LA DOULEUR COMME MOYEN D’EXISTENCE Présentation du cas : Mlle P, 44 ans Biographie : • • • • Célibataire, sans enfant Benjamine d’une fratrie de 7 Niveau d’instruction : 5ème Notion de violence et de dépendance alcoolique chez le compagnon Antécédents personnels : • • • • • • • Obésité Asthme Tabagisme actif (30 PA) Épilepsie à l’enfance Hypercholestérolémie sous régime Phlébite du MI Gonarthrose, arthrose L5-S1 Allergie : Pénicilline ? Douleurs en psychiatrie. CH Navarre. 19/04/2012 Histoire de la maladie : Début à l’âge de 16 ans (1984) : troubles dépressifs majeurs (violences sexuelles dans le cercle familial : père, beau frère) Suivi psychiatrique ( Dr Schneider, Dr Gosselin ) 1ère hospitalisation au CHS en 2000 : TA médicamenteuse (conflit familial) 2000 - 2003 : retour chez ses parents 2003 : décès de la mère, vit avec son père alcoolique jusqu’à son décès en 2008 Depuis 2008, les hospitalisations s’enchainent pour des TA médicamenteuses récidivantes Douleurs en psychiatrie. CH Navarre. 19/04/2012 Suivi psychiatrique : Humeur oscillant entre la tristesse et l’irritabilité Intolérance à la frustration avec des accès de colère intenses et inappropriés Sentiments de dévalorisation Relations interpersonnelles instables et conflictuelles idéalisation excessive attitude de rejet Sentiments de vide, d’ennui Angoisse d’abandon Quête affective permanente Demandes incessantes de prise en charge psychiatrique et somatique Douleurs en psychiatrie. CH Navarre. 19/04/2012 Suivi somatique : Plaintes somatiques quasi quotidiennes Multitude et variabilité des symptômes somatiques qui sont souvent médicalement inexplicables : • • • • • Douleur de la jambe droite, l’échodoppler élimine une phlébite Malaises inexpliqués théâtralisés Rectorragies, examen proctologique et coloscopie : normaux Syndrome polyurie-polydypsie, glycémie et Hb A1C : normales Céphalées persistantes; scanner cérébral : sans anomalie Patiente en souffrance, fragilisée, et la rencontre avec les soignants a lieu autour des symptômes somatiques. Douleurs en psychiatrie. CH Navarre. 19/04/2012 Difficultés rencontrées : Difficultés diagnostiques : Difficultés de prise en charge médicale : Difficultés de prise en charge paramédicale : Diagnostics psychiatriques Discordance entre l’importance de la symptomatologie clinique et la pauvreté de l’examen clinique Personnel partagé quant à l’attitude à adopter : refus entraînant des accès de colère ou réponse à ses plaintes par des consultations quasi quotidiennes Origine somatique ou somatisation Banalisation des symptômes; risque de passer à côté d’un réel problème somatique Epuisement de l’équipe avec sentiment d’échec Mise en échec des différentes thérapeutiques proposées, des stratégies mises en place (CMP, CATTP, activités.. ) et des projets de devenir (famille d’accueil) Douleurs en psychiatrie. CH Navarre. 19/04/2012 Trouble somatisation Discussion diagnostique Alexithymie Personnalité borderline Douleurs en psychiatrie. CH Navarre. 19/04/2012 Trouble somatisation Discussion diagnostique Alexithymie Personnalité borderline Douleurs en psychiatrie. CH Navarre. 19/04/2012 Trouble somatisation : Histoire de plusieurs plaintes physiques débutant avant 30 ans qui s’étendent sur plusieurs années et qui résultent en la recherche de traitement, ou en un dysfonctionnement significatif de la vie sociale ou professionnelle Chacun des points suivants doit être rempli, à un moment quelconque de la progression de la maladie : • 4 symptômes douloureux : douleur à 4 endroits différents (ex: tête, abdomen, dos…) • 2 symptômes gastro-intestinaux : autres que la douleur, ex : nausée, gonflement, vomissement, diarrhée, intolérance alimentaire • Un symptôme sexuel : indifférence sexuelle, dysfonction érectile, menstruations irrégulières, saignement menstruel excessif • Un symptôme pseudo neurologique : symptôme suggérant une affection neurologique (sauf douleur) ex : problème de coordination, de posture, parésie… symptômes ne sont pas explicables par une condition médicale générale ou par un abus de substance S’il existe une affection médicale ou un abus de substance, le dysfonctionnement est plus élevé que la normale Les symptômes ne sont pas produits intentionnellement ou simulés Douleurs en psychiatrie. CH Navarre. 19/04/2012 Approche thérapeutique Pas d’approche pharmacologique efficace, à moins qu’une autre condition psychiatrique réagissant aux médicaments ne survienne Le médecin se doit de légitimer les symptômes du patient, car les souffrances sont réelles, malgré leur origine psychique Il est important d’entretenir une relation empathique avec le patient Il a été démontré que fixer des rendez-vous à des dates prédéterminées empêche les patients de développer de nouveaux symptômes (croyance inconsciente qu’il faut de nouveaux symptômes pour consulter) Ces rendez-vous se doivent être brefs et fréquents Douleurs en psychiatrie. CH Navarre. 19/04/2012 Trouble somatisation Discussion diagnostique Alexithymie Personnalité borderline Douleurs en psychiatrie. CH Navarre. 19/04/2012 Personnalité borderline un envahissant schéma d'instabilité dans les relations interpersonnelles, dans l'image et l'identité de soi, dans les émotions et dans l'impulsivité. Il repose sur l’angoisse de perte d’objet et se traduit par une insécurité interne constante et des attitudes de mise à l’épreuve de l’entourage incessantes. Une de ses modalités défensives est le passage à l’acte comme décharge de l’angoisse Douleurs en psychiatrie. CH Navarre. 19/04/2012 Personnalité borderline Au moins cinq des neuf critères présents pendant un laps de temps significatif : efforts effrénés pour éviter un abandon réel ou imaginé ; mode de relations interpersonnelles instables et intenses caractérisées par l’alternance entre les positions extrêmes d’idéalisation excessive et de dévalorisation ; perturbation de l’identité : instabilité marquée et persistante de l’image ou de la notion de soi ; impulsivité dans au moins deux domaines potentiellement dommageables pour le sujet (par exemple : dépenses excessives, sexualité, toxicomanie, conduite automobile dangereuse, crises de boulimie ou d’anorexie) ; répétition de comportements, de gestes ou de menaces suicidaires, ou d’automutilations ; instabilité affective due à une réactivité marquée de l’humeur (par exemple : dysphorie épisodique intense, irritabilité ou anxiété durant habituellement quelques heures et rarement plus de quelques jours) ; sentiments chroniques de vide ; colères intenses (rage) et inappropriées ou difficulté à contrôler sa colère (par exemple : fréquentes manifestations de mauvaise humeur, colère constante ou bagarres répétées, colère subite et exagérée) ; survenue transitoire dans des situations de stress d’une idéation persécutrice ou de symptômes dissociatifs sévères. Douleurs en psychiatrie. CH Navarre. 19/04/2012 Personnalité borderline Profil cognitif de Beck L'autre doit s'occuper de moi Personne ne me comprends Personne ne pourrait m'aimer ou vouloir être près de moi si ils me connaissaient vraiment. Je ne peux pas me débrouiller seul, j'ai besoin de quelqu'un pour prendre appui. Si je ne fais pas ce que les autres veulent, ils m'abandonneront ou ils m'attaqueront. Les autres peuvent me blesser, m'attaquer, prendre avantage sur moi (je dois me protéger). Il m'est impossible de me contrôler ni de me discipliner. Je dois contrôler mes émotions ou quelque chose de terrible va se produire. Ne te fais pas d'amis, ils te feront de la peine Il n'y a jamais personne pour combler mes besoins, pour être fort pour moi, pour prendre soin de moi Je serai toujours seul La douleur que je ressens est insupportable Je suis un fardeau pour les autres Douleurs en psychiatrie. CH Navarre. 19/04/2012 Approche thérapeutique Traitement médicamenteux Prise en charge psychothérapique Restructuration cognitive Douleurs en psychiatrie. CH Navarre. 19/04/2012 Trouble somatisation Discussion diagnostique Alexithymie Personnalité borderline Douleurs en psychiatrie. CH Navarre. 19/04/2012 Alexithymie Alexithymie (1972, Peter Sifneos) • • • • Grec : « a » : préfixe privatif « Lexis » : mot « Thymos » : humeur « Analphabète des sentiments » « illettré émotionnel » « patients psychosomatiques incapables de verbaliser leurs affects » Trouble fréquent : 8-15% de la population Alexithymie: difficultés dans l’expression verbale des émotions voire impossibilité pour la personne à décoder ses propres émotions. Observée parmi les patients présentant des symptômes psychosomatiques Alexithymie Selon Nemiah et Sifneos : « les patients psychosomatiques ont en commun : • une difficulté à identifier et à distinguer les états émotionnels • Une difficulté à verbaliser les états émotionnels d’autrui • une réduction de la vie imaginaire, fantasmatique • et la manifestation de la pensée opératoire : pensée tournée vers les aspects concrets de l’existence Bergeret : « un affaiblissement du fonctionnement de la pensée au profit d’un mode d’expression passant essentiellement par le corps. » La personne alexithymique ressent tout, peut le décrire, mais ne le relie pas à un ressenti émotionnel. Pas de corrélation significative entre compétences intellectuelles, culture, acquis sociaux et alexithymie. Alexithymie Alexithymique : incapable d’utiliser la cognition pour identifier les émotions Reconnaissance faible des expressions faciales émotionnelles d’autrui Déficit dans l’expression faciale spontanée d’émotions négatives Capacité limitée à recourir aux représentations symboliques de l’émotion : langage verbal et images associées aux situations émotionnelles Recours aux représentations sous-symboliques : aspects somatiques, viscéraux et kinesthésiques, relatifs aux sensations ressenties dans les situations émotionnelles Alexithymie Sensation EMOTION corporelle COMPORTE MENT COGNITION Douleurs en psychiatrie. CH Navarre. 19/04/2012 Critères cliniques de l’alexithymie l’alexithymie Description inlassable des symptômes physiques Difficulté pour communiquer verbalement les émotions Discours répétitif Production fantasmatique et onirique pauvre Relations interpersonnelles marquées par une forte dépendance, généralement manifestée par une mise à distance Approche thérapeutique : Psychothérapie de groupe Apprendre à traduire le langage des émotions Restructuration cognitive Chez notre patiente, la plainte douloureuse est un outil de communication important. Elle passe par l’intermédiaire de son corps et de ses symptômes pour communiquer avec les soignants « le meilleur moyen d’être entendue ». Solutions • • • • • • • Ajuster son traitement psychotrope Psychothérapie comportementale et cognitive Traitement symptomatique (antalgiques, IPP…) Demandes d’examens complémentaires Consultations spécialisées Prise en charge fonctionnelle (kinésithérapie) Proposer des activités (marche, piscine, expressions corporelles…) • Activités ergothérapiques Douleurs en psychiatrie. CH Navarre. 19/04/2012 CE QU’IL FAUT RETENIR : Manifestations somatiques traduisent une souffrance psychique avec difficulté voire impossibilité de la décrire Prise en charge psychologique des symptômes somatiques avec coordination entre médecin somaticien et psychiatre Importance d’une prise en charge pluridisciplinaire Entretenir une relation empathique avec le patient Reconnaître et comprendre sa souffrance psychologique Soutenir et valoriser l’équipe soignante Merci de votre attention Douleurs en psychiatrie. CH Navarre. 19/04/2012