Philosophie et éthique de la communication (2015) Julien Lecomte
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Pour questionner le sens (la signification et les enjeux) des choses, la philosophie a parfois
recours à un niveau de formalisation, une conceptualisation. Celle-ci correspond à un
mouvement de mise à distance et d’abstraction : s’il n’est pas question d’utiliser un
vocabulaire volontairement difficile d’accès1, il est cependant nécessaire de respecter une
certaine rigueur terminologique2.
La métaphore de l'artiste est parfois utilisée : par la confrontation à certaines techniques
(gammes en musique, anatomie en dessin, etc.) et à certains courants, l'étudiant en art explore
différentes voies et peut en parallèle définir son propre style.
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Elle vise enfin l’application de la réflexion à des problématiques concrètes et interroge les
idéologies ambiantes (ainsi que nos propres présupposés : position méta).
En ce sens, elle est similaire à la pensée critique visée par l’éducation aux médias : il s’agit
d’une pensée dynamique, en acte(s), qui n’est pas acquise une fois pour toutes. Une pensée
« figée » est d'ailleurs selon nous un bel oxymore.
Elle est par conséquent également un outil face aux généralisations abusives, aux contenus
fallacieux, utile à la prise de conscience et la révélation d'idéologies (connotations implicites)
/ fausses évidences, etc. (tout comme la « zététique », cf. infra). Elle procède entre autres par
herméneutique (interprétations du sens, lecture plurielle, lecture « symbolique » ; hypothèses,
etc.).
En quelque sorte et toutes réserves gardées (par rapport aux maximes et autres aphorismes
souvent réducteurs), permettons-nous une citation de Levi-Strauss (Le cru et le cuit) : « le
savant n’est pas l’homme qui fournit les vraies réponses, c’est celui qui pose les vraies
questions ».
A quoi cela sert-il d’enseigner la philosophie ? Pourquoi le faire ?
Peut-on enseigner la philosophie ? Peut-on apprendre à philosopher ?
Faut-il apprendre les philosophes pour philosopher soi-même ?
Ces questions ont leur place dans un cours de philosophie. L'enseignement de la
philosophie pourrait lui-même être une sorte de propagande s'il n'était pas un
enseignement réflexif, qui se remet lui-même en question.
Avant d’écrire des essais majeurs pour la philosophie, Kant n’avait pas lu Kant. De
même que dans le domaine de l’art (et de la pédagogie), la philosophie est quelque
chose qui serait de l’ordre d’une appropriation et d’un parcours individuels.
Cependant, comme dans l’art, il peut être intéressant de s’initier à des courants, à des
méthodes, à des pratiques spécifiques.
1 Grice souligne d’ailleurs le principe de coopération dans la communication : en théorie, tout individu qui
communique le fait pour être compris par son audience. Cela implique une éthique (normative), supposant
notamment une certaine clarté.
2 La philosophie diffère donc de l’opinion. Toute opinion n’est pas philosophique. Tout d’abord, parce que la
philosophie est de l’ordre du questionnement, de l’approfondissement de concepts, de problématiques. Elle vise
la construction. Ensuite, elle fait appel à une rigueur, une conceptualisation. Enfin, elle a des thèmes qui lui sont
propres. Cependant, elle n’est pas réservée à des pseudo-élites.