États quantiquesduneutron dansle champ de pesanteur :unlaboratoirepour l’étude de lagravitation
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Leschémade l’expérienceréalisée auprèsduréacteur
de l’ILL àGrenoble parValery Nesvizhevskyetsescolla-
borateurs est présentésur lafigure2 .L’expérienceconsis-
taiten lamesureduflux d’UCN avecune vitesse
horizontale de l’ordrede5à10mparseconde àtravers la
fenteentrelemiroiretl’absorbeur.Unsystème de colli-
mation avantl’installation permetde préparerun
«faisceau»deneutronshomogène en hauteur.
Soulignonslesconditionsparticulièrementcontrai-
gnantesauxquellescetteexpériencedoitsatisfairepour
protégercesystème contretouteperturbation quipuisse
détruirelesétats quantiques.Leflux d’UCN, comme nous
le verronsplus tard,est trèsfaible etimposeune trèsforte
protection de l’ensemble de l’installation contrelesneu-
tronsparasitesqui,aprèsmultiplesdiffusions,peuvent
donnerunimportantbruitde fond.
Unautretype descontraintesfortessontdescontrain-
tesoptiquesetmécaniques.Lemiroir(d’une longueur de
10cm) doitêtredetrèsbonne qualité–sinon larugositéde
lasurfacevacréerdesperturbationschaotiquesintrodui-
santdestransitionsentrelesdifférents niveaux etlesren-
dantinséparables.La distanceentrelemiroiret
l’absorbeur doitêtreajustée etmesurée avecune très
grande précision,de l’ordrede1micron,pour toutelasur-
facedel’absorbeur.Lesvariationsdesconditionsextérieu-
resreprésententune sourcemajeuredeperturbations.
D’une part,le système doitêtreprotégé desvibrations
(bruitsismique,activitéhumaine –mouvementdupont
roulantdanslasalle expérimentale,travail permanentdes
pompesàeauduréacteur outout simplementdéplace-
mentdesexpérimentateurs autour de l’installation).
D’autrepart,il faut concevoirunsystème de nivellement
pour «suivre»en permanenceladirection de l’accéléra-
tion duchamp gravitationnel afin quelemiroirluisoittou-
jours perpendiculaire. Unexpérimentateur quis’approche
de l’installation introduit,parexemple,une modification
duchamp gravitationnel nuisible pour le système étudié.
Lesoleil,quisedéplaceaucours de lajournée,chauffe le
bâtimentduréacteur etintroduitdesvariationspermanen-
tesduniveaudusol de lasalle expérimentale.
L’expériencedoitsedéroulersous vide carlesinter-
actionsélastiques(diffusion sur lesatomesde l’air)etiné-
lastiques(absorption desneutronsparlesatomes
d’hydrogène de l’eau)fontdisparaîtredesUCN sur de très
courtesdistances.Deplus,leschampsmagnétiquespara-
sites(champ terrestre,champscréesparlesmoteurs des
pompesàvide) aveclesquelslesneutronsinteragissent
parl’intermédiairedeleur momentmagnétiquepeuvent
perturberle système quantique.
Découverteexpérimentale
etpremièresétudesdusystème
Comme nous l’avonsdit,lesmouvements horizontaux
etverticaux duneutron peuventêtreconsidéréscomme
indépendants.Lemouvementhorizontal,avecune vitesse
moyenne de l’ordrede5à10m/s,obéitaux loisclassiques
tandisquelemouvementverticalavecdesvitessesde
l’ordredequelquescentimètresparseconde etdesénergies
de l’ordredequelquespeVest unmouvementquantique.
Cemouvementquantiquedevraitsemanifesterdans
le comptage dunombredeneutronsN(Δ z)quipassentà
travers lafenteenfonction de son ouverture. Sansmême
fairedecalculs,on peut s’attendre,en raisonnantdansun
cadrequantique,àdétecterune fonction «enescalier». Si
ladistanceentrelemiroiretl’absorbeur est inférieureàla
taille de lafonction d’onde de l’étatfondamental(égale,
grossomodo,àlavaleur de laposition dupointde rebrous-
sement),aucunneutron ne passeàtravers cettefente. En
revanche,dèsquel’absorbeur dépasselahauteur dupoint
de rebroussement,l’étatpeut «passer». Ceraisonne-
mentrestevalable pour tout étatquantique. Cettefonc-
tion N (Δ z)représentelenombred’états permisparla
mécaniquequantiquepour une ouverturedelafentedon-
née. Ilest clairégalementquelafonction «enescalier»
attendueseralissée parlarésolution spatiale quin’est
bien sûr jamaisparfaite. Notonsquelamécaniqueclassi-
queprévoituntout autrecomportement–sansaucun
changementde régime.
Lesrésultats expérimentaux présentéssur lafigure3
montrentclairementladifférenceentrelecomportement
prévu parlamécaniqueclassique(ligne noire) etl’obser-
vation expérimentale quisuitfidèlementle comporte-
mentquantiqueescompté(ligne rouge). Enparticulier,
on voitexplicitementquelafenteentrelemiroiret
l’absorbeur n’est absolumentpastransparente(le flux est
égalàzéroaubruitde fond près)tantqueson ouverture
est inférieureàapproximativement15 microns(lavaleur
préditeparlamécaniquequantique–laposition dupre-
mierpointde rebroussement). Cesdonnéesmontrent
explicitementle comportementquantiquedusystème et
représententainsiladécouvertedel’étatfondamental.
Lesétats excitésne semanifestentpasd’une façon
aussispectaculairequel’étatfondamental:lafonction en
Figure3–Flux de neutronsobtenulors de lapremièreexpérienceàtravers la
fenteentrelemiroiretl’absorbeur en fonction de leur écart.La ligne rouge
représentelescalculsde mécaniquequantique. La ligne noiredonne le com-
portementclassique.