Les troubles psychiatriques associés à l`autisme et au

le Bulletin scientique de l’arapi - numéro 21 - printemps 2008 43
Résumés des conférences
Le Professeur Mohammad Ghaziuddin a abordé
dans un premier temps une présentation générale
des troubles du spectre de l’autisme ainsi que les
co-morbidités médicales et psychiatriques qui pourraient
toutefois rendre difcile le diagnostic précis. D’après lui,
le diagnostic et l’évaluation de ces troubles peuvent se
dérouler autour de cinq axes différents pour établir une
classication plus pertinente :
1. les troubles cliniques,
2. les troubles de la personnalité et le retard mental,
3. l’anamnèse de la condition médicale,
4. les troubles psychosociaux,
5. l’évaluation du fonctionnement global.
Les co-morbidités psychiatriques les plus fréquemment
associées à l’autisme, selon le conférencier, seraient les
troubles du comportement (ex., TDAH : Trouble de dé-
cit de l’attention/hyperactivité), les troubles de l’humeur
(ex., la dépression), les troubles névrotiques (ex., l’an-
xiété), les troubles psychotiques (ex., la schizophrénie),
les troubles de l’alimentation (ex., l’anorexie mentale)
et les troubles mentaux liés à l’utilisation de substances
psycho-actives.
La deuxième partie de l’exposé s’est focalisée sur la sur-
venue de troubles psychiatriques spéciques, notamment
de trouble de décit de l’attention/hyperactivité (TDAH)
et de la dépression. L’étude de Ghaziuddin et al. (1998)
chez 35 patients atteints d’un syndrome d’Asperger mon-
tre que 65 % de ces patients présentent un trouble psy-
chiatrique associé, dont le TDAH est plus fréquent chez
les enfants et la dépression prédomine chez les adoles-
cents et les adultes.
Plus fréquent chez les garçons que chez les lles, le
TDAH se caractérise par le décit de l’attention, l’impul-
sivité avec ou sans la présence de l’hyperactivité. Le -
but des symptômes se situe souvent avant l’âge de 7 ans.
Les facteurs génétiques et environnementaux pourraient
Les troubles psychiatriques
associés à l’autisme
et au syndrome d’Asperger
résumé de la conférence du Pr. Mohammad Ghaziuddin1
1 Université du Michigan, Ann Arbor, Michigan, Etats-Unis
contribuer à l’apparition de ce trouble. Chez les enfants
atteints d’autisme, les troubles décitaires de l’attention
sont fréquents, ceci pourrait être partiellement lié à leur
difculté à traiter l’information. La prévalence du TDAH
est probablement sous-évaluée chez la population avec un
Trouble Envahissant du Développement (TED) en raison
des difcultés du diagnostic, surtout chez le sous-groupe
avec un retard mental. De plus, les diagnostics d’un TED
et d’un TDAH ne peuvent pas co-exister selon DSM-IV
(mais c’est faux !). Pourtant, si la sévérité du trouble de
l’hyperactivité et de l’impulsivité ne correspond pas au
degré atteint lié à un TED, c’est-à-dire que les symptô-
mes de TDAH sont sévères et persistent, il faut penser à
établir le diagnostic d’un TDAH. Le TDAH est souvent
mélangé avec des comportements oppositionnels et une
instabilité de l’humeur. Ceci peut rendre le diagnostic
plus difcile à établir et peut aussi provoquer des dé-
cits importants dans l’interaction sociale. Avant d’éta-
blir ce diagnostic, il
faut toutefois élimi-
ner la possibilité des
troubles somatiques
et d’autres troubles
psychiatriques (par
exemple, une épilep-
sie, une anxiété, un
problème thyroïdien,
etc.). La combinaison
d’un traitement médi-
camenteux et des thé-
rapies comportementales et éducationnelles visant à la
fois le TDAH et les TED peut souvent être efcace. Une
étude (Aman et al, 2005) montre que 12% des enfants
avec autisme ont eu des prescriptions de médicaments
psychostimulants. Il faut corriger les fausses croyances
que les psychostimulants ont beaucoup d’effets secondai-
res et ne sont pas efcace chez les autistes (c’est faux !).
Pourtant, il faut noter que les effets secondaires des psy-
La prévalence du TDAH
est probablement sous-évaluée
chez la population
avec un TED en raison
des difcultés du diagnostic,
surtout chez le sous-groupe
avec un retard mental.
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Résumés des conférences
chostimulants semblent être un peu plus fréquents chez
les sujets autistes avec retard mental ou épilepsie.
Après la puberté, l’hyperactivité chez les enfants autistes
semble souvent être « remplacée » par une hypo-activa-
tion qui évolue vers une dépression. Dans la population
générale, la dépression est parmi les troubles psychiatri-
ques dont la prévalence est élevée. Elle se caractérise par
une perturbation de l’humeur, de la pensée et du com-
portement. Elle comprend plusieurs sous-groupes dont la
dépression majeure et le trouble bipolaire sont les deux
types les plus fréquemment observés en clinique. Jusqu’à
ce jour, il n’existe que peu d’études sur des échantillons
importants sur la prévalence de la dépression chez la
population atteinte d’un TED. Les études dont on dis-
pose montrent que cette prévalence est autour de 30%
dans le sous-groupe avec un autisme de haut niveau ou
un syndrome d’Asperger et autour de 10% si les sous-
groupes avec un bas niveau de fonctionnement est aussi
inclus. La symptoma-
tologie pourrait aussi
se manifester diffé-
remment : les sujets
avec un haut niveau
de fonctionnement se
présentent plus clai-
rement comme dépri-
més, avec de plus en
plus de retrait social ;
pourtant chez les sujets avec un retard mental, la dépres-
sion se manifeste plutôt par une perte du poids et une
régression des capacités acquises. Il faut également noter
certains caractères spéciques de la dépression chez les
patients avec un TED : une xation de plus en plus évi-
dente de la morbidité, des aspects semblables aux symp-
tômes psychotiques, une augmentation des symptômes
obsessionnels, etc. Pour évaluer la dépression, un exa-
men psychiatrique détaillé est nécessaire : des entretiens
structurés (ex., SADS-PL) et des échelles (ex., Hamilton)
seraient utiles pour le sous-groupe de sujets avec un haut
niveau de fonctionnement ; des entretiens non-structu-
rés ainsi que des échelles spéciques (ex., Reiss Scale
ou Aberrant Behavior Checklist) seraient utiles pour le
sous-groupe de sujets avec un retard mental. Avec toutes
ces ressources, on essaie d’établir nalement un diagnos-
tic pertinent (dit « méthode diagnostique en consensus et
meilleure estimation »).
A propos du traitement, les antidépresseurs surtout les
SSRIs sont les plus fréquemment utilisés. Ce traitement
peut être associé à un psychostimulant chez les patients
présentant à la fois des troubles de l’humeur et de TDAH.
Pour certains cas difciles, un traitement multiple, des
thymorégulateurs ou une électro-convulsivothérapie
pourraient être utilisés.
Le lien entre l’autisme et la schizophrénie a été beaucoup
exploré mais semble être peu réel. Aujourd’hui, ce sont
deux maladies différentes bien qu’elles puissent présen-
ter des symptômes et une trajectoire évolutive sembla-
bles. Toutefois, les sujets autistes avec un haut niveau
de fonctionnement semblent avoir plus de risques pour
manifester des symptômes psychotiques. Les patients
atteints d’un syndrome d’Asperger ont souvent des pen-
sées plus désorganisées par rapport à d’autres sous-grou-
pes de sujets autistes (Ghaziuddin et al. 1995).
La catatonie qui apparaît souvent secondaire à une dé-
pression ou une psychose, se caractérise par un ralentis-
sement et une régression progressive des compétences
acquises voire, dans certains cas, un mutisme. Sans trai-
tement, elle peut conduire à un dysfonctionnement orga-
nique mortel. Elle peut aussi survenir chez les patients
avec autisme à partir de l’adolescence ou au début de
l’âge adulte. Les symptômes commencent souvent par
un ralentissement obsessionnel et une augmentation des
comportements compulsifs. Un traitement par antidé-
presseur peut être efcace si c’est le cas. Dans certains
cas difciles, une électro-convulsivothérapie peut être
utile.
En résumé, les troubles psychiatriques associés à un
trouble envahissant du développement ont souvent des
aspects complexes. Il reste beaucoup à faire. Il nous faut
adopter des protocoles de recherche avec des grands
échantillons ; il nous faut développer des outils d’éva-
luation conçus spéciquement pour la population atteint
d’un TED ; il faut que tout le monde, les parents et les
professionnels, prennent en compte ces co-morbidités
an de développer des moyens (services, spécialistes)
pour mieux les prendre en charge.
Bibliographie
Aman, M.G., Lam, K.S., Van Bourgondien, M.E. (2005).
Medication patterns in patients with autism: temporal, regional,
and demographic inuences, Journal of Child and Adolescent
Psychopharmacolology, Feb;15(1):116-26.
Ghaziuddin, M., Leininger, L., Tsai, L. (1995). Brief report:
thought disorder in Asperger syndrome: comparison with high-
functioning autism, Journal of Autism and Developmental
Disorders, Jun;25(3):311-7.
Ghaziuddin, M., Weidmer-Mikhail, E., Ghaziuddin, N. (1998).
Comorbidity of Asperger syndrome: a preliminary report,
Journal of Intellectual Disability Research, Aug;42 ( Pt 4):279-
83.
Après la puberté,
l’hyperactivité chez les enfants
autistes semble souvent
être « remplacée » par une
hypo-activation qui
évolue vers une dépression.
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