QUESTIONS POUR UN CHAMPION EN ANESTHESIE 75
stades de l’insuffisance cardiaque, dès l’apparition de l’altération de la fonction ventri-
culaire gauche, si cette dernière résulte d’une cardiopathie hypertrophique ou d’une
maladie coronaire [7]. En effet, dans ces deux cas, les inhibiteurs de l’enzyme de con-
version ralentissent de façon spectaculaire la progression de la dysfonction cardiaque.
C’est dans les formes évoluées de l’insuffisance cardiaque que l’amélioration des symp-
tômes est la plus apparente et l’espérance de vie améliorée de la façon la plus nette.
L’activation du système rénine angiotensine aldostérone est constante dans le cadre
de l’insuffisance cardiaque. Ce mécanisme compensateur joue un rôle fondamental dans
la physiopathogénie de l’altération de la fonction ventriculaire gauche en favorisant la
rétention hydrosodée et la vasoconstriction périphérique. Alors que la surcharge hydro-
sodée est en grande partie responsable des signes d’insuffisance ventriculaire gauche
congestive, l’élévation de la post-charge qui résulte de l’effet vasoconstricteur de l’an-
giotensine altère la vidange systolique ventriculaire gauche. En diminuant la production
d’angiotensine 2, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion s’opposent point par point
aux effets délétères de l’activation du système rénine-angiotensine.
La conduite à tenir chez les patients insuffisants cardiaque traités au long cours par
un IEC, lorsqu’une anesthésie générale ou rachidienne est indiquée, doit tenir compte
du rôle joué par le système rénine angiotensine dans le maintien tensionnel péri-opéra-
toire, des propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques de ces médicaments
et des effets délétères ou bénéfiques des interférences entre les inhibiteurs de l’enzyme
de conversion et les contraintes circulatoires de l’anesthésie et de la période opératoire.
4.1. EFFETS POTENTIELLEMENT BENEFIQUES DES INHIBITEURS DE
L’ENZYME DE CONVERSION
Que ce soit l’état basal ou sous anesthésie, les inhibiteurs de l’enzyme de conver-
sion améliorent le débit cardiaque et la fonction ventriculaire gauche. Dans le cas clinique
rapporté par Acampora et al, un opéré souffrant d’une insuffisance cardiaque préopéra-
toire développe sous anesthésie induite et entretenue par benzodiazépines et du fentanyl
un bas débit cardiaque associé à une élévation de la pression pulmonaire bloquée [8].
L’administration par voie intraveineuse d’enalaprilate à la posologie de 0,6 mg dimi-
nue de façon modérée la pression artérielle (-20 %) sans modifier la fréquence cardiaque,
et améliore de plus de 40 % le débit cardiaque. Parallèlement, le débit urinaire augmen-
te de 25 %. Un inhibiteur de l’enzyme de conversion avait été administré car les agonistes
du système sympathique, dopamine, dobutamine, puis l’adrénaline, avaient montré une
totale inefficacité pour améliorer l’état circulatoire. L’amélioration du débit urinaire
observé en réponse à l’administration d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion par voie
intraveineuse n’est pas surprenante. En effet, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion
augmentent la fonction rénale et la natriurèse si la pression artérielle est préservée [9].
Lorsque l’insuffisance cardiaque est secondaire à une insuffisance coronaire, la dimi-
nution des contraintes ventriculaires gauches qui résultent à la fois de la baisse de la
pression artérielle et de la pression pulmonaire bloquée, mais surtout de la taille en
télédiastole et en télésystole du ventricule gauche, améliore de façon spectaculaire la
balance énergétique du myocarde, en particulier l’oxygénation des couches sous-endo-
cardiques.
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion n’améliorent pas seulement la fonction
ventriculaire gauche, ils restaurent en partie les réserves de fonction systolique et dias-
tolique ventriculaire gauche augmentant la tolérance myocardique aux contraintes
circulatoires. Cet effet pourrait être extrêmement bénéfique chez l’opéré insuffisant
cardiaque qui affronte pendant la période opératoire des contraintes à la fois myocardi-
ques et métaboliques.