Accès au langage: aspects neurobiologiques Catherine Allaire CHU de Rennes Introduction • Le langage oral est un vecteur majeur de communication – ses perturbations auront des conséquences sociales considérables • Les troubles du LO sont fréquents et complexes • Avancées des neurosciences et langage Le langage chez l’adulte • Le fonctionnement cognitif résulte de l’activation de réseaux cognitifs spécialisés – Langage, mémoires, praxies… • Pour le langage, deux zones principales: – Aire de Broca – Aire de Wernicke – Latéralisées le plus souvent à G Mise en place chez l’enfant • Langage = fonction cognitive de haut niveau – Son émergence chez l’enfant est tardive – Sous l’influence de facteurs environnementaux • Aspects neurobiologiques mal connus – Pas de modèles animaux – Moyens d’exploration limités Nouvelles techniques d’explorations • L’IRM – Précision d plus en plus importante – Nouvelles séquences: diffusion • Dérivées de l’IRM « anatomique » – VBM: voxel based morphométry – Tractographie • IRM fonctionnelle – Images classiques + étude d’une « action » transitoire – Exploration de fonctions cognitives IRM fonctionnelle • Fondée sur l’effet BOLD – Mesure une variation du signal magnétique consécutif l’exécution d’une tâche mentale – La réponse survient qlq sec après le stimulus – Les images subissent un traitement statistique – Résolution spatiale très bonne • Taches de production phonologique Situations cliniques « paradoxales » • Enfants avec des lésions frontotemporales G sans troubles du langage – AVC de l’enfant – Comparaison des hémiplégies cérébrales infantiles D et G • Enfants sans lésions cérébrales – pouvant avoir des troubles sévères du langage – surdité profonde, dysphasies, autismes… AVC néonatal: IRM T1 Hémiplégies cérébrales infantiles • Chez les enfants hémiplégiques – Conservation des capacités langagières des hémiplégies D et G – Données contradictoires sur les capacités syntaxiques – Moindres capacités verbales chez hémiplégiques droits ? • Kiessling, 1983 Vargha-Kadem 1985 Dysphasies • Trouble non lésionnel du développement du langage, sévère et persistant • Pas d’étiologie connue • Étude d’IRMf menée à Rennes • Chez 21 enfants dysphasiques • 4 paradigmes d’activation Paradigme d’activation Défaut de latéralisation cérébrale Comparaison intergroupe des indices de latéralité Plasticité chez l’enfant • Les hémisphérotomies: – Déconnections corticales plus ou moins étendues – Pratiquées dans des situations d’épilepsie unilatérale pharmacorésistante – Chez des enfants avant la puberté – Étude de la récupération langagière chez les patients opérés à G Récupération jusqu’à quel âge • Étude de Boatman, 1999 – 6 patients droitiers opérés à G – Âgés de 7 à 14 ans – Aphasie en post-opératoire – Récupération satisfaisante du langage • Cas de C.Chiron et L.Herz-Panier – Patient de 9 ans opéré à G – Récupération incomplète – IRM f: activation frontale D Asymétries hémisphériques • Études en IRMf chez le nourrisson – Dès les premiers mois – Travaux de G.Dehaene • Spécialisation précoce – Des régions temporales – Plus à G • Mais : – Vrai aussi pour les stimuli auditifs non linguistiques La spécialisation du langage est elle innée? • Histoire d’une fascination très ancienne • Chomsky: – Le langage repose sur des circuits neuronaux prédéterminés génétiquement • S’opposant aux approches plus constructivistes: – Développement en stades (Piaget) Nécessité d’ouvrir d’autres perspectives • Il existe manifestement une « structure » biologique nécessaire à l’élaboration du langage – Le futur noyau fixe n’est pas inné, mais acquis autour d’une structure qui n’est pas encore différenciée • Intervention de facteurs génétiques et épigénétiques La période sensible • Paradigme de l’enfant sauvage – Victor, retrouvé à 10 ans, n’acquiert pas le langage • Cas d’ »hospitalisme » • Expériences de Riesen • Plus récemment, recherche sur le chant des oiseaux, et exemple des implants cochléaires Période critique pour les oiseaux chanteurs • Exposition initiale au chant: – Instruction par adulte mâle – L’oiseau procède par essais et erreurs • Puis fixation du chant dans sa forme définitive – =cristallisation Destruction du NLMNA • Pendant la période critique: – Pas d’apprentissage du chant • Chez l’oiseau adulte – Pas de conséquences Période critique chez l’enfant • Entre 6 mois et 3 ans pour le langage • Exemple des capacités phonologiques • Les structures cérébrales se modulent par interaction avec l’environnement Facteurs neurobiologiques la plasticité • Chez l’enfant jeune, variabilité de l’organisation synaptique – Plus grand nombre de synapses – Possibilité d’organisation transitoire – L’apprentissage spécialise les neurones et restreint les potentialités initiales – =stabilisation sélective (J.P. Changeux) Les processus maturatifs • Au dernier trimestre de grossesse: – Développement de la gyration – Mise en place des synapses – Mise en connexion des réseaux neuronaux des zones associatives – Début de la myélinisation Synaptogénèse Poursuite de la myélinisation • Se met en place d’arrière en avant – Dure plusieurs années • Tentatives de corrélation anatomoclinique: – M. thalamo-corticale: babillage – M. préfrontale: début du langage – M. des zones associatives: enrichissement du vocabulaire et de la morphosyntaxe IRM T1 Maturation de la substance blanche entre 5 ans et 30 ans Dennis E.L., 2013 En post-natal • Augmentation considérable du volume cérébral la 1ère année: – Augmentation parallèle de la SB et SG – Puis diminution de la SG – Poursuite de croissance de SB – Pas la même évolution selon les localisations cérébrales • Pathologies en lien? – Retard de langage? Evolution de la maturation cérébrale de 5 ans à 20 ans Dennis E.L. et al, 2013 Schneider J. et al, 2014 Encéphalopathie de la prématurité Établissement de connexions • Changement d’échelle: – Nouvelles techniques d’imagerie • Pathologies des réseaux/ – Nécessité de marqueurs biologiques • Facteurs génétiques • Facteurs épigénétiques Développement des connections entre 12 et 30 ans Dennis E.L., 2013 Système des neurones miroirs • C’est un système neuronal qui code l’action motrice (praxique) observée et permet sa reproduction • Mais à la condition que les actes concernés soient déjà présents dans le répertoire moteur du patient • 2 réseaux principaux chez l’homme; – Fronto-pariétal et limbique Chez l’enfant • Le système miroir est en place • Il peut être activé même en l’absence d’expérience motrice sous-jacente • Suppose l’existence de patterns moteurs préexistant Système miroir et langage • Patterns articulatoires – Dans la zone de Broca, les neurones s’activent quand l’enfant regarde parler – Double action: motrice et langagière? – Le geste peut favoriser l’apprentissage du langage Conclusion • Intrication des facteurs neurobiologiques et environnementaux • Spécialisation précoce…mais modulable • Réflexions éducatives sur la période critique • Système miroir et apprentissage: un couple prometteur Questions posées • Y a-t-il des neurones ou groupes de neurones spécialisés dès la naissance? • Quelles influences proportionnelles des facteurs intrinsèques et extrinsèques? • Dans une situation lésionnelles, quels sont les facteurs de plasticité permettant d’espérer un bon dvp cognitif? Corrélations anatomocliniques • Dysphasie – Trouble spécifique non lésionnel du langage – Défaut de spécialisation hémisphérque en IRMf ( De Guibert et al, 2011) • Lésions anoxo-ischémiques: – IRMf, IRM volumétriques, tractographie, IRM de diffusion – Faible volume des faisceaux mettant en relation les zones sensorielles et les zones de langage Schneider J. et al, 2014 Encéphalopathie de la prématurité