1
Discrepant Thyroid Function Test Results in
a 44-Year-Old Man
Résultats discordants des tests thyroïdiens
chez un homme âgé de 44 ans
Julio Leey
1
,* et Philip Cryer
2
Affiliations des auteurs
1
Diabetes and Endocrine Care of Alton, BJC Medical Group, Alton, IL;
2
Division of Endocrinology, Metabolism and Lipid Research, Washington University School
of Medicine, St. Louis, MO.
*Adresser toute correspondance à cet auteur à : Diabetes and Endocrine Care of Alton, BJC
Medical Group, 2 Memorial Dr., Suite 203, Alton, IL 62002. Fax 618-433-6179; e-mail
DESCRIPTION DU CAS
Un homme de race blanche âgé de 44 ans a été hospitalisé dans notre établissement pour une
augmentation de la concentration des hormones thyroïdiennes et des signes généraux à type de
fatigue et de douleurs musculaires depuis 6 semaines. Quatre semaines avant son admission, le
médecin traitant du patient avait trouvé un goître diffus et prescrit un dosage des hormones
thyroïdiennes (Tableau 1). Deux semaines plus tard, le patient a présenté des douleurs
musculaires généralisées et a commencé à perdre du poids (4,5 kilogrammes jusqu'au jour de son
admission). La veille de son admission, il avait de la fièvre et de la diarrhée. Il a été alors
hospitalisé avec une suspicion d'hyperthyroïdie sévère.
Tableau 1. Résultats des dosages d'hormones thyroïdiennes.
a
Valeurs
de référence
des analytes, unités
conventionnelles
(unité SI)
Deux ans
avant son
admission
Quatre
semaines
avant son
admission
Jour de
son
admission
2
ème
jour à
l'hôpital
T
4
totale
5,6 à 13,6
μg/dl ↑17,0 ↑14,6
(72 à 176
nmol/l) -220
-188
2
T
3
totale
60 à 181
ng/dl ↑282,4 ↑281,1 ↑366,8
(0,92 à 2,79
nmol/l) -4,35
-4,34
-5,65
T
4
libre
0,8 à 1,91
ng/dl ↑3,3 ↑2,2 ↑2,0
(10,3 à 24,7
pmol/l) -42,4
-29,6
-25,7
T
3
libre
227 à 420
pg/dl ↑733,7
(3,5 à 6,47
pmol/l) -11,3
TSH
0,5 à 5 mU/l 1,6
1,2
Les antécédents médicaux du patient comprenaient une “hyperthyroïdie” et un goître
diagnostiqués à l'âge de 24 ans. Depuis, il a pris de façon intermittente du propylthiouracile
pendant de courtes périodes. À l'âge de 34 ans, le patient a présenté uneanxiété, une tachycardie
et des douleurs musculaires. Un traitement à l'iode radioactif n'a provoqué aucune amélioration
des symptômes ni du goitre. Quelques mois plus tard, un nouveau traitement à l'iode radioactif
n'a pas entraîné plus de résultatsL'anxiété et les accès de tachycardie, ont été traités en
intermittence avec du propylthiouracile pendant de courtes périodes sans succès. Il a également
présenté des migraines vasculaires chroniques.
À l'admission, les signes généraux du patient étaient les suivants : température, 37 °C ; pouls,
94/min ; pression sanguine, 140/70 mm Hg. Il présentait un goître diffus, avec une thyroïde
augmentée d'environ 4 fois par rapport à la normale. Le patient ne présentait pas d'exophtalmie,
de ptose palpébrale, de tremblements, ni d'hyper-réflexivité. La texture de sa peau était normale.
Le jour suivant, le pouls était à 80/min, et la pression sanguine à 120/70 mm Hg. La fièvre et les
diarrhées avaient disparu, et il n'était plus fébrile.
QUESTIONS A PRENDRE EN CONSIDERATION
1. Dresser la liste principales causes de goître, avec augmentation des valeurs de T
4
libre et
de T
3
libre,et un résultat normal de TSH.
2. Quels examens biologiques pourraient être prescrits pour aider à déterminer la cause de
ces résultats ?
3. Quel est le rôle des données cliniques dans la confirmation du diagnostic ?
4. Existe-t-il un diagnostic moléculaire qui puisse aider à confirmer le diagnostic ?
Une étude des résultats discordants des tests thyroïdiens a été engagée.
3
DISCUSSION
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
L'association d'un goître et d'une augmentation des concentrations de thyroxine libre (T
4
)
3
et de
triiodothyronine libre (T
3
) sans diminution de la thyréostimuline (TSH) fait suspecter
4 affections: (a) une hyperthyroïdie avec une fausse augmentation de la TSH due à une
interférence immunologique ; (b) une euthyroïdie avec une fausse augmentation des hormones
thyroïdiennes due à une interférence immunologique ou à une anomalie de liaison aux protéines
de transport ; (c) une tumeur hypophysaire sécrétant de la TSH ; et (d) une résistance aux
hormones thyroïdiennes.
De fausses augmentations de la TSH et de la T
4
libre dues à une interférence immunologique ont
déjà été décrites dans ce journal (1, 2). Chez les patients ne présentant aucun signe clinique
d'hyperthyroïdie, une discordance entre les concentrations des hormones thyroïdiennes et de la
TSH fait fortement suspecter une interférence immunologique dans le dosage soit de la TSH soit
des hormones thyroïdiennes. Les patients présentant des troubles auto-immuns sous-jacents
peuvent développer des anticorps dirigés contre soit les hormones thyroïdiennes directement
(c'est-à-dire, des auto-anticorps dirigés contre les hormones thyroïdiennes) soit les anticorps
animaux (anticorps hétérophiles) utilisés dans les tests immunologiques, qui affectent plus
souvent les immunodosages (comme ceux utilisés pour le dosage de la TSH). Le dosage des
hormones thyroïdiennes libres par dialyse à l'équilibre et le dosage de la TSH par une autre
méthode commerciale représentent des approches qui peuvent permettre d'exclure l'hypothèse
d'une interférences analytique (1, 2). Toutefois, la présence des symptômes cliniques et du goître
chez ce patient suggèrent une autre cause à ces résultats discordants.
L'hyperthyroxinémie dysalbuminémique familiale s'accompagne d'une augmentation de la
concentration de la T
4
totale, due à une augmentation de la liaison de la T4 à l'albumine ;
toutefois, ces patients sont habituellement asymptomatiques et ont une thyroïde normale (3).
Les patients porteurs de tumeurs hypophysaires sécrétant de la TSH présentent des signes
évidents d'hyperthyroïdie et ont souvent une thyroïde hypertrophiée. Ces tumeurs très rares sont
habituellement d'une taille supérieure à 10 mm et provoquent un dysfonctionnement des autres
hormones hypophysaires à cause de l'accroissement de la tumeur et de la compression des
structures environnantes (4). Une I.R.M. de l'hypophyse est indiquée pour exclure cette affection
peu courante. Un écueil de cette approche est lié à la présence d'incidentalomes. Des
incidentalomes de l'hypophyse sont détectés chez 10 % à 20 % des patients subissant une I.R.M.
cérébrale pour une autre raison. La majorité d'entre eux sont d'une taille inférieure à 10 mm, et ils
ne provoquent pas de symptômes d'hyperthyroïdie sauf s'ils sécrètent de la TSH (4). Si la
suspicion de tumeur hypophysaire sécrétant de la TSH est élevée, un dosage de la sous unité α
libre de la TSH confortera ce diagnostic. La concentration sérique de la protéine de liaison des
hormones sexuelles (sex-binding globulin) est augmentée dans les hyperthyroïdies comme les
tumeurs hypophysaires sécrétant de la TSH, tandis qu'elle est normale chez les patients souffrant
d'une résistance aux hormones thyroïdiennes (5).
4
La résistance aux hormones thyroïdiennes ne donne pas de manifestations cliniques spécifiques.
Les manifestations sont variables, et les signes d'une insuffisance et d'un excès hormonal peuvent
souvent coexister chez le même patient. Des signes relativement fréquents de ce syndrome sont
un goître (66 % à 95 % des patients), une tachycardie (33 % à 75 %), une hyperactivité (33 % à
68 %), des troubles de l'apprentissage (30 %), et une petite taille (18 % à 25 %) (6). La maladie a
une base génétique autosomique dominante, si bien que les antécédents médicaux du patient sont
utiles : 80 % des patients ont un parent souffrant de la même affection. Lors d'un nouvel
interrogatoire, le patient nous a révélé que sa mère, sa grand-mère et sa fille avaient toutes les
trois un goître et étaient traitées pour une hyperthyroïdie. Malheureusement, nous n'avons pas pu
obtenir leurs dossiers médicaux.
La présence d'un goître, d'une augmentation des hormones thyroïdiennes (T
4
et T
3
), et l'absence
de caractères cliniques cohérents d'hyperthyroïdie manifeste ont été des indices importants pour
poser le diagnostic chez notre patient. L'I.R.M. cérébrale a exclu une tumeur hypophysaire
sécrétant de la TSH. La recherche d'anticorps bloquants hétérophiles sériques avec le
"Scantibodies Heterophilic Blocking Tube" n'a pas modifié les résultats de la TSH, suggérant
l'absence d'interférence d'anticorps hétérophiles. Quest Laboratories a réalisé une analyse
génétique. Les exons 3 à 10 du gène THRB
4
(récepteur bêta des hormones thyroïdiennes) ont été
amplifiés à partir de l'ADN génomique par PCR et séquencés. Notre patient était hétérozygote
pour une mutation dans le gène THRB, avec la substitution d'un résidu Ala par un résidu Thr en
position 317 dans la protéine, confirmant le diagnostic clinique d'une résistance aux hormones
thyroïdiennes.
L'évaluation de la réponse biochimique à l'administration de 3 doses croissantes de l-T
3
pendant
3 jours est la meilleure façon d'établir le diagnostic clinique de résistance aux hormones
thyroïdiennes (6). Malheureusement, notre patient ne s'est pas présenté au service
d'endocrinologie pour son suivi.
MECANISME D'ACTION
La signalisation des hormones thyroïdiennes est complexe et étroitement régulée, grâce à
l'expression cellulaire et tissulaire spécifique de transporteurs des hormones thyroïdiennes , aux
isoformes des récepteurs des hormones thyroïdiennes, et à l'interaction avec des corépresseurs et
des coactivateurs. THRA (récepteur alpha des hormones thyroïdiennes) et THRB codent les
récepteurs des hormones thyroïdiennes THRA et THRB, avec pour chacun des profils différents
d'expression génique et des produits d'épissage différents. De nombreuses actions des hormones
thyroïdiennes aboutissent à la potentialisation d'autres voies de signalisation, comme la
signalisation adrénergique et celle des récepteurs nucléaires métabolo-sensibles (7).
Les mutations de la protéine THRB expliquent 85 % à 90 % des cas de résistance aux hormones
thyroïdiennes. La physiopathologie des 10 % à 15 % des cas restants demeure inconnue, mais il
est plausible que des mutations des cofacteurs qui interagissent avec les récepteurs des hormones
thyroïdiennes jouent un rôle (3). Plus de 1000 patients et plus de 370 familles souffrant d'une
résistance aux hormones thyroïdiennes ont été décrits dans la littérature (8).
5
Les réccepteurs de THRB mutés présentent soit une réduction de l'affinité pour la T
3
soit une
altération de l'interaction avec l'un des cofacteurs de l'action des hormones thyroïdiennes. Notre
patient présentait une mutation qui affecte le résidu d'acide aminé 317, localisé dans une région
impliquée dans la fixation de la T
3
et empêche une liaison appropriée. La substitution de Ala par
Thr en position 317 a été rapportés dans 29 familles (8).
Le gène THRA est exprimé dans le cœur et l'os, le variant d'épissage 1 de THRB dans le cerveau,
le foie et le rein, et le variant d'épissage 2 de THRB dans l'hypothalamus et l'hypophyse.
L'expression tissu spécifique des gènes codant les différents récepteurs éclaire les symptômes
hyperthyroïdiens et hypothyroïdiens contradictoires. Une anomalie de THRB mène à un excès
d'hormone, activant THRA et conduisant à des manifestations cardiaques et squelettiques. Des
études ont montré que des souris invalidées pour THRB souffraient de tachycardie et que des
souris invalidées pour THRA présentaient une diminution du rythme cardiaque (9). Ces résultats
ne sont pas cohérents avec ceux trouvés chez les êtres humains, et, qui plus est, des membres
atteints de la même famille présentent des symptômes et des signes différents (7, 8).
La réduction de l'affinité du récepteur des hormones thyroïdiennes mène à une réduction de la
rétroaction des hormones thyroïdiennes, compensée par une sécrétion supérieure de TSH. À
l'équilibre, les hormones thyroïdiennes sont augmentées, mais la TSH n'est pas réprimée. Chez
les patients présentant une résistance aux hormones thyroïdiennes, l'activité biologique de la
TSH est augmentée, ce qui peut expliquer la présence d'un goître (10).
ASPECTS CLINIQUES
Un goître apparaît lorsque la thyroïde tente de produire davantage d'hormones thyroïdiennes
pour surmonter la résistance. La tachycardie pousse 25 % des adultes souffrant d'une résistance
aux hormones thyroïdiennes à consulter un médecin (6). Sur le plan biologique, l'augmentation
des concentrations de T
4
et T
3
accompagnée de concentrations normales de TSH est typique, à
moins que le patient ait été traité auparavant avec succès par chirurgie ou iode radioactif. Dans
ce cas, les symptômes d'hypothyroïdie prédominent, et la concentration de TSH est augmentée.
Notre patient avait été traité deux fois par l'
131
I quelques années auparavant.
La chirurgie et l'iode radioactif sont inefficaces. Il n'existe pas de traitement spécifique pour
corriger l'anomalie sous-jacente ; le traitement est uniquement symptomatique. Le symptôme le
plus courant est la tachycardie sinusale, qui est présente chez 35 % à 75 % des patients et peut
être traitée par un β-bloquant comme l'aténolol. Les autres symptômes, comme les tremblements,
l'intolérance à la chaleur et la transpiration, peuvent également être améliorés par l'aténolol (6).
Un traitement par l-T
3
un jour sur deux n'a pas permis de diminuer la sécrétion de la TSH ni la
taille du goitre.
POINTS A RETENIR
La résistance aux hormones thyroïdiennes est une maladie autosomique dominante rare
provoquée principalement par des mutations de l'isoforme β du récepteur des hormones
thyroïdiennes.
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