Bulletin 118 (septembre 2003) de l'INSTITUT DE LA MÉTHODE (Association Ferdinand Gonseth), pp. 1-8
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les orbites planétaires et qu'elles ne nous feront pas perdre toute connaissance de l'évolution
du système solaire avant plusieurs millions d'années. Même au bout de ce temps beaucoup
plus long, les rayons des orbites des différentes planètes n'auront pratiquement pas changé et
on ne pourra pas dire que le système est devenu totalement chaotique. Il faudra probablement
attendre quelques cinq milliards d'années, lorsque le Soleil aura épuisé son carburant
d'hydrogène et s'effondrera pour immédiatement exploser par ricochet en nova ou géante
rouge, pour que le système solaire soit vraiment fortement "chamboulé".
Le graphe de la Fig. 1 est une illustration de ce premier effet d'incertitude sur les
conditions initiales. Il s'agit d'un pendule rigide, comme celui d'une horloge, mais excité
beaucoup plus fortement par une force périodique, de façon à pouvoir le faire tourner
complètement. Les trois courbes du graphe montrent les mouvements du pendule lorsque cette
excitation est enclenchée alors que le pendule est soit au repos (v = 0), ou qu'il oscille déjà
très imperceptiblement vers la droite (v = 0.15) ou vers la gauche (v = -0.2). Ces toutes petites
différences dans les conditions initiales n'ont d'abord pas de conséquences importantes, les
trois courbes suivent pratiquement le même chemin, mais soudain elles divergent et le chaos
s'installe. Le balancier arrive au voisinage de la position complètement renversée, le demi-
tour; dans deux des cas la force d'entraînement le ramène du même côté, alors que dans le
troisième il fait un tour complet. Et dans les deux situations où il revient du même côté, ce
n'est que partie remise, les deux courbes s'éloignent l'une de l'autre et sont bientôt, elles aussi,
séparées d'un tour entier (ce graphe est adapté d'un exemple aimablement fourni par le Prof.
Hans Beck et son assistant, M. Matteo Monbelli, de l'Institut de Physique de l'Université de
Neuchâtel).
2. Le climat, source de désordre à très
long terme dans le système solaire
Le deuxième effet est plus subtil. Les calculs astronomiques où interviennent plusieurs
corps sont difficiles; on sait, par exemple, que le problème à trois corps ne peut déjà plus être
résolu de façon analytique. Pour simplifier les calculs on remplace donc le Soleil, les planètes
et leurs satellites par des points de masse sans dimensions. Cela serait sans conséquences, si
ces corps étaient parfaitement indéformables et possédaient une symétrie exactement
sphérique; mais cela n'est pas le cas. Comme exemples d'effets qui ne peuvent pas être traités
ainsi on peut citer les marées. Des effets de ce genre ont pour conséquence que les deux
satellites de Mars, Phobos et Deimos, vont bientôt (à l'échelle des temps géologiques, soit
dans quelques millions d'années !) tomber sur leur planète. Le temps caractéristique pour
l'instauration de petits écarts est aussi de l'ordre de 10 000 ans ou plus, mais on ne peut pas
prédire l'ampleur exacte de ces effets, car ils dépendent de facteurs tels que le climat moyen
(p. ex. la distribution des vents et des courants marins, le niveau des mers, etc.) et de la forme
du globe dans tous ses détails (en particulier les déviations d'une sphéricité parfaite à cause
des forces centrifuges causées par la rotation). Ainsi, au maximum de la dernière glaciation, le
niveau des océans était-il de 130 m au-dessous du niveau actuel, cela avait une influence très
importante sur les marées. En effet, le freinage provoqué par les marées dépend fortement de
la topographie des fonds marins aux abords des côtes et de la forme de ces côtes. Par suite de
la dérive des continents, la topographie du globe évolue constamment, bien que très