Réadaptation cardiaque des patients porteurs d`assistance mono

Réadaptation cardiaque des patients porteurs d’assistance
mono-ventriculaire gauche
journal.sfctcv.org/2016/06/readaptation-cardiaque-des-patients-porteurs-dassistance-mono-ventriculaire-gauche/
J. Desgue, L. Chaufourier, A. Belin, V. Saplacan, C. Ivascau, S. Caprio, D. Buklas, G. Babatasi
CHU de CAEN, Service de chirurgie cardiaque.
Pré-publication : le 5 juin 2016
Résumé
Introduction : L’insuffisance cardiaque est un problème majeur de santé publique. La pénurie de greffon
cardiaque et l’amélioration des dispositifs d’assistance circulatoire mécanique (DACM) nous permettent de le
proposer à un public de plus en plus en large. La réadaptation cardiaque est sûre mais permet-elle d’améliorer la
tolérance à l’effort?
Méthodes : 22 patients porteurs d’assistance mono-ventriculaire gauche (12 Jarvik, 7 Heart-Ware, 3 Heart-Mate
II) ont participé au programme de réadaptation cardiaque de janvier 2005 à avril 2015, 14 en pont à la
transplantation et 8 en thérapie finale. Une épreuve d’effort en fin de réadaptation avec mesure de la V02 max a
été réalisée en fin de réadaptation et à distance.
Résultats : La VO2max au cours de la réadaptation en interne s’est améliorée de manière significative, 17
mL/Kg/min +/- 4 vs 14.9 mL/Kg/min +/- 4 (p=0.05). Au cours de la réadaptation en externe, délai médian de 9
mois, la VO2max a encore progressé de 7 % pour atteindre 18.2 mL/Kg/min +/- 3 soit 64 % de la valeur
théorique.
Conclusion : La réadaptation cardiaque en centre spécialisée des patients porteurs d’assistance mono-
ventriculaire gauche permet d’améliorer la tolérance physique à l’effort. Cette réadaptation poursuivie en externe
améliore encore la qualité de vie. Elle doit organisée et proposée à tous les porteurs de DACM.
INTRODUCTION
L’insuffisance cardiaque est un problème de santé publique avec un impact médico-économique majeur et un
pronostic médiocre. Le traitement de l’insuffisance cardiaque avancée est la greffe cardiaque pour les patients
éligibles. Du fait de la pénurie d’organe actuelle et depuis l’inscription en 2010 des dispositifs d’assistance
circulatoire mécanique à flux continu (DACM) sur la liste des produits et prestations pris en charge par
l’assurance maladie (LPP), les implantations se sont multipliées. L’avancée technologique de ces machines
permet une implantation avec un risque opératoire maitrisé et un retour au domicile. L’amélioration des capacités
fonctionnelles et de la qualité de vie prend une place de plus en plus importante pour ces patients porteurs de
DACM et plus particulièrement pour ceux implantés en thérapie définitive. L’impact de la réadaptation cardiaque
sur les capacités fonctionnelles de ces patients reste à apprécier.
Bien que la sécurité de la réadaptation des patients implantés d’un DACM ait déjà été démontrée(1), il n’existe
aujourd’hui aucune recommandation claire quant au protocole de réadaptation à mettre en œuvre.
L’objectif de cet article est de relater l’expérience caennaise dans la réadaptation des patients implantés de
DCAM, et d’évaluer la capacité physique de ces patients après un programme de réadaptation cardiaque et lors
du suivi. Pour ce faire, nous avons utilisé la mesure de la VO2max, validée comme marqueur pronostic dans
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l’insuffisance cardiaque, et corrélée à la tolérance à l’effort(2,3).
MATERIELS ET METHODES
Population
Nous avons étudié de façon rétrospective la cohorte des patients porteurs de DCAM ayant participé au
programme de réadaptation cardiaque du centre spécialisé de la Côte Fleurie à Cricqueboeuf de janvier 2005 à
avril 2015. Nous avons inclus de manière consécutive tous les patients porteurs de machines en pont à la
transplantation ou en thérapie définitive et nous les avons suivis jusqu’au 31 juillet 2015. Parmi ces 22 sujets, 20
ont été implantés dans le service de chirurgie cardiaque du CHU de CAEN.
Machines utilisées
Les trois dispositifs d’assistance circulatoire mécanique à flux continu électrique intracorporel mono ventriculaire
gauche disponibles actuellement ont été utilisés.
Le premier dispositif historiquement utilisé à Caen, le JARVIK 2000 est une pompe électrique rotative à débit
axial implantée en position intra-ventriculaire gauche et raccordée en parallèle à la circulation native. A l’intérieur,
un rotor à aimant dans un conduit en titane est actionné par force électromagnétique. Son fonctionnement en
mode intermittent avec réduction cyclique permet une mise en charge du ventricule gauche et une éjection
régulière par la valve aortique native. La pompe est raccordée aux composants externes du système par un
câble percutané avec une sortie abdominale ou rétro-auriculaire. Pour ce dernier, une platine fixée dans l’os du
crâne permet la connexion entre la composante interne et la composante externe de la ligne percutanée. Les
douches et baignades sont facilement possibles sous réserve des précautions de mise à l’abri de l’eau des
batteries et du contrôleur. Le contrôleur est porté à la ceinture et permet de modifier directement la vitesse de
rotation en 5 positions de 8000 à 12 000 tpm. La pompe axiale peut atteindre un débit maximal de 6,5 L/min.
Son implantation en France est autorisée chez les patients de moins de 70 ans(4)(Photo 1).
Photo 1 : Pompe intra-ventriculaire du Jarvik 2000
Le deuxième est le Heart Mate II. Il s’agit d’une pompe
électrique rotative à débit axial raccordée en parallèle à la
circulation native. La pompe est raccordée au système
d’alimentation par un câble percutané abdominal. La vitesse
de rotation varie de 8 000 à 10 000 tpm, permettant un débit
maximal de 10 L/min. Il pèse 400g pour un volume de 124
mL, fait 70 mm de long et 35 mm de diamètre. Comme pour
le premier système, il est implantable chez les patients de
surface supérieure à 1,2 m2. Il nécessite cependant la
création d’une poche dans l’angle pleuro-diaphragmatique.
Son implantation est autorisée chez les patients de plus de
70 ans(4)(Photo 2).
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Photo 2 : Heart-Ware
Le troisième dispositif implanté est le HeartWare. Il s’agit
d’une pompe rotative centrifuge implantée dans la cavité
péricardique avec canulation de l’apex du ventricule gauche
vers l’aorte ascendante. Son volume est de 50 mL pour un
poids de 160g. Le rotor est ici suspendu par lévitation
hydrodynamique passive sans frottement. La vitesse de
rotation est moindre autour de 2500 tpm permettant un débit
maximal identique au système précédent de 10 L/min. Ce
dernier n’a, à l’heure actuelle, pas l’autorisation
d’implantation chez les patients de plus de 70 ans(4)(Photo
3, Tableau I).
Photo 3 : Heart-Mate II
Tableau 1: Indications d’implantation des assistances mono-
ventriculaire gauche
Type
d’assistance
Vitesse
de
rotation
Débit
maximal
fourni
Indication
Jarvik 2000 8000 à
12 000
Tpm
6,5L/min Bridge to transplant
HeartMate II
8000 à
10000
tpm
10L/min
Bridge to transplant,
Destination therapy
chez les patients ages
de plus de 70 ans
HeartWare 2500
tpm
10L/min Bridge to transplant
Données recueillies
Le critère principal de jugement est la comparaison du pic de VO2 en mL/Kg/min, mesuré en début de
réadaptation, lorsqu’une épreuve d’effort cardio-respiratoire a pu être réalisée, au pic de VO2 en fin de
réadaptation, ainsi qu’au meilleur pic de VO2 atteint par le patient.
Les critères secondaires sont le pourcentage de VO2max théorique, la pente VE/VCO2, la durée de l’effort, la
puissance atteinte, ainsi que le pouls d’oxygène (VO2/FC).
En préimplantatoire, nous avons relevé les données démographiques du patient, le type de cardiopathie, le type
de machine, le taux de créatinine et de BNP, les données de l’électrocardiogramme, la classe NYHA et le stade
INTERMACS. Nous avons relevé les données du post opératoire immédiat, telles que la durée de ventilation et
du support en amines, les complications, la durée de séjour en réanimation et la nécessité d’une reprise
chirurgicale.
Nous avons relevé lors du suivi le nombre de transplantations, le taux de décès ainsi que leur cause et le
nombre de patients toujours assistés.
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Description du séjour en réadaptation
Le centre de Réadaptation cardiaque de la Côte Fleurie expérimenté dans la réadaptation de l’insuffisant
cardiaque a participé à de nombreuses études multicentriques dont HF-ACTION(5). Le programme de
réadaptation des patients porteurs de DACM est dérivé du programme appliqué aux insuffisants cardiaques. Il
comprend l’entrainement à l’effort, l’éducation thérapeutique et l’optimisation du traitement médical. Le
programme de réadaptation est supervisé par un cardiologue, les séances d’entrainement sont encadrées par
un kinésithérapeute, et l’éducation thérapeutique est effectuée par une infirmière spécialisée. Les patients sont
suivis en consultation de DACM au CHU.
L’entrainement à l’effort est classiquement divisé en deux phases :
– La première à la sortie de l’hospitalisation en chirurgie cardiaque a pour but l’autonomisation du patient pour
les gestes de la vie courante, verticalisation, marche, kinésithérapie motrice et respiratoire ainsi qu’un
programme d’éducation thérapeutique.
– La seconde phase commence habituellement par une épreuve d’effort cardio-respiratoire afin de préciser les
seuils de travail individuels. Le protocole d’épreuve d’effort sur cyclo-ergomètre utilisé comporte des paliers
d’intensité croissante de 10W/min, et une analyse des échanges gazeux cycle par cycle à l’aide du logiciel
Metasys Brainware. L’épreuve d’effort est maximale (QR >1,10) ou stoppée selon les critères d’arrêt classiques.
L’intensité du travail est prescrite en endurance active dans la zone de fréquence cardiaque comprise entre le
premier (SV1) et le second seuil ventilatoire (SV2), de durée croissante jusqu’à 45 min. En l’absence de cette
épreuve d’effort initiale, le seuil retenu est le seuil de dyspnée qui correspond en général à SV1.
A l’exercice d’endurance on adjoint:
Une rééducation respiratoire pour lutter contre l’hyperventilation à l’effort.
Des séances de cycloergomètre à bras pour augmenter la capacité physique au niveau de la ceinture
scapulaire et des muscles inspirateurs accessoires
Des séances de musculation analytique sur banc de Koch pour lutter contre le déconditionnement
périphérique. Nous avons évité tout travail abdominal afin de limiter la mobilisation du câble abdominal.
De la musculation passive par électrostimulation chez les patients non porteurs de défibrillateurs.
Des séances de relaxation.
A l’issue du programme de réadaptation en interne, nous proposons des séances de réadaptation en externe à
raison de deux à trois séances par semaine.
La durée habituelle de réadaptation en hospitalisation complète est de 4 à 6 semaines.
Le programme éducatif est centré sur deux éléments :
– L’acquisition par le patient et son entourage du fonctionnement et de la gestion de la machine : gestion des
batteries, mode d’alimentation, conduite à tenir vis à vis des alarmes, gestion des pansements, rigueur à
adopter vis à vis des pansements.
– L’éducation thérapeutique : gestion des facteurs de risques cardio-vasculaires, règles hygiéno-diététiques,
gestion du traitement par AVK ainsi que des éléments clés du réentrainement à l’effort.
L’optimisation du traitement médical suivra les guidelines de l’insuffisance cardiaque chronique.
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Analyse statistique
Les stastitiques ont été réalisés à l’aide du logiciel spécifique SPSS. Les valeurs quantitatives sont exprimées en
termes de moyenne et d’écart type et les valeurs qualitatives en termes de fréquence. Lorsque toutes les
données n’étaient pas disponibles pour analyse, le nombre de données manquantes est précisé. L’homogénéité
des variances des différentes variables a été étudiée par le test de Lavente. La comparaison des variables
quantitatives telles que les VO2 max, la clairance de la créatinine ou le BNP dans deux groupes appariés a été
réalisé par le test t de Student. Le degré de signification p était fixé à 0,05.
RESULTATS
Caractéristiques de la population en pré-implantation (Tableau II)
Notre cohorte (figure A) est de 22 patients (19 hommes, 3 femmes), d’âge moyen 57 ans (+ /- 13 ans) et d’IMC
moyen de 25 (+/- 4,4). 12 patients (54 %) sont atteints d’une cardiopathie ischémique, 9 patients (41 %) de
cardiomyopathie dilatée (CMD) et un cas d’intoxication aux bétabloquants. L’implantation s’est déroulée sous
Extra-Corporeal Life Support ECLS pour 3 patients (Intermacs 1). 8 patients soit 36% ont été implantés avec un
Intermacs de [1-2], 14 patients avec un Intermacs [3-4]. La grande majorité d’entre eux (83%, n=19) sont
porteurs d’un défibrillateur dont 11 triples chambres. Tous les patients sont en stade III ou IV de la NYHA. La
fonction rénale est modérément altérée chez 47 % des patients avec un MDRD < 60 mL/min. Le BNP moyen est
à 1150 (+ /- 787). La FEVG est comprise entre 10 et 35%. Lorsque le diamètre télé diastolique est connu (n=15),
le VG était toujours dilaté (DTD> 60mm). Trois patients ont une défaillance ventriculaire droit modéré.
Figure A : Flow chart
Tableau 2: Statut pré-implantation
Générale Cohorte Intervalle
Ratio H/F 10/1
Age (années) 56,5 (+/- 12,4) [23-74]
IMC 25 (+/-4,2) [19-34]
Surface (m2) 1,9 (+/-0,2) [1,5-2,4]
Comorbidités
Cardiopathie
CMD 9 40%
CMI 12 55%
TOXIQUE 1 5%
5/17
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1 / 17 100%
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