L’islam par ailleurs a servi de réponse aux conséquences des politiques d’ajustement
structurel des années 1990 qui ont dévasté les systèmes sociaux: l’école et la santé publique
en Afrique. Les populations se sont alors retournées vers les institutions de substitution
financées par les monarchies du Golfe.
Enfin il faut savoir que la charia -on peut certes en contester les préceptes-, apporte une
réponse juridique dans des pays ou des régions confrontés à la corruption, à l’arbitraire ou à
l’absence de l’Etat: N’oublions pas qu’au Nigeria, l’armée et la police sont responsables d’un
très grand nombre d’exactions à l’encontre de la population. Et dans le nord du Mali, une
partie des habitants a dans un premier temps accueilli favorablement l’arrivée des groupes
islamistes comme Ansar Eddine ou le Mujao.
Pour moi, les questions agraire et foncière sont plus graves que l’islam radical, en particulier
dans le contexte des graves sécheresses qui frappent le Sahel et déstabilisent les droits d’usage
de la terre ou de l’eau, notamment entre pasteurs et agriculteurs et entre les pêcheurs du fleuve
Niger.
L’Afrique semble quand même confrontée à un essor des groupes islamistes armés?
Là aussi il faut relativiser. Tous ces mouvements sont très différents les uns des autres. Aqmi
est aujourd’hui un mouvement transnational bien qu’essentiellement formé à l’origine de
combattants algériens. Au Nigeria, Boko Haram, un mouvement qui s’inscrit dans la tradition
millénariste locale, s’appuie sur une base sociale d’anciens esclaves, de populations très
pauvres et à demi-lettrées. Ansar Eddine et le Mujao ont été investis par des chefs de lignage
touaregs, aussi bien que par des citadins ou des paysans du nord du Mali et par des islamistes
mauritaniens.
Il existe une grande mobilité des combattants entre tous ces groupes, une grande fongibilité
entre eux. Ce qui est à la fois préoccupant et rassurant: cela les rend difficile à contrôler, mais
en même temps l’engagement d’une grande partie des militants de ces mouvements est
susceptible d’évoluer rapidement, comme l’ont montré les divisions d’Ansar Eddine après le
début de l’intervention française au Mali.
Je pense que les mouvements djihadistes finiront par se heurter à l’islam des confréries et de
l’establishment, même s’ils ont pu bénéficier d’une vraie audience locale, qu’ils ont ruinée de
par leurs excès. Au fond, l’islam est moins le problème que la solution, à terme.
Le business des otages, alimenté par les rançons payées par les Occidentaux,
est très florissant au sud du Sahara, sans qu’il soit politiquement ou
islamiquement orienté
Pour vous, le danger vient d’ailleurs…
En effet. Les djihadistes ne constituent qu’une petite partie des acteurs de l’instabilité
régionale. Le banditisme est lui aussi en plein essor, y compris dans le Sud chrétien du
Nigeria, notamment dans le delta du fleuve Niger, au détriment des compagnies pétrolières.
D’où la difficulté d’interpréter la prise d’otages dans le nord du Cameroun. S’agit-il d’un acte
politique imputable aux islamistes, ou d’un kidnapping purement crapuleux de la part des
coupeurs de route qui y sévissent depuis des décennies, sont souvent en relation avec les
autorités locales et qui, éventuellement, chercheraient à monnayer leurs prisonniers sur le