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LE DROIT TRANSITOIRE
I LE DROIT TRANSITOIRE ET LE JUGE
Les règles de conflits de lois dans le temps font intervenir trois notions essentielles : la
troactivi, l'application imdiate de la loi nouvelle (le principe fondamental de Roubier) et
la survie de la loi ancienne.
Ces règles générales de conflits de lois dans le temps ont été dégagées par Roubier et la
Cour de cassation les a consacrées, notamment dans un arrêt de la première Section civile du 29
avril 1960 (D. 1960, J. 429, note G. Holleaux). Sauf à titre exceptionnel, la Cour de cassation
ne se réfère plus aujourd'hui à la théorie des droits acquis, impuissante à résoudre les divers
problèmes soulevés par les conflits de lois dans le temps. Lorsque, par conséquent, un cas
pratique pose une difficulté de droit transitoire, ce sont les règles de Roubier qu'il faut faire
jouer.
Roubier est parti de l'idée que toute loi s'applique à des situations juridiques, lesquelles,
comme les êtres vivants, naissent, se développent dans le temps, puis s'éteignent. Déterminer le
domaine d'application d'une loi nouvelle dans le temps revient donc à se demander à quelles
situations juridiques et à quelles phases de ces situations juridiques cette loi va s'appliquer.
Un point apparaît d'emblée certain : la loi ne gouverne pas rétroactivement les situations
juridiques définitivement achevées avant son entrée en vigueur.
Reste les situations juridiques en cours et les situations juridiques futures. Pour savoir
dans quelle mesure la loi nouvelle les gouverne, on utilise les quatre (ou cinq, suivant la
présentation adoptée) règles de conflit de lois dans le temps mises en évidence par Roubier.
1èregle : la loi nouvelle ne rétroagit pas
La loi nouvelle ne gouverne rétrospectivement :
- ni la constitution des situations juridiques en cours ; ce qui était valable reste valable et
ce qui était nul reste nul :
Par exemple, si une loi vient soumettre à autorisation administrative préalable, à peine
de nullité, toutes les ventes portant sur des immeubles de plus de cent cinquante ans, les
ventes portant sur de tels immeubles et conclus antérieurement avant son entrée en
vigueur, demeurent valables, bien que l'autorisation administrative n'ait point été
sollicitée.
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- ni les effets passés de ces situations :
Par exemple, si une loi vient limiter le taux d'intérêts dans les contrats de prêt d'argent,
les intérêts échus avant son entrée en vigueur ne sont pas touchés.
Ces deux exemples sont empruntés à des situations juridiques contractuelles, mais,
naturellement, le principe de la non-rétroactivité de la loi nouvelle vaut quelle que soit la nature
de la situation juridique en cours, contractuelle ou extra-contractuelle.
2èmegle : la loi nouvelle s'applique à la constitution des situations juridiques futures
Pour reprendre le premier exemple donné ci-dessus, les ventes portant sur des
immeubles de plus de cent cinquante ans et conclus postérieurement à l'entrée en vigueur de la
loi nouvelle devront, à peine de nullité, faire l'objet d'une autorisation administrative.
3ème règle : application immédiate de la loi nouvelle
La loi nouvelle s'applique immédiatement aux effets à venir des situations juridiques en
cours (non contractuelles).
C'est la règle la plus importante.
Par exemple, une loi du 15 juillet 1955, qui ne contenait pas de dispositions transitoires,
avait permis aux enfants adultérins d'obtenir une pension alimentaire une fois constatée, en fait,
leur filiation. La jurisprudence a appliqué cette loi à tous les enfants adultérins, y compris ceux
qui étaient nés auparavant ; à juste titre, car la situation juridique de l'enfant adultérin déjà
était bien en cours au moment où la loi du 15 juillet 1955 avait été promulguée, de sorte que les
effets à venir de cette situation devaient être immédiatement appréhendés par la loi nouvelle.
4èmegle : survie de la loi ancienne en matière contractuelle
Par exception à la règle n° 3, les effets à venir des contrats en cours restent soumis à la
loi ancienne. Cette règle est inspirée par le souci de ne pas bouleverser les prévisions des
parties.
C'est ainsi, par exemple, que malgré la survenance d'une loi nouvelle venant limiter le
taux d'intérêts dans les contrats de prêt d'argent, les contrats de prêts antérieurement conclus,
continueront de devoir être exécutés, jusqu'à leur terme, au taux d'intérêts initialement stipulé,
c'est-à-dire que la loi ancienne continuera de gouverner leurs effets futurs.
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5ème règle : application immédiate, à titre exceptionnel, de la loi nouvelle aux effets à venir des
contrats en cours
C'est l'exception à l'exception constituée par la règle 4 : si la loi nouvelle est d'un
ordre public particulièrement impérieux, elle s'applique immédiatement aux effets à venir des
contrats en cours.
On en revient ainsi au principe posé par la règle 3, de l'application immédiate de la
loi nouvelle.
Par exemple, la jurisprudence a appliqué la loi nouvelle sur les congés payés de 1938
dès son entrée en vigueur, aux effets futurs des contrats de travail en cours : elle en a fait
néficier les salariés pour l'avenir, lors même que leurs contrats de travail auraient été conclus
avec l'employeur antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle.
II LE DROIT TRANSITOIRE ET LE LEGISLATEUR
Il ne faut pas perdre de vue que les règles de conflits de lois dans le temps qui viennent
d'être exposées ne s'imposent qu'au juge. Le principe de la non-rétroactivité des lois n'ayant pas
de valeur constitutionnelle, le législateur peut toujours y déroger.
Souvent les lois nouvelles comportent, à l'heure actuelle, des dispositions transitoires,
auxquelles il convient de se référer.
Par ailleurs, certaines lois sont par essencetroactives :
1) les lois expressément rétroactives
2) les lois interprétatives qui, faisant corps avec la disposition antérieure quelles ont pour
objet dinterpréter, ont, par natureme, un effet rétroactif.
La Cour de cassation a donné de la loi interprétative la définition suivante, qu’il importe
de retenir (Soc. 14 mai 1987, B. V, n° 87) : un « nouveau texte, qui se borne à reconnaître un
état de droit préexistant, que la rédaction [de l’ancien texte] avait rendu susceptible de
controverse ».
Elle a ainsi subordonné le caractère interprétatif d’une disposition légale à deux
conditions :
- la préexistence d’un état de droit controversé ;
- la disposition nouvelle a uniquement pour objet de mettre fin à la controverse, en
expliquant ou précisant le texte existant.
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La loi interprétative faisant corps avec la disposition qu’elle a pour objet d’interpréter,
est applicable à toutes les instances en cours, y compris celles pendantes devant la Cour de
cassation (Soc. 21 février 1991, arrêt n° 1, B. V, n° 94). Sa rétroactivité est donc renforcée par
rapport à celle de la loi expressément rétroactive.
Celle-ci, en effet, est en principe inapplicable aux instances pendantes devant la Cour
de cassation. En conséquence, la Cour de cassation se refuse à censurer, pour violation d’une
disposition légale nouvelle expressément rétroactive, une décision émanant d’une juridiction du
fond qui aurait été rendue conformément au droit anrieur, seul applicable au moment où cette
décision a été rendue. Au contraire, l’intervention d’une loi interprétative alors que l’instance
est pendante devant la Cour de cassation, peut justifier une telle censure.
Sur ces différents points, consulter les manuels.
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On aura garde d'oublier, pour terminer, que :
- le contraire de la rétroactivité est la non-rétroactivité ;
- le contraire de l'application immédiate de la loi nouvelle est la survie de la loi ancienne.
Il suffit, pour s'en convaincre, de se reporter aux cinq règles de conflits de lois dans le
temps précédemment exposées.
Opposer, par conséquent, toujours ces quatre concepts de cette manière. Attention, en
particulier, ne pas confondre non-rétroactivité de la loi nouvelle et survie de la loi ancienne en
matière contractuelle : ainsi, dans un prêt à intérêts en cours, une loi nouvelle limitant le taux
d'intérêts ne remet pas en cause les échéances passées (non-rétroactivité de la loi nouvelle), ni
les échéances à venir (survie de la loi ancienne).
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