1. Calcul du chargement en fatigue de la vis de fixation du robot Afin de calculer la charge sur chaque fixation, on calcule le moment des différentes forces appliquées au système (bras + socle), en négligeant celle liée aux fixations qui travaillent en compression. On choisit comme axe celui qui passe par le centre du socle, horizontalement, en diagonale (configuration pour laquelle le moment est maximal sur les deux fixations les plus éloignées) (Figure 1.) On considère une configuration la plus défavorable possible : le bras étant complètement déplié (bras de levier au bout du bras : 1m), ce qui nous ramène à un problème plan. Afin de rendre le calcul conservatif, on prend également la valeur maximale de la vitesse de rotation (195°/s) ainsi que la masse maximale de pièce rapportée pour ce robot (190 kg). Dans cette première partie, on calcule les contraintes comme si la vis était une pièce cylindrique lisse. C’est dans la partie suivante qu’on tiendra compte de la concentration des contraintes dans le lieu de rupture, à savoir le fond de filet. d mi n d ma x axe par rapport auquel on calcule les moments des efforts appliqués au système Figure 1 : Géométrie (simplifiée) de la pièce et axe par rapport auquel on calcule les moments. On suppose la pièce d’épaisseur très faible devant sa longueur et sa largeur. On distingue quatre contributions au chargement mécanique : • Le poids propre du bras • La mise en mouvement du bras (accélération) • Le poids propre de la pièce • La mise en mouvement de la pièce (accélération). On rappelle les principales données nécessaires au calcul dans les Tableaux 1 et 2. On prendra pour l’accélération de la pesanteur : g = 9,81 m.s-2. Comme on travaille en élasticité et en petites déformations, on utilise le théorème de superposition et on calcule chaque contribution séparément. Comme les vis sont en principe bien serrées (c’est en tout cas l’hypothèse que l’on fait dans ce calcul), les efforts de cisaillement ne sont pas pris en compte ; seuls les efforts de traction (verticaux) sont considérés dans le calcul. 1 Lz mm 250 Lxy mm 260 dmin mm 63 dmax mm 472 Lbras mm 1000 Rext mm 85 Svis mm² 245 mbras kg 150 ω °/s 195 ∆t s 0,3 à 1 Ν pièces/an 150.000 DDV années 10 à 15 Tableau 1 : Données numériques du robot nécessaires au calcul. N est le nombre de pièces produites par an sur la ligne (et manutentionnées une seule fois chacune par le robot), DDV est la durée de vie rapportée par la documentation du robot. Rp0,2 MPa 1134 Rm MPa 1260 Arupture % 8 σD (80%) MPa 52,5 σD (100%) MPa 39,2 Kf 1à2 A dmin mm 1,7 63 dmax mm 472 Tableau 2 : Données numériques « matériau » nécessaires au calcul. A est l’amplification de la limite de fatigue (endurance illimitée) liée au fait que les filets sont roulés. 1.1. Contribution du poids propre du bras On note Sbras la section du bras et pour calculer le moment Mmasse_bras du poids du bras, on fait une intégrale par tranches le long de ce bras. Le bras étant horizontal, le moment d’une tranche située à une distance x de l’axe est égal à la masse de cette tranche multipliée par x, ce qui donne : Lbras M masse _ bras = ∫ xS ( x )ρ bras gdx = ρ bras S bras g 0 Lbras ∫ ρ bras S bras gL2bras xdx = 2 0 = gmbras Lbras 2 Application numérique : M masse _ bras = 9,81∗150 ∗1 = 735,7 N.m. 2 1.2. Contribution de la mise en mouvement du bras Pour calculer la force locale, à une abscisse x, d’une tranche de section Sbras et d’épaisseur dx, il faut connaître l’accélération de cette tranche. On utilise pour cela la vitesse angulaire que l’on multiplie par x pour obtenir la vitesse linéaire locale. On estime l’accélération en l’assimilant au quotient de cette vitesse linéaire par l’intervalle de temps ∆t utilisé pour passer d’une vitesse angulaire nulle à la vitesse angulaire ω. On aboutit à l’équation suivante : Lbras M accél . _ bras = ∫ xS ( x )ρ bras 0 ωx ∆t dx = ρ bras S bras ω ∆t Lbras ∫ x 2 dx = 0 Application numérique : M accél . _ bras = 195 π ∗ 150 ∗ 12 = 567,2 N.m pour ∆t = 0,3 s 180 ∗ 3 ∗ 0,3 Μ accél . _ bras = 195 π ∗150 ∗12 = 340,3 N.m pour ∆t = 0,5 s 180 ∗ 3 ∗ 0,5 M accél . _ bras = 195 π ∗ 150 ∗ 12 = 170,2 N.m pour ∆t = 1 s. 180 ∗ 3 ∗1 2 ρ bras S bras ω L3bras 3∆t = ω mbras L2bras 3∆t 1.3. Contribution du poids de la pièce transportée Le moment de la masse de la pièce transportée ne peut, en toute rigueur, être calculé que si l’on connaît la position géométrique de tous les points matériels de la pièce dans l’espace. Faute de cette information, on suppose que l’ensemble de la pièce est un point matériel situé à une distance Lz du bout du bras et on espère que le raisonnement est conservatif. Il donnera, en tout cas, une estimation indispensable de la contribution de la masse de la pièce transportée à la charge exercée sur les fixations. Le moment du poids d’un point matériel de masse mpièce = 190 kg situé à une distance (Lbras + Lz) de l’axe est égal à : M masse _ pièce = g m pièce (Lbras + L z ) = 9,81 * 190 * (1 + 0,25) = 2329,9 N.m. 1.4. Contribution de la mise en mouvement de la pièce transportée On fait le même raisonnement que pour le bras, en supposant comme précédemment que toute la masse de la pièce est située en son centre de gravité. On obtient l’équation suivante : M accél . _ pièce = m pièce (Lbras + L z ) 2 Application numérique : ω ∆t M accél. _ pièce =190 * (1 + 0,25) 195π = 3367,9 N.m pour ∆t = 0,3 s 180 * 0,3 M accél. _ pièce =190 * (1 + 0,25) 195π = 2020,8 N.m pour ∆t = 0,5 s 180 * 0,5 M accél. _ pièce =190 * (1 + 0,25) 195π = 1010,4 N.m pour ∆t = 1 s . 180 *1 2 2 2 Conclusion : Moment total des efforts imposés par le poids et la mise en mouvement de la pièce et du bras M total = M masse _ bras + M masse _ pièce + M accél. _ bras + M accél. _ pièce Application numérique : elle est résumée dans le Tableau 3 en fonction de la valeur de ∆t. On en déduit la valeur de l’effort maximal exercé sur chaque fixation, Fmax, en fonction de la valeur de ∆t. Les valeurs sont également reportées dans le Tableau 3. En divisant cet effort par la section moyenne nominale de la vis (245mm²) on obtient les valeurs de contrainte nominale maximale, σ max , également reportées dans le Tableau 3. ∆t Mmasse_bras (N.m) Mmasse_pièce (N.m) Maccél._bras (N.m) Maccél._pièce (N.m) Mtotal (N.m) Fmax (N) moyenne σ max (MPa) 0,3 s 735,7 2329,9 567,2 3367,9 7000,2 7415,5 30,27 0,5 s 735,7 2329,9 340,3 2020,8 5426,2 5748,1 23,46 1s 735,7 2329,9 170,2 1010,4 4245,7 4497,6 18,36 Tableau 3 : Moment total sur l’axe en fonction de la valeur de ∆t. Force maximale et contrainte maximale nominale associées sur chaque fixation. 3 On obtient donc des valeurs de la contrainte très inférieures à la limite d’endurance du matériau, ce qui est normal : il reste à tenir compte de l’effet d’entaille et à calculer l’amplitude du cycle de fatigue. 2. Calcul de la durée de vie en fatigue des deux fixations 2.1. Calcul de l’amplitude des cycles de fatigue Il reste deux facteurs à prendre en compte pour le calcul de la durée de vie de la fixation en fatigue : la concentration de contrainte au premier filet (qui est la plus sévère pour le type de vis utilisé) et le mode de fabrication de la vis (filets roulés : c’est obligatoire lorsqu’une vis peut être sollicitée en traction). Le facteur de concentration de contrainte vaut Kt pour un chargement monotone (3 à 4 pour le premier filet) et Kf pour un chargement en fatigue (1 à 2 pour le premier filet). Comme on calcule la durée de vie en fatigue et qu’on considère le calcul le plus conservatif possible, on calcule la contrainte locale moyenne « locale » au premier filet, σ max par Kf = 2 , comme le produit de σ max locale locale σ max = K f σ max , dont la valeur dépend de ∆t. Pour obtenir l’amplitude du cycle de fatigue, on considère que la vis est chargée entre la contrainte de locale (lors des phases de décélération et de déchargement, le fait que la serrage, σserrage, et σserrage + σ max fixation soit serrée évite d’ajouter un chargement en compression). L’amplitude (ou de mi-étendue) du locale chargement, σa, vaut donc la moitié de σ max . Les valeurs numériques sont reportées dans le Tableau 4. ∆t moyenne σ max (MPa) 0,3 s 30,27 0,5 s 23,46 1s 18,36 locale σ max (MPa) σa (MPa) 60,54 46,92 36,72 30,27 23,46 18,36 Tableau 4 : Amplitude de contrainte associée à la sollicitation en service. 2.2. Calcul de la durée de vie « nominale » en fatigue Le robot a une durée de vie typique, selon la documentation, de 10 à 15 ans. Sachant que 150 .000 véhicules sortent de la ligne de production chaque année, et que le robot assure la manutention d’une pièce par véhicule, 150.000 cycles de fatigue sont appliqués au robot chaque année. Pour la durée de vie nominale, le robot subit donc entre 1,5 et 2,25 millions de cycles de fatigue. Il faut donc vérifier que l’amplitude de contrainte sa est en-dessous de la contrainte « à 2,5 millions de cycles ». 2.3. Comparaison entre durée de vie calculée et durée de vie souhaitée On utilise la courbe de Wöhler associée à un serrage à 80% de la limite d’élasticité. On choixit de se placer dans le cas le plus sévère, avec une accélération de 0 ) 195°/s en 0,3 seconde. La Figure 2 illustre l’utilisation de la courbe de Wöhler dans ce cas précis, avec une amplitude de contrainte de 30,3 MPa. On a simplement multiplié la limite de fatigue par le coefficient A lié au fait que les filets sont roulés on obtient une limite de fatigue de 66,6 MPa si le serrage est à 100% de la limite d’élasticité et de 89,2 MPa si le serrage est à 80% de la limite d’élasticité. La comparaison montre que l’amplitude de contrainte imposée est inférieure à la limite de fatigue de la vis. La fixation n’aurait donc pas dû céder par fatigue du fait de la seule sollicitation imposée par les conditions de service connues. 4 Note : un serrage à 100% de la limite d’élasticité d’une vis à filets usinés (et non roulés) aurait conduit à une durée de vie inférieure à la durée de vie souhaitée. Courbe de Wöhler acier 42CD4 (Thèse J. Massol) 120 Contrainte alternée (MPa) 110 100 Serrage à 80% de la limite d’élasticité = 89,2 MPa 90 80 σD (80%)*1,7 Serrage à 100% de la limite d’élasticité σD (100%)*1,7 = 66,6 MPa 70 60 50 40 sollicitation en service : 30,3 MPa 30 10000 100000 1000000 10000000 Nombre de cycles à rupture Figure 2 : Utilisation de la courbe de Wöhler pour l’estimation de la durée de vie en fatigue des fixations du robot. 3. Conclusions Le calcul montre que dans les conditions de service connues (serrage à au moins 80% de la limite d’élasticité, filets roulés, masse de 190 kg accélérée en 0,3 s à 195°/s), la vis n’aurait pas dû céder par fatigue. Une de ces conditions n’a donc pas été remplie : soit une masse excessive a été accrochée, soit les conditions d’accélérations n’ont pas été respectées, soit le serrage n’a pas été suffisant. Un serrage insuffisant est la première piste à explorer : il devrait en principe se voir car un repérage de peinture doit être effectué, au moment du montage, pour détecter tout desserrage. Une vis desserrée subit en effet un cycle de fatigue d’amplitude beaucoup plus élevée que celle calculée ici, ce qui aurait pu conduire à une rupture par fatigue. 5