Hanouka, au coeur des chocs de civilisations
S'ils ne sont pas mentionnés dans la Bible hébraïque, les détails de la ré-inauguration du Temple et de la dédicace
de l'autel sont relatés dans le 1° Livre des Maccabée ; on y voit Juda décréter qu'à la même époque - le 25 du mois
de Kislev - chaque année devra être fêté ce moment de grande joie. Il faut noter qu'il n'y a dans ce récit aucune
mention du miracle de la fiole d'huile. C'est pourtant ce miracle qui donne son contenu à la liturgie traditionnelle de la
fête telle qu'instituée par les Sages du Talmud. Le rite, paradoxalement pour une fête des lumières, ne se pratique
qu'à la maison... mais les mèches allumées de la hanoukia (3) doivent être posées devant une fenêtre pour être vues
de quiconque est à l'extérieur, telles des lumières intériorisées, mais vouées à rayonner au-dehors.
L'insurrection contre les Séleucides va durer quelque vingt ans, jusqu'à la libération définitive de toute la Judée par
Simon - le dernier fils de Mattathias. Investi « Prince du peuple de Dieu » par la Grande Assemblée, Simone
entreprend la conquête d'un territoire qui correspond au royaume de Salomon, entretient des relations diplomatiques
avec Rome et Sparte, frappe ses propres monnaies, Il est détenteur à la fois du grand pontificat et de la puissance
politique - double pouvoir dont hérite son fils, qui fonde la dynastie dite « hasmonéenne ». Ses successeurs se
compromettront avec les derniers Séleucides pour « acheter » la fonction de grand-prêtre... Ce qui « tombe bien »
pour le roi de Syrie, désormais assujetti au tribut qu'exige la nouvelle puissance au Moyen-Orient : Rome.
Les derniers Hasmonéens vont d'ailleurs faire appel à Rome pour trancher un conflit dynastique. En mettant fin à
cette « alliance » de circonstance, l'armée romaine conduite par Pompée s'empare de Jérusalem en 63 av.ec,
faisant de la Judée-Samarie un protectorat de l'empire avec les conséquences à long terme que l'on sait : la
destruction du Temple en 70 de l'ec., une ultime révolte en 135 de l'ec . qui met fin à toute vie juive sur la Terre
d'Israël - rebaptisée « Palestina » (pays des Philistins) par l'empereur Hadrien - et la perte de la souveraineté juive
pendant 20 siècles. Durant plusieurs décennies avant ce cataclysme, une agitation anti-romaine endémique avait eu
pour conséquences une répression dont la cruauté se révélait dans la crucifixion des chefs rebelles - dont beaucoup
se rattachaient au parti extrémiste des zélotes. Au moins un disciple de Jésus de Nazareth - Simon - en faisait partie.
(Luc, 6-15). Jésus, lui-même (qui n'était pas zélote) avait été considéré - ou espéré - par les disciples qui le suivaient
comme le roi libérateur d'Israël (il était de la dynastie de David). D'où l'inscription latine apposée sur sa croix : «
Jésus de Nazareth, Roi des Juifs ». Roi des Juifs pour certains, mais néanmoins sujet romain...
La fête de Hanouka existait au temps de Jésus (Jean (10,22). Notons ici qu'on retrouve dans les Evangiles les noms
de Jonathan, Jean, Matthieu, Simon, Juda, noms encore donnés trois générations après la révolte des Maccabée, en
l'honneur de leurs exploits peut-¬être... Mais ensuite ? Si Hanouka est finalement restée dans le judaïsme comme la
fête des lumières, la Bible hébraïque n'a pas canonisé le récit de ces exploits. Sans doute les rabbins ont-ils tenu à
privilégier le symbolisme de la lumière et de la petite flamme qui dure 8 jours, et non l'aspect militaire, voire glorieux,
qui a précédé la ré-inauguration du Temple. Sur un plan différent : la naissance de Jésus dans la nuit de
l'occupation païenne et romaine, naissance fêtée au moment du solstice d'hiver, n'a-t-elle pas aussi à voir avec la
lumière, ce symbole universel et toujours actuel....
Hanouka et Noöl brillent ensemble, cette année. Je souhaite à mes amis, Juifs et Chrétiens, dans l'obscurité
saisonnière et l'obscurantisme humain de notre temps, la lumière que chante le Psaume : « ...Car c'est dans Ta
lumière que nous verrons la Lumière. » (Ps. 36,10).
Anne-Marie Dreyfus , AJCF Draguignan, décembre 2016
1) 1° siècle de l'ère courante.
2) Une fiole d'huile consacrée, juste suffisante pour l'allumage du candélabre durant un jour, a été retrouvée dans le
Temple après que les Maccabée l'aient rendu au culte. Or cette petite quantité d'huile a miraculeusement duré huit
jours, le temps de préparer à nouveau une huile pure (Traité Shabbat).
2) La hanoukia est un chandelier à 9 branches : 8 pour rappeler les 8 jours du miracle, et 1 décalée dont la lumière
(godet d'huile, bougie, voire ampoule électrique) sert pour allumer les autres.
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