«Mesurer les
services : qu'est-ce que
la puissance économique
aujourd'hui?»
Eric Huber - Colas Hennion
juin 2010
Mesurer les services : qu'est-ce que la puissance économique aujourd'hui?
Résumé
Aujourd'hui, on entend que l'industrie est en danger, qu'elle a
été oubliée, et qu'il est vital de la protéger au détriment des services.
Or, la distinction entre biens et services ne nous semble plus pertinente
: elle reposait déjà sur des bases fragiles (externalisation, difficulté
d'affectation des charges); elle empêche de voir que c'est maintenant
l'alliance de biens et de services qui permet de construire les offres
commerciales pertinentes. Les oppositions ente biens et services ou
mesures discriminantes (baisse de taxe professionnelle pour
l'industrie) qui se multiplient en ce moment sont donc dangereuses.
D'où vient donc cette distinction qui n'a plus cours? Les
catégories intellectuelles qu'utilisent les économistes proviennent de la
structure du système comptable. Celui-ci date de 1945-50, dans une
époque intellectuelle très matérialiste, marxiste, qui pensait les
services comme improductifs. Il avait été structuré pour mesurer la
puissance matérielle et militaire d'un État. D'où ses problèmes
d'aujourd'hui : il mesure mal la qualité, il mesure mal le capital
humain et immatériel, il ne mesure pas le bonheur (qui sont toutes des
grandeurs intensives, non additives).
Au contraire de la Commission Stiglitz qui s'est attelée avec
difficulté à la lourde tâche de mesurer le bonheur, nous voudrions
prolonger l'œuvre des anciens et comprendre comment mesurer la
puissance aujourd'hui. Celle-ci repose sur des bases plus immatérielles
(innovation, capital humain). Dans l'économie moderne, les coûts
marginaux faiblissent, les investissements fixes sont importants
(marque, mise en place de relations), et les effets de réseau parmi les
clients se multiplient : les rendements deviennent croissants.
Naturellement, les monopoles, acquis après des luttes sanglantes,
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deviennent les acteurs majeurs. Comment peut-on faire pour
développer des offres compétitives? Comment relever le défi de la
mesure de cette économie moins matérielle et plus transactionnelle?
Nous proposons quelques pistes ci-dessous.
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Mesurer les services : qu'est-ce que la puissance économique aujourd'hui?
Cinq recommandations
1.Utiliser la fiscalité pour entraîner la mesure de l'économie, en
proposant une approche fiscale globale intégrant aussi bien les impôts
que les subventions. C'est l'information générée par la fiscalité qui
donnera aux statisticiens la matière nécessaire à la compréhension fine
de l'économie immatérielle. Mobiliser l'environnement informatique
pour mieux comprendre l'économie : mieux tracer les transactions de
toutes natures entre consommateurs et entreprises en s'appuyant sur
les banques et les fournisseurs d'accès.
2.Cesser d'opposer biens et services, cesser de proposer des mesures
avantageant l'un ou l'autre. Ces catégories issues du passé n'ont plus
leur pertinence aujourd'hui. C'est dans la synthèse des deux que les
offres pertinentes existeront à l'avenir.
3.Distinguer les activités économiques en fonction de la dynamique
des gains de productivité qui conditionnent l'intensité de la
concurrence mondiale, à la manière de Fourastié (en ajoutant une
catégorie « quaternaire » pour les activités à rendements croissants).
Cette distinction dynamique évitera la constitution d'organisations
aussi bien professionnelles qu'administratives défendant des intérêts
trop anciens pour être pertinents. Surtout, les secteurs les plus
stratégiques pour la France ou l'Europe, dans lesquels il faut envisager
d'acquérir une bonne position à un moment donné, sont ceux dans
lesquels les gains de productivité sont les plus rapides : le classement
statistique que nous proposons permet de mieux les mettre en valeur.
4.Avoir un État actif et réactif dans la définition de standards
techniques européens qui permette de créer en premier un marché
important, comme ce fut fait pour le GSM. C'est cet effort qui permet
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de structurer tout de suite une filière entière dans une activité
naissante.
5.Pour bien montrer notre compréhension des enjeux économiques du
21ème siècle, qui dépassent les clivages anciens, rebaptiser le
Ministère de l'Industrie en Ministère de la Compétitivité
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