Régulation de processus par un capteur de pH

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Nouveau capteur et maintenance réduite
Auteur : Harold van den Hauten
Magazine : Automatie – n° 6 - 2012
Régulation de processus
par un
capteur de pH
La régulation de processus par le biais de capteurs de pH réclame une attention
particulière. En effet, ces capteurs nécessitent une maintenance régulière due aux
propriétés de l’électrode de référence. Cet article présente une nouvelle approche
qui exige une maintenance sensiblement moindre. Ici, pas d’électronique intelligente ni de traitements informatiques, mais un retour aux sources : le processus
chimique au sein du capteur.
L’acidité (pH) est une caractéristique intéressante de
tout processus, produit ou flux de déchets. En effet,
la cinétique de nombreux processus chimiques est
dépendante de la concentration de la solution en ions
hydrogène. Ceci vaut pour les processus de production, mais aussi pour les processus qui ont un impact
sur l’installation ou l’environnement. Songez à la corrosion ou à la pollution des eaux souterraines et de
surface.
L’acidité s’exprime en une valeur de pH, une mesure
indiquant l’acidité d’une solution aqueuse. L’acidité
est déterminée par la concentration en hydrogène
sous forme d’ions hydrogène (H+) et d’ions hydroxyles (OH-). Dans une solution aqueuse, cette concentration est susceptible de varier de 1 à 10 ou 14 mol/l.
Il s’agit là d’une plage très importante.
C’est la raison pour laquelle le chimiste danois Sorenson a proposé en 1909 la notation pH.
Dans la pratique, on peut admettre que le pH correspond au logarithme négatif de la concentration en
ions d’hydrogène (pH = -log [H+]).
Techniques de mesure
Diverses techniques permettent de mesurer le pH.
Les techniques les plus utilisées sont les suivantes :
papier indicateur de pH et mesure électrochimique
au moyen d’une électrode indicatrice de pH. Dans cet
article, nous accordons une attention particulière à
cette dernière méthode de mesure.
La détermination de l’acidité étant importante pour
nombre de processus, il est logique que la mesure de
pH soit aussi courante dans l’industrie. L’installation
d’un capteur de pH est une opération de routine
qui ne présente le plus souvent aucune difficulté
majeure. Toutefois, l’exécution de mesures dans le
cadre de processus spécifiques ne va pas sans poser
un certain nombre de problèmes. Avant d’aborder ces
problèmes et leurs solutions, il nous paraît utile de
vous proposer d’abord une description du fonctionnement d’un capteur de pH classique.
Ensuite, nous nous pencherons sur une nouvelle
électrode : le capteur différentiel mis au point aux
Pays Bas par la division analytique de Yokogawa
établie à Amersfoort.
Électrode de mesure de pH conventionnelle
Un capteur de pH se compose d’une électrode de
mesure du pH et d’une cellule de référence. Ensemble avec le liquide de processus, elles forment un
circuit de mesure. Réalisée en verre, l’électrode de
mesure du pH (figure 1) est dotée d’une membrane
en verre. Cette membrane présente la propriété
suivante : une différence de potentiel apparaît en
présence, de part et d’autre de la membrane, d’un
liquide (électrolyte) dont la composition ionique est
identique, mais dont la concentration en ions diffère.
L’électrode de mesure a pour mission de générer une
tension dont la valeur a un lien direct avec la concentration en ions hydrogène du liquide de processus. Côté intérieur, l’électrode est remplie de ce qui
est appelé une solution tampon, un liquide dont le
pH est constant. Neutre en général (pH 7), la solution
tampon est en contact avec un sel d’argent (chlorure
d’argent), lequel enrobe un fil d’argent. Si le liquide
de processus est également neutre, l’électrode génère une tension nulle (voir graphique de la figure
1). Sur la figure 1, on observe également qu’un pH
6 correspond à une tension de +59,16 mV et un ph 8
à une tension de 59,16 mV. Toutefois, ces tensions
doivent être mesurées par rapport à une électrode
de référence stable afin d’empêcher que d’autres
composants que les ions hydrogène influent sur la
mesure.
La figure 2 illustre l’électrode de référence.
Une cellule de référence caractéristique contient une
sonde en argent revêtue d’une couche de chlorure
d’argent indissoluble (AgCl). La sonde est immergée
dans un électrolyte, une solution de sel de potassium
(KCl). Cet électrolyte se présente souvent sous la
forme d’un gel très visqueux de manière à ce qu’un
minimum de sel passe à travers le diaphragme et disparaisse dans le liquide de processus.
Toute perte d’électrolyte aurait pour effet d’abréger
la durée de vie de l’électrode et donc augmenterait
les coûts de maintenance. Le diaphragme poreux
se sature d’électrolyte, ce qui crée un contact galvanique avec le liquide processus. . Ce diaphragme
peut être exécuté en matière synthétique, mais aussi
dans un matériau naturel tel que le bois.
L’électrode de référence sert à réaliser et maintenir
une liaison au potentiel nul stable qui doit servir de
référence pour l’électrode de mesure.
La figure 3 illustre le circuit complet. Le circuit électrique est formé à partir des différentes tensions générées à la surface des matériaux et des résistances
de ces matériaux. La tension résultante est désignée
par l’expression Et. Si le circuit de mesure du pH
remplit sa mission sans erreur, la tension Et dépend
exclusivement du pH du liquide de processus.
Cependant, nous savons que dans la pratique, le cas
idéal ne se présente jamais.
Et en effet, des facteurs perturbateurs peuvent apparaître.
Quels sont les incidents pouvant survenir ?
L’électrode de mesure peut vieillir et l’usure provoquée par le liquide de processus peut entraîner des
dégâts à la fragile membrane de verre. La résistance
électrique du verre risque d’en être altérée et la
mesure de pH faussée. Par ailleurs, la pénétration
éventuelle de fluide de traitement à travers le diaphragme de l’électrode de référence est susceptible
de perturber l’équilibre électrochimique au sein de
cette dernière. On parle alors d’empoisonnement de
l’électrode. L’électrode de mesure est alors privée
de référence stable et les mesures du pH cessent
d’être fiables. Le liquide de processus peut également recouvrir ou obturer le diaphragme. Cela se
traduit en fait par une résistance accrue et souvent
variable. Cette variation crée une tension incorrecte
et de là, une mesure de pH erronée. Enfin, à terme,
l’électrolyte de l’électrode de référence va s’épuiser
entraînant une interruption du circuit. On parle alors
généralement d’un circuit à valeur ohmique élevée.
L’encrassement est donc susceptible de poser problème à brève échéance.
Quoique des problèmes puissent se manifester en
différents points du système, la pratique révèle que
la grande majorité d’entre eux affecte l’électrode de
référence. Diverses solutions permettent d’y remédier. Pour commencer, l’électrolyte de l’électrode de
référence se présente sous la forme d’un gel ou d’une
mV
-59,16
Électrode de référence
0
+59,16
Fil d’argent - Ag
Ag/AgCI
Ag/AgCl
(Buffer 7.0)
(tampon
7,0)
OHOHH+
+
H H+
OHOH- H+
OH- OHH+ +
- H+
H
OH
OH
H+ +
+
H OH- H
OH-
6
7
8 pH
Sonde de référence Ag/AgCl
Électrolyte (KCl)
Hoge impedantie
Impédance
élevée
Glas membraan
Membrane
en verre
1
Diaphragme
Zure
oplossing
Solution
acide
Alkalische
oplossing
Solution
alcaline
2
2012 [ Automatie 6 ] 5
Circuit de mesure du pH
Et
Et
E3
E4
R
R
Électrolyte
Elektrolyt
Électrolyte
Elektrolyt
E2
E5
R
R
Membrane
Membraan
Diaphragme
Diafragma
E1
R
Procesvloeistof
Fluide
de traitement
E1 Différence de potentiel entre le processus et l’électrode de pH en verre
E2 Différence de potentiel entre l’électrolyte et l’électrode de pH en verre
E3 Différence de potentiel entre la sonde et l’électrolyte
E4 Différence de potentiel entre la sonde de référence et l’électrolyte
E5 Différence de potentiel entre l’électrolyte et le processus (potentiel de diffusion)
E5
E4
E1
E2
E3
3
pâte, comme nous en avons déjà fait état plus haut.
Cette consistance permet à l’électrode de conserver
plus longtemps son électrolyte. En conséquence, la
fréquence des opérations de maintenance diminue.
Dans certains cas, on procède à l’ajout d’un réservoir d’électrolyte supplémentaire. Ce réservoir peut
parfois être soumis à une pression supérieure à celle
du processus lui-même. L’écoulement positif de
l’électrolyte à travers le diaphragme prévient toute
pénétration du liquide de processus et tout empoisonnement de l’électrode par ce dernier. Une autre
approche réside dans l’application de liaisons liquides supplémentaires au sein de l’électrode de référence. La présence de ces liaisons liquides entraîne
la formation de plusieurs chambres d’électrolyte,
lesquelles préservent davantage la sonde de référence de toute contamination.
Approche inédite
Ancienne entreprise néerlandaise connue comme
l’ancienne Electrofact par les plus âgés, la société
Yokogawa établie à Amersfoort a imaginé une solution totalement inédite pour venir à bout de la problématique qui caractérise l’électrode de référence.
Il s’agit de l’électrode de référence différentielle au
sodium, laquelle porte le numéro de référence SC24V.
Les lettres SC renvoient à la conjugaison des termes
« Superb Combination » ; présages de grande qualité.
4a Capteur SC24V
Électrode différentielle SC24V conçue par Yokogawa
Électrode de mesure du pH
Sonde de température
4b Détail de l’extrémité du capteur
6 [ Automatie 6 ] 2012
Électrode au sodium
Dispositif liquide
de mise à la terre
Sur le plan mécanique, le capteur se compose de
quatre éléments : électrode de mesure du pH, électrode de verre sensible au sel (la référence auparavant), sonde de température et dispositif liquide de
mise à la terre (ORP). Ce qui nous intéresse ici, c’est
le mode de fonctionnement de cette solution conçue
pour venir à bout de la problématique évoquée.
Les nouvelles techniques rencontrent souvent des
problèmes inédits. Par conséquent, nous allons
également nous pencher sur leurs limitations éventuelles.
Propriétés
Le capteur SC24V est doté d’un certain nombre de
propriétés remarquables. La différence majeure entre ce nouveau capteur et un capteur conventionnel réside dans le remplacement de l’électrode de
référence par une électrode de verre au sodium. En
présence de sels alcalins dans le fluide de traitement,
ce verre génère une tension de l’ordre du millivolt.
Cette tension servira de référence pour l’électrode de
mesure du pH. Il n’y a aucun contact ouvert avec un
élément Ag/AgCl ; donc le risque d’empoisonnement
est inexistant. Le pont liquide a disparu entraînant
avec lui la problématique du recouvrement et de
l’obturation. Enfin, ce nouveau capteur est dépourvu
de réservoir d’électrolyte réclamant un renouvellement régulier. Résultat : un capteur apte à une exploitation prolongée sans nécessiter aucune maintenance.
Inconvénients
Certains inconvénients sont à prendre en compte.
Il ne s’agit pas ici d’une réelle mesure de pH, donc
lorsqu’une valeur de pH précise doit être connue, ce
capteur n’est pas utilisé. Par contre, il est parfaitement adapté à la régulation de pH, basée le plus souvent sur des différences de pH. Nous verrons que le
signal transmis par le capteur dépend de l’évolution
de la teneur en ions salins du liquide de processus et que la gamme de mesure est
moins large que celle d’un capteur classique de mesure du pH. Nous parlons ici
d’une mesure différentielle du pH en comparaison avec la méthode classique, dans
laquelle une électrode de référence en parfait état génère une tension de référence
stable.
La méthode classique donne une mesure absolue. En revanche, dans la mesure relative du pH, la tension de référence est fournie par l’électrode sensible aux ions salins, laquelle génère une tension qui dépend de la concentration en sels du liquide
de processus. Si la teneur en sels fluctue, la tension de référence varie également.
Est-ce important ou pas ? C’est ce qui nous allons voir plus loin.
Pour que le pH évolue de 0,2 point consécutivement à un changement de la teneur
en sels du liquide de processus, il faut modifier de 25 % la concentration en sels
du processus. Ceci est assez improbable dans le cadre de nombreux processus,
mais ce n’est malgré tout pas impossible. Une telle évolution n’est pas exclue. Pour
mémoire : une modification restreinte de la concentration en ions H+ entraînera,
comme il se doit, une évolution correspondante de l’indication du pH.
La mesure du pH repose sur l’utilisation des « sels du processus » comme référence.
Donc, l’exécution de telles mesures requiert la présence de ces sels.
Un étalonnage s’avère bel et bien indispensable. Comme précédemment indiqué,
une mesure de pH n’est correcte que dans le cas de petites variations de la teneur
en sels dans le liquide de processus. Les mesures effectuées avec ce capteur sont
linéaires entre pH 3 et pH 13. En conséquence, la plage de mesure de ce capteur est
plus restreinte, surtout côté acide, que lors d’une mesure classique du pH.
5a Le souffleur de verre Jordi van den Heuvel en action
5b Montage de la membrane de verre de l’électrode de mesure du pH.
Le métier repose sur la maîtrise
À l’heure de l’automatisation poussée de la production, il est réjouissant de
voir que certains métiers « d’antan » survivent encore. C’est incontestablement le cas dans le domaine de la production d’électrodes de verre pour
capteurs de pH. Le capteur différentiel de pH présenté dans cet article est
un produit complexe qui repose largement sur le savoir faire du souffleur de
verre. Il faut plusieurs années pour former un souffleur de verre et lui apprendre toutes les ficelles du métier. Le montage des deux capteurs nécessite l’utilisation de quatre verres de composition distincte. En outre, il faut
ménager un espace suffisant pour accueillir une sonde de température. Les
dimensions doivent être parfaitement respectées, en particulier l’épaisseur
de la membrane de verre doit être tout à fait précise. La photo montre le verrier Jordi van den Heuvel à l’ouvrage.
Le soufflage du verre est un métier traditionnel à l’honneur chez Yokogawa
à Amersfoort. Entreprise néerlandaise spécialisée depuis les années trente
dans la fourniture d’équipements de mesure de pH, la société Electrofact est
le berceau de cette verrerie. L’absorption d’Electrofact par Yokogawa, une société japonaise d’envergure internationale, remonte à 1982. L’établissement
d’Amersfoort est devenu le siège européen de l’entreprise pour l’ensemble
de sa production.
Remplissant aussi la mission de centre de connaissance mondial pour les
produits d’analyse, cet établissement en assure également le développement
et la production.
Applications
Les propriétés du capteur différentiel le rendent particulièrement adapté dans des
applications de contrôle de procédés. Ce capteur stérilisable s’utilise lorsque le
processus n’autorise aucune contamination au chlorure de potassium (KCl), si minime soit elle. L’élimination de tout contact ouvert avec le processus (absence de
diaphragme) permet effectivement à ce capteur de remédier à la majorité des problèmes rencontrés avec d’autres capteurs de pH. Comme prévu, la maintenance de
ce nouveau capteur s’en trouve considérablement allégée.
D’autres applications jugées contraignantes en général sont à la portée de ce capteur. Nous pensons entre autres à la production de chlore par électrolyse de saumures, à certaines applications dans l’industrie du papier et de la pâte à papier ainsi
qu’à divers processus caractérisés par des fluctuations importantes de la pression
et en présence de températures élevées.
Le capteur de pH classique repose sur l’utilisation d’une électrode de verre à valeur
ohmique élevée et d’une électrode de référence à valeur ohmique faible. Le capteur
différentiel utilise en revanche deux électrodes de verre à valeur ohmique élevée.
Ce système nécessite par conséquent l’emploi d’un autre transmetteur doté de deux
entrées à impédance élevée.
Il est possible de tester l’opérabilité de ce capteur au moyen de tampons standard,
mais le recours à ces derniers ne permet pas de procéder à l’étalonnage requis. À
cette fin, il convient d’employer des tampons spécifiques à teneur élevée en sodium.
Conclusion
En résumé, le capteur différentiel promet d’améliorer considérablement les systèmes de régulation du pH, surtout dans le cadre d’applications difficiles. La pratique a confirmé cette hypothèse, et le fabricant table sur un système dont les
besoins en maintenance sont sensiblement réduits ainsi que sur une longévité très
élevée du capteur.
Cette longévité devrait être supérieure d’un facteur 10 au moins par rapport à celle
d’un capteur de pH conventionnel.
Pour plus d’informations :
www.yokogawa.com/eu
11222a
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