
Actualités JuriSanté n° 70 – Juin-Juillet 2010 5
Dossier •••La parole aux hospitaliers…
La Réforme de la biologie médicale, un outil structurant de l’offre de soins ?
Bernard Gouget
Jérémi Secher
L’article 69 de la loi HPST
Composante majeure de la loi « Hôpital, patients,
santé et territoires » (HPST), la réforme de la biologie
médicale, a été le fruit d’une longue concertation entre
professionnels. Elle a été conçue dans un triple objectif :
servir l’intérêt des patients ; mettre à la disposition des
professionnels de santé un outil d’efficience qui facilite
une meilleure organisation territoriale de l’offre de soins ;
et contribuer à l’importante réforme de l’administration
elle-même, grâce aux prérogatives renforcées des
agences régionales de santé (ARS) et à une simplification
des modalités administratives. La FHF a participé à l’élabo-
ration de l’ordonnance pour conduire une réforme globale
public/privée qui s’imposait pour réunifier les deux
secteurs autour d’une même définition et de mêmes textes,
pour renforcer la reconnaissance du rôle de la biologie
médicale dans la chaîne de soins et pour dépoussiérer un
cadre réglementaire qui n’était plus adapté aux possibilités
techniques et aux contraintes démographiques de la pro-
fession. Cette loi est par ailleurs primordiale pour les
laboratoires de biologie médicale, puisque les ARS assurent
la gestion territoriale et le contrôle des laboratoires de bio-
logie médicale. Les biologistes hospitaliers ont eu tout à y
gagner pour bénéficier d’un cadre d’exercice clairement
défini et faire face à la multiplication des restructurations.
Contexte et enjeux
La réforme de la biologie médicale 2010 prévoit notam-
ment :
• Une harmonisation des exercices public/privé,
• Une médicalisation de la biologie médicale et une
« qualité prouvée » sous la forme d’une accréditation
obligatoire selon la norme internationale NF EN ISO
15189 des laboratoires de biologie médicale publics et
privés pour l’ensemble de leurs activités (la France est le
seul pays à s’engager dans une démarche obligatoire) ;
• Le délai prévu d’engagement dans la démarche
d’accréditation sera de 3 ans (2013) et celui de l’obten-
tion de l’accréditation de l’ensemble des examens
réalisés, de 6 ans (2016), étant entendu qu’à ce jour,
seuls 100 à 150 laboratoires de biologie médicale (LBM)
privés et 6 LBM hospitaliers sont accrédités COFRAC ;
• Une amélioration de l’efficience médico-économique.
Conséquences
> Le processus d’accréditation obligatoire en 6 ans pour
tous les laboratoires publics et privés nécessite une impli-
cation importante pour l’ensemble des acteurs (labora-
toires, pôles, directions des hôpitaux, HAS, COFRAC).
> Les enjeux nationaux sont majeurs : l’ouverture et la
fermeture des laboratoires seront conditionnées par une
accréditation suivie dans le temps et couvrant l’ensemble
des examens réalisés.
> Ce dispositif est restructurant pour la biologie médicale
sur le plan national, dans la mesure où il conduira les
structures actuelles, largement dispersées, à coor-
donner et mutualiser leurs activités au sein de LBM
de territoire, dans l’esprit des CHT (communautés hos-
pitalières de territoire). La FHF a largement insisté depuis
deux ans sur la nécessaire application de la stratégie de
groupe aux laboratoires de biologie médicale, dans le cadre
de son tour de France des plateaux médico-techniques.
> Le laboratoire devient multisites, mais il n’y aura
qu’un LBM hospitalier par établissement de santé ou
CHT. Ce « laboratoire unique » correspondra au regrou-
pement de tous les laboratoires ou services de biologie
des hôpitaux composant les sites de la CHT ou du GCS.
Dans ce cadre, les examens de biologie médicale réalisés en
dehors des locaux du laboratoire, par des personnels n’exer-
çant pas sous l’autorité du biologiste responsable, pourront
désormais être rendus au clinicien dans le cadre d’une
urgence médicalement justifiée. Ces EBMD (examens de
biologie médicale délocalisée) seront validés biologiquement
a posteriori et placés sous la responsabilité du biologiste res-
ponsable du laboratoire concerné.
> Cette nouvelle organisation se traduira par des
enjeux importants en termes de seuil d’activité
compatible avec la qualité et la sécurité des soins et
bien sûr de ressources humaines : enjeux de mana-
gement pour les biologistes et les cadres, enjeux de
formation pour les personnels hospitaliers, voire émer-
gence de nouveaux métiers (fonction de responsable
assurance qualité (RAQ) de pôle de biologie dans le
contexte de l’accréditation…).
> Deux objectifs essentiels devront par ailleurs être
atteints au niveau du système d’information : regrou-
pement des systèmes de gestion de laboratoire (SGL) et
intégration entre le SGL et le système informatisé de
gestion de l’assurance qualité.
> Enfin, l’accréditation est obligatoire, mais elle a forcé-
ment un coût qui, dans le contexte actuel, doit être rapi-
dement évalué pour être financé.
Au-delà du sujet financier, la participation active des di-
rections hospitalières sera essentielle pour atteindre les
exigences de la norme, concernant notamment les pro-
cessus « support » qui sont souvent placés sous l’autorité
du chef d’établissement (processus RH, achats-investisse-
ments, informatique, etc..).
Cette réforme constitue aussi un outil pour penser
l’organisation hospitalière des soins. Il convient, pour
le secteur public hospitalier et hospitalo-universitaire, de
s’engager dès à présent dans les restructurations internes
et les coopérations inter-établissements. Si la législation
laisse une entière liberté d’organisation, elle est toutefois
construite pour inciter fortement à une efficience médico-
économique intégrée et structurée territorialement. La
FHF est présente à tous les niveaux pour accompagner les
établissements dans cette mutation voulue qui constitue
un investissement d’avenir pour renforcer le maillage des
compétences et un positionnement affirmé de la biologie
des établissements publics de santé.