même moment, l’acoustique permet de localiser des objets sous la surface. Si on lâche un
flotteur en profondeur qui émet un son basse fréquence (autour de 200 Hz) à un temps t0
donné, la réception de ce son sur plusieurs balises fixes de position connue à des temps ti
permet de déterminer la distance du flotteur à ces balises C (ti – t0) où C la vitesse du son dans
l’eau vaut environ 1500 m s-1. On remonte ainsi à la position du flotteur et à son déplacement
si on fait cela régulièrement à sa trajectoire et où va le flotteur ? A peu près n’importe où ! Il y
a bien sûr toujours le Gulf Stream mais loin de cette structure les courants marins varient
énormément dans le temps et dans l’espace. Ca commence à ressembler à ce qui se passe dans
l’atmosphère et au temps (weather) dont la prédiction aux moyennes latitudes est notoirement
limitée. On s’est dit que ces mouvements étaient peut-être importants pour le climat et
suffisamment de fonds ont été investis dans les années 2000 pour lancer des flotteurs partout
dans l’océan mondial et lancer quelques satellites capables de balayer la surface de la mer en
quelques jours pour déterminer la hauteur de la surface océanique en chaque point.
Ainsi beaucoup de données sont disponibles aujourd’hui et s’accumulent
régulièrement dans des bases de données mais tout reste à faire ou presque pour « expliquer »
la dynamique de ce qu’il faut bien appeler la turbulence océanique. Est-ce que les modèles de
marée de Laplace sont une bonne base de départ ou au contraire, comme pour les vagues, les
mouvements sont-ils irrotationnels ? Mais pourquoi se poser ce type de questions puisque
depuis le milieu du XIXème siècle les équations de l’hydrodynamique sont connues sous le
nom d’équations de Navier-Stokes ? Utilisons simplement les équations de Navier-Stokes. Il y
a deux difficultés à un tel programme. La première est que leurs solutions sont impossibles à
trouver : on ne connaît de solutions mathématiques qu’à des situations d’écoulement très
simples loin de représenter des écoulements océaniques. La deuxième provient de
l’extraordinaire diversité des mouvements de l’eau, acoustique, vagues, marées, circulation
océanique, sillage d’un bateau, chutes du Niagara, mascaret dans un estuaire pour n’en citer
que quelques uns et pourtant tous solutions de l’équation de Navier-Stokes. Une même
équation pour régir cette profusion de comportements mais une équation impossible à
résoudre. La philosophie de l’approche « dynamique des fluides géophysiques » DFG (GFD
en anglais) est né de ce constat et elle se propose d’adapter les équations de Navier-Stokes au
phénomène particulier auquel on s’intéresse. « Adapter » veut dire enlever les petits termes
dans les équations en espérant que ce soient aussi des petits termes dans les solutions des
équations complètes. C’est une réponse pragmatique de physiciens contemplant la paroi
glacée des équations de Navier-Stokes dont la généralité même apparaît comme un handicap
pour comprendre la dynamique d’un phénomène particulier. Mais si au contraire on
s’intéresse aux prédictions, c'est-à-dire si je connais l’état de l’Atlantique en 1990 et que je
cherche son futur disons en 2100, ce handicap de la généralité devient un avantage. Tout au
moins dans un premier temps. Je discrétise mon Atlantique le plus finement possible et je
mets toutes les conditions aux limites nécessaires aux opérateurs différentiels et j’utilise
l’équation de Navier-Stokes pour coupler les variables à prédire à chaque maille du domaine.
En bref le même code va me permettre d’introduire tous les phénomènes que je pense
nécessaire à la prédiction. C’est conceptuellement très satisfaisant. Oui mais … première
difficulté : si on force un système, il faut quelque part aussi dissiper l’énergie. Le problème
est que la dissipation se fait à des échelles centimétriques dans l’océan. Sur la largeur de
l’Atlantique, disons 5000 km, j’ai 5 108 cotés de 1 cm. Ca fait beaucoup et l’initialisation va
exiger d’avoir les variables des équations sur chacune des petites boites de 1 cm de coté. Il
faut donc faire des boites plus grandes disons 10 km (ça dépend de la machine à sa
disposition) mais du coup il faut inventer les comportements du fluide entre 10 km et 1 cm.
Supposons que l’on ait correctement imaginé ce qui se passe la. Reste la deuxième difficulté
d’avoir les variables de l’état initial tous les 10 km. L’origine de la difficulté n’est pas
technologique mais conceptuelle. En effet l’hydrodynamique de l’océan est non linéaire et de