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Matériaux de basse dimensionnalité
et de temps sont la longueur de cor-
rélation ξet le temps de corrélation
τ, qui caractérisent l’extension spa-
tiale ou temporelle des fluctuations
(quantiques) de grandeurs physiques
comme la résistivité. ξet τdivergent
à la transition en suivant des lois de
puissance caractérisées par les expo-
sants critiques νet z:ξ∝| δn|−νet
τ∝ξz∝| δn|−νz, où δnest défini
par δn=(ns−nc)/nc. Près de la
transition, à T=0, les grandeurs
physiques comme la résistivité ρne
dépendent que du rapport entre ξet
la taille du système. A température
finie, la taille du système doit être
remplacée par une longueur Lau-
dessus de laquelle les fluctuations du
système sont statistiques et non plus
quantiques. On montre que Ldé-
pend de la température selon la loi :
L∝T−1/z. Il en résulte que la résis-
tivité ρne doit dépendre que du rap-
port δn/T1/zν. L’invariance d’échelle
prédit également que ρne dépend
que du rapport δn/E1/[(z+1)ν]où E
est le champ électrique appliqué le
long du gaz 2D pour mesurer sa
résistance.
Cette invariance d’échelle est bien
vérifiée expérimentalement pour les
MOSFETs silicium, aussi bien en ce
qui concerne la dépendance en
champ électrique qu’en température.
Ainsi, l’insert de la figure 2 montre
que les courbes expérimentales
ρ=ρ(T,ns)se regroupent sur une
seule courbe à deux branches
(métallique et isolante) lorsque ρest
présenté en fonction du rapport
|δn|/T1/zν. L’exposant 1/zνest
extrait des données : il est choisi
pour permettre ce regroupement des
points qui n’est a priori pas possible
s’il n’y a pas invariance d’échelle. A
partir des quantités 1/zνet
1/[(z+1)ν]ainsi obtenues, on cal-
cule les exposants critiques zet ν.
Pour les MOSFETs silicium, les
résultats indiquent ν=1,5±0,1et
z=0,8±0,1. Il n’existe pas d’esti-
mation théorique de ν, mais certains
calculs de systèmes de particules
interagissant fortement prédisent
z=1. Les expériences où Evarie
sont très délicates, car le chauffage
du gaz d’électrons par le courant de
mesure peut augmenter sa tempéra-
ture. Nous avons montré que dans
SiGe à très basse température, l’in-
variance d’échelle n’est qu’appa-
rente, car la loi ρ(E)est en fait
principalement une dépendance en T
due à un tel effet.
LE RÔLE DES INTERACTIONS
ENTRE ÉLECTRONS
Le fait que la transition métal-
isolant ne soit clairement visible que
pour des systèmes de rsélevés sug-
gère que les interactions entre élec-
trons jouent un rôle prépondérant.
Nous avons vu que la prédiction
selon laquelle tout système 2D est
isolant supposait des particules dont
on pouvait négliger l’interaction
résiduelle entre elles. La question de
la pertinence d’une telle hypothèse
se pose donc en premier lieu.
Beaucoup de propriétés des sys-
tèmes d’électrons – comme ceux des
métaux usuels par exemple – sont
bien décrites par un modèle de quasi-
particules indépendantes, appelé
liquide de Fermi... et dû à Landau.
Son point de départ est que l’interac-
tion coulombienne d’une paire
d’électrons, bien qu’elle fasse inter-
venir une énergie potentielle impor-
tante et qu’elle soit à longue portée,
joue peu car elle est écrantée en rai-
son du déplacement des autres élec-
trons. On décrit alors le système
comme un ensemble de quasi-parti-
cules indépendantes qui sont des
états excités du système et sont par-
fois présentés de façon imagée
comme des électrons entourés d’un
« nuage » de trous.
Les quasi-particules ont beaucoup
de propriétés des électrons : elles
obéissent à la statistique de Fermi-
Dirac, ont une masse effective, etc. Et
surtout, leurs interactions sont relati-
vement faibles, et même négligeables
dans beaucoup de problèmes. La vali-
dité d’une approche de liquide de
Fermi dépend naturellement de l’im-
par exemple, la transition a lieu pour
rs=12,2. L’énergie EFest propor-
tionnelle à ns(dans un espace fini,
plus il y a de particules, plus il faut
leur attribuer des impulsions élevées
à cause du principe d’exclusion de
Pauli) et Ee−evarie comme l’inverse
de la distance entre électrons, en
n1/2
s. Il en résulte que rsaugmente
quand la densité diminue. Plus préci-
sément, rs∝m∗/n1/2
s, où m∗est la
masse effective qui rend compte de
l’effet de l’environnement sur l’élec-
tron.
Les systèmes qui présentent clai-
rement la transition sont caractérisés
par une masse effective élevée
(m∗>0,1me), des densités très
faibles (ncde l’ordre de 1010 à
1011cm−2) et un « désordre » réduit.
Ce sont les progrès des techniques
de réalisation de structures semicon-
ductrices qui ont permis d’obtenir
ces deux dernières caractéristiques,
qui n’étaient pas accessibles aupara-
vant. La figure 3 donne rspour des
systèmes où la transition métal-
isolant a été observée.
Le fait que la transition métal-
isolant soit une transition de phase
quantique a été vérifié par l’étude de
certaines invariances d’échelle. La
théorie prédit que près du point cri-
tique, les seules échelles de longueur
Figure 3 - Le rapport rsen fonction des porteurs
pour des gaz 2D typiques. Les masses effectives
plus grandes pour les trous dans GaAs (m* =
0.4 me) et SiGe (0.25 me) et les électrons dans Si
(0.2 me) en comparaison avec les électrons dans
GaAs (0.067 me) se traduisent par une valeur de
rsplus grande pour une densité donnée. Les
points ronds indiquent les valeurs de ncrappor-
tées dans la littérature.