successivement sur sa tête glabre sept couronnes. Vient enfin le moment tant attendu où il ceint la tiare de
« grand pontife de l'ordre du diamant cosmique », la même que celle qui orne la statue colossale de 33 mètres
de haut qui vient alors d'être construite en un temps record.
La carrière spirituelle de Gilbert Bourdin commence dans les années 1960, quand il ouvre un ashram avec
trois disciples, dans une grotte près de Vénasque (Vaucluse). Titulaire d'une licence de droit et d'un doctorat
d'économie politique, il a travaillé un temps pour le ministère des finances et raté le concours interne de
l'ENA. L'homme a du charisme. Métis aux yeux bleus, né à la Martinique en 1923, il exerce une forte
séduction, notamment auprès des femmes. « Il était très intelligent, d'une grande beauté, avec un regard
doux », se souvient une ancienne adepte. A cette date, Gilbert Bourdin a déjà publié plusieurs livres sur le
yoga. Ancien membre de loges maçonniques, il affirme être « initié » à l'ésotérisme et aux spiritualités
orientales.
Le gourou s'installe à Castellane en 1969. Sur les pentes de La Baume, il bâtit peu à peu son palais idéal. Des
temples dédiés à toutes les religions. Des statues, toujours plus grandes. Une « maison du lotus » dans
laquelle il établit sa demeure. Les autorités ferment les yeux. Jusqu'à accorder, en 1983, un permis de
construire régularisant toutes les constructions existantes.
A partir de 1979, plusieurs adeptes constatent un changement dans le comportement de Gilbert Bourdin,
après un séjour en Afrique. « Il s'est mis à pratiquer la magie noire. Il devenait fou. Il croyait être menacé par
des démons », affirme une adepte qui a quitté le Mandarom en 1989. C'est à cette époque que débutent les
« combats contre les démons ». Lui et ses disciples, armés de pistolets en plastique, traquent les « atlantes » et
les « lémuriens ». Une voisine s'en souvient encore : « Nous étions réveillés la nuit par des bruits de
mitraillettes et la voix de Bourdin qui criait au haut-parleur : »Ici, il y en a 10 000 !, là 20 000 !« » Chercheuse
au CNRS, Christine Amory, la présidente du Vajra triomphant, reconnaît avoir participé à ces « combats » :
« Les pistolets en plastique, c'était pour favoriser l'imaginaire. Ils symbolisaient la prière. » Selon elle, la paix
relative qui règne dans le monde tient à « l'acquis » des combats de Gilbert Bourdin contre les « égrégors de
pensée négative ».
MIS EN EXAMEN POUR VIOL
Entre deux combats, « l'instructeur spirituel » du Mandarom rédige « par transmission de pensée » des livres
au titre sans équivoque : Je suis le Messie attendu, voici les preuves ; Je suis l'Avatar lumineux de synthèse,
voici pourquoi. Gilbert Bourdin affirme être la réincarnation de Pythagore, de Jésus, de Mahomet et de
Napoléon. Il est le « sublime héros des temps nouveaux venu pour sauver le monde ».
Ces prétentions ne l'empêchent pas d'être mis en examen pour viol et incarcéré en juin 1995. Une ancienne
adepte affirme avoir été victime d'abus sexuels entre quatorze et dix-huit ans, alors qu'elle habitait au
Mandarom avec sa mère. Les langues se délient. Dans un procès-verbal d'audition du 5 mars 1996, un témoin
raconte que le gourou « prêchait l'abstinence sexuelle mais ne suivait pas ce qu'il prêchait ». Il avait des
relations sexuelles avec plusieurs femmes qui « n'étaient pas toutes consentantes ». Aujourd'hui encore, les
responsables du Mandarom continuent de nier les faits. Ils affirment en particulier que la plaignante n'a pas
mentionné dans sa déposition les « tatouages sacrés » qui couvraient le corps du gourou.
Le procès n'aura pas lieu. Gilbert Bourdin meurt à l'hôpital de Grasse le 19 mars 1998, des suites d'un
diabète mal soigné. A la grande surprise des adeptes du Mandarom, à qui l'on avait raconté que « l'instructeur
spirituel » se portait bien, mais s'était isolé dans la prière...
Commence alors une rocambolesque histoire autour de sa dépouille. La mairie de Grasse fait savoir qu'elle
n'en veut pas dans son cimetière. Un convoi funéraire quitte pourtant l'hôpital pour le cimetière de Grasse,
suivi par tous les journalistes. C'est un leurre. Le vrai cortège rejoint les Alpes-de-Haute-Provence par les
petites routes. Direction : le Mandarom, où le « Messie » voulait être inhumé.
Vers 20 heures, un peloton de gendarmerie intercepte le cortège. La dépouille est transférée au dépositoire
du cimetière de Castellane, où les adeptes se relaient jour et nuit pour réciter des prières. Où inhumer le
défunt ? Le maire et la population de Castellane n'en veulent pas. Et le préfet interdit l'inhumation au
Mandarom. Une solution est finalement trouvée : Gilbert Bourdin sera enterré dans le petit cimetière de
Castillon, où ont été transférées d'anciennes tombes quand le lac artificiel a recouvert l'ancien cimetière.
Mais le sous-préfet de Castellane, craignant qu'on ne vienne enlever la dépouille, fait couler une dalle de
béton armé de 300 kilos sur le cercueil plombé. Celui qui disait être le « Messie universel » repose donc dans
un petit cimetière romantique, au bord du lac et à l'ombre des pins. Aucune inscription sur sa tombe,
seulement une étoile « aumiste », un pot de bégonias et une bordure d'oeillets d'Inde.
Mille trois cent ans plus tard, dans le Royaume des Pays-Bas.
(Extraits d'un article deSabine Cessou paru dans Libération , mercredi 12 mars
2008).6
Branle-bas aux Pays-Bas face aux fondamentalistes islamiques
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
6 L'article est d'autant plus remarquable que le quotidien Libération est d'ordinaire très peu
sensible à la question de l'islamisation des sociétés occidentales.