Mesurer les services : qu'est-ce que la puissance économique aujourd'hui?
Résumé
Aujourd'hui, on entend que l'industrie est en danger, qu'elle a
été oubliée, et qu'il est vital de la protéger au détriment des services.
Or, la distinction entre biens et services ne nous semble plus pertinente
: elle reposait déjà sur des bases fragiles (externalisation, difficulté
d'affectation des charges); elle empêche de voir que c'est maintenant
l'alliance de biens et de services qui permet de construire les offres
commerciales pertinentes. Les oppositions ente biens et services ou
mesures discriminantes (baisse de taxe professionnelle pour
l'industrie) qui se multiplient en ce moment sont donc dangereuses.
D'où vient donc cette distinction qui n'a plus cours? Les
catégories intellectuelles qu'utilisent les économistes proviennent de la
structure du système comptable. Celui-ci date de 1945-50, dans une
époque intellectuelle très matérialiste, marxiste, qui pensait les
services comme improductifs. Il avait été structuré pour mesurer la
puissance matérielle et militaire d'un État. D'où ses problèmes
d'aujourd'hui : il mesure mal la qualité, il mesure mal le capital
humain et immatériel, il ne mesure pas le bonheur (qui sont toutes des
grandeurs intensives, non additives).
Au contraire de la Commission Stiglitz qui s'est attelée avec
difficulté à la lourde tâche de mesurer le bonheur, nous voudrions
prolonger l'œuvre des anciens et comprendre comment mesurer la
puissance aujourd'hui. Celle-ci repose sur des bases plus immatérielles
(innovation, capital humain). Dans l'économie moderne, les coûts
marginaux faiblissent, les investissements fixes sont importants
(marque, mise en place de relations), et les effets de réseau parmi les
clients se multiplient : les rendements deviennent croissants.
Naturellement, les monopoles, acquis après des luttes sanglantes,
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