18-Bibliotheque-08-09_Mise en page 1 17/07/12 13:07 Page220 Bibliothèque Gilles Kepel Quatre-vingt-treize et les conséquences potentielles sont discutées en détail. Au final, sa position est sans ambiguïté : le risque nucléaire est gérable et l’humanité a les moyens de l’affronter. Par ailleurs, au plan économique, et même en tenant compte des incertitudes sur le coût du démantèlement des centrales, le nucléaire est le seul moyen dont nous disposons actuellement pour atteindre nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre sans être obligés de changer radicalement de mode de vie. En bonne logique, et à contre-courant d’une opinion devenue majoritairement hostile, Prévot recommande d’augmenter la part de l’atome dans les trente ans à venir en décidant dès maintenant de construire deux réacteurs EPR par an. Tout cela mérite bien sûr discussion. Sans contester la force logique de ses arguments économiques, on peut notamment reprocher à l’auteur de faire du nucléaire une alternative à un effort de sobriété dont la nécessité s’imposera quoi qu’il arrive à d’autres titres – l’énergie n’est pas la seule ressource qui risque de faire défaut et les menaces qui pèsent sur l’environnement ne se réduisent pas au réchauffement climatique. Cela étant dit, l’auteur a le grand mérite de se tenir autant qu’il est possible sur le terrain de la raison commune en évitant de se retrancher derrière l’autorité de l’expert. On aimerait pour la clarté du débat que les opposants au nucléaire fassent l’effort d’argumenter avec le même souci de probité démocratique, d’exhaustivité et de rigueur. Bernard Perret Paris, Gallimard, 2012, 322 p., 21 € Banlieue de la République. Société, politique et religion à Clichy-sous-Bois et Montfermeil Paris, Gallimard, 2012, 530 p., 28,90 € À l’habituel « neuf-trois », Gilles Kepel, professeur à Sciences-Po et spécialiste de l’islam contemporain, préfère un titre hugolien qui résonne comme un orage dans cette banlieue parisienne qui cumule toutes les fractures. Cet essai à l’écriture fluide, au ton parfois polémique, subtilement chapitré, excellemment documenté, brasse d’innombrables travaux issus de multiples disciplines pour nous offrir une fresque saisissante, incarnée et dynamique de cet islam en France qui devient depuis peu un islam de France… La description des innombrables activités « islamiques » à Saint-Denis montre la montée en puissance des associations, ONG, écoles, mosquées, boutiques, boucheries fondées par des musulmans, en quelques années. Après ce premier cadrage socioéconomique, l’auteur analyse les « trois âges de l’islam de France », celui des « darons » (les pères bien discrets dans leurs revendications), puis des « blédards » (qui ne se satisfont plus d’un local comme lieu de prière) et enfin des « jeunes » (plus combatifs, qui veulent être des musulmans français…). Bien sûr, à chacune de ces périodes correspondent des types particuliers d’immigrations des politiques publiques 220