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PARTAGE DE COMPÉTENCES
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Parmi leurs objectifs principaux, gurent
l’aide au maintien à domicile et la réduc-
tion des hospitalisations évitables, dont
un certain nombre est lié à l’iatrogé-
nie. En Lorraine, l’expérimentation se
concentre aujourd’hui sur la communau-
té urbaine du Grand Nancy, où vivent
20 000 personnes de plus de 75 ans, un
territoire qui a la particularité d’avoir une
densité médicale comparable à Paris et
qui compte 107 ofcines. « Nous avons été
associés par lARS à la réexion sur les
Paerpa dès le début, raconte Christophe
Wilcke, président de l’URPS pharmaciens.
Nous avons ainsi pu proposer un certain
nombre d’actions autour du médicament
avec l’idée de valoriser lacte pharmaceu-
tique dans un souci de sécurisation de la
délivrance du médicament. »
D’où l’idée du pilulier électronique,
un produit développé par la société
E
Expérimentatrice des Paerpa, les par-
cours de soins des personnes âgées en
risque de perte d’autonomie, depuis cet
automne, la Lorraine a décidé de mettre
le paquet sur le médicament et le rôle du
pharmacien. Avec notamment une action
emblématique, même si le dispositif en
est encore à ses balbutiements : la mise
à disposition gratuite d’une centaine de
piluliers électroniques. « C’est pour nous
l’occasion de tester dans la vie réelle l’uti-
lisation d’un objet connecté qui incarne
la silver économie », explique Philippe Ro-
mac, chef de projet Paerpa pour lagence
régionale de santé (ARS) de Lorraine.
En effet, le dispositif Paerpa a pour but
d’améliorer le parcours de soins des plus
de 75 ans via un certain nombre d’expé-
rimentations qui se mettent en place pro-
gressivement sur neuf territoires dans
toute la France, depuis l’automne dernier.
ExpérimEntation paErpa En LorrainE
Quand le pharmacien
téléguide le pilulier
Dans le caDre Des expérimentations
des parcours de soins de personnes âgées
en risque De perte Dautonomie, lagence
gionale De san De lorraine teste
actuellement la mise à disposition
gratuite de piluliers électroniques,
pour favoriser lobservance.
Par Véronique HUNSINGER
Le pilulier électronique DO-Pill comprend une puce
qui transmet les informations sur l’observance.
DR
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nancéienne Pharmagest et fabriqué par
Domedic. Depuis décembre, 8 ofcines
ont déjà proposé un premier pilulier à l’un
de leur patient intégré dans le programme
Paerpa et auquel le médecin traitant l’a
prescrit dans le cadre du « plan personna-
lisé de soins » (PPS). Cet objet connecté,
dont le nancement est entièrement pris
en charge par lARS, est un gros boîtier
(d’environ 30 x 40 cm) qui comprend 28
cases. Le pharmacien remplit un pack
qui contient le traitement du patient et
qu’il lui suft de placer dans le boîtier.
À chaque fois que le patient déchire le
blister de la case du jour, l’information
est transmise au pharmacien. « La mise
à disposition du DO-Pill ne nécessite
aucune installation particulière chez le
patient car les données sont transmises
par une puce présente dans la machine »,
explique Pascal Grandjean, responsable
client e-santé chez Pharmagest. « Le pilu-
lier électronique permet de transmettre
une information qualitative sur l’obser-
vance du patient et d’engager un dialogue
entre le médecin, le pharmacien et le pa-
tient », souligne Erwan Salque, directeur
des opérations e-santé chez Pharmagest.
Le boîtier sert en premier lieu de pense-
bête au patient car il sonne à l’heure pré-
vue de la prise. Si au bout d’une heure, la
case na pas été ouverte, une notication
est envoyée sur le serveur du pharma-
cien – sur un site web dédié –, de même
si plusieurs cases sont ouvertes en même
temps.
Portrait-robot du patient type
Les informations peuvent également être
transmises, si besoin, à un proche du pa-
tient, par mail ou par SMS. « Avec les pre-
miers DO-Pill expérimentés, on constate
très peu d’erreurs de prise mais plutôt des
retards ou quelques oublis », souligne Pas-
cal Grandjean. Tout l’enjeu est de four-
nir ce type de dispositif au patient qui
en a réellement le besoin. Quel est son
portrait-robot ? « Le pilulier électronique
ne convient pas à tous les patients âs,
explique le Dr Éliane Abraham, gériatre,
coordinatrice du réseau gérontologique
Gérard-Cuny de Nancy. Il faut que ce soit
un patient a priori compliant mais qui fait
quelques erreurs ou oublis dans la prise
de ses traitements. Si un patient nen a pas
envie, ce nest pas le pilulier électronique
qui va le faire devenir observant. ».Les
premières erreurs de « casting » – notam-
ment des patients souffrant d’une maladie
d’Alzheimer déjà trop avancée – servent à
afner la cible des piluliers. « Il doit sagir
d’un patient polymédiqué, avec une or-
donnance d’au moins cinq lignes, et dont
les troubles cognitifs sont très légers,
encore relativement autonome mais qui
reconnaît avoir besoin d’aide pour être
observant », souligne Christophe Wilcke.
Le pilulier peut également être propo
pour quelques semaines seulement, le
temps pour le patient de shabituer à de
2Décryptage
C’est positif !
Lutilisation du pilulier électronique assure une meilleure sécurisation de
la dispensation pour le patient, une aide à l’observance pour les patients
qui le souhaitent. Il psente une grande simplicité d’usage aussi bien
pour le pharmacien que pour le patient.
Cette expérimentation constitue un nouveau rôle pour le pharmacien.
Les différents acteurs sont gérés par la coordination territoriale d’appui.
La collaboration avec le médecin traitant s’est accrue à cette occasion.
Cette proposition est gratuite pour le patient.
Reste à améliorer
Les inrmières libérales ont montré quelques signes de résistances
à participer au projet.
Les proches du patient ne comprennent pas toujours l’intét
du dispositif.
Le modèle économique reste à trouver.
Lextension du dispositif sera forcément limitée.
VH
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nouveaux traitements, par exemple après
une hospitalisation. Aujourd’hui, cest le
pharmacien qui livre le matériel au domi-
cile de son patient. La logistique est assu-
rée par la coordination territoriale d’ap-
pui (CTA), une sorte de chef d’orchestre
des parcours Paerpa. « Lorsque le méde-
cin traitant propose un pilulier dans un
PPS, nous contactons le pharmacien pour
lui proposer de participer à l’expérimen-
tation si ce nest pas déjà le cas », explique
Amina Benyahia, inrmière coordonna-
trice de la CTA.
L’arrivée du « pharmacien traitant »
Une centaine de piluliers devraient être
prescrits et distribués dans les prochaines
semaines. Lexpérimentation est prévue
pour 18 mois. Il est plus facile de s’ins-
crire dans la démarche pour les ofcines
de quartier qui connaissent bien leur pa-
tientèle âgée que pour les grandes phar-
macies de centre-ville ou de zone com-
merciale. Pharmagest estime à 500 000 le
nombre de patients âs et/ou chroniques
qui seraient susceptibles dutiliser un pilu-
lier électronique dans toute la France. « Le
pilulier électronique ne se substitue pas
nécessairement au pilulier classique et il
nest pas utile à tout le monde, relativise
Christophe Wilcke. Cependant, on peut
imaginer qu’une ofcine puisse gérer au
maximum entre 10 et 15 piluliers élec-
troniques à la fois. D’où l’intérêt de cette
expérimentation pour déterminer à qui et
comment ils sont utiles. En cas de géné-
ralisation, cest aussi à la question du mo-
dèle économique qu’il faudra répondre. »
Pour réaliser cette mission, le pharmacien
est rémunéré actuellement 1,30 euro par
jour et par patient, en plus de sa rémuné-
ration de 30 euros lorsqu’il participe, le
cas échéant, à l’écriture dun plan per-
sonnalisé de soins avec le médecin trai-
tant et l’inrmière. « Avec le Paerpa, on
attend aussi du pharmacien qu’il joue un
rôle de repérage de la fragilité du patient
âgé, il est ainsi une porte d’entrée dans
le dispositif complémentaire au médecin
traitant », souligne Philippe Romac.
D’autres projets d’actions impliquant le
pharmacien sont aujourd’hui dans les
tuyaux à Nancy, en particulier la « conci-
liation médicamenteuse ». Cette expéri-
mentation sera une adaptation à la ville
de ce qui a déjà été testé au Centre hos-
pitalier (CH) de Lunéville. Elle consiste
à reconstituer la liste de tous les médica-
ments que prendellement un patient.
Au CH, lorsque la question est posée lors
d’une entrée aux urgences, les informa-
tions données par le patient sont confron-
tées par le pharmacien hospitalier avec
celle du DP, auquel l’établissement a au-
jourd’hui accès, et aux ordonnances du
médecin traitant. Sur les 2 000 patients
passés aux urgences en un an, le pharma-
cien a relevé une erreur signicative par
jour et une erreur potentiellement grave
par semaine, comme un patient qui ne dit
pas qu’il est sous AVK. « On est en train
de rééchir à un dispositif similaire pour
la ville sous la houlette du pharmacien
d’ofcine, explique Christophe Wilcke. Il
serait en situation, en croisant plusieurs
sources, d’établir la liste complète des
médicaments pris par un patient et pres-
crits par le généraliste et les spécialistes,
en ajoutant l’automédication. La liste
pourra ensuite être transmise au méde-
cin traitant et le pharmacien, à chaque
dispensation de médicaments, sera en
mesure de vérier qu’il n’y a pas de di-
vergence avec cette liste. » Sont aussi
prévus, à terme, des ateliers d’éducation
thérapeutique dédiés à lobservance mé-
dicamenteuse des patients âs, initiés à
l’hôpital et prolongés en ville. Dans tous
les cas, les pharmaciens de la capitale lor-
raine semblent aujourd’hui très intéressés
par la démarche Paerpa, qui fait d’eux,
en quelque sorte, des « pharmaciens trai-
tants » de leurs patients âs. Comme une
préguration de l’évolution du métier du
pharmacien. n
« Le pharmacien joue aussi un rôle
de repérage de la fragilité du sujet âgé »
Philippe Romac
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