La référence pour le choix des contenus de biologie à enseigner dans un programme d’études collégial Texte produit pour le Colloque du Consortium Université de Sherbrooke et les Collèges de Sherbrooke, de la Montérégie et de la Beauce par Nicole Bizier Janvier 2004 Dans le domaine des sciences biologiques, sur quoi devons-nous mettre l’accent dans la formation collégiale? Pour répondre à cette question, rappelons d’abord les énoncés de compétences reliées à la discipline biologie : 9 Développer une vision intégrée du corps humain et de son fonctionnement. 9 Relier les désordres immunologiques et des infections aux mécanismes physiologiques et métaboliques. Les termes employés ici sont d’une grande importance. « Développer une vision intégrée et relier des désordres immunologiques signifient comprendre et expliquer des mécanismes qui assurent l’homéostasie de l’organisme humain, et ce, en vue de l’intervention clinique ». Ainsi, l’étudiant doit, au terme de sa formation collégiale, avoir une conception du corps humain ayant des systèmes en interrelation, agissants en réaction les uns aux autres de façon à maintenir l’homéostasie. On comprend que la notion de système revêt également une grande importance, un système étant « un ensemble d’éléments en interaction dynamique organisée en fonction d’un but » (Rosnay, 1975). Ainsi, les informations relatives à chacun des différents systèmes biologiques sont abordées à partir des éléments suivants : 9 Les fonctions particulières du système, c’est-à-dire, les tâches que doit accomplir un système pour rendre compte de sa finalité propre; 9 Les éléments constitutifs du système; 9 Les principes organisateurs régissant le fonctionnement du système et sa régulation en identifiant : o Les intrants que requiert le système pour remplir ses fonctions particulières; o Les processus utilisés pour le traitement des intrants ou les moyens utilisés par le système pour remplir ses fonctions particulières; o Les extrants résultant des processus utilisés (les extrants pouvant être des intrants dans d’autres systèmes); 9 Les interrelations avec les autres systèmes par rapport aux équilibres biologiques de l’organisme (hydrique, électrolytique, acido-basique, énergétique, thermique et immunologique). La compréhension de ces éléments revêt une grande importante non seulement pour les étudiantes, mais également pour tout/e enseignant/e qui enseigne dans un programme de soins infirmiers, car ils seront réinvestis dans les compétences d’interventions cliniques : 9 Interpréter une situation clinique en se référant aux pathologies et avec les problèmes relevant du domaine infirmier; 9 Établir des liens entre la pharmacologie et une situation clinique; 9 Toutes les compétences d’interventions cliniques telles que : intervenir auprès… La référence pour le choix des contenus de biologie à enseigner dans un programme de soins infirmiers 2 Colloque Consortium Université de Sherbrookeet les Collèges de Sherbrooke, de la Momtérégie et de la Beauce, Janvier 2004 Pour permettre un réinvestissement optimal des fondements biologiques, la table des sciences biologiques a élaboré le modèle d’intégration des fondements biologiques que voici : Modèle d’intégration des fondements biologiques L’histoire du patient* Homéostasie affectent Facteurs de risque et d’étiologie engendrent Désordre ou pathologie intervient sur le maintien ou rétablissement de l’homéostasie Signes et symptômes reconnus à l’aide de Épreuves diagnostiques agit sur Thérapeutique *L’histoire du patient : se manifeste par agit sur -âge - niveau de développement (physique, intellectuel, moral, affectif et social) - pathologie Table fondements biologiques /Consortium - antécédents Université de Sherbrooke-Estrie-Montérégie-Beauce - état affectif - environnement Schéma 1 : Modèle d’intégration des fondements biologiques, Consortium Université de Sherbrooke et les Collèges de Sherbrooke, la Montérégie et de la Beauce, Table 2 Alors, pour être en mesure d’interpréter une situation clinique il faut comprendre en quoi des facteurs viennent affecter l’homéostasie pour créer un désordre, comprendre pourquoi il se manifeste par tels signes et symptômes, comprendre en quoi les résultats des épreuves diagnostiques reflètent le déséquilibre de l’homéostasie, comprendre en quoi le traitement médical permet le maintien ou le rétablissement de l’homéostasie. Et tout cela sur fond de l’histoire du patient. Ce modèle donne des indications quant aux notions à réinvestir et la profondeur de cet investissement, car la logique utilisée est celle de situations professionnelles (didactique) plutôt que celui de la logique disciplinaire (contenu). Le réinvestissement se fait par l’étude d’un problème de santé à partir de situations cliniques authentiques rencontrées dans la pratique des soins. Ainsi, les notions de biologie acquises seront réinvesties dans l’élaboration d’interventions cliniques en fonction des différentes composantes d’une situation La référence pour le choix des contenus de biologie à enseigner dans un programme de soins infirmiers 3 Colloque Consortium Université de Sherbrookeet les Collèges de Sherbrooke, de la Momtérégie et de la Beauce, Janvier 2004 clinique : facteurs de risque et facteurs d’étiologie, signes et symptômes, épreuves diagnostiques, traitement et complications possibles et des problèmes qui relèvent du domaine infirmier. Il faut comprendre que l’intervention infirmière découle de la compréhension des éléments de ce modèle. Cependant, il faudra intervenir directement sur ces notions au moment du développement des compétences d’interventions si l’on veut que le transfert se produise. Il ne faut surtout pas croire que le seul fait de les comprendre en assure automatiquement le transfert dans l’intervention clinique. L’acquisition de connaissances dans un cours de biologie n’est pas à elle seule une assurance que l’étudiante utilisera ces connaissances lors de situations cliniques. C’est dans la façon de faire apprendre et dans le réinvestissement à plusieurs reprises que réside le succès du transfert des apprentissages. Pour répondre à cette question, j’aborderai également la notion de didactique à l’intérieur de l’approche par compétence. Quand on parle de didactique, on réfère aux caractéristiques des objets d’enseignement, aux conditions d’appropriation des savoirs par une clientèle donnée et aux interventions d’enseignement à mettre en place pour faire apprendre. Historiquement, la didactique s’est développée en lien avec les disciplines scientifiques. La formation professionnelle et plus près de nous l’approche par compétences sont venues bousculer la logique disciplinaire. Puisque les savoirs professionnels sont constitués de pratiques sociales provenant de sources pluridimensionnelles, ils ne peuvent être enseignés à partir d’une ou d’une combinaison de didactiques disciplinaires (Danielle Raymond, 2001). De plus en plus, il est documenté dans la littérature qu’une discipline des savoirs professionnels est nécessaire et possible, mais elle doit obéir à une autre logique, soit celle des situations professionnelles ou des situations de travail (Raisky et Loncle, 1993, dans Danielle Raymond, 2001). Voici une figure qui illustre ce propos : La référence pour le choix des contenus de biologie à enseigner dans un programme de soins infirmiers 3 Colloque Consortium Université de Sherbrookeet les Collèges de Sherbrooke, de la Momtérégie et de la Beauce, Janvier 2004 Finalités Enjeux Valeurs Savoirs pratiques Actes Professionnels (décisions et faits techniques) Savoirs professionnels Savoirs scientifiques Situation professionnelle Apprenant Formateur Place des savoirs professionnels dans les savoirs didactiques (Danielle Raymond, Faculté d’éducation, Université de Sherbrooke d’après Raisky et Loncle, 1993, p. 346) Schéma 2 : Le nouveau triangle didactique dans le contexte de la didactique professionnelle selon Raisky et Loncle On voit dans cette figure l’importance que revêt la situation professionnelle dans le triangle didactique recréé par Raiski et Loncle pour tenir compte de la dynamique de la situation professionnelle. Cette situation est composée d’éléments qui interagissent de façon dynamique et c’est cette dynamique qu’il faut tenter de reproduire pour que l’apprentissage ait lieu. La sélection des savoirs et de leur sens sont inscrits à l’intérieur de la situation professionnelle, elle-même orientée en fonction de finalités, la plupart du temps sociales, d’enjeux souvent vitaux et de valeurs de référence pour le milieu de pratique (rigueur, curiosité, capacité de se questionner, de communiquer ses connaissances,...). On peut voir également que les savoirs se nourrissent les uns les autres et augmentent le répertoire des savoirs de l’étudiant. En formation professionnelle, il est nécessaire de créer des voies d’accès particulières aux savoirs scientifiques, autant pour choisir ceux qui sont directement pertinents que pour les transformer de manière à ce qu’ils soient utilisables pour agir en situation professionnelle et comprendre ce que l’on fait. On enseignera peut-être moins de notions ou de connaissances, mais leur choix sera d’autant plus pertinent qu’il aura été fait en référence aux situations professionnelles les plus typiques dans lesquelles les compétences à développer se manifestent. La référence pour le choix des contenus de biologie à enseigner dans un programme de soins infirmiers 3 Colloque Consortium Université de Sherbrookeet les Collèges de Sherbrooke, de la Momtérégie et de la Beauce, Janvier 2004 Enseigner dans une logique de formation professionnelle signifie que les enseignants de soins infirmiers s’assoient avec les enseignants de biologie et partagent avec eux sur les situations cliniques rencontrées dans la pratique qui font appel aux notions de sciences biomédicales. Ces situations professionnelles authentiques sont analysées afin de ressortir les notions, concepts et mécanismes provenant des sciences biologiques expliquant la brisure dans l’homéostasie et le désordre à l’aide du modèle d’intégration des fondements biologiques présenté. Des moments d’intégration suite à l’étude de quelques systèmes en interrelation, comme les systèmes cardiaque et respiratoire, devraient être aménagés pour permettre l’intégration et le transfert à des situations cliniques. Certains grands désordres pourraient y être étudiés tels que l’œdème, l’hypovolémie, l’acidose ou l’alcalose respiratoire ou métabolique. Par ailleurs, pour développer la capacité « D’interpréter une situation clinique, d’établir des liens ou d’intervenir auprès d’une clientèle, nous devons placer les étudiantes face à des situations cliniques qui comportent la dynamique des situations professionnelles comme le suggère Raisky et Loncle. Comme dans la réalité, ces situations d’apprentissage doivent permettre aux étudiantes d’interpréter en référant à leurs connaissances biologiques afin d’identifier les hypothèses de problèmes, de choisir les interventions adéquates, et ce, à plusieurs reprises de façon à ce que le transfert des notions acquises dans les cours de biologie ait lieu. Et même à cela, lors des stages, il faudra demander aux étudiantes de référer à ses connaissances biologiques verbalement ou sous une autre forme pour augmenter les probabilités de transfert. Différentes approches peuvent être utilisées s’inspirant de l’approche par problèmes (APP) ou de la résolution de problèmes (ARP) ou toute autre approche qui place l’étudiant en action dans l’utilisation de ses connaissances. En ce sens, comme ces pratiques exigent plus de temps. il faut préférer la profondeur à l’exhaustivité donc les problèmes de santé qui illustrent le mieux plusieurs concepts de biologie étudiés et qui sollicitent les habiletés d’interprétation tout en privilégiant la profondeur. Le triangle didactique de Raisky et Loncle peut servir de référence pour le choix des contenus de toutes les disciplines impliquées dans la formation des infirmières y compris la discipline principale. Et voilà, j’espère avoir tracé les grandes orientations quant aux éléments sur lesquels la formation collégiale doit mettre l’accent au niveau du domaine des sciences biologiques : développer une vison intégrée du corps humain, développer la capacité de faire des liens et développer l’habileté d’interpréter les situations cliniques en vue de l’intervention infirmière auprès des différentes clientèles. La référence pour le choix des contenus de biologie à enseigner dans un programme de soins infirmiers 3 Colloque Consortium Université de Sherbrookeet les Collèges de Sherbrooke, de la Momtérégie et de la Beauce, Janvier 2004