière d’affections oncologiques. » S’agissant des soins de base en oncologie, il est impératif que les actes soient posés par des infirmiers disposant d’une expertise suffisante. De même, la chimiothérapie est administrée uniquement par des infirmiers qui sont agréés comme infirmiers spécialisés en oncologie ou qui suivent une formation afin d’obtenir cette qualification professionnelle particulière ou qui ont cinq ans d’expérience au moins dans la dispensation de soins aux patients souffrant d’affections oncologiques. Chantal GILLES 04 366 80 88 [email protected] Chanta Chan tall Gi Gill lles ll es eest st iinfi nfirm nfi rmiè rm ière iè re eett lilice cenc ncié iéee en ssan ié anté té p pub ublililiqu ub que qu e de l’Un l’ Univ iver ersi sité té d dee Li Lièg ège. èg e. A Apr près pr ès aavo voir vo ir éété té cche heff de ll’u ’uni ’u nité té d de e ca card rdio rd ioio logie durant cinq années, années elle deviendra chef de service en 1992 avec, en particulier, la supervision des unités de dialyse et du secteur d'oncologie (oncologie médicale, oncologie digestive, hématologie clinique, unité stérile et hôpital de jour oncologique). « Durant quatre ans, de 2009 à 2012, presque la totalité de nos infirmiers ont suivi la formation imposée par le SPF Santé publique », souligne Chantal Gilles. Ce cursus, fort de 150 heures de cours, répondait à une véritable nécessité et a été un véritable "succès" au vu du taux de participation. 5DMSHK@SHNMĮCDRĮHMÛQLHDQRĮ@X@MSĮRTHUHĮK@ĮENQL@SHNMĮDMĮNMBNKNFHD Unité Nombre d’infirmiers ... ... ayant suivi la formation ou ... ... ayant plus de 5 ans d’ancienneté … n’ayant pas suivi la formation pourcentage des infirmiers "formés" Gastro-entérologie et oncologie digestive (3A) 20 4 11 5 75 Oncologie pulmonaire (3B) 23 15 0 0 65 Hémato-oncologie (-3AB, -3C, 3C) 58 49 6 3 95 Hôpital de jour oncologique (3D) 23 21 2 0 100 124 89 19 8 87 Total CHU DE LIEGE 5 Nursing oncologique « Derrière l’objectif de cette formation, outre répondre aux exigences légales, nous souhaitions accroître nos connaissances dans des domaines aussi variés que la maîtrise de soi et la communication. » Désormais, selon Chantal Gilles, l’infirmier s’implique davantage dans la relation qu’il entretient avec le patient : « Nous ne sommes plus des exécutants mais devenons réellement partie prenante dans les soins prodigués au malade. » Chantal Gilles complète : « Sur base de l’arrêté de 2003, le CHU de Liège a mis en place une équipe de soutien pluridisciplinaire. » En outre, un médecin spécialiste ayant une expérience dans le traitement de la douleur, un kinésithérapeute et un diététicien doivent également être présents lors de réunions spécifiques réalisées en unités de soins. Une politique sanitaire bienvenue Le carnet de liaison et de soins En mars 2008, la Belgique se dotait d’un nouvel outil, le Plan Cancer. Pour la première fois, cette maladie devenait ainsi une priorité de santé publique, alors que de nombreuses voix s'élevaient, depuis longtemps déjà, sur l'urgence de doter notre pays d'un véritable plan de bataille destiné à lutter contre ce fléau qui touche chaque année plus de 65.000 nouvelles personnes en Belgique. A son arrivée au CHU de Liège, le patient cancéreux reçoit un carnet de liaison. « C’est un document qui lui est personnel », explique Chantal Gilles. Il a été créé pour améliorer la coordination entre les différents intervenants et est régulièrement actualisé. Ce plan couvrant initialement la période 2008 - 2010 a été doté de 380 millions d’euros. Il a été prolongé et complété par des mesures supplémentaires et adapté au fil de sa concrétisation. La majorité des mesures du Plan Cancer sont des mesures structurelles. Cela signifie qu’une fois entrées en vigueur, elles sont permanentes. Il s’agit par exemple de nouveaux remboursements de traitements cancéreux, d’une consultation de longue durée pour l’annonce du diagnostic, du financement de tumorothèques, de la prise en charge multidisciplinaire à travers les consultations oncologiques multidisciplinaires, du renforcement des équipes dans les services oncologiques dans le cadre des programmes de soins oncologiques. 6 M A G A Z I N E D E L’ONCOLOGIE « Cette démarche novatrice est propre au CHU de Liège. La Fondation contre le cancer a sponsorisé l'impression des 2000 premiers carnets. » On y trouve les adresses et les numéros de téléphone utiles, des informations pratiques, l’agenda des soins ou encore des conseils nutritionnels. A cet égard, pour la période 2010 - 2012, le CHU de Liège est financé à hauteur de plus de 1,75 million pour huit projets portant sur la recherche translationnelle et sur l’amélioration du soutien psychosocial des patients, dont « la boîte à bulles » (accueil d’enfants devant faire face à la maladie). « Une des mesures du Plan est également la création des infirmiers de liaison », rappelle Chantal Gilles. « Ils sont le ciment entre le patient et l’équipe médicale. » Cinq sont actuellement en place « et nous espérons recruter une sixième personne spécialisée en ORL. » L'hôpital de jour onco-hématologique : PT@MCĮPT@KHS½ĮQHLDĮ@UDBĮDEÛB@BHS½ Françoise FRANCHI 04 366 73 08 [email protected] Depuis 2010, Françoise Franchi est infirmière en chef à l'hôpital de jour onco-hématologique.Elle fait le point sur son service qui a connu deux déménagements en moins de dix ans. Un troisième est prévu en 2018 vers le Centre Intégré d’Oncologie. Elle observe aussi que dans le même temps, le nombre de patients a quasiment doublé. Bien qu'agrandi ces dernières années, l'hôpital de jour onco-hématologique semble aujourd'hui devenu trop petit. Évolution du nombre de patients à l'hôpital de jour onco-hématologique entre 2001 et 2013 16 000 15 000 14 000 13 000 12 000 11 000 10 000 9 000 Concrètement, comment s'organise une journée à l'hôpital de jour ? F. F. : L'hôpital de jour fonctionne de 7 heures 30 à 19 heures et les premiers patients arrivent dès l'ouverture. Grâce à une nouvelle planification informatique des rendez-vous qui intègre le protocole de chimiothérapie de chaque pa- tient et à une excellente collaboration avec la pharmacie des cytostatiques, nous pouvons les accueillir de manière très efficace. En effet, les délais d'attente sont limités, ce qui est primordial tant pour le patient, étant donné sa fragilité, que pour le soignant qui peut dès lors mieux gérer le flux des arrivées entre ceux qui ne doivent rester qu'une heure et ceux qui sont soignés toute la journée. Deux tableaux numériques, placés dans les locaux infirmiers pour des raisons de confidentialité, nous permettent d'avoir une vue d'ensemble à tout moment et en temps réel sur l'information utile au patient, comme la validation des résultats de biologie sanguine ou le statut de préparation des chimiothérapies, ce qui renforce encore la qualité des soins. Toutes ces informations sont connues de l'unité, du médecin responsable et du service de production des cytostatiques de la pharmacie. La production s'en trouve donc améliorée. Grâce à l'informatique, l'optimalisation des soins s'est encore accrue : médecins, infirmières et pharmaciens ont désormais une vue d'ensemble en temps réel des soins à dispenser. Cette optimisation nous prépare au troisième déménagement, celui vers le CIO. Ainsi, nous n'attendons pas 2018 avant de mettre les choses en place. En anticipant, nous voulons être directement opérationnels. CHU DE LIEGE 7 13 12 20 11 20 10 20 09 20 08 20 07 20 06 20 05 20 04 20 03 20 02 20 20 01 8 000 20 Françoise Franchi : En effet, la capacité actuelle de cet hôpital de jour est de 32 lits et 8 fauteuils. Cela représente donc 40 places pour accueillir quotidiennement environ 65 patients. Depuis plusieurs années, je remarque une augmentation significative de sa fréquentation. Ceci explique que nous avons déjà déménagé à deux reprises, en 2007 et en 2009. La prochaine fois, ce sera en 2018, lors de notre installation au sein du CIO, le Centre Intégré d'Oncologie (voir Magazine de l'oncologie #08) où nous disposerons de 60 lits et 5 fauteuils pouvant alors accueillir entre 100 et 110 patients. Là, nous privilégierons, d'une part, l'accueil des patients qui reste le premier maillon de la chaîne de soins, et, d'autre part, une répartition géographique de ceux-ci dans les meilleurs délais et conditions (les enfants, les patients en étude clinique, les patients en hématologie, etc.). Hôpital de jour onco-hématologique La formation interne dispensée à cet égard (puis le titre légal qui a suivi) a rencontré un franc succès au CHU. Tous les infirmiers du service possèdent les qualités requises désormais obligatoires. Je remarque chez eux un souci permanent de formation continue. Votre maître mot reste la prise en charge intégrée du patient ? F. F. : C’est notre leitmotiv. L'infirmière oncologique assure la continuité de la prise en charge du patient qu'elle suit tout au long de son trajet thérapeutique. Elle veille à la mise en place et à l'application d'un plan de traitement commun et apparait comme la référence tant pour le patient que pour le personnel médical. Par ailleurs, la collaboration avec les soins à domicile est encouragée puisqu'elle est un confort pour le patient. Actuellement, nous travaillons avec des infirmiers spécialisés en oncologie. Il est ainsi inutile que le patient se déplace jusqu'au CHU pour une simple déconnexion de pompe de chimiothérapie, par exemple. La collaboration à domicile se fait aussi pour des prises de sang effectuées la vielle du traitement, ce qui nous permet d'anticiper celui-ci. Sans cette collaboration, nous connaîtrions un problème d'infrastructure au CHU. De plus, nos patients connaissent ces infirmiers, ce qui les rassure. Tout cela s'inscrit encore dans un processus de continuité que nous favorisons et fait partie de la prise en charge intégrée du patient qui, comme vous le soulignez, est le maître mot de notre unité. TÉMOIGNAGES : « Toujours tout expliquer, surtout en oncologie. » Nicole Fransolet est infirmière à l'hôpital de jour onco-hématologique depuis une dizaine d'années. Avec la plupart de ses collègues, elle a suivi la formation ad hoc en oncologie voici quelques mois et en est très satisfaite : « Cela représente une véritable valeur ajoutée car, désormais, nous sommes tous plus sûrs de nous et nous nous inscrivons davantage dans la prévention. » Chaque jour, elle accueille "ses" six patients, deux par chambre, le temps de leur traitement. « J'ai fait le choix de travailler à mi-temps, ce qui me permet d'avoir un certain recul sur ma profession car être confrontée quotidiennement à la maladie est assez éprouvant. » D’ailleurs, elle dit ressentir de la compassion « mais en freinant mon émotivité », pour les personnes qu'elle côtoie dans les couloirs de l'hôpital de jour. Quant à Françoise Claisse, infirmière pédiatrique, elle s’occupe principalement des enfants ayant subi une (auto)greffe de moelle dans l’unité stérile du CHU. » Ces enfants âgés d’au moins trois ans (les plus jeunes sont orientés vers Bruxelles) ont un passé hospitalier assez long, entre six mois et un an en moyenne « et leur séjour au CHU durera encore une bonne année. Si l’hospitalisation est une épreuve pour tout un chacun, elle est davantage pénible pour les plus jeunes » note Françoise 8 M A G A Z I N E D E L’ONCOLOGIE Nicole FRANSOLET et Françoise CLAISSE sont toutes deux infirmières en oncologie; la première s'occupe principalement des adultes, la seconde, des enfants. Elle est aussi secrétaire de l’asbl Aide aux enfants cancéreux, qu’elle a créée en 1985 (www.asbl-aec.be). Claisse, « car ils arrivent ici, de plus en plus souvent seuls, dans un monde d’adultes. » Dès lors, elle a pour mission de les accueillir au mieux, de A à Z, en leur proposant des activités récréatives ou en mettant à leur disposition divers jeux. « Leur chambre a été décorée spécialement dans des couleurs et des motifs adaptés à leur âge » note-t-elle. « Souvent, ils me connaissent avant même d’arriver car on leur a annoncé ma présence. Ils ne sont donc pas tout à fait perdus.» De plus, Françoise Claisse joue franc jeu : « J’explique toujours ce que je fais afin de gagner leur confiance car il n’y a rien de pire, pour un enfant, que se sentir trahi. » L’empathie d’abord ! L’oncologie n’est pas une et indivisible. Elle se décline en différents services, où les infirmiers/infirmières sont aussi spécialisés que les médecins. Mais, si pointues que soient leurs connaissances techniques, ils/elles représentent aussi, où qu’ils/elles soient, une valeur universelle : l’empathie. « Il y a des patients qui, pour épargner leurs proches, décident de supporter leur maladie seuls, sans rien en révéler aux leurs », explique Fatima Dali, infirmière chef d’oncologie pulmonaire et digestive. « Mais, à certains moment, ils n’en peuvent plus de se taire et c’est à l’infirmière qu’ils voient si souvent à leur chevet qu’ils finissent par se confier. Ils ne parleraient pas au premier venu, mais à elle oui. Parce qu’un lien s’est créé entre eux, ils sentent qu’ils peuvent parler. » Oncologie pulmonaire – Du temps sur notre temps Malheureusement fréquents, les cancers pulmonaires et digestifs sont aussi particulièrement lourds. « Pour le patient, mais aussi au niveau du nursing », précise Fatima Dali. « En plus d’altérer les capacités physiques du patient, la chimiothérapie diminue ses défenses, de sorte que les réhospitalisations entre les cures ne sont pas rares, la moindre bactérie pouvant causer d’énormes dégâts. Les infirmières doivent donc mener de front traitements, soins d’hygiène – l’hygiène buccale, notamment, est très importante – et soins de la vie quotidienne. Comme ce sont des patients qui n’ont pas d’appétit, il faut les peser régulièrement, enrichir leur alimentation. A cela s’ajoute le côté psychologique, qui demande un investissement personnel: il faut le temps de connaître le patient – pour ma part, je ‘tourne’ deux fois par semaine avec les médecins – de l’écouter, de lui faire des suggestions – faut-il lui envoyer la psychologue, un conseiller spirituel, l’équipe mobile de soins palliatifs ? Et ce temps, nous devons parfois le prendre sur notre propre temps.» Car l’unité d’onco-pneumologie n’a que trois ans, et l’équipe de Fatima Dali commence seulement à s’étoffer. « Les infirmières spécialisées en oncologie rejoignent généralement ce service en connaissance de cause, par vocation », précise Fatima. « Mais, pour les graduées, la gestion des décès est souvent difficile et, tôt ou tard, beaucoup s’en vont, ce qui peut ébranler la cohésion de l’équipe. Bien sûr, la mort est toujours diffi- cile à accepter, et je ne connais aucune infirmière qui n’ait pas le cœur gros lorsqu’elle assiste aux derniers moments d’un patient avec qui elle a noué des relations amicales. C’est la principale difficulté dans un service comme celuici: être proche des patients tout en se préservant, s’impliquer sans se détruire. Cela nécessite un gros travail sur soi-même, mais c’est aussi une grande leçon de vie. » Fatima DALI 04 366 74 29 [email protected] CHU DE LIEGE 9 L'empathie d'abord ! Gastro-entérologie/oncologie digestive – Des pratiques en harmonie Pour Cindy Radoux, infirmière chef du service de gastro-entérologie, hépatologie et oncologie digestive, le problème ne se pose pas de la même manière. « Comme ce service réunit trois disciplines, l’équipe est confrontée à toute une série de pathologies différentes. La mort y est donc moins présente, mais le travail quotidien n’est pas plus facile pour autant, car nous avons 40 lits au lieu de 30, dont 10 chez Fatima Dali, en oncologie pulmonaire et digestive, ce qui exige une harmonisation des pratiques. Pour un patient, c’est déjà déstabilisant de devoir passer d’un service à l’autre quand il vient faire sa chimio ! S’il constate en outre que les pratiques diffèrent, il risque de perdre confiance. » Cette particularité en entraîne une autre: « « Bien Bien que la moi moitié de nos 40 lits soient en oncologie digestive, nous avons relativement peu de médecins oncologues. L’avantage, c’est que la collaboration entre eux et l’équipe infirmière en est d’autant plus facile. L’inconvénient, c’est qu’ils sont tellement surchargés de travail qu’ils ne sont pas toujours aussi disponibles qu’ils le voudraient pour les patients et leurs familles. » Ce qui n’empêche pas les uns et les autres d’être fiers de la troisième particularité de leur unité: « Il s’agit d’un traitement spécial, la chimiothérapie intra-artérielle, qui ne se pratique que dans notre unité », insiste Cindy Radoux. « Il permet de soigner les métastases hépatiques dans le cadre des néoplasies du côlon, mais il exige la présence conjointe d’un médecin et d’une infirmière au chevet du patient ! » Contrairement au service de Fatima Dali, celui de Cindy Radoux a été inauguré en même temps que le CHU et, sur ses dix-neuf infirmières (plus deux aides-soignantes et deux aides logistiques), deux sont là depuis le début. « Elles fédèrent l’équipe par leur ancienneté et la qualité 10 M A G A Z I N E D E L’ONCOLOGIE Cindy RADOUX 04 366 73 36 [email protected] de leur travail », affirme Cindy Radoux, « mais les plus jeunes apportent beaucoup aussi. Certaines sont spécialisées en oncologie et les autres pas, mais personne ne cultive de complexe de supériorité: la force de notre équipe, c’est sa cohésion. Elle est parfaitement soudée, et c’est d’autant plus nécessaire que, durant les deux dernières décennies, les rapports entre patients et infirmières ont évolué. Quand j’ai débuté, il y a dix-sept ans, les patients nous faisaient spontanément confiance: nous étions là pour les soigner et ils ne demandaient rien de plus. Aujourd’hui, nous devons sans cesse regagner cette confiance, par exemple en expliquant nos moindres gestes. La plupart des patients ne veulent plus subir passivement les soins, ils veulent être acteurs de leur propre maladie. C’est une bonne évolution, mais elle augmente encore la charge de travail des infirmières. » L'empathie d'abord ! Oncologie générale - Le patient dans sa globalité En oncologie générale aussi, le maître-mot est ‘diversité’. « De même que l’hématologie traite les tumeurs liquides, notre service traite l’ensemble des tumeurs solides, de la tête aux pieds, explique l’infirmier chef David Simonis. « Selon moi, c’est plus intéressant que de devoir s’en tenir à un seul système, comme mes collègues d’oncologie pulmonaire ou d’oncologie digestive. Ici, nous avons chaque fois affaire à des systèmes différents, avec des spécificités au niveau de l’histologie. De plus, nous avons la chance de collaborer avec des oncologues qui travaillent sur des tumeurs rares, notamment des sarcomes. Les progrès dans ce domaine sont fabuleux ! Mais cela oblige évidemment toute l’équipe à suivre une formation continue, afin de rester à la hauteur. » Cette petite unité de 18 lits à peine – « ce qui en fait tout le charme, même si nous manquons évidemment de place » - fonctionne avec une quinzaine d’infirmières, dont plusieurs très jeunes: « Peu d’infirmières font une carrière complète en oncologie, car c’est un service très lourd, tant physiquement que moralement », souligne David Simonis. « Pour ma part, si je suis devenu chef d’unité, c’est d’abord parce que j’avais une certaine vision du travail infirmier et que je voulais la transmettre à d’autres. Une vision basée sur le respect – des collègues, des familles, mais d’abord et surtout du patient. En oncologie, on ne peut pas se conten- David SIMONIS 04 366 81 59 [email protected] ter de lui administrer les traitements nécessaires: il faut le prendre dans sa globalité, avec toutes les inquiétudes qui découlent de son cancer – perturbation de la vie familiale, menaces sur l’emploi, difficultés financières, peur de perdre sa place de père ou de mère, d’être cantonné dans sa maladie, de ne plus être le pivot de sa famille. C’est parce que nous en sommes toutes et tous convaincus que nous parvenons à donner chaque jour, au chevet de chaque patient, le meilleur de nous-mêmes. » Hématologie clinique et unité stérile - Perfusions et joie de vivre « L’hématologie, ce sont tous les cancers dit ‘liquides’, c’est-à-dire toutes les maladies qui ont trait aux cellules sanguines », précise l’infirmier chef adjoint Thibaut Degrave. « Des lymphomes aux leucémies en passant par toutes les formes d’hémopathies. Nous accueillons deux types de patients. D’une part, les ‘aigus’, chez qui une prise de sang réalisée pour cause de fatigue excessive, par exemple, a révélé une leucémie et qui exigent une prise en charge immédiate, parce qu’ils courent un risque vital. Thibaut DEGRAVE 04 366 73 16 [email protected] D’autre part, les ‘chroniques’, qui sont en soins chez nous pour des chimiothérapies régulières et qui nécessitent par exemple six à huit mois de traitement. » Techniquement, l’hématologie est très exigeante : « Un exemple ? Après le service d’Anesthésie-Réanimation, c’est nous qui utilisons le plus gros volume de perfusions ! Sans compter les nombreux médicaments intraveineux à administrer, le grand nombre de chimiothérapies aussi complexes que dangereuses - certaines peuvent même être létales si elles ne sont pas accompagnées d’une greffe de cellules souches hématopoïétiques. De plus, l’unité d’Hématologie a cette particularité d’être proche de la recherche clinique et nécessite, de la part des infirmières, des réactualisations constantes de leurs connaissances et compétences afin de maîtriser des techniques novatrices (nouvelles molécules, injection de cellules mésenchymateuses, Laserthérapie, etc.) Ce n’est pas pour rien que notre équipe compte 95 % d’infirmières – je dis toujours ‘infirmières’, car nous ne sommes que quatre infirmiers pour 44 infirmières ! – spécialisées en oncologie ! Cependant, nous n’oublions jamais qu’une spécialisation n’est pas une garantie de sécurité et que tout le monde peut commettre une erreur. Nous nous remettons systématiquement en question au moindre incident, afin d’éviter que le prochain ne dégénère en accident ! » CHU DE LIEGE 11 L'empathie d'abord ! Il en résulte un stress considérable, encore accentué par la proximité psychologique avec le patient. « Il y a bien sûr des cas qui nous touchent plus que d’autres, parce qu’ils nous renvoient notre propre image : la mère de famille, le jeune adulte, etc. Mais de façon plus générale, l’infirmière s’intéresse au patient en tant que personne. A la recherche de sa problématique du moment, elle prend le temps de lui demander comment il se sent et d’écouter la réponse, d’entendre un déni éventuel. Parfois, le dialogue est plus important que les soins. La toilette n’a pas été faite à l’heure pile ? Tant pis ! L’essentiel est que le patient ait obtenu les réponses à ses interrogations » Cette pression morale explique-t-elle le turnover qui caractérise le service ? « C’est sans doute, un des nombreux facteurs ! Nous gardons quelques infirmières ‘piliers’, qui ont la passion de l’hématologie et dont nous puisons la précieuse expérience pour l’enseigner aux jeunes recrues. De manière globale, les infirmières ne font pas de longues carrières dans notre service, que ce soit dû à des faits de vie personnelle, au vœu de s’occuper de sa famille ou à la concentration de tristesse, de souffrance et de décès qui peut devenir difficile à assumer. Accompagner une personne en fin de vie et sa famille, par exemple, cela fait peur à la plupart des gens, alors que nos infirmières le font quasi quotidiennement, en tentant de soulager à la fois la douleur physique et la douleur morale » Pourtant, le service d’hématologie n’a rien de lugubre ? « Au contraire, il y règne une gaieté, une joie de vivre étonnante. Nos patients nous parlent parfois de leur maladie avec beaucoup de profondeur et d’émotion, mais il leur arrive également, bien plus souvent qu’on ne pourrait le croire, de s’entretenir de sujets légers, d’avoir envie de rire et de plaisanter. Là aussi nous sommes à leur disposition ! L’humour est une arme de communication incroyable et aussi nécessaire aux infirmières d’oncohématologie. » Je termine sur un mot concernant le rôle de responsable d’unité dans ce secteur. Bien qu’il puisse sembler peu attrayant, avec l'aspect "bureaucratique" d’une activité qui limiterait les soins de proximité avec le patient, le métier n’en reste pas moins épanouissant. Il rend possible la création et l’adaptation des outils, en partenariat avec les infirmières, pour fournir du travail de la plus haute qualité tout en veillant à l’épanouissement personnel de chacun. Radiothérapie – 13 minutes En radiothérapie, c’est pareil, sauf que c’est (beaucoup !) plus court. « Nous traitons 2500 patients par an », insiste Willy Ruyange, infirmier chef adjoint. « Certains sont hospitalisés, la plupart viennent en ambulatoire, mais l’infirmier manipulateur a exactement 13 minutes à consacrer à chaque patient. Treize minutes pendant lesquelles doivent passer tout ce qu’il a appris sur la relation d’aide par rapport à un patient : humanité, disponibilité, empathie, compétence… C’est vraiment la particularité de notre service: nos agents doivent être capables d’établir le contact Willy RUYANGE 04 366 81 31 [email protected] 12 M A G A Z I N E D E L’ONCOLOGIE avec le patient, de le mettre à l’aise, de lui expliquer son traitement et de le lui administrer avec toute la précision et la sécurité nécessaires en un temps extrêmement limité. Ce qui suppose une grande capacité à aimer les gens – chez nous, la bienveillance est la première qualité – mais aussi de grandes compétences techniques. » L’infirmier qui arrive en radiothérapie doit donc se soumettre à une formation de six mois sur le terrain : « Le libérer avant serait trop risqué, d’autant que les traitements sont de plus en plus délicats. La radiothérapie progresse à une telle vitesse que le recyclage doit être quasi quotidien. Lorsque le manipulateur pousse sur le bouton, il doit être certain que la dose arrivera au bon endroit. Au millimètre près ! » Mais il ne doit pas pour autant oublier l’indispensable contact avec le patient, qui commence déjà entre la cabine et la salle de traitement. « Pendant que deux agents préparent le traitement, le troisième va chercher le patient. Le trajet permet un premier échange: ‘Comment allez-vous ? Avez-vous des choses à nous signaler ?’ Nous devons savoir ce qu’il ressent, ses inquiétudes, ses angoisses, parce que, dans un traitement contre le cancer, le moral compte. Il n’y a pas d’étude randomisée pour le prouver, mais, quand vous êtes bien dans votre tête, vous avez plus de force pour affronter la maladie! C’est pourquoi, pendant les 13 minutes qui nous sont dévolues, nous nous occupons entièrement de notre patient. Et, en un mois – puisque ces 13 minutes doivent être multipliées par 30 – il se passe vraiment quelque chose entre le soignant et le soigné ! » L’équipe mobile de soins continus et palliatifs Omniprésente et cependant discrète, toujours disponible mais jamais intrusive, l’équipe mobile de soins continus et palliatifs a comme membre d’honneur… une valise! « Ne cherchez pas notre local : il n’est pas fléché ! » Pour Nathalie Breesch, infirmière de l’équipe mobile de soins continus et palliatifs (EMSCP), cette absence d’indications n’est pas anodine : elle rappelle que son équipe, créée officiellement en 2005, mais en gestation depuis la fin du XXe siècle, s’est longtemps heurtée à l’opposition de certains médecins, qui confondaient soins palliatifs et "mouroir". « Nous existons parce que la Belgique a fait de l’accès aux soins palliatifs une obligation pour son système de santé », insiste Nathalie Breesch. « Mais, au départ, nous n’avions pas de local du tout. Sans l’infirmier chef d’hématologie, Fernand Courtois, qui nous a fait une petite place dans son service, nous n’aurions pas de point de chute. Je crois que nous symbolisons trop de réalités dérangeantes, mais pourtant inévitables. » Nathalie BREESCH 04 366 81 92 [email protected] Massage ou pas massage ? Pr. Marie-Elisabeth FAYMONVILLE Sur le terrain, cependant, cette équipe de seconde ligne, qui est censée intervenir aux côtés des soignants de première ligne et en concertation avec eux, afin d’assurer aux personnes atteintes d’une maladie grave et à leurs proches la meilleure qualité de vie possible, suscite un intérêt croissant. « Dès que je suis entrée en hématologie, en 1997, je me suis rendu compte de l’importance de cet accompagnement », remarque encore l’infirmière. « Aujourd’hui, nous sommes la seule équipe mobile de Belgique à réunir autant de membres de spécialités différentes : deux infirmières, deux psychologues, deux esthéticiennes, une ergothérapeute, trois kinésithérapeutes, et un médecin, le Pr. Marie-Elisabeth Faymonville. Nous travaillons sur tous les sites du CHU, en fonction des besoins. » L’équipe ne se présente pas systématiquement aux nouveaux patients : elle se déplace généralement à la demande des soignants, qui ont constaté chez un patient une souffrance, une anxiété ou un problème pratique, comme une perte de cheveux. « Nous rencontrons alors le patient et sa famille afin d’évaluer leurs attentes, qui ne correspondent d’ailleurs pas toujours aux conclusions du soignant. Ainsi, il peut arriver qu’un soignant s’imagine qu’un de ses patients pourrait bénéficier d’un massage, alors qu’il nous suffit de quelques instants pour comprendre que ledit patient déteste être touché, mais qu’il s’ennuie et serait ravi de se voir proposer un jeu ou une activité artisanale par l’ergothérapeute. » CHU DE LIEGE 13 L'équipe mobile de soins continus et palliatifs Equipe à tout faire Au premier contact, l’équipe n’utilise pas l’expression "soins palliatifs". « Nous préférons nous définir comme une équipe de soins continus et de confort, parce que c’est moins agressif pour le patient et ses proches », reconnaît Nathalie Breesch. « Au CHU, beaucoup nous ont suggéré de laisser tomber le terme « palliatif », sous prétexte qu’il est connoté négativement, mais nous nous sommes battus pour le garder : il figure en toutes lettres sur le dépliant que nous laissons au patient pour lui permettre de nous recontacter, et il suscite souvent, de sa part, des questions auxquelles nous répondons en toute franchise. Dans notre esprit, d’ailleurs, "palliatif" n’est pas synonyme de "terminal", même si cette correspondance est bien établie dans la conscience collective. » Soutien psychologique, aide à la prise en charge de la douleur et de l’inconfort, allégement de l’anxiété par le recours à la relaxation, à la réflexologie plantaire, soins esthétiques, une équipe mobile de soins palliatifs peut apparaître comme une équipe "à tout faire", toute aussi capable de réfléchir avec le patient à la signification du mot "acharnement" ou à une éventuelle demande d’euthanasie, que de le conseiller sur les manières les plus seyantes de nouer un foulard ou encore de l’informer sur les aides financières disponibles. « Nous nous efforçons d’être à l’écoute du patient dans l’ici et maintenant », insiste Nathalie Breesch. « Et de l’aider à mettre des mots sur ce qu’il veut vraiment. C’est lui et sa famille qui déterminent la nature de notre intervention. » Maboul-la-valise-qui-roule Et le moins qu’on puisse dire, c’est que, dans l’exercice de ce métier complexe, tous les membres de l’équipe font preuve d’une imagination débordante. La "kinesthéticienne" Véronique Albinovanus, par exemple, conjugue ses talents de kinésithérapeute et d’esthéticienne pour mieux soulager le patient. L’ergothérapeute Julie Bodeus lui propose, à côté d’exercices ciblés visant à améliorer la dextérité, la mémoire ou la concentration, des activités créatives sans autre but que de lui faire passer un bon moment. « Il ne faut pas croire que les gens en fin de vie ne pensent qu’à ça. Il leur arrive évidemment de parler de leurs angoisses ou de leurs difficultés. Mais ils ont aussi envie, comme tout le monde, de rire, de se divertir, de jouer. » Quant aux deux psychologues, Régine Hardy et Charline Waxweiler, elles ont inventé, pour les enfants dont un proche est atteint d’une maladie grave, un lieu d’accueil appelé la "boîte à bulles", qu’elles animent en compagnie de Maboul-la-valise-qui-roule, une vieille valise pittoresque, badigeonnée de couleurs vives et contenant un matériel ludique que l’enfant s’approprie peu à peu. « Nous intervenons à la demande des parents », 14 M A G A Z I N E D E L’ONCOLOGIE explique Régine Hardy. « Pour l’instant, par exemple, je m’occupe d’un petit garçon de cinq ans dont le papa est gravement malade. La maman s’inquiète d’autant plus pour son fils que celui-ci lui donne l’impression d’aller bien. Ne lui cacherait-il pas quelque chose ? Dans un premier temps, je me contente de l’observer : il est content de venir, il apprécie Maboul, mais, comme pour toute relation thérapeutique, il faut attendre que la confiance s’établisse. » Ressourcement Même une équipe mobile a besoin d’un point de ralliement, d’un endroit où se poser, raconter sa journée, échanger sur les cas difficiles. « Certains jours, quand le rythme des interventions est soutenu et la pression forte, ce petit local, qui n’est pas ouvert aux patients, est pour nous un véritable lieu de ressourcement », constate Nathalie Breesch. « C’est ce qui nous a amenés à penser aux autres soignants, et plus largement à tous les membres du personnel du CHU qui sont en contact avec les patients et se laissent parfois déborder par la souffrance ambiante. Nous avons créé pour eux, une fois par mois, un espace transversal qui s’appelle la Bulle, et où tout membre du personnel qui le souhaite – même une technicienne de surface, par exemple, qui reçoit souvent, plus ou moins consciemment, beaucoup d’informations – peut venir discuter d’une situation clinique. » Mais une équipe mobile, même lorsqu’elle s’occupe aussi efficacement de tout et de tout le monde, est-elle préférable à une unité de soins palliatifs ? « J’ai envie de répondre oui », avoue Nathalie Breesch, « parce que je crois qu’entourer le patient là où il se trouve, dans un service "normal" – les soins palliatifs n’étant évidemment pas réservés aux patients en oncologie – vaut mieux que de le déplacer dans une unité conçue spécialement pour les malades en fin de vie : pour le patient et sa famille, c’est plus facile à accepter, plus progressif aussi. Bien sûr, les services de soins palliatifs ont des avantages. Les week-ends et jours fériés, par exemple, ils fonctionnent aussi efficacement qu’en semaine. De plus, comme la proportion est d’une infirmière pour deux ou trois patients, les soignants sont forcément plus disponibles. Mais je crois à la formule que nous avons mise au point, parce qu’elle est centrée sur le patient et ses besoins. A tous les niveaux. » Les psychologues à l’hôpital : des spécialistes (pas) comme les autres ? A l’instar des médecins et des infirmières, les psychologues hospitaliers suivent la tendance générale à l’hyperspécialisation. A tort ou à raison ? Il y a trois ans, Martine Devos a été nommée coordinatrice des psychologues au CHU de Liège – soit une cinquantaine de professionnels sur l’ensemble des sites. Comme elle travaille aussi en onco-hématologie depuis vingt ans, elle est bien placée pour se prononcer sur les avantages et les inconvénients de l’hyperspécialisation des psychologues. Fausses impressions « Depuis que le Plan Cancer a multiplié les psychologues dans les hôpitaux, c’est une question très débattue », souligne-t-elle. « Elle figurait d’ailleurs au programme du colloque de l’Association francophone de psychiatrie de liaison, en mai dernier. » Que certains psychologues choisissent de se consacrer aux personnes atteintes d’un cancer, par exemple, rien de plus normal. Mais, de l’extérieur, une spécialisation par services peut paraître superflue. « Face au cancer, tous les patients partagent évidemment la même peur de la maladie, de la déchéance physique et de la mort », admet Martine Devos. « Mais les confier à un psychologue généraliste, c’est oublier que leur parcours est très différent selon qu’ils relèvent de l’hématologie, de la pneumologie ou de l’oncologie digestive. Pour établir une alliance thérapeutique efficace avec eux, nous devons leur prouver que nous comprenons ce qu’ils vivent, que nous percevons leur réalité. De plus, une des principales causes de stress, pour les patients en oncologie, c’est d’avoir une fausse impression de ce qui les attend, parce qu’ils ont prêté plus d’attention aux idées reçues de leur entourage qu’aux explications de leur oncologue. Comment leur psychologue pourraitil les rassurer s’il en sait moins qu’eux ? » dit, le psychologue doit fonctionner à la demande. » Si les membres de l’équipe sont en demande, par contre, c’est un autre psychologue qui les prend en charge. « Et, quand des réunions de parole sont organisées pour l’équipe, ce n’est pas moi qui les anime », insiste Martine Devos. « Je me contente d’y assister, au même titre que les autres. Parce que le fait d’être psychologue ne me rend pas invulnérable : moi aussi, il y a des patients qui me touchent au cœur et des situations que je trouve difficiles. Je me sens solidaire de toute personne, qu’elle ait 25 ou 75 ans, qui aime la vie et a encore des choses à vivre. » Crise de larmes De la part des infirmières, dont elle mesure « l’impact énorme sur le moral du patient », certaines réactions l’étonnent parfois. « Les larmes des patients, par exemple, les désarçonnent. Je ne parle pas d’une symptomatologie anxieuse ou dépressive, mais d’une simple crise de larmes. Récemment encore, en sortant d’une chambre, une jeune infirmière m’a annoncé, bouleversée : « M. X est en train de pleurer ». Je lui ai répondu : C’est normal. Si je te raconte une blague, tu ris. Si je te raconte une histoire triste, tu pleures. Ce patient est comme toi : on lui a raconté une histoire triste. » Un discours cohérent Par ailleurs, dans chaque service, la participation du psychologue à l’équipe pluridisciplinaire renforce la crédibilité de l’ensemble des soignants : « Le patient fait davantage confiance à une équipe dont tous les membres s’expriment d’une même voix et parlent le même langage », constate Martine Devos. « La cohérence du discours est fondamentale ! » Ce qui ne signifie pas que le psychologue doive s’imposer aux patients. « Lorsque l’infirmière ou le médecin décèle une souffrance, il ou elle en parle au patient et lui propose de voir un psychologue. Mais, en cas de refus, le psychologue n’insiste pas : en intervenant trop tôt, il risquerait de blesser le patient et de compromettre définitivement ses chances de l’aider. Autrement Martine DEVOS 04 366 76 23 [email protected] CHU DE LIEGE 15 Infirmier de liaison (MÛQLHDQĮCDĮKH@HRNMĮĮ « Si vous n’y croyez pas, passez votre chemin... » Bien qu’indispensable, le métier d’infirmier de liaison est relativement neuf : à peine une dizaine d’années. Il consiste, comme son nom l’indique, à être l’interface entre le corps médical, le corps infirmier et le patient. Il doit aussi apporter encore davantage de professionnalisme à ce dernier et à sa famille, notamment en termes de connaissances de la maladie. Anne Lawarée, Florence Neissen, Sabine Brouers et Jean-Luc Létargez sont tous les quatre infirmiers de liaison. Ils font part de leur vision du métier, de ses difficultés et de ses richesses. Anne LAWARÉE 04 366 74 87 [email protected] Comment définiriez-vous votre métier ? Anne Lawarée : Tout d’abord, j’emploie assez rarement le terme "infirmier de liaison". Je me présente d’abord comme une grande sœur, celle à qui on peut tout demander, qui accompagne les patients au jour le jour, dans l’organisation de leur cure, en prenant des rendez-vous, par exemple ou en assurant la transition entre toutes les professions qui gravitent autour d’eux, parfois même avec leur mutuelle ! Jean-Luc Létargez : Pour moi, les relations humaines sont primordiales et le métier d’infirmier de liaison en est l’illustration parfaite. Je dirais que je suis un intermédiaire ou un entremetteur. Mon rôle consiste donc à la fois à coordonner et à informer. Sabine Brouers : A mes yeux, l’infirmière de liaison est une personne de référence, une personne ressource qui accompagne le patient à travers les différentes étapes de sa maladie. Notre rôle consiste aussi à nous assurer que le patient a reçu toute l’aide qu’il est en droit d’attendre. Florence Neissen : Je définirais ce métier comme le point de rencontre entre le patient et l’hôpital lors de son traitement. Et par "hôpital", j’entends aussi bien le corps médical et infirmier que les services administratifs. Je m’occupe de tout pour le patient, y compris les rendez-vous. Florence NEISSEN 04 366 83 31 fl[email protected] « On s’est rendu compte que les patients étaient soit désarmés soit déboussolés. » Anne Lawarée Pourquoi avoir quitté votre ancien service pour devenir infirmier de liaison ? A. L. : J’adorais ce que je faisais mais la place était vacante en 2007, créée grâce à des fonds privés, et j’ai postulé, en même temps que sept autres personnes. Sans regret car cette nouvelle fonction s’inscrit dans la continuité de mon job précédent où j’étais bombardée de questions. J.-L. L. : Je voudrais d’abord recontextualiser mon parcours professionnel qui a été, c’est une chance à mes yeux, assez multiple : d’abord en médecine interne, en chirurgie, en psychologie et psychiatrie, en oncologie digestive et enfin à l’hôpital de jour, le tout sur une trentaine d’années. Etant donné mon expérience et mon intérêt pour la discipline, je pensais posséder le profil requis et donc, naturellement, j’ai postulé. Je m’y épanouis pleinement. S. B. : Il se fait que je voulais réorienter ma carrière tout en restant dans ce domaine et en étant proche de mes patients après près de vingt ans. Quand le poste s’est ouvert, j’ai posé ma candidature et ai été retenue parmi les trois candidates. Jean-Luc LÉTARGEZ 04 366 78 01 [email protected] 16 M A G A Z I N E D E L’ONCOLOGIE F. N. : Après une dizaine d’années, je voulais réorienter ma carrière et ai demandé mon transfert à l’hôpital de jour oncologique où j’ai travaillé encore une année quand l’équipe de pneumologie est venue me débaucher et, depuis 2010, j’occupe cette fonction. Infirmier de liaison Quelles sont les difficultés que vous rencontrez au quotidien ? A. L. : Tout d’abord, il faut noter que les horaires sont, sur le papier en tout cas, plus réguliers. C’est le côté peutêtre positif du métier. Cela dit, psychologiquement, c’est plus éprouvant car l’infirmier de liaison est sollicité en permanence, ce qui reste logique puisque c’est la nature même de sa fonction. De même, on n’a pas toujours affaire au patient mais aussi à toute la famille et aux relations entre les membres de celle-ci. Il faut donc s’adapter aussi aux us et coutumes de certains de nos compatriotes. J.-L. L. : Chaque jour amène son lot de difficultés. Il faut parfois être imaginatif. Ainsi, lorsque je fais face à des patients qui ne comprennent pas le français, je requiers des traducteurs, d’abord en interne, puis en externe. Ceux-ci viennent alors traduire la consultation. Un climat de confiance doit s’établir entre les intervenants car, parfois, on n’annonce pas que de bonnes nouvelles. Il faut donc aussi assurer un suivi ou un soutien psychologique au traducteur. S. B. : Avec tous leurs d’imprévus, les journées sont très denses. Les principales difficultés auxquelles je suis confrontée sont d’ordre "logistique" compte tenu de l’investissement personnel envers chaque patient. « Sans cesse, je fais le point avec mes patients.» Outils informatiques : sécurité et qualité des soins aux patients. Florence Neissen Quelles compétences pour un infirmier de liaison ? SAVOIR SAVOIR-FAIRE SAVOIR-ÊTRE Art infirmier Ecouter Empathique Procédures, protocoles … Organiser et planifier son travail Poli et prévenant Règles d’hygiène, d’asepsie … Respecter les échéances Précis et rigoureux Cadre légal et règlementaire Respecter et appliquer les protocoles Ponctuel Environnement de l’employeur Prendre en charge les patients Flexible Logiciels de gestion Gérer les situations cliniques Altruiste Agir efficacement et rapidement Tolérant Appliquer les prescriptions médicales Objectif Utiliser les logiciels de gestion Prévoyant Honnête Discret Respectueux des autres Animé d’un esprit d’équipe CHU DE LIEGE 17 Qu’est-ce qu’un bon infirmier de liaison ? Quelle est votre spécificité ? A. L. : D’abord un bon infirmier tout court. Ensuite, l’infirmier de liaison doit pouvoir prendre du recul par rapport aux événements, jouir d’une certaine expérience pour rassurer les gens, ne pas craquer après cinq minutes. Il faut de la bouteille. Parfois, je dois aussi sévir. Aussi, je ne crois pas qu’on puisse devenir infirmier de liaison au sortir de l’école. De plus, il faut un certain intérêt pour la pathologie. J.-L. L. : S’il existe un tronc de compétences communes pour chaque infirmier de liaison, à chaque pathologie dont il est spécialiste correspond un arsenal de médicaments et des techniques de soins particulières. Pour ce qui me concerne, les organes sont très divers : de l’œsophage jusqu’à la marge anale alors que mes collègues ne s’occupent "que" d’un sein ou d’un poumon, par exemple. J.-L. L. : Le bilinguisme : parler la langue du médecin et celle du patient. Car parfois, ce dernier, déjà sous le choc de sa cure, ne comprend pas les trois quarts de ce qui lui a été dit. Je suis donc un peu interprète même si on observe un effort de vulgarisation dans le chef du corps médical. Je pense aussi qu’un bon infirmier de liaison doit être disponible au-delà de son horaire. C’est la raison pour laquelle mes patients possèdent mes coordonnées et peuvent m’appeler en permanence. S. B. : En qualité d’infirmière de liaison en oncologie gynécologique, j’ai bien entendu plus d’affinités avec mes patientes que pourrait n’en avoir mon collègue puisque ces dernières abordent plus facilement les questions de sexualité avec une autre femme. Il y a moins de tabou, je pense. F. N. : C’est avant tout une personne qui doit posséder un bagage infirmier minimum, être à l’écoute et pouvoir encaisser certains coups psychologiques parfois durs. Il faut aussi pouvoir faire preuve d’organisation à tous les niveaux. F. N. : Dans ma branche, celle de la pneumologie, je suis confrontée à des personnes dont le pronostic vital est généralement assez court. Il faut donc pouvoir résister psychologiquement à des décès fréquents dus aux méfaits du tabac, à l’amiante, aux particules toxiques industrielles. Par ailleurs, j’essaye, autant que faire se peut, de me former en permanence. « Outre son expérience, un bon infirmier de liaison doit pouvoir prendre d’importantes responsabilités. » Sabine Brouers Sabine BROUERS 04 366 80 91 [email protected] 18 M A G A Z I N E D E L’ONCOLOGIE Infirmier de liaison Plaie oncologique : une fracture du miroir Infirmière stomathérapeute, Christiane Vranken s'occupe principalement des patients atteints d'un cancer colorectal. « C'est ma première casquette », explique-t-elle. Mais sous son titre de clinicienne en soins de plaies, sa seconde casquette, elle soigne aussi les plaies oncologiques. « Ces plaies ne sont pas induites par la chimiothérapie mais sont intimement liées à la pathologie cancéreuse. » On les reconnait, notamment, par leurs berges déchiquetées et fragiles. Pour ce genre de plaie, on ne parle pas de cicatrisation mais de cycle de vie. « En effet », poursuit Christian Vranken, « si la maladie évolue mal, la plaie suit le même chemin puisqu'une promesse de guérison ne peut jamais être formulée. » Il est donc indispensable que les objectifs de soins soient réalisables et réalistes. C'est une expérience de vie personnelle qui a mené Christiane Vranken à développer le projet de traitement de la plaie oncologique. « Les plaies oncologiques sont parfois insupportables pour le patient qui demande alors, dans des cas extrêmes, qu'il soit mis fin à ses jours, mais avant tout, mon objectif est qu’il se réapproprie son corps pour jouir, malgré tout, d'un certain confort de vie. » En effet, le patient est confronté au quotidien avec la vision externe de sa maladie. « Et si lui la voit, son entourage aussi. » Christiane VRANKEN 04 366 71 11 [email protected] Et Christiane Vranken d'observer aussi une évolution du nombre de plaies oncologiques. « Il y a quelques années, j'en recensais trois ou quatre par an ; maintenant, elles sont plus fréquentes car, notamment, le traitement est davantage poussé aujourd'hui qu'hier et puis le patient est moins gêné de venir consulter. » Une plaie oncologique, parfois aussi appelée tumorale ou cancéreuse, est causée par un processus néoplastique ou est consécutive à un traitement oncologique. Cette plaie est de type chronique ou aigu. Sa prise en charge reste délicate et les soins qu'elle implique nécessitent une bonne connaissance du patient et de sa pathologie. On distingue la plaie oncologique primaire, la métastase ulcéreuse cutanée et la lésion cutanée occasionnée par le traitement (chimiothérapie ou radiothérapie). Le processus de cicatrisation et d'évolution d'une plaie oncologique est souvent perturbé par des facteurs de retard de cicatrisation induits par les traitements et une période de vie difficile. Précisément, le traitement doit tenir également compte de l'hygiène et du risque infectieux, de la gestion des exsudats, des odeurs, des saignements et du risque hémorragique. La plaie oncologique touche indifféremment l'homme et la femme quelle que soit leur origine sociale. Le taux de guérison atteint 5 à 10%. CHU DE LIEGE 19 Actualités Nouvelles en bref Départ pour le chantier du nouveau bâtiment CIO-UNILAB Le 05 août 2014, le chantier de ce bâtiment imposant (100 m x 36 m, 6 étages pour une superficie totale de 23 000 m²) a commencé par les activités de déboisement (photo de droite) et la mise en place de la route d’accès (photo ci-dessous). Pour rappel, le CIO-Unilab est le seul centre intégré d’oncologie de Wallonie et le premier regroupement coordonné de laboratoire d’analyses médicales (cfr Magazine de l’Oncologie n° 8, mai 2014). L’architecture du bâtiment est particulièrement soignée de façon à favoriser l’accueil du malade et son bien-être et traduit fidèlement le souhait de décloisonner les disciplines au bénéfice du patient. Totalement financé sur fonds propres, il traduit la volonté du CHU de continuer à assurer pleinement son rôle universitaire. Création d’un Institut de Cancérologie au sein du CHU de Liège Le 02 septembre 2014, à l’issue d’un vote unanime, le Conseil de Faculté de Médecine de l’ULg a approuvé la création d’un Institut de Cancérologie. Ainsi, la Faculté prend acte que le développement de l’oncologie ne peut se limiter à la simple juxtaposition des compétences et des technologies. A l’avenir, le label de Centre intégré de lutte contre le cancer sera réservé aux institutions de soins oncologiques multidisciplinaires intégrant les soins aux patients (hospitalisés et ambulatoires), la formation aux professionnels et la recherche (clinique, translationnelle et fondamentale). C’est pour y arriver que le CHU désire élargir le périmètre du projet CIO en s’engageant dans la création d’un institut de Cancérologie CHU-ULg. Celui-ci vise notamment à atteindre les standards qualitatifs et quantitatifs de Comprehensive Cancer Center définis par l’OECI (Organisation of European Cancer Institutes). 20 M A G A Z I N E D E L’ONCOLOGIE L’Institut de Cancérologie déploiera ses activités selon trois axes : axe patients, axe recherche et axe qualité. Les trois axes seront coordonnés par un Conseil de Gouvernance où les différents cliniciens spécialistes et les disciplines techniques seront largement représentés. S’y ajouteront un représentant du nursing, de la direction médicale et du GIGA (Groupe Interdisciplinaire de Génoprotéomique Appliquée). Une des premières missions du Conseil de Gouvernance sera de proposer au Conseil d’Administration du CHU un plan quinquennal définissant les développements prioritaires et les orientations de chacun des axes. Nouvelles G. FILLET enbref en bref Responsible editor : Ph. L. Van Driessche/O-BELUX-AMG-480-2012- October-P Multiple Pathways Singular Vision CHU DE LIEGE 21 Xeloda ® capecitabine www.roche.be