Découverte d`une nouvelle classe d`antibiotiques contre la mammite

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santé animale
Découverte
d’une nouvelle
classe
d’antibiotiques
contre la mammite
des travaux de recherche ont permis de découvrir
une nouvelle classe d’antibiotiques capable de lutter
contre la mammite bovine.
Le procès de la mammite bovine
n’est plus à faire. Cette pathologie
dominante des troupeaux laitiers
est en particulier due à un agent
pathogène bactérien, Staphylococcus
aureus.
Dans le but de trouver de nouveaux moyens pour lutter contre cette
infection, un ambitieux programme
de recherche, financé par le Réseau
canadien de recherche sur la mammite
bovine, a été mis en place pour découvrir les gènes bactériens exprimés lors
de l’infection intramammaire, c’està-dire les outils déployés par l’agent
pathogène pour causer l’infection. Pour
l’équipe de chercheurs a reçu le Prix du public découverte de l’année 2010 décerné par le lectorat
du magazine québec science, pour avoir identifié une nouvelle classe d’antibiotiques. les lecteurs
ont souligné l’impact prometteur de cette découverte pour les soins de santé.
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mai 2011 Le producteur de Lait québécois
Par Céline ster, chercheure associée
en microbiologie et en immunologie,
et François malouin, professeur,
département de biologie, Faculté
des sciences, université de sherbrooke
combattre efficacement un ennemi, il
faut en effet savoir quelles armes il
utilise.
Lors de ce projet, un certain nombre
de ces armes ont été mises en évidence. Certaines pourraient être combattues avec un vaccin (ceci constitue
un autre de nos axes de recherche en
cours d’élaboration), mais l’une d’elles
peut être la cible d’une nouvelle classe
d’antibiotiques.
Contexte de la déCouVerte
Au cours du programme de
recherche, des vaches laitières ont
été infectées avec S. aureus. Des prélèvements de lait ont été réalisés
et l’analyse des gènes exprimés par
S. aureus lors de l’infection (outils de
la bactérie pour créer l’infection) a
été effectuée au laboratoire. Lors de
l’infection intramammaire, S. aureus
exprime, entre autres, le gène guaA.
Ce gène détient le message génétique
correspondant à une GMP1 synthétase
indispensable à la vie de la bactérie
lors de l’infection, car elle conduit à la
production de GMP, carburant de la
bactérie. Ce gène est sous le contrôle
d’un riborégulateur qui est un interrupteur moléculaire contrôlé par la
guanine. À la suite d’études en collaboration avec le laboratoire du Pr Daniel
Lafontaine (Université de Sherbrooke),
une molécule qui ressemble à la guanine et qui a la même fonction sur le
riborégulateur a pu être identifiée.
Le prototype de cette molécule a été
appelé PC1.
Figure 1
A. Au laboratoire, lors de la croissance de la bactérie S. aureus
dans un milieu de culture
Manque de carburant (GMP)
L’interrupteur (riborégulateur)
est OUVERT
Production de
carburant (GMP)
Arrêt de la production
de carburant (GMP)
La guanine se fixe sur l’interrupteur
(riborégulateur) et le FERME
Niveau de carburant
suffisant (GMP, guanine)
B. Lors de la mammite
Manque de carburant (GMP)
L’interrupteur (riborégulateur)
est OUVERT
Production de carburant
C. Lors du traitement avec la nouvelle
classe d’antibiotiques (PC1)
Bactérie en manque de carburant
donc l’interrupteur est OUVERT
Traitement avec PC1
PC1 se fixe à l’interrupteur
tout comme le ferait la guanine
et FERME l’interrupteur.
La bactérie arrête de produire le GMP
dont elle a besoin et meurt.
mécanismes de fonctionnement du riborégulateur de la guanine qui contrôle le gène guaa,
fournisseur d’énergie (gmP) pour s. aureus. (a) au laboratoire lors de la croissance de la
bactérie dans des milieux de culture conventionnels, (B) lors d’infections intramammaires,
(C) lors du traitement d’infections intramammaires avec le prototype de la molécule de la
nouvelle classe d’antibiotiques (PC1).
mode de FonCtionnement
du riBorégulateur
Le gène guaA est sous le contrôle
d’une structure que l’on appelle un
riborégulateur. Un riborégulateur de
la guanine fonctionne comme un interrupteur. Lorsque la bactérie a besoin
de carburant (GMP, guanine), l’interrupteur est ouvert et il y a donc
production de la GMP synthétase, qui
produit à son tour du GMP (carburant
de la cellule). Lorsqu’il y a assez de
carburant dans la cellule, la guanine
se retrouve alors en excès et elle va
se fixer au riborégulateur pour fermer
cet interrupteur. Il y a alors arrêt de la
production de GMP synthétase et donc
de GMP (carburant). Dès que le niveau
de carburant diminue, un nouveau
cycle peut recommencer (figure 1A).
Quel que soit le niveau de carburant,
si la molécule PC1 est ajoutée à l’environnement des bactéries, elle va se
fixer à l’interrupteur et le fermer, ce
qui bloque la production d’énergie.
Conséquence : la bactérie va mourir.
mai 2011 Le producteur de Lait québécois
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santé animale
Après cette démonstration d’innocuité, un essai pour tester l’effet de PC1
lors d’une infection intramammaire a
été réalisé. Vingt vaches laitières ont
été infectées avec S. aureus et des infusions intramammaires avec le nouvel
antibiotique ont été réalisées lors des
traites (matin et soir) pendant sept
jours consécutifs (voir la photo). Lors
de cette période, il a été observé que la
diminution significative du nombre de
bactéries était 10 fois plus élevée dans
les quartiers recevant PC1 que dans ceux
ne recevant que de la saline (diluant).
Cette étude a donc validé l’utilisation de cette nouvelle classe d’antibiotiques pour le traitement des infections
intramammaires causées par S. aureus.
L’antibiotique PC1 est le prototype de
cette nouvelle classe. Il faudra augmenter son potentiel thérapeutique et
ses propriétés pharmacologiques dans
les prochaines années.
les échantillons de lait sont apportés
au laboratoire et le nombre de bactéries
est déterminé en étalant des dilutions
du lait sur des boîtes contenant du milieu
de culture solide.
Nous avons découvert que, lors
d’un épisode de mammite, la bactérie
a besoin d’énergie et de GMP. Pour
cela, elle utilise guaA et le riborégulateur est ouvert (figure 1B). L’infusion
de PC1 dans les quartiers infectés
devrait théoriquement lui permettre
de se fixer au riborégulateur et de le
fermer, bloquant ainsi la production
de GMP et d’énergie par la bactérie.
Cette dernière va mourir et il y aura
résolution de l’infection (figure 1C).
Premiers essais Chez
la VaChe laitière
Des essais ont été réalisés pour
tester le potentiel thérapeutique de
cette nouvelle classe d’antibiotiques
chez la vache laitière. Dans un premier temps, la molécule PC1 a été
infusée dans les quartiers de quelques
vaches en santé afin de vérifier qu’il
n’y avait pas d’effets néfastes sur la
santé des vaches en lactation. Aucun
effet négatif n’a été observé quant à la
température, la production de lait ou
le comptage des cellules somatiques
(CCS).
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mai 2011 Le producteur de Lait québécois
sur la Voie d’un nouVeau
traitement antiBiotique
Contre la mammite BoVine
L’originalité de cette découverte
repose sur plusieurs points. Tout
d’abord, il ne s’agit pas tout simplement d’un nouvel antibiotique, mais
d’une nouvelle classe d’antibiotiques.
Cela signifie que cette molécule est la
première d’une longue série d’antibiotiques qui seront dirigés contre cette
nouvelle cible : le riborégulateur du
gène guaA, fournisseur d’énergie pour
S. aureus. Cela n’est pas anodin. Il faut
savoir que seule une autre classe a été
approuvée pour utilisation chez l’humain depuis 1985. Les antibiotiques
traditionnels sont issus de quelques
classes de produits découverts depuis
une trentaine d’années et c’est ce qui
explique pourquoi les bactéries ont
facilement développé des résistances
envers ces molécules apparentées.
Deuxièmement, cette nouvelle
classe d’antibiotiques, par l’intermédiaire de son premier représentant
(PC1), a montré sa capacité à réduire
le nombre de bactéries lors de son utilisation pour le traitement de la mammite bovine. Des améliorations dans la
structure de la molécule permettront
d’améliorer davantage son efficacité.
Troisièmement, cette nouvelle
classe d’antibiotiques cible S. aureus,
agent pathogène majeur des troupeaux laitiers, mais également les SCN
(staphylocoques à coagulase négative), agents pathogènes mineurs,
mais dont la fréquence des cas est en
augmentation.
Enfin, il ne nous a pas été possible
de mettre en évidence l’apparition de
résistance contre PC1 au laboratoire.
Cela laisse supposer que l’expression du gène guaA est vitale pour la
bactérie et qu’elle ne possède pas de
mécanisme alternatif pour contrecarrer
l’action de PC1.
Nous estimons qu’avec l’aide d’un
partenaire de l’industrie pharmaceutique, nous serons capables d’aboutir
à un nouveau traitement antibiotique
pour les infections intramammaires
d’ici quelques années. La route est
encore longue, mais les espoirs élevés.
un traVail de
CollaBoration
Ces résultats sont le fruit de la
collaboration entre des équipes de
recherche de l’Université de Sherbrooke
(équipe du Pr François Malouin, équipe
du Pr Daniel Lafontaine, équipe du
Pr Eric Marsault) et une équipe d’Agriculture et Agroalimentaire Canada
de Sherbrooke (équipe du Dr Pierre
Lacasse).
Ces recherches ont été financées par
les Instituts de recherche en santé du
Canada (Pr Daniel Lafontaine) ainsi que
par le Réseau canadien de la recherche
sur la mammite bovine (RCRMB), par
l’intermédiaire du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie
(Pr François Malouin). n
1
Guanosine monophosphate.
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