!
1!
Une secte
contre
la cité
N'aimer qu'un seul est barbarie , car c'est
au détriment de tous les autres. Fût-ce l'amour de Dieu.
Nietzsche , Par-delà le Bien et le Mal § 67.1
Allah propose la parabole d'une cité
qui a été paisible et tranquille ,
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
1 Claudio Mutti, Nietzsche et l'Islam, Paris, 1994.
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2!
qui a reçu ses dons en abondance de toutes parts
et qui a nié les bienfaits d'Allah.
Celui-ci , en punition de ce que les gens
de la cité ont accompli ,
leur a fait goûter la faim et la peur.
Un apôtre issu d'eux est venu à eux ,
mais ils l'ont traité d'imposteur
et le tourment les a emportés
alors qu'ils étaient injustes.
(Corpus coranique d'Othman 16/113-4).
Un gourou libidineux prêchant la fin du monde en dépit du bon sens et du lendemain qui
vient , une secte constituée autour de lui, les femmes soumises et pétrifiées au premier rang,
et une société narquoise devant le phénomène : le schéma serait banal dans nos sociétés
contemporaines, car il y a toujours eu des oiseaux de malheur, parfois sincères, qui
projettent leurs angoisses et les font fructifier.2
Les textes permettent de suivre pas à pas les péripéties du groupe de mohammédiens , les
résistances, les mouvements, les doutes , jusqu'à l'échec final, lequel aboutira à l'Hégire.3
On peut même jouer à reconstituer les errements pyschologiques du personnage, ses doutes,
ses audaces, ses paris, ses désespoirs. Une sorte de montée constante en puissance est
perceptible, en parallèle avec les difficultés: il y a comme une conscience de la mission, de
plus en plus forte, et à l'égard de groupes de plus en plus grands: est-ce le fruit d'une prise
de conscience, ou d'une fuite en avant, ou d'un bluff étonnant?4
Mais par delà la succession romanesque d'épisodes se construit une doctrine et un exemple
pour tous les musulmans5 : à partir de Muhammad , modèle du musulman idéal , il s'agit
pour la Tradition Islamique de montrer comment l'on doit se comporter quand le groupe est
encore minoritaire , dans une société insensible puis hostile , comment ne jamais céder aux
pressions, comment résister par tous les moyens , comment susciter des troubles , créer la
provocation et susciter la crainte parmi les infidèles.
La période mecquoise devrait être étudiée avec, entre les mains et sous les yeux, les Actes des
Apôtres, et les Epîtres de Paul, pour qu'apparaissent, sous une autre manière, mais qui
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
2 Que l'on pense au mouvement contemporain des raéliens.
3 La période mecquoise est parfois qualifiée de "éducation mecquoise": AL TARBIYA AL
MAKKIYA; U. Rubin, "Muhammad's message in Mekka: warnings signs and miracles", The
Cambridge Companion to Muhammad, ed; J.E. Brockopp, Cambridge 2010.
4 Q26/214: avertissement pour le clan; Q6/92: avertissement pour la Mecque; Q 32/3: avertissement
pour le peuple.
5 J. E. Royster, The Meaning of Muhammad for Muslims: A Phenomenological Study of Recurrent Images of
the Prophet. Ann Arbor, 1971.
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3!
apprendrait beaucoup, la façon dont une secte se constitue, et les efforts rhétoriques qui sont
produits pour lui asséner une doctrine, pour l'encourager, pour réprimer ses errances.
Il importe de noter deux points qui seront illustrés par les deux exemples contemporains: le
phénomène de la constitution de l'islamisme primitif se compose de deux phases. La
première est l'irruption d'un chef de secte manipulant des peurs contemporaines et
proclamant la fin du monde, puis développant sa doctrine peu à peu, selon les
circonstances. La seconde est constituée par l'affrontement du groupe constitué avec son
environnement, selon un processus de subvertion sociale et politique.
Les prophètes, sur le coup, quand on vit dans leur monde, font plus rire que pleurer. Qu'on
vous dise un jour, tiens, le voisin, il est devenu prophète, eh bien, vous riez. Plus tard, vous
songez à déménager. Ce n'est que bien plus tard que le prophète acquiert une carrière qui
impressionne. Parce qu'il faut bien impressionner les gens, quand on n'a rien à dire. Parler
d'une personne bien après sa disparition nécessite de grossir au moins un peu le propos.
S'il n'y avait eu l'invention formidable du jihad, Muhammad aurait pu passer à nos yeux,
et pour ses contemporains, comme un Gilbert Bourdin de Médine, qui combat les lémuriens
et les djinns, et asperge de son charisme la foule de ses disciples.
Ajoutons autre chose concernant le caractère sectaire, qui peut faire comprendre la
rhétorique coranique: la méthode et la cause de succès d'un mouvement sectaire vient de son
outrance. Une secte molle, modérée, tranquille ne marchera jamais. Alors le boulot du chef
de secte est de durcir toujours son propos et son comportement, pour se distinguer et comme
résultat séduire, parce qu'il ose, mû par une force énigmatique. De plus, nous sommes à une
époque la parole est libre, et chacun dit n'importe quoi, surtout pour ne pas ressembler,
honte suprême, à celui qui palmodie des sornettes derrière le rocher d'à côté.
Oui, secte, puisque le groupuscule se constitue en démarcation de la société générale, et
puisqu'elle impose un comportement qui isole ses membres.
On remarquera d'ailleurs que la date officielle de naissance du groupe, sous forme
institutionnelle, date de Médine, et non de la Mecque: c'est l'Umma.
Alors question: pourquoi n'a-t-on pas constitué cette notion d'Umma, si importante, depuis
le début, depuis le commencement?
Un gourou parmi d’autres.
(X. Ternisien, Le Monde, jeudi 24 août 2000).
Itinéraire du « Messie cosmoplanétaire », des portes de l'ENA au petit cimetière de Castillon.
« EN 1990, Sa Sainteté le Seigneur Hamsah Manarah s'est révélé au monde en tant que Messie
cosmoplanétaire attendu par toutes les traditions », rappelle la brochure de présentation de « l'aumisme, la
religion de l'unité ». Ce jour-là, le 22 août 1990, Gilbert Bourdin est assis sur un trône pourpre, devant un
millier de « chevaliers du Lotus d'or ». Au cours de la cérémonie, qui dure deux heures, le gourou pose
!
4!
successivement sur sa tête glabre sept couronnes. Vient enfin le moment tant attendu il ceint la tiare de
« grand pontife de l'ordre du diamant cosmique », la même que celle qui orne la statue colossale de 33 mètres
de haut qui vient alors d'être construite en un temps record.
La carrière spirituelle de Gilbert Bourdin commence dans les années 1960, quand il ouvre un ashram avec
trois disciples, dans une grotte près de Vénasque (Vaucluse). Titulaire d'une licence de droit et d'un doctorat
d'économie politique, il a travaillé un temps pour le ministère des finances et ra le concours interne de
l'ENA. L'homme a du charisme. Métis aux yeux bleus, né à la Martinique en 1923, il exerce une forte
séduction, notamment auprès des femmes. « Il était très intelligent, d'une grande beauté, avec un regard
doux », se souvient une ancienne adepte. A cette date, Gilbert Bourdin a déjà publié plusieurs livres sur le
yoga. Ancien membre de loges maçonniques, il affirme être « initié » à l'ésotérisme et aux spiritualités
orientales.
Le gourou s'installe à Castellane en 1969. Sur les pentes de La Baume, il tit peu à peu son palais idéal. Des
temples dédiés à toutes les religions. Des statues, toujours plus grandes. Une « maison du lotus » dans
laquelle il établit sa demeure. Les autorités ferment les yeux. Jusqu'à accorder, en 1983, un permis de
construire régularisant toutes les constructions existantes.
A partir de 1979, plusieurs adeptes constatent un changement dans le comportement de Gilbert Bourdin,
après un séjour en Afrique. « Il s'est mis à pratiquer la magie noire. Il devenait fou. Il croyait être menacé par
des démons », affirme une adepte qui a quitté le Mandarom en 1989. C'est à cette époque que butent les
« combats contre les démons ». Lui et ses disciples, armés de pistolets en plastique, traquent les « atlantes » et
les « lémuriens ». Une voisine s'en souvient encore : « Nous étions réveillés la nuit par des bruits de
mitraillettes et la voix de Bourdin qui criait au haut-parleur : »Ici, il y en a 10 000 !, 20 000 » Chercheuse
au CNRS, Christine Amory, la présidente du Vajra triomphant, reconnaît avoir participé à ces « combats » :
« Les pistolets en plastique, c'était pour favoriser l'imaginaire. Ils symbolisaient la prière. » Selon elle, la paix
relative qui règne dans le monde tient à « l'acquis » des combats de Gilbert Bourdin contre les « égrégors de
pensée négative ».
MIS EN EXAMEN POUR VIOL
Entre deux combats, « l'instructeur spirituel » du Mandarom dige « par transmission de pensée » des livres
au titre sans équivoque : Je suis le Messie attendu, voici les preuves ; Je suis l'Avatar lumineux de synthèse,
voici pourquoi. Gilbert Bourdin affirme être la réincarnation de Pythagore, de Jésus, de Mahomet et de
Napoléon. Il est le « sublime héros des temps nouveaux venu pour sauver le monde ».
Ces prétentions ne l'empêchent pas d'être mis en examen pour viol et incarcéré en juin 1995. Une ancienne
adepte affirme avoir été victime d'abus sexuels entre quatorze et dix-huit ans, alors qu'elle habitait au
Mandarom avec sa mère. Les langues se délient. Dans un procès-verbal d'audition du 5 mars 1996, un témoin
raconte que le gourou « prêchait l'abstinence sexuelle mais ne suivait pas ce qu'il prêchait ». Il avait des
relations sexuelles avec plusieurs femmes qui « n'étaient pas toutes consentantes ». Aujourd'hui encore, les
responsables du Mandarom continuent de nier les faits. Ils affirment en particulier que la plaignante n'a pas
mentionné dans sa déposition les « tatouages sacrés » qui couvraient le corps du gourou.
Le procès n'aura pas lieu. Gilbert Bourdin meurt à l'hôpital de Grasse le 19 mars 1998, des suites d'un
diabète mal soigné. A la grande surprise des adeptes du Mandarom, à qui l'on avait raconté que « l'instructeur
spirituel » se portait bien, mais s'était isolé dans la prière...
Commence alors une rocambolesque histoire autour de sa dépouille. La mairie de Grasse fait savoir qu'elle
n'en veut pas dans son cimetière. Un convoi funéraire quitte pourtant l'hôpital pour le cimetière de Grasse,
suivi par tous les journalistes. C'est un leurre. Le vrai cortège rejoint les Alpes-de-Haute-Provence par les
petites routes. Direction : le Mandarom, où le « Messie » voulait être inhumé.
Vers 20 heures, un peloton de gendarmerie intercepte le cortège. La dépouille est transférée au dépositoire
du cimetière de Castellane, les adeptes se relaient jour et nuit pour réciter des prières. Où inhumer le
défunt ? Le maire et la population de Castellane n'en veulent pas. Et le préfet interdit l'inhumation au
Mandarom. Une solution est finalement trouvée : Gilbert Bourdin sera enterré dans le petit cimetière de
Castillon, où ont été transférées d'anciennes tombes quand le lac artificiel a recouvert l'ancien cimetière.
Mais le sous-préfet de Castellane, craignant qu'on ne vienne enlever la dépouille, fait couler une dalle de
béton armé de 300 kilos sur le cercueil plombé. Celui qui disait être le « Messie universel » repose donc dans
un petit cimetière romantique, au bord du lac et à l'ombre des pins. Aucune inscription sur sa tombe,
seulement une étoile « aumiste », un pot de bégonias et une bordure d'oeillets d'Inde.
Mille trois cent ans plus tard, dans le Royaume des Pays-Bas.
(Extraits d'un article deSabine Cessou paru dans Libération , mercredi 12 mars
2008).6
Branle-bas aux Pays-Bas face aux fondamentalistes islamiques
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
6 L'article est d'autant plus remarquable que le quotidien Libération est d'ordinaire très peu
sensible à la question de l'islamisation des sociétés occidentales.
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5!
Société. Les conflits quotidiens liés aux revendications religieuses exaspèrent les Néerlandais.
De notre correspondante à Amsterdam
L’exaspération monte aux Pays-Bas, sur une multitude de conflits quotidiens liés à l’islam. Les débats se
suivent, incessants. Le 5 décembre, le Parlement a interdit le port du foulard islamique dans la police, après
des années de politiques plus ou moins tolérantes en fonction des villes. La municipalid’Amsterdam, de
son côté, a demanà ses travailleurs sociaux, me musulmans, de serrer la main des femmes dans la rue.
La décision a été prise après bien des remous : Job Cohen, le maire travailliste d’Amsterdam, a d’abord trouvé
qu’il n’était «pas indispensable» de serrer toutes les mains. Puis plusieurs élus travaillistes de l’arrondissement
de Slotervaart - à forte immigration -, dans l’ouest de la ville, se sont battus pour le respect de «la norme du
pays d’accueil».
Groupe à part. Et puis il y a Geert Wilders, chef de la droite populiste passé maître dans l’art d’exploiter le
malaise ambiant. me si toutes les polémiques ne sont pas provoquées par cet homme politique, il promet
depuis quatre mois un film contre le Coran. Cette annonce a déclenc une tempête qui a ravivé le
traumatisme subi après la mort du cinéaste Theo van Gogh. Il avait été égorgé le 2 novembre 2004 par un
jeune islamiste néerlando-marocain, trois mois après la diffusion de son film, Soumission7 , qui dénonçait la
condition des femmes dans l’islam. Depuis, les musulmans sont considérés comme un groupe à part, fort de
850 000 personnes (5 % de la population néerlandaise). La présence de 20 000 à 30 000 radicaux, selon les
services secrets, est présentée par Geert Wilders comme une menace «d’islamisation de la société néerlandaise».
Le burqini, ce nouveau maillot de bain qui couvre l’intégralité du corps des femmes, donne la mesure des
avancées du fondamentalisme. Pour tester les réactions du public, la chaîne de télévision Netwerk a envoyé
une journaliste écumer les piscines du pays en burqini. La réplique la plus féroce est venue d’un musulman
qui a vitupéré contre «l’influence croissante de l’islam orthodoxe aux Pays-Bas». Au total, six piscines municipales
ont aujourd’hui interdit le maillot de bain islamique.
Le royaume est manifestement pris dans un double conflit entre liberté de religion et liberté d’expression,
intégration et tolérance. En septembre, une agence gouvernementale a appelé les Néerlandais à «s’adapter à
l’islam». Son argument : «La tolérance est trop faible.» L’islamologue Hans Janssen, de l’université d’Utrecht,
estime au contraire que «les Pays-Bas cèdent beaucoup trop aux menaces brandies par les fondamentalistes». Il en
veut pour preuve que le gouvernement a demandé à Geert Wilders de ne pas diffuser son film, par peur de
représailles. Dans un autre registre, la banque Fortis a remplacé par une encyclopédie la petite tirelire en
forme de cochon qu’elle offrait à l’ouverture de tout compte pour enfant.
«Distance». De son côté, l’Association des médecins néerlandais (KNMG) a préconisé, fin février, de céder aux
préférences des patients, pour un médecin homme ou femme, mais de ne pas tenir compte des demandes
liées à la religion des praticiens. Une façon de clore le débat, face aux exigences croissantes des musulmans
dans le système de santé. Enfin, après trois ans d’atermoiements, un permis de construire a été délivré à
Amsterdam en vue de la construction d’une grande mosquée, qui sera le plus haut édifice de la ville.
Ronald Plasterk, le ministre de la Culture, de l’Enseignement et de l’Emancipation, a cherc à détendre
l’atmosphère en conseillant aux musulmans de «prendre de la distance» avec le Coran. «Si l’on doit tout prendre
au pied de la lettre, il y a de quoi devenir fou, par les temps qui courent», a-t-il commenté. Sooreh Hera, une artiste
d’origine iranienne, n’en accuse pas moins ce ministre d’avoir «trahi la liberd’expression». Elle lui reproche
son absence de soutien, après le rejet par le musée municipal de La Haye de photos controversées. Ses images
montraient un couple d’homosexuels iraniens aux visages recouverts par des masques, à l’effigie du prophète
Mahomet et de son gendre Ali. A Paris, le centre Pompidou va les exposer, mais aux Pays-Bas, elles ne
trouvent pas preneur. Un seul musée, à Gouda, avait promis de les montrer. Son directeur a chand’avis,
mais nie avoir cédé à de quelconques pressions.
L'appel à rejeter l'idolâtrie, et à vénérer un seul dieu, n'était pas sans précédent. Ce qui était nouveau était
son insistance urgente. Le miracle de Muhammad est qu'il ait fait face sans fléchir aux insultes, vexations,
rejets, et n'ait jamais trébuché à aucun niveau avant d'avoir imposé l'islam à l'Arabie et rassembtoutes les
tribus arabes sous une seule bannière.
(Ali Dasthi, Vingt trois années, p.16).
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7 "Islam", en arabe.
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