(Séance du mardi 13 décembre 2016) POS
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Postulat Julien Sansonnens et consorts – Des employés de l'administration cantonale ont-ils été
licenciés en raison de leurs opinions politiques en contexte de guerre froide ?
Texte déposé
Durant une grande partie du XXe siècle, l’anticommunisme a agi en Suisse comme une véritable
doctrine officielle. Cette idéologie, issue des rangs bourgeois mais également partagée par une partie
de la gauche, reposait principalement sur l’idée d’un complot qu’il s’agissait de combattre par tous les
moyens. L'Etat démocratique refusait toute légitimité aux idées communistes, jusqu’à considérer
celles-ci comme criminelles, puis illégales. En 1932, le Conseil fédéral prononça l’interdiction
d’engager des communistes dans l’administration fédérale. Dès 1950, il fut possible de licencier les
employés fédéraux membres d'une organisation communiste.
Les cantons prirent également des mesures contre « l’agitation communiste ». En 1938, le canton de
Vaud prononça l’interdiction des organisations communistes dans la Loi sur les associations illicites
(LASSI), suite à une votation populaire introduisant un nouvel article dans la Constitution vaudoise.
Furent notamment déclarés illégaux « l’offre, la vente, la remise, l’envoi, l’exposition, l’affichage et la
circulation de tous journaux ou autres écrits, figures, images ou emblèmes émanant [des organisations
communistes ou affiliées] ». Les articles 5 et 6 de la LASSI concernaient explicitement les
conséquences, pour un fonctionnaire, de l’appartenance à un groupement ou une association jugée
illicite : « L’exercice d’une fonction publique (administrative, judiciaire, pédagogique ou autre) est
inconciliable avec l’affiliation du titulaire de cette fonction à une association, une organisation ou un
groupement visés à l’article premier[...] En conséquence, dès son entrée en vigueur, la présente loi
entraîne la révocation de la fonction publique de quiconque se trouve dans les conditions prévues aux
alinéas précédents. » (LASSI Art 5). A notre connaissance, ces dispositions concernant les
fonctionnaires ont été abrogées en 1947, soit presque dix ans après leur promulgation.
Dans le pays et dans le canton, la lutte contre le bolchévisme fut également le fait d’officines,
véritables « partenariat public-privé » regroupant les élites politiques, économiques et militaires.
Fondé au lendemain du Coup de Prague, le Centre National d’Information – devenu Comité suisse
d’action civique (CSAC) en 1953 – aura eu pour unique objectif la lutte contre le communisme en
Suisse, sous toutes ses formes. Structurée autour de Marc-Edmond Chantre, ancien de l’Union
nationale fasciste et homme de réseaux, cette officine privée a procédé au fichage de nombreux
militants, syndicalistes, intellectuels ou honnêtes travailleurs, tous suspectés de « menées
subversives ».
En conséquence, dans le cadre de cette lutte menée contre une subversion ourdie de l'intérieur, de
nombreuses personnes, d’honnêtes travailleurs, membres notamment du POP vaudois, un parti auquel
j’ai appartenu durant plusieurs années, ont dû faire face à d’importantes difficultés, aussi bien sur le
plan professionnel que privé, du fait de leurs idées politiques. Parce que leur idéal de société était
différent de la norme, de nombreuses personnes ont, dans ce canton, vu leur vie sinon détruite, au
moins durablement affectée.
Chacun pensera ce qu’il veut de l’idéologie communiste et, a fortiori, de ceux qui y ont adhéré, ou y
adhèrent encore. Il n’en reste pas moins que la chasse aux sorcières qui fut livrée contre une partie de
la population vaudoise, coupable seulement de délits d’opinion, constitue une page sombre de notre
histoire récente qu’il s’agit d’examiner avec courage et responsabilité.
Ces faits amènent plusieurs interrogations. Dès la mise en application de la LASSI, des fonctionnaires
de l’administration cantonale ont-ils été licenciés, ont-ils vu leur avancement en carrière interrompu ou
ralenti, ont-ils fait l’objet de « non-nomination » du fait de leurs idées communistes ou supposées
telles, ou de leur appartenance à une organisation communiste ou affiliée ? Des recherches historiques
indiquent qu’ « à la suite des événements de Budapest, le conseiller d’Etat radical Pierre Oguey tenta
d’obtenir de la Commission de gestion du Grand Conseil une condamnation des enseignants
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