Provence-Alpes-Côte d`Azur, une région face au changement

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Provence-Alpes-Côte d’Azur,
une région face au changement climatique
Novembre 2015
Depuis les années 1970, et plus encore depuis la
création
du
Groupe
intergouvernemental
d’experts sur l’évolution de climat (GIEC) en
1988, les climatologues ont commencé à alerter
le monde sur le changement climatique lié aux
activités humaines et les risques associés. Ils
envisageaient
un
réchauffement
moyen
planétaire pouvant aller jusqu’à +6°C, si les
rejets de gaz à effet de serre (GES) ne
diminuaient pas. Les activités humaines ajoutent
dans l’atmosphère du dioxyde de carbone (CO2),
du méthane (CH4), du protoxyde d’azote (N2O)
issus des énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz
naturel), de certaines industries et de
différentes pratiques d’utilisation des sols
(déforestation,
agriculture
productiviste…).
Depuis les premiers signaux d’alerte, les modèles
informatiques toujours plus sophistiqués ont
confirmé
le
réchauffement,
avec
une
fourchette comprise entre 1,6 et 5,8°C selon
le scénario socio-économique privilégié. La
valeur de 2°C est souvent relayée dans les
médias comme un seuil à ne pas dépasser si l’on
veut limiter les impacts à un niveau acceptable
pour les sociétés.
Or, les scientifiques ont évalué l’augmentation
de la température moyenne de l’air à la surface
de la Terre depuis le milieu du 19ème siècle
(quand le réseau météorologique a été
suffisamment dense pour représenter le globe) à
+0,8°C. Il ne reste donc plus qu’une marge de
1,2°C pour ne pas dépasser ce seuil. Ce n’est
possible qu’avec le scénario le plus optimiste
(RCP2.6,
voir
encadré)
qui
limite
la
concentration de GES à 450 ppmv eq.CO21. La
concentration actuelle est de 400 ppmv, alors
qu’elle ne dépassait pas 280 ppmv avant l’ère
industrielle. En d’autres termes, nous avons
déjà franchi les deux tiers des émissions
« acceptables ».
Quelles évolutions du climat en ProvenceAlpes-Côte d’Azur ?
Pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, le
réchauffement serait de 1,9°C à 4,6°C d’ici la
fin du siècle, selon les scénarios socioéconomiques. Ce réchauffement sera perceptible
à toutes les saisons. Des hivers plus doux peuvent
se traduire, par exemple, par une diminution du
nombre de jours de gel par an. A Embrun, on
passerait d’une centaine de jours à moins de la
moitié pour le scénario pessimiste. Les étés, déjà
chauds dans la région, pourraient connaître une
augmentation de la température jusqu’à 5,7°C
et des situations de canicules de plus en plus
fréquentes. A titre de comparaison, à Aix-enProvence, l’écart à la normale saisonnière lors
de la canicule de 2003 était de +3,5°C.
Les scénarios socio-économiques
C’est la concentration en gaz à effet de serre (GES)
dans notre atmosphère qui sert de base aux
projections climatiques. C’est la donnée d’entrée dans
les modèles climatiques. L’évolution possible de cette
concentration est décrite par plusieurs scénarios
dénommés RCP, pour Representative Concentration
Pathways. Quatre scénarios sont étudiés par le GIEC,
du plus « écologique » (RCP2.6 qui correspond à une
concentration de CO2 proche de 450 ppmv en 2050 et
de 420 ppmv en 2100) au plus « productiviste » (RCP
8.5, équivalent à 940 ppmv). Les scénarios les plus
probables, si les pays parviennent à un accord
d’atténuation des émissions de GES au niveau mondial,
sont les RCP4.5 (540 ppmv en 2100) et RCP6 (670
ppmv). Le RCP2.6 est pourtant le seul à maintenir le
réchauffement en deçà de 2°C. Il implique des
émissions nulles à partir de 2080, tandis que le RCP8.5
correspond à la poursuite de la tendance actuelle, soit
une augmentation des concentrations de GES.
1
Parties par millions en volume d’équivalent CO2, unité
utilisée pour la concentration des gaz à effet de serre dans
l’atmosphère.
Pour les précipitations, les incertitudes sont
grandes et les projections varient selon les
modèles utilisés et les zones géographiques. Une
tendance à la diminution des pluies estivales se
dégage cependant dans notre région comme dans
tout le bassin méditerranéen. On estime en effet
que la longueur des épisodes secs supérieurs à un
mois aurait une probabilité supérieure à 95%
pour
le
scénario
pessimiste.
Cela
s’accompagnerait d’une diminution drastique
des réserves en eau des sols, due à
l’augmentation
de
l’évaporation
liée
à
l’élévation des températures. En montagne, la
couverture neigeuse a déjà diminué et ce
phénomène devrait s’amplifier dans le futur.
Les événements extrêmes comme les épisodes
pluvieux intenses et les inondations qui en
découlent souvent touchent régulièrement le sud
de la France. Il est encore difficile de dire s’il y
a recrudescence de ces événements, car il faut
de longues séries climatiques pour se prononcer
avec une certaine confiance statistique et
l’étude des séries passées sur la seconde moitié
du 20ème siècle ne montre pas d’évolution, ni en
fréquence, ni en intensité des pluies extrêmes. Si
les projections du GIEC pour le 21ème siècle à
l’échelle planétaire vont dans le sens d’une
augmentation globale de la fréquence et de
l’intensité des fortes pluies, cela reste à
confirmer à l’échelle régionale. Mais même à
pluie constante, on peut craindre une
aggravation des impacts due à l’urbanisation
galopante et au coût des dégâts induits par
l’augmentation de la population dans les zones
vulnérables.
La
mer
Méditerranée
connaîtrait
un
réchauffement de sa température de surface
de 1,7 à 3°C à la fin du 21ème siècle. Elle est
déjà touchée par un phénomène d’acidification
croissante. Ce dernier est lié à l’augmentation
de la concentration de CO2 dans l’atmosphère et
sa dissolution dans l’eau de mer. On prévoit une
augmentation de l’acidité de la mer de +150% à
l’horizon 2100, ce qui aurait une forte incidence
sur la biodiversité marine. L’élévation du niveau
des océans, évaluée par le GIEC entre 26 et 82
centimètres d’ici la fin du siècle, pourrait être
encore plus forte en Méditerranée et notre
région se situerait dans la fourchette haute.
Cette augmentation atteint déjà 20 cm en
Camargue et devrait se poursuivre avec un
rythme de 2 à 4 mm par an.
Une région particulièrement vulnérable
Si le changement climatique ne se limite pas au
fameux seuil de 2°C fixé par les scientifiques, les
conséquences seront nombreuses sur les
écosystèmes terrestres et marins comme sur nos
sociétés, nos activités économiques et notre
santé.
La pression sur la ressource en eau devrait
s’aggraver. Le refroidissement des centrales
électriques, par exemple, pourrait en pâtir.
L’agriculture serait également impactée. Les
vendanges qui se font en moyenne trois semaines
plus tôt qu’au milieu du siècle dernier illustrent
le changement en cours. Par exemple, à
Châteauneuf-du-Pape, la date des vendanges est
en moyenne avancée de 20 jours. Cela se traduit
pas un degré d’alcool du vin supérieur à 14°C et
une diminution de l’acidité. En premier lieu, on
peut envisager l’adaptation des techniques
culturales, ainsi qu’un déplacement des
parcelles viticoles qui devra être évalué avec
précision pour maintenir, si possible, les
caractéristiques des terroirs, tout en gardant en
réserve, si besoin, l’introduction de nouveaux
cépages.
Les forêts méditerranéennes, subissant à la
fois la sécheresse et une recrudescence
d’incendies, pourraient connaître des impacts
irréversibles. En effet, la canicule de l’été 2003,
qui correspondrait à un été banal, voire plutôt
frais à la fin du siècle, avait provoqué
d’importants incendies qui avaient ravagé de
vastes surfaces. On constate d’ores et déjà un
dépérissement des espèces en montagne comme
l’épicéa et le sapin, mais également des espèces
en basse altitude comme le pin d’Alep, même s’il
est un peu plus résistant.
Dans les grandes métropoles de la région, les
fortes chaleurs estivales poseront des
problèmes de confort, mais également de
santé publique. Les risques sanitaires et
allergiques pourraient s’aggraver avec, par
exemple, l’allongement de la saison pollinique
ou des conditions favorables de développement
de
virus
exotiques
(paludisme,
dengue,
chicungunya), apportés avec les moustiques ou
autres vecteurs par les échanges internationaux
de biens et de personnes. L’augmentation des
températures et les étiages plus importants des
cours d’eau pourraient également conduire à
dégrader la qualité de l’eau (plus de légionelles).
Il y a également l’impact des ultra-violets (UV)
sur la peau, les maladies cardio-pulmonaires
liées aux fortes chaleurs, surtout pour les
individus les plus vulnérables (personnes âgées,
par exemple).
Plus généralement, si rien n’est mis en œuvre
pour limiter le changement climatique, les
écosystèmes n’auront pas la capacité de
s’adapter à des bouleversements aussi rapides et
les pertes de biodiversité ne pourront pas être
compensées, même en cas de renforcement des
mesures de protection et de restauration. Ces
phénomènes seront amplifiés par l’usage intensif
des sols, l’urbanisation croissante, la pollution
de l’air…
Des leviers pour faire face aux enjeux du
changement climatique
La biodiversité marine est menacée par
l’élévation de la température de la mer
conjuguée à son acidification. On constate déjà
l’apparition de nouvelles espèces comme
certaines micro-algues toxiques ou encore le
poisson-lapin. D’autres espèces connaissent des
phénomènes de mortalité à grande échelle ou se
répartissent sur des aires de plus en plus réduites
lorsque leur habitat (herbiers de posidonie, par
exemple) ou leur nourriture (plancton) diminue.
Les ressources économiques et alimentaires que
les populations de la pêche et de l’aquaculture
exploitent n’en ressortiront pas indemnes :
baisse des stocks de poissons, bateaux et marché
inadaptés aux nouvelles espèces, etc. De
surcroît, le réchauffement amplifie les effets de
la surpêche.
L’élévation accélérée du niveau de la mer
menace les installations humaines sur le
littoral comme les écosystèmes côtiers et
aggrave l’érosion côtière et les effets des
tempêtes. Dans ce domaine, l’action publique et
la législation devront évoluer pour permettre une
adaptation des terrains littoraux dans les
meilleures conditions pour les personnes et les
activités qui les occupent aujourd’hui. Cette
élevation entraîne également une salinisation
des sols et des nappes phréatiques souterraines,
altérant nos ressources en eau douce.
Le tourisme, activité économique majeure
pour la région, subirait de plein fouet le
changement :
destruction
d’équipements
touristiques littoraux, recul des plages,
restrictions des accès aux espaces naturels en
période de risque incendie, dégradation des
paysages et des fonds sous-marins, perte
d’attractivité par rapport aux pays du nord de
l’Europe qui connaitraient un réchauffement de
leur climat (opportunité pour eux), risques
naturels accrus pesant sur l’image des
destinations, etc.
La région porte sa part de contribution au
changement climatique car elle est fortement
émettrice de GES par rapport aux moyennes
nationales. En Provence-Alpes-Côte d’Azur2, les
premiers émetteurs sont l’industrie et le
traitement/stockage des déchets (38%), le
transport routier (31%), la production et la
distribution de l’énergie (16%). La part de
l’agriculture est faible (3%). Parmi les énergies
fossiles, la part du pétrole est de 42% et celle du
charbon de 21%. Les émissions totales de gaz à
effet de serre atteignent en moyenne 9,5
tonnes/an/habitant, ce qui est supérieur à la
moyenne nationale qui est de 8,6 t/an/hab.
Les leviers pour limiter les émissions de gaz à
effet de serre et la consommation d’énergie
sont nombreux. Le territoire dispose notamment
d’un
formidable
potentiel
d’énergie
renouvelable. La production d’électricité de la
région est déjà largement décarbonée avec 60%
d’hydroélectricité et 5% de solaire. C’est la
deuxième région « solaire » après l’Aquitaine et
la production d’électricité par les panneaux
photovoltaiques a été multipliée par 20 depuis
2007. L’éolien est encore anecdotique. Un
prolongement de l’effort d’appropriation locale
de la politique énergétique et de concertation
sur
le
photovoltaïque
permettrait
le
développement d’une capacité de production
d’énergie solaire significative tout en maîtrisant
les impacts sur le patrimoine naturel et les
riverains.
2
Sources des données qui suivent : AirPACA, données 2012
Au-delà de la production d’énergie, la priorité
reste la maîtrise de la demande. Les choix
urbanistiques et d’aménagement sont au cœur
des enjeux du changement climatique, à la fois
pour maîtriser notre consommation d’énergie et
éviter d’aggraver les risques, comme les
inondations
partiellement
dues
à
l’artificialisation des sols, la perturbation des
flux hydrographiques, etc. ou encore les
canicules renforcées par l’albedo insuffisant des
bâtiments et voies, la faible circulation de l’air
en surface…
Parmi les priorités, il est important d’offrir une
alternative à la voiture, tout en menant une
réflexion de fond sur l’organisation territoriale
afin de limiter l’impact du transport sans
restreindre
l’accessibilité
aux
aménités
économiques et récréatives. Pour réduire les
dépenses énergétiques dans les logements et les
bureaux,
les
avancées
techniques
et
architecturales ne suffiront pas et il est
primordial de considérer l’usager comme un
acteur de son territoire à part entière et non
comme un simple consommateur.
Plus généralement, associer les citoyens à la
prise de décision et la recherche de procédures
participatives
apparaissent
comme
des
démarches incontournables pour transformer nos
sociétés. Les populations les plus vulnérables
devront
faire
l’objet
d’une
attention
particulière pour limiter les risques sanitaires et
économiques. Mais les nouvelles gouvernances,
l’économie
circulaire,
les
politiques
transversales, la coopération territoriale et
l’intelligence collective ouvrent un monde
d’opportunités économiques et sociales dans le
respect des ressources naturelles.
Téléchargez la publication complète :
www.air-climat.org/publications/la-region-paca-face-au-changement-climatique
Le groupe régional d’experts sur le climat en Provence-AlpesCôte d’Azur (GREC-PACA) est né du souhait de rapprocher la
communauté scientifique des gestionnaires et décideurs du
territoire autour des enjeux du changement climatique. La
vocation de cette démarche collective est de centraliser,
transcrire et partager la connaissance scientifique sur ces
questions en région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
L’association pour l’innovation et la recherche au service du climat, A.I.R.
Climat, porte et anime le GREC-PACA. En 2015-2016, l’association accompagne le
groupe, coordonne ses activités, assure sa promotion auprès des acteurs du
territoire et de partenaires potentiels.
www.air-climat.org/grec-paca/decouvrir-le-grec-paca
Le GREC-PACA est financé par
Crédits photo : © Emmanuel Goetz
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