mai 2011 Le producteur de Lait québécois
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Nous avons découvert que, lors
d’un épisode de mammite, la bactérie
a besoin d’énergie et de GMP. Pour
cela, elle utilise guaA et le riborégula-
teur est ouvert (figure 1B). L’infusion
de PC1 dans les quartiers infectés
devrait théoriquement lui permettre
de se fixer au riborégulateur et de le
fermer, bloquant ainsi la production
de GMP et d’énergie par la bactérie.
Cette dernière va mourir et il y aura
résolution de l’infection (figure 1C).
PREMIERS ESSAIS CHEZ
LA VACHE LAITIÈRE
Des essais ont été réalisés pour
tester le potentiel thérapeutique de
cette nouvelle classe d’antibiotiques
chez la vache laitière. Dans un pre-
mier temps, la molécule PC1 a été
infusée dans les quartiers de quelques
vaches en santé afin de vérifier qu’il
n’y avait pas d’effets néfastes sur la
santé des vaches en lactation. Aucun
effet négatif n’a été observé quant à la
température, la production de lait ou
le comptage des cellules somatiques
(CCS).
Après cette démonstration d’inno-
cuité, un essai pour tester l’effet de PC1
lors d’une infection intramammaire a
été réalisé. Vingt vaches laitières ont
été infectées avec S. aureus et des infu-
sions intramammaires avec le nouvel
antibiotique ont été réalisées lors des
traites (matin et soir) pendant sept
jours consécutifs (voir la photo). Lors
de cette période, il a été observé que la
diminution significative du nombre de
bactéries était 10 fois plus élevée dans
les quartiers recevant PC1 que dans ceux
ne recevant que de la saline (diluant).
Cette étude a donc validé l’utilisa-
tion de cette nouvelle classe d’antibio-
tiques pour le traitement des infections
intramammaires causées par S. aureus.
L’antibiotique PC1 est le prototype de
cette nouvelle classe. Il faudra aug-
menter son potentiel thérapeutique et
ses propriétés pharmacologiques dans
les prochaines années.
SUR LA VOIE D’UN NOUVEAU
TRAITEMENT ANTIBIOTIQUE
CONTRE LA MAMMITE BOVINE
L’originalité de cette découverte
repose sur plusieurs points. Tout
d’abord, il ne s’agit pas tout simple-
ment d’un nouvel antibiotique, mais
d’une nouvelle classe d’antibiotiques.
Cela signifie que cette molécule est la
première d’une longue série d’antibio-
tiques qui seront dirigés contre cette
nouvelle cible : le riborégulateur du
gène guaA, fournisseur d’énergie pour
S. aureus. Cela n’est pas anodin. Il faut
savoir que seule une autre classe a été
approuvée pour utilisation chez l’hu-
main depuis 1985. Les antibiotiques
traditionnels sont issus de quelques
classes de produits découverts depuis
une trentaine d’années et c’est ce qui
explique pourquoi les bactéries ont
facilement développé des résistances
envers ces molécules apparentées.
Deuxièmement, cette nouvelle
classe d’antibiotiques, par l’intermé-
diaire de son premier représentant
(PC1), a montré sa capacité à réduire
le nombre de bactéries lors de son uti-
lisation pour le traitement de la mam-
mite bovine. Des améliorations dans la
structure de la molécule permettront
d’améliorer davantage son efficacité.
Troisièmement, cette nouvelle
classe d’antibiotiques cible S. aureus,
agent pathogène majeur des trou-
peaux laitiers, mais également les SCN
(staphylocoques à coagulase néga-
tive), agents pathogènes mineurs,
mais dont la fréquence des cas est en
augmentation.
Enfin, il ne nous a pas été possible
de mettre en évidence l’apparition de
résistance contre PC1 au laboratoire.
Cela laisse supposer que l’expres-
sion du gène guaA est vitale pour la
bactérie et qu’elle ne possède pas de
mécanisme alternatif pour contrecarrer
l’action de PC1.
Nous estimons qu’avec l’aide d’un
partenaire de l’industrie pharmaceu-
tique, nous serons capables d’aboutir
à un nouveau traitement antibiotique
pour les infections intramammaires
d’ici quelques années. La route est
encore longue, mais les espoirs élevés.
UN TRAVAIL DE
COLLABORATION
Ces résultats sont le fruit de la
collaboration entre des équipes de
recherche de l’Université de Sherbrooke
(équipe du Pr François Malouin, équipe
du Pr Daniel Lafontaine, équipe du
Pr Eric Marsault) et une équipe d’Agri-
culture et Agroalimentaire Canada
de Sherbrooke (équipe du Dr Pierre
Lacasse).
Ces recherches ont été financées par
les Instituts de recherche en santé du
Canada (Pr Daniel Lafontaine) ainsi que
par le Réseau canadien de la recherche
sur la mammite bovine (RCRMB), par
l’intermédiaire du Conseil de recher-
ches en sciences naturelles et en génie
(Pr François Malouin). n
1 Guanosine monophosphate.
santé animale
Les échantillons de lait sont apportés
au laboratoire et le nombre de bactéries
est déterminé en étalant des dilutions
du lait sur des boîtes contenant du milieu
de culture solide.