Extrême droite : fausses questions, mauvaises réponses

Extrême
droite,
fausses
questions,
mauvaises
réponses
Les idées de l’extrême droite ont pris une place importante
dans le débat public. Ces thèmes sont anciens et connus :
l’appel à un pouvoir autoritaire, le culte d’un passé où do‑
mine l’ordre patriarcal, le mépris de ce qui relève du sys‑
tème républicain – partis, assemblées élues, associations,
syndicats combiné à l’afrmation de préférences, dont
l’étiquette « nationale » dissimule mal l’appel à discriminer
et à rejeter tous ceux qu’on présente à tel ou tel moment
comme différents, sur des bases réelles ou supposées.
Longtemps cantonnée aux marges du débat républicain
de par son histoire dans la collaboration avec l’occupant
nazi, l’extrême droite a reconstitué un socle de réseaux et
de propositions, en tablant sur l’oubli de ses idées passées.
Elle a travaillé à peser sur la pensée de droite républicaine,
elle a surfé sur la révolution néolibérale en adoptant sa di‑
mension individualiste et sécurit aire et, avec la crise qui
provoque la crainte d’exclusion, elle articule maintenant ce
néo-libéralisme avec d’anciens réexes identitaires et xéno
phobes.
Avec la crise et les échecs des partis qui exercent les
responsabilités depuis des décennies, l’extrême droite
rencontre des succès en bénéciant des inquiétudes
dans la société. La peur est sa carte maîtresse ; elle en
use à tout‑va, en surfant sur la double crainte du déclin na‑
tional et du déclassement social.
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Ligue des droits de l’Homme
LdH
Elle joue sur ce qui délégitime les représentations poli‑
tiques et ce qui fait craindre tout changement. Elle rejette
l’idée même d’un avenir commun pour les peuples, construit
autour des notions d’égalité et de solidarité.
Elle entraîne malheureusement une partie de la droite
républicaine. Et, maintenant, des voix venant de la gauche
s’expriment sur ses thèmes avec des mots détestables,
sous couvert de ne pas lui en laisser le monopole !
On a là une défaite de la pensée qui induit un grand
trouble dans le débat public, et aussi dans bien des
consciences. Tout indique que ce recul des valeurs progres‑
sistes peut marquer profondément le débat et les résultats
des élections prochaines, municipales et européennes.
Il y a donc une réelle urgence démocratique. La Ligue
des droits de l’Homme entend jouer pleinement son rôle ci‑
vique et républicain. Elle s’emploie à opposer aux idées
d’extrême droite, et à tous ceux qui les portent, un débat
de raison, construit sur des valeurs fortes – l’égalité, la
solidarité.
Cette brochure entend contribuer à l’approfondissement
du débat au sein de la LDH et du débat public. D’une part, en
passant au l de la critique un certain nombre d’afrmations
martelées par l’extrême droite ; d’autre part, en soumettant
au débat, avec les citoyennes et les citoyens de notre pays,
les propositions que la Ligue des droits de l’Homme estime
indispensables pour la démocratie et le progrès social.
Extrême droite,
fausses questions, mauvaises réponses...
Ligue des droits de l’Homme
LdH
1 — L’extrême droite
pose-t-elle de « bonnes
questions » ?
On entend souvent avancer l’idée que l’extrême droite,
Front national ou autres, poserait les « bonnes questions »,
et que seules ses réponses seraient mauvaises.
Cette proposition d’apparence anodine est un double
mensonge. L’extrême droite n’a « découvert » aucune ques‑
tion et ne leur apporte que de (très) mauvaises réponses.
Ni le chômage, ni l’exclusion sociale, ni la délinquance
n’ont été « découverts » par l’extrême droite, pas plus d’ail‑
leurs que les questions migratoires. Elle s’est contentée, du
bord de la route, de constater des problèmes connus. Son
seul « apport » est d’avoir attribué ces problèmes à la pré‑
sence d’étrangers, et à les instrumentaliser au prot d’un
« ordre naturel » jamais éloigné de l’ordre patriarcal et au‑
toritaire. Refusant de se pencher sur les causes réelles des
problèmes soulevés par l’évolution de nos sociétés, elle les
attribue pêle‑mêle à la « dérive des mœurs », au « déclin na
tional » et surtout aux « mélanges » induits par les migrations.
En fait, la France est depuis longtemps et reste une des
dix premières puissances économiques mondiales ; le chô‑
mage, l’exclusion sociale ont beaucoup à voir avec l’inégale
répartition des richesses entre Français. Quant aux migra‑
tions, elles constituent un apport économique et social plu‑
tôt que l’inverse.
Mais l’extrême droite veut ignorer ces réalités ; elle leur
préfère le culte d’une nostalgie mythique, celle d’un âge d’or,
sans chômage, où les femmes, les jeunes, les étrangers sa‑
vaient se tenir soumis, à une place imposée car l’ordre et
ses représentants étaient sinon respectés, du moins craints.
Ce monde imaginaire est peuplé de Français dits « de
souche », et l’équipe nationale de football y est « ethnique‑
ment homogène ». Les « étrangers », avec ou sans papiers,
y sont donc suspects a priori de fainéantise, de fraude, de
tracs multiples, de délinquance et de violence…
Face à ces maux, l’extrême droite ne connaît qu’un remède :
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la répression judiciaire et administrative ou alternativement,
une soi-disant autodéfense qui n’est que justication à
agresser dès que l’on se « sent menacé ».
Avec une telle grille de lecture, le chômage est causé par le
travailleur migrant, fût‑il lui‑même chômeur ; l’étranger de‑
vient un facteur d’insécurité et de délinquance, même s’il
est l’objet de contrôles incessants.
La laïcité est instrumentalisée contre les religions, et les
croyants accusés de vouloir « transformer » la France.
La sécurité n’est invoqué que pour mieux fustiger des pou‑
voirs politiques et des juges laxistes, alors même que se
multiplient des condamnations de plus en plus lourdes.
Avec l’extrême droite, les « mauvaises questions » vont
de pair avec les « mauvaises réponses ». Et ceux qui ne les
partagent pas méritent d’être victimes de mesures liberti‑
cides. La boucle est ainsi bouclée.
2 — La préférence nationale,
une mécanique d’opposition
de tous contre tous
L’extrême droite met en avant une proposition phare, à
savoir la « préférence nationale », supposée régler les pro‑
blèmes en réduisant le nombre de bénéciaires aux seuls
« Français ».
Ce véritable logiciel politique, sous des dehors de bon
sens, va à l’encontre du droit international ; sans régler au‑
cun problème, il fonctionne comme une mécanique d’exclu‑
sion nationale.
La « préférence nationale » vise clairement l’immigra
tion. Lancée dans les années 1980, l’idée induit que face
aux problèmes qui émergent, elle constituerait une pana
cée. Qu’il s’agisse d’emplois, de prestations sociales, de
sécurité ou de logement, la solution serait la même : ex
clure les non‑nationaux. Cette pseudo‑solution n’a donc
aucun rapport avec la nature du problème, avec le droit
commun, avec les personnes concernées. C’est l’exemple
même d’une véritable escroquerie idéologique, dont les
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dupes pensent naïvement qu’elles seront « préférées
nationalement ».
Mais… Si l’on part du principe que le chômage résulte
d’un trop‑plein de main‑d’œuvre, on est tenté d’éliminer le
maximum de concurrents : étrangers, mais aussi femmes,
Français d’une autre région, Français de « fraîche » date…
Problèmes : cette élimination des concurrents ne crée ni
emploi, ni dynamique de relance. Elle n’incite pas les en‑
treprises à moderniser – pourquoi le feraient‑elles puisque la
main‑d’œuvre reste bon marché et s’élimine elle‑même ? – et
contribue à appauvrir la demande intérieure, donc à relancer
le chômage…
Indépendamment de son incapacité totale à solutionner
le moindre problème, la préférence nationale enracine la na‑
tion dans un passé mythique où la France serait supposée
chrétienne, blanche et homogène. Autant de fantasmes au
regard d’une histoire marquée par les échanges, les mé‑
langes et les fusions, à la fois de territoires, de cultures, de
langues et de populations.
Pour la République, la nation est une idée, bâtie autour
des valeurs de la devise républicaine en partage. Pour l’ex‑
trême droite, la nation est marquée par le territoire et la tra‑
dition, le « sang », voire la « race » des soi‑disant « préférés ».
Dans les faits, la fameuse « préférence » afchée est donc
surtout une machine à exclure. Ce qui n’est pas préféré est
renvoyé à soi même et exclu de toutes les mécaniques de
socialisation et de solidarité, mais pas des impôts. Il s’agit
donc en fait de minoriser des personnes en les exploitant
jusqu’à ce qu’elles quittent le pays. Problème : ces per‑
sonnes que les « préférés » estiment en trop sont souvent…
de nationalité française. Mais dans ce processus de stigma‑
tisation, la question « raciale » se confond très vite avec la
dimension sociale.
L’étranger est en trop et le chômeur également. Si ce der‑
nier n’est pas étranger, il n’en est que plus suspect car il
atteste de par son seul état de l’inefcacité de la fameuse
préférence.
Ainsi, la préférence nationale est‑elle bien par antiphrase
une tentative de mise en détestation d’une partie de la na‑
tion par une autre. L’antithèse absolue de la « devise liberté,
égalité, fraternité ».
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