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PhaenEx
I. Le totalitarisme ou le mal radical
Dans Les origines du totalitarisme
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, Arendt a tenté de comprendre ce qui pu se produire
pour que l’Allemagne en arrive à un système de domination totale. Bien que le totalitarisme soit
un événement sans précédent, ses germes proviennent de notre modernité
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et de son incapacité à
résoudre le problème du vivre-ensemble, un problème attesté par l’antisémitisme et
l’impérialisme. Le fil qui relie les trois parties de l’ouvrage, soit Sur l’antisémitisme,
L’impérialisme et Le système totalitaire, est la « marche descendante vers la “désolation” »
(Enegrén 208) et l’apparition du mal politique, c’est-à-dire la superfluité des hommes
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.
Dans le chapitre « From Radical Evil to the Banality of Evil » de son ouvrage Hannah
Arendt and the Jewish Question, Richard J. Bernstein s’emploie à retracer l’apparition et la
signification de l’expression « mal radical » dans l’œuvre arendtienne. La première apparition
qu’il note de l’expression « mal absolu » se trouve dans l’article « The Concentration Camps »,
paru en 1948 dans le Partisan Review, qui sera revu pour être inclus dans Les origines du
totalitarisme. Arendt liait le « mal absolu » à la question du « tout ou rien » :
The fear of the absolute Evil which permits of no escape knows that this is the end of
dialectical evolutions and developments. It knows that modern politics revolves around a
question which, strictly speaking, should never enter into politics, the question of all or
nothing : of all, that is, a human society rich with infinite possibilities; or exactly nothing,
that is, the end of mankind. (748)
Dans la première édition des Origins of Totalitarianism, Arendt avait inclus des éléments
de cet article dans ses « Concluding Remarks ». Elle parlait encore de « mal absolu », mais le
liait dès lors à la question de la superfluité : « Difficult as it is to conceive of an absolute evil
even in the face of its factual existence, it seems to be closely connected with the invention of a
system in which all men are equally superfluous » (Arendt, Origins of Totalitarianism [1951]
433; cité par Bernstein, Hannah Arendt 140). Ce n’est qu’après la révision de ces « Concluding