Marcel Mauss et la sociologie de la religion

publicité
social
co
compass
52(2), 2005, 255–271
Renata MENEZES
Marcel Mauss et la sociologie de la religion
Si pour les anthropologues et les ethnologues, l’importance de Marcel Mauss est
e´vidente, pour les sociologues de la religion il est parfois rele´gue´ au second plan,
quelque peu occulte´ par la figure de son oncle, Emile Durkheim. Dans la litte´rature des sciences sociales, les travaux de Mauss sur les religions sont cite´s
comme importants mais de´passe´s sur le plan the´orique. Ou bien ils sont conside´re´s comme de simples applications à des situations concre`tes des the´ories
durkheimiennes du sacre´. L’auteure avance quelques observations sur les
spe´cificite´s et l’actualite´ du travail de Mauss. Dans le contexte actuel de surgissement de nouveaux mouvements religieux et d’autres pratiques non institutionnalise´es et par sa proble´matisation des frontie`res du religieux, son œuvre offre
d’innombrables e´le´ments utiles à la construction d’un arsenal the´orique et
d’objets pouvant contribuer à la compre´hension de cette re´alite´.
Mots-clés: Marcel Mauss . sociologie des religions . sociologie française . the´orie
sociologique
If for anthropologists and ethnologists the importance of Marcel Mauss is
evident, for sociologists of religion he is sometimes relegated to the background,
somewhat overshadowed by the figure of his uncle, Emile Durkheim. In the
literature of the social sciences, works by Mauss on religions are cited as important but outmoded on a theoretical level, or else they are considered to be simple
applications of Durkheimian theories of the sacred to concrete situations. The
author offers a few observations on the specificities and relevance of Mauss’s
work. In the present context, witnessing a rise in new religious movements
and other non-institutionalized practices, and due to the problematization of
the limits of the religious, his work offers innumerable elements useful in the
construction of a theoretical arsenal and of objects capable of contributing to
understanding that reality.
Key words: French sociology . Marcel Mauss . sociological theory . sociology of
religion
La question de la contribution de Marcel Mauss à la sociologie de la religion,
simple en apparence, est en fait susceptible de susciter un débat très stimulant
et intéressant et pourrait faire l’objet d’une thèse de doctorat. Le but de cet
article est d’apporter l’une des réponses possibles à cette question en présentant quelques clés de lecture introductrices et d’inciter les étudiants intéressés
DOI: 10.1177/0037768605052606
http://scp.sagepub.com
& 2005 Social Compass
Downloaded from scp.sagepub.com at PENNSYLVANIA STATE UNIV on September 17, 2016
256
Social Compass 52(2)
par le sujet à approfondir leur connaissance de l’auteur, mais il n’a pas la
prétention de clore le débat. L’une des richesses de l’œuvre de Mauss est précisément la capacité qu’elle a de se renouveler sans cesse en fournissant des
éléments de réflexion à des générations successives qui, touchées par elle,
élargissent l’horizon des sciences sociales.
1. L’œuvre: dispersion et ampleur
Marcel Mauss (1872–1950), neveu et héritier de Durkheim dans la direction
de l’Ecole française de Sociologie,1 est unanimement reconnu pour trois contributions importantes au moins. Il est appelé ‘‘le père de l’ethnologie’’ en
France, l’homme qui a favorisé les conditions institutionnelles et intellectuelles de la professionnalisation du travail de terrain dans ce pays. Il est
aussi connu comme l’auteur du célèbre Essai sur le Don (1925), étude sur
les formes de l’échange et du contrat dans les sociétés primitives, qui est
devenu le point de départ des débats sur la réciprocité, l’une des questions
fondamentales de l’anthropologie sociale. Sa troisième contribution, également dans l’Essai sur le Don, concerne le traitement des faits sociaux
comme totaux. La formulation de Mauss a rendu complexe la définition
antérieure de Durkheim, écrite dans les Re`gles de la Me´thode Sociologique
(1895), et elle a permis un approfondissement dans la perception de la dynamique et de l’articulation des divers domaines de la vie sociale.2
Toutefois, ces images relèguent au second plan les contributions relatives
aux études des religions, thématique dans laquelle Mauss s’est spécialisé
dès le début de sa carrière et à laquelle il est resté attaché durant toute sa
vie professionnelle (Mauss, 1996: 227). Dans la littérature des sciences
sociales, ses travaux sur les religions sont cités comme importants mais
datés, c’est-à-dire dépassés par des analyses et des concepts ultérieurs, ou
bien ils sont considérés comme de simples applications à des situations
concrètes des théories durkheimiennes du sacré (Lukes, 1968: 79).3
La dilution des contributions de Mauss à la sociologie de la religion n’est
pas due au hasard. D’un côté, elle est le résultat d’un impersonnalisme volontaire qui a marqué les membres de l’Ecole française de Sociologie. Ces
derniers proposaient la division du travail intellectuel et la réalisation de travaux en commun à partir des spécialisations de chacun. Cette pratique était si
inédite qu’elle est même devenue l’un des signes distinctifs de ce groupe.4
D’un autre côté, il faut tenir compte de l’importance accordée à la synthèse
durkheimienne, laquelle a placé ses collaborateurs à l’arrière-plan (HervieuLéger, 2001: 159). Mais il faut aussi savoir que l’accès difficile à la production
écrite de Mauss a beaucoup contribué à sa sous-estimation.
Grosso modo, on pourrait distinguer trois moments dans sa carrière. La
jeunesse tout d’abord, comprend sa formation professionnelle, la publication
des premiers articles, le recrutement des collègues pour le projet durkheimien,
la collaboration à l’édition de la Revue Anne´e Sociologique (1898–1913)—
en tant que responsable, avec Henri Hubert, de la section de sociologie
religieuse—et le début de ses activités de professeur à l’Ecole Pratique des
Hautes Etudes (EPHE) en 1901. Dans cette phase, qui s’est terminée avec
Downloaded from scp.sagepub.com at PENNSYLVANIA STATE UNIV on September 17, 2016
Menezes: Marcel Mauss et la sociologie de la religion
257
la Première Guerre Mondiale (1914–1918), durant laquelle Mauss a assumé
le rôle de combattant, il s’est presque exclusivement consacré à la thématique
de la religion.
La Grande Guerre a causé la désintégration de l’Ecole française de Sociologie. En effet, la plupart des collaborateurs de Mauss sont morts sur les
champs de bataille.5 Ainsi, quand Mauss est retourné à Paris en 1918, il
est devenu le chef et l’héritier intellectuel du groupe. La seconde phase de
sa carrière a débuté alors. Il s’est occupé de la publication d’une nouvelle
série de l’Anne´e Sociologique, de la publication des œuvres posthumes de certains de ses collègues et de la défense de la sociologie dans divers milieux.
Durant cette phase, il a aussi publié l’Essai sur le Don qui est considéré par
divers auteurs comme étant son chef-d’œuvre.6 En 1925, il a créé avec Paul
Rivet et Lucien Lévy-Bruhl l’Institut d’Ethnologie (IE) de l’Université de
Paris, où il a commencé à enseigner l’année suivante, afin d’assurer la formation des ethnologues. La deuxième phase prendra fin avec son élection à la
chaire de sociologie du Collège de France (CF) en 1930.
Son entrée dans l’olympe de la vie académique française symbolisait simultanément la consécration de Mauss comme intellectuel et de la sociologie
comme forme de connaissance. Durant cette étape de sa carrière, Mauss
s’est partagé entre l’enseignement dans trois instituts (EPHE, IE, CF), la
participation à diverses associations scientifiques, la publication de courts
articles—essentiellement des résumés de ses séminaires et de ses communications dans des colloques et des congrès—et la mobilisation politique et intellectuelle des années 30, période marquée par la tension qui a précédé la
Deuxième Guerre Mondiale (1939–1945). Ses activités publiques ont été
interrompues en 1940, au moment où l’occupation allemande a provoqué
en France l’expulsion des juifs de l’appareil d’Etat,7 parmi lesquels se trouvait Mauss. Les pertes successives, tant affectives que professionnelles, ont
fini par affecter sa raison et par empêcher son retour à l’université après la
guerre (Cardoso de Oliveira, 1979: 12–19; Dumont, 1983: 171–173; Fournier,
1994: 842–844).
Jusqu’à sa mort, en 1950, il avait écrit un grand nombre d’essais, de comptes rendus, de communications dans des colloques, ainsi que des articles
relatifs à la militance socialiste et divers manuscrits inachevés mais il n’avait
publié qu’un seul livre, Me´langes d’Histoire des Religions, paru en 1909, écrit
avec Henri Hubert.8 Les textes n’étaient pas à la portée du grand public et
Mauss était principalement connu comme enseignant. Cette dispersion de
son œuvre a contribué à renforcer l’image d’un intellectuel brillant mais
qui n’était pas en mesure de produire une théorie significative synthétisée
dans une étude monographique ou dans une thèse (Lukes, 1996: 44).
A la suite d’une série de publications, l’ensemble de son œuvre est progressivement devenu accessible à tous. En 1947, Denise Paulme, son ancienne
étudiante, à partir de ses propres notes, a édité les séminaires à l’Institut
d’Ethnologie sous la forme d’un manuel pour le travail de terrain. En
1950, Georges Gurvitch et Claude Lévi-Strauss publièrent Sociologie et
Anthropologie, afin de divulguer ce que tous deux considéraient comme ses
principaux essais.9 Toutefois, ce livre, malgré son énorme succès, ou précisément en raison de son succès, finit par provoquer une sorte de fétichisation
Downloaded from scp.sagepub.com at PENNSYLVANIA STATE UNIV on September 17, 2016
258
Social Compass 52(2)
de quelques textes10 de Mauss, qui furent considérés dès lors comme étant une
synthèse de sa pensée, en réalité beaucoup plus large. C’est seulement 18 ans
plus tard, grâce au travail de Victor Karady, que la production de Mauss
prendra véritablement forme dans les trois tomes des Œuvres, respectivement
intitulés: Les fonctions du sacre´, Repre´sentations collectives et divisions de la
sociologie, Cohe´sion sociale et divisions de la sociologie.11 La première biographie détaillée ne fut publiée qu’en 1994 par Marcel Fournier qui utilisa
la documentation des fonds Hubert–Mauss du Collège de France. Trois
ans après, en 1997, le même auteur publia les textes politiques de Mauss,
fruit de sa militance dans les mouvements socialistes et coopératifs qu’il
poursuivit pendant des décennies parallèlement à ses activités universitaires.12 Enfin, en 1998, Fournier et Philippe Besnard publièrent la correspondance entre l’oncle et le neveu (pour ces éditions, voir la bibliographie
à la fin de cet article).
Les publications des travaux de Mauss ont ouvert la voie à une évaluation
qualitative et quantitative plus précise, à partir de paramètres plus concrets.13
Il est devenu manifeste que, même si son œuvre n’avait pas un caractère
systématique, elle offrait une infinie possibilité de développement dans de
multiples directions, en raison des références directes ou indirectes aux
grands thèmes, aux débats, aux théories et aux auteurs des sciences sociales
durant plus de 40 années, au moment précis de la constitution de la discipline.14 A partir d’une analyse globale de son œuvre, quelques auteurs
mirent en évidence l’originalité de Mauss au niveau ‘‘socio-ontologique’’
(Caillé, 1996: 187), par sa manière singulière de ‘‘produire la connaissance’’
(Cardoso de Oliveira, 1979: 23) et ils lui attribuèrent une place centrale dans
la construction de la sociologie de la religion et de la sociologie en général
(Caillé, 1996: 186; Tarot, 1996, 1999). Pour eux, sans ‘‘l’artisanat intellectuel’’ de Mauss, Durkheim n’aurait jamais été capable de réaliser ses grandes
synthèses.15
2. La religion dans l’ensemble de l’œuvre
Les caractéristiques générales de l’œuvre et de la carrière de Mauss ont mis en
évidence le rôle fondamental qu’il a joué pour les sciences sociales, ainsi que
l’articulation du contexte historique avec sa production intellectuelle. Pour la
suite de cet article, nous avons détaché de l’ensemble de son œuvre la thématique de la religion et tenté de dégager quel a été son apport spécifique.
Au moment où les durkheimiens commencèrent à défendre leurs idées dans
le monde universitaire, l’étude de la religion était un champ en ébullition,
dynamisé par une série de découvertes: la traduction et la publication des
textes classiques des religions orientales, les découvertes archéologiques sur
l’Assyrie et Babylonie, qui ont bouleversé les interprétations de l’Ancien
Testament; la colonisation et l’évangélisation en Afrique et Asie, qui ont
apporté aux schémas occidentaux d’explication de nouvelles informations
sur les religions des ‘‘primitifs’’ et leur répertoire de mythes et de rituels
(Fournier, 1994: 82–83).
Downloaded from scp.sagepub.com at PENNSYLVANIA STATE UNIV on September 17, 2016
Menezes: Marcel Mauss et la sociologie de la religion
259
En France, la transition entre les 19ème et 20ème siècles a été marquée par
la formation de la laı¨cite´, c’est-à-dire par l’autonomisation de la République
face aux questions confessionnelles. L’Etat a alors garanti au citoyen la
liberté de ses choix et de ses pratiques dans le domaine religieux, mais les religions devenaient du ressort de la sphère privée et leur rôle dans la vie publique n’était plus que résiduel (Fournier, 1994: 82–100). Cette transformation
radicale n’a pas été sans conséquences sur l’université: en 1885, la théologie a
été retirée de la Sorbonne et l’étude des religions a été confiée (et, en un sens
aussi, confinée) à la V e section de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, la
section des Sciences religieuses, créée pour produire une connaissance scientifique sur le sujet. Par scientifique, on comprend une connaissance indépendante des autorités religieuses ou des idéologies, fondée sur le modèle de
liberté et d’autonomie des sciences de la nature. C’est une recherche libre et
impartiale de la vérité, sans apologies (Fournier, 1994: 88; Tarot, 1999: 330).
Toutefois, ces principes généraux ont donné lieu à des interprétations
divergentes, du fait que, même dans un champ intellectuel apparemment
laı̈cisé comme l’était celui de la France, les conceptions relatives aux phénomènes religieux n’étaient pas impartiales. De manière schématique, on y
trouvait deux positions opposées. D’un côté, les conservateurs, les partisans
de la religion ou du sacré en tant que faits incontestables de la nature
humaine, soit par une nécessité innée ou psychologique de transcendance,
soit par la force de la manifestation divine, présente sous une forme incontournable chez tous les êtres humains. La plupart de ces conservateurs étaient
croyants et, pour eux, les sciences de la religion devaient contribuer à une
compréhension toujours plus profonde de la révélation (Tarot, 1999: 192
et s.). De l’autre côté, il y avait le bloc libéral, laı̈c, anti-religieux, marqué
par la tradition des Lumières, pour lequel la religion ne serait qu’une
erreur, une illusion causée par le primitivisme ou l’irrationalité de la pensée
humaine (au moins d’une partie de l’humanité), une étape qui devait être
dépassée avec l’appui des sciences. L’étude de la religion devenait pour eux
une entreprise de réfutation (Tarot, 1999).
Face à cette polarisation, les durkheimiens offraient une possibilité intermédiaire de traitement de la question, une voie du milieu. En envisageant
la question du lien social, ils reconnaissaient l’importance historique, sociale
et culturelle de la religion dans le maintien et la création de ce lien, et le transformèrent en un objet privilégié d’analyse.16 Pour eux, la religion est un phénomène social réel, significatif.
L’orientation de Mauss vers ce champ en ébullition a été délibérée:
C’est par goût philosophique et aussi par destination consciente que, sur l’indication
de Durkheim, je me spécialisai dans la connaissance des faits religieux et m’y consacrai
presque entièrement pour toujours. . . . Nous cherchions ensemble à placer ma force au
meilleur endroit pour rendre service à la science naissante et combler les plus graves
lacunes. Les études d’institutions, famille, droit, nous semblèrent à tous deux suffisamment poussées, sauf sur un point . . . Seuls le rituel oral et l’idéation religieuse nous
paraissaient pour ainsi dire intouchés. (Mauss, 1996: 230)
Pour des raisons stratégiques, Mauss a donc assumé la mission d’appliquer la
méthode sociologique aux phénomènes religieux. Afin de réaliser cette tâche,
Downloaded from scp.sagepub.com at PENNSYLVANIA STATE UNIV on September 17, 2016
260
Social Compass 52(2)
il a planifié sa formation et a construit un ensemble de connaissances qu’il a
mis à la disposition de l’Ecole française de Sociologie. Après ses études de
philosophie à Bordeaux, sous la direction de Durkheim, Mauss a passé
l’agrégation et est devenu étudiant à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes,
institut destiné à la formation des chercheurs. Il a alors étudié la linguistique
comparée indo-européenne, la philosophie sanskrite et pâli, la littérature
ancienne, l’histoire des religions, l’archéologie et l’histoire de l’Inde, l’hébreu,
les religions primitives ainsi que le bouddhisme avec les meilleurs spécialistes
de l’époque (Louis Finot, Sylvain Lévi, Antoine Meillet, Israël Lévy, Alfred
Boucher). Il a effectué également des séjours de recherche en Hollande et en
Angleterre. Ses études incluaient le grec classique et le latin, des langues de
l’Océanie et de l’Afrique et des connaissances du Talmud et de la Bible (en
partie en raison de ses origines familiales, étant donné qu’il était descendant
d’une longue lignée de rabbins). De plus, il dominait l’anglais, le néerlandais
et l’allemand, les trois langues principales qui étaient utilisées dans le débat
sur la religion de l’époque (Condominas, 1972a: 121; Mauss, 1996: 230).
Très vite, Mauss occupa une position centrale dans ce débat: sa première
publication parut dans une revue spécialisée, la Revue de l’histoire des
religions17 et, à 29 ans, il devint professeur d’histoire des religions des peuples
non civilisés à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, haut lieu de l’étude
scientifique de la religion en France, où lui-même avait étudié. Dès sa leçon
inaugurale, il n’hésita pas à se démarquer de ses pairs: ‘‘Il n’existe pas de
peuples non civilisés. Il n’existe que des peuples de civilisations différentes’’
(Mauss, 1969a: 229–230).
Mauss s’est tout d’abord occupé de définir l’état de l’art, c’est-à-dire de
réexaminer les théories en vigueur, d’établir leur degré d’applicabilité, de clarifier la terminologie utilisée et d’élaborer ses propres définitions, afin de protéger la sociologie naissante des pré-notions originaires du sens commun,
marquées par la tradition juive chrétienne (Karady, 1968: xxiii). Dans cet
objectif, l’analyse de la production internationale qu’il a régulièrement
réalisée pour l’Anne´e Sociologique avec Hubert, a été un véritable laboratoire.
Mauss a lu attentivement des centaines d’œuvres, dans un travail simultanément érudit et artisanal, en construisant sa propre pensée par la confrontation avec les autres auteurs.18 Ses connaissances en linguistique et en
philologie lui ont permis d’aller directement aux sources, pour discuter les
interprétations, refaire des schémas explicatifs et démontrer la fragilité de
quelques-uns d’entre eux qui étaient fondés sur des reconstructions hypothétiques, et non sur des faits scientifiquement vérifiés.19 A la demande de
Durkheim, il s’est consacré à l’analyse des œuvres d’anthropologie sociale
anglaise, pour évaluer l’utilité du volume croissant de données ethnographiques en cours de production. Enchanté des possibilités de prouver empiriquement les données grâce à ce type de matériel, Mauss s’est converti à
l’ethnologie de terrain. Contrairement à l’histoire (limitée aux sources écrites
disponibles) ou à l’ethnologie de cabinet (qui établissait des relations
hypothétiques entre des faits enregistrés par des agents divers, sans contact
direct avec le peuple étudié), cette ethnologie de terrain permettait la confrontation in loco des informations présentées.20
Downloaded from scp.sagepub.com at PENNSYLVANIA STATE UNIV on September 17, 2016
Menezes: Marcel Mauss et la sociologie de la religion
261
Dans ses essais, Mauss s’est confronté aux questions obligatoires de
l’époque—le fétichisme, le totémisme, le sacrifice, les concepts de sacré, de
religion, de magie, de mythes et de rites. Il a traité ces questions de manière
polémique, les a éloignées si nécessaire ou les a reformulées, mais, dans tous
les cas, il a provoqué une redéfinition du débat mondial en créant un réseau
de discussions et d’échanges d’informations.21
Il est possible d’illustrer concrètement ses procédures à partir de la trilogie
classique produite dans la première phase de sa carrière. Il s’agit des textes
sur le sacrifice, la magie (les deux essais écrits en collaboration avec
Hubert) et la prie`re,22 chacun sur un thème consacré aux théories de la religion (il faut souligner qu’ils sont utilisés ici comme une démonstration des
analyses de Mauss et de sa manière de travailler, et non comme un résumé
de sa pensée).
Dans Le Sacrifice, Mauss et Hubert font l’analyse de l’un des rites religieux
les plus caractéristiques, en choisissant l’anthropologie sociale anglaise pour
interlocuteur (Tylor, Frazer et surtout Robertson Smith). Ils jugent impossible d’écrire une histoire du sacrifice en l’absence de sources appropriées
et ils optent pour un schéma général du sacrifice à partir des exemples concrets extraits des textes védiques et sémitiques. Ils élaborent une définition
initiale du sacrifice, compris comme ‘‘un acte religieux qui, par la consécration d’une victime, modifie l’état de la personne morale qui l’accomplit ou
de certains objets auxquels elle s’intéresse’’ (Mauss, 1968: 205). Ensuite, ils
essaient d’identifier ses agents (sacrifiant, sacrificateur, victime) et ses
étapes (entrée, destruction de la victime, sortie), en décrivant les variations
possibles du schéma en relation avec les objectifs poursuivis pour chaque
cérémonie.
Du point de vue théorique, ils ont tenté de s’opposer à la vision de Tylor
qui traitait le sacrifice comme une forme primitive de rituel, étant donné
que, pour eux, le sacrifice était une forme relativement récente.23 Par rapport
à Robertson Smith, tout en maintenant leurs idées propres, Mauss et Hubert
utilisent ses formulations extraites de son livre La Religion des Se´mites, telles
que les notions de sacré, de tabou, d’opposition entre pur et impur, qu’ils
vont employer pour expliquer le sacrifice.24 Mais ils sont en dissonance
avec son explication du sacrifice comme originaire de la communion totémique du fait qu’ils ne croient pas que cela peut être prouvé dès lors que les deux
formes pourraient avoir coexisté et que l’une n’est ni le synonyme ni le substitut de l’autre.
Le sacrifice étant une consécration, c’est-à-dire un passage entre le monde
ordinaire et le monde religieux; le religieux se définissant par le sacré, et le
sacré étant une chose interdite contrôlée par le groupe, le passage entre ces
deux mondes ne peut se faire que par la médiation de la victime qui, par l’intensité des forces engagées dans le sacrifice, doit nécessairement être détruite.
De cette manière, Mauss et Hubert proposent la re-définition du sacrifice en
tant que moyen de communication entre le profane et le sacré, par la médiation d’une victime (Mauss, 1968: 230).
Il faut aussi noter dans l’essai le caractère ambigu attribué à des forces
mises en œuvre par le sacrifice. Ces forces, loin d’être déterminées, peuvent
se diriger vers le bien mais aussi vers le mal et chaque sacrifice engage ainsi
Downloaded from scp.sagepub.com at PENNSYLVANIA STATE UNIV on September 17, 2016
262
Social Compass 52(2)
une dimension de danger. Cette formulation ouvre la possibilité d’une compréhension des formes non manichéennes de la religion, dans lesquelles le
bien et le mal coexistent, ou bien sont plus proches que dans les religions
où ils s’excluent mutuellement:
Les forces religieuses se caractérisent par leur intensité, leur importance, leur dignité . . . .
Mais le sens dans lequel elles s’exercent n’est pas nécessairement prédéterminé par leur
nature. Elles peuvent s’exercer pour le bien comme pour le mal. Cela dépend des circonstances, des rites employés, etc. On s’explique ainsi comment le même mécanisme sacrificiel peut satisfaire à des besoins religieux dont la différence est extrême. Il porte la même
ambiguı̈té que les forces religieuses elle-mêmes . . . On s’explique de la même manière que,
par des procédés appropriés, ces deux formes de la religiosité puissent se transformer l’une
dans l’autre et que des rites qui, dans certains cas, paraissent opposés, soient parfois
presque indiscernables. (Mauss, 1968: 266)
L’Essai sur la Magie commence, quant à lui, par la critique de deux notions
courantes: selon la première, la magie serait une survie des temps ancestraux.
Selon la deuxième, on pourrait l’expliquer par les lois de la sympathie.25
Mauss et Hubert discutent à nouveau avec l’anthropologie sociale anglaise
mais, cette fois, remettent en question les formulations de Frazer. Ils utilisent
des données ethnographiques sur les tribus australiennes, mélanésiennes et
nord-américaines pour construire leur définition préliminaire ainsi que leur
explication du sujet,26 et montrent que la magie, bien qu’elle ait un caractère
‘‘transgresseur’’ et qu’elle soit généralement ‘‘illicite, cachée, réalisée d’après
des buts individuels’’, a aussi une dimension profondément sociale. Les
actions stéréotypées des rituels magiques, les caractéristiques particulières
attribuées aux magiciens, la tradition des formules orales qui se perpétuent,
tous ces aspects sont les signes de la société devenue présente dans la magie.
Et la base du soutien de la magie est la croyance socialement partagée dans
les pouvoirs efficaces manipulés par le magicien.27
L’idée de la magie comme survivance du passé, c’est-à-dire une forme
primitive de pseudo-science qui aurait précédé la religion (cette dernière
étant aussi une pseudo-science, mais d’un degré d’approfondissement plus
grand) et constitué une étape antérieure de la pensée humaine, est écartée
par Mauss et Hubert comme étant illogique. Selon eux, il serait impossible
de supposer que la religion puisse être issue de la magie: plus qu’une relation
d’antériorité, ils ont découvert un certain parallélisme, un jeu de miroirs entre
les deux. En effet, les rituels magiques se construisent bien souvent par inversion, ou par imitation délibérément déviée du rituel religieux.
En relevant des différences, mais aussi des points de contact entre magie et
religion, les auteurs ont identifié un fond commun partagé par les deux et ont
introduit la notion de Mana pour l’expliquer. Selon eux, le mot mana,
emprunté aux Mélanésiens à partir des travaux de Codrington, a la capacité
de condenser une série d’idées sur l’efficacité des pouvoirs magico-religieux et
qui sont attribuées aux objets, aux individus et aux rituels. Le mana est la
notion
d’une efficacité pure qui est cependant une substance matérielle et localisable, en même
temps que spirituelle, qui agit à distance et pourtant par connexion directe, sinon par con-
Downloaded from scp.sagepub.com at PENNSYLVANIA STATE UNIV on September 17, 2016
Menezes: Marcel Mauss et la sociologie de la religion
263
tact, mobile et mouvante sans se mouvoir, impersonnelle et revêtant des formes personnelles, divisible et continue. (Mauss, 1968: 110–111)
Le mana serait une ‘‘catégorie inconsciente de l’entendement’’, et elle serait
ainsi plus englobante que la notion de sacré.28
Enfin, Mauss et Hubert observent que la magie, plus qu’une défiguration
réelle d’une religion, est la manière péjorative de classifier la religion des
autres, et qu’elle peut acquérir la fonction d’une catégorie d’accusation,
liée à des discussions sur la légitimité:
Une religion appelle magiques les restes d’anciens cultes avant même que ceux-ci aient
cessé d’être pratiqués religieusement . . . Pour nous, ne doivent être dites magiques que
les choses qui ont vraiment été telles pour toute une société et non pas celles qui ont
été ainsi qualifiées seulement par une fraction de société. (Mauss, 2001: 10)
Quand une religion est dépossédée, pour les membres de la nouvelle Eglise, les prêtres
déconsidérés deviennent des magiciens . . . De même, l’hérésie fait la magie . . . Pour le
catholicisme, l’idée de magie enveloppe l’idée de fausse religion. (Mauss, 2001: 22–23)
Le troisième texte, La Prie`re, est en réalité un fragment inachevé de la thèse
de doctorat de Mauss. La version initiale devait comporter trois volumes: le
premier consacré aux formes élémentaires de la prière (Australie), le
deuxième au développement de ce rituel oral (Mélanésie, Polynésie et Inde
Védique) et le troisième aux formes plus ‘‘achevées’’: la sublimation mystique
(Inde brahmanique et bouddhiste), l’individualisation de la prière (sémites et
chrétiens), les ‘‘régressions et mécanisations’’, c’est-à-dire les situations dans
lesquelles la prière devient une simple récitation (Inde, Tibet, christianisme).
Seule la première partie de ce projet a été menée à terme à partir des données
ethnographiques sur les cérémonies australiennes d’intichiuma. Quoique
incomplet, le texte développe une réflexion très riche sur les procédures
méthodologiques.29
Le sujet a été choisi, au-delà de sa place centrale dans la vie religieuse, pour
les possibilités d’articulation avec d’autres phénomènes sociaux, comme les
formules juridiques et morales, les serments, les contrats solennels, les formules d’étiquette et de traitement—par des expressions et des énoncés
susceptibles de ‘‘produire un effet’’ au moment où ils sont prononcés. C’est
pourquoi il y avait un deuxième motif pour étudier la prière: elle était un
rituel oral de re´citation des mots, dans lequel les gestes et les paroles, les
actions et les représentations apparaissent articulés. On pourrait ainsi dire
que la prière est une croyance mise en pratique, quand elle est énoncée, et
que son analyse permet d’expliquer les relations entre mythe et rite:
Analysons par exemple une des formules religieuses les plus simples qui soient, celle de la
bénédiction: ‘‘In nomine patris, etc.’’ Presque toute la dogmatique et presque toute la
liturgie chrétiennes s’y trouvent intimement combinées . . . Et il s’en faut que nous
soyons aujourd’hui en état d’apercevoir tout ce que contient un énoncé en apparence
aussi simple. Non seulement il est complexe par le nombre d’éléments qui y entrent,
mais encore chacun d’eux résume toute une longue histoire, que la conscience individuelle
ne peut naturellement pas apercevoir. Une interjection comme celle qui commence
la prière dominicale est le fruit du travail des siècles. Une prière n’est pas seulement
Downloaded from scp.sagepub.com at PENNSYLVANIA STATE UNIV on September 17, 2016
264
Social Compass 52(2)
l’effusion d’une âme, le cri d’un sentiment. C’est un fragment d’une religion. On y entend
retenir l’écho de toute une immense suite de formules; c’est un morceau d’une littérature,
c’est le produit de l’effort accumulé des hommes et des générations. (Mauss, 1968: 377)
Mauss partira donc d’une définition initiale de la prière en tant qu’action
traditionnelle et efficace qui parle des choses sacrées (Mauss, 1968: 409). Pour
analyser ces actions, il soulignera la nécessité de les traiter dans les contextes
où elles ont été produites et où elles seraient utilisées.
D’une part, les prières sont le produit des collectivités, elles sont l’œuvre
des groupes sociaux qui les ont créées et utilisées à divers moments de leur
histoire. Si les mots semblent être les mêmes au long de cette histoire, les
significations qui leur sont attribuées peuvent cependant varier. L’analyse
des prières doit être en relation avec la vie des collectivités qui les ont
mises en usage.
D’autre part, Mauss a souligné la nécessité de situer les prières dans leur
milieu rituel, à l’intérieur des cérémonies dans lesquelles elles étaient faites,
la même célébration pouvant comporter des prières ayant des sens différents,
ou la même prière pouvant assumer des sens divers selon le type de cérémonie
dans lequel elle est utilisée. Cette variation, apparemment contradictoire, est
en réalité l’expression des différentes phases ou objectifs de chaque rituel. Ce
n’est que par l’analyse de l’ensemble rituel articulé que l’on peut percevoir ces
nuances. Pour Mauss, une prière devrait être comprise en référence à un
double contexte, le contexte social et le contexte rituel.
Selon lui, la préoccupation des contextes résulte de la conception du
caractère social de la prière. Il a tenté de montrer que, même lorsque la
prière est faite par l’individu isolé, en silence, dans sa tête, elle parle des
choses sacrées avec des phrases consacrées—elle parle donc des choses sociales
et du groupe humain qui les a produites et utilisées. Elle est sociale aussi
quant à sa forme parce qu’elle n’existe pas hors d’un rituel, d’une cérémonie
publique:
Même dans l’oraison mentale où, selon la formule, le chrétien s’abandonne à l’esprit . . . ,
cet esprit qui le domine c’est celui de l’Eglise, les idées qu’il agite avec sont celles de la dogmatique de sa secte, les sentiments qui s’y jouent sont ceux de la morale de sa faction. Le
bouddhiste, dans sa méditation ascétique, dans ses exercices, ses karmasthâna, délibérera
tout autrement avec soi, parce qu’une autre religion s’exprime dans sa prière. (Mauss,
1968: 378)
Conclusion
La comparaison entre les trois textes de Mauss a permis de dégager quelques
caractéristiques de sa façon de travailler. Tout d’abord, le choix stratégique
des sujets de ces textes qui a mis en évidence le caractère social de pratiques
apparemment individuelles—soit dans des rituels centraux, tels que le sacrifice ou la prière, soit dans des institutions de frontière comme la magie.
Ensuite, la sélection des interlocuteurs privilégiés, choisis parmi les principales théories de chaque thème, et la construction d’un débat avec eux. Ses
critiques portaient sur un double aspect: d’une part, la rigueur des données
présentées et, d’autre part, la pertinence de leurs interprétations.
Downloaded from scp.sagepub.com at PENNSYLVANIA STATE UNIV on September 17, 2016
Menezes: Marcel Mauss et la sociologie de la religion
265
Après la critique, Mauss a cherché à établir une définition instrumentale
du problème, afin de le circonscrire, puis il a utilisé les informations historiques ou ethnographiques disponibles pour construire sa propre explication—
et il les a choisies selon les nécessités spécifiques de chaque problème et du
degré de fiabilité du matériau disponible. L’explication se construisait soit
par la méthode schématique, comme dans Le Sacrifice (du général au particulier, qui permettait de créer un système de concepts plus simple), soit par
la méthode génétique, comme dans La Prie`re (ce qui affine le premier et
démontre l’enchaı̂nement historique des différentes formes) (Seiblitz, 1997:
36). Son analyse aboutit finalement à une deuxième définition du thème
mais, cette fois, à une définition scientifique, à un nouveau point de départ à
partir duquel ces phénomènes doivent être abordés (Lévi-Strauss, 1945: 524).
Dans ses essais, son aptitude à appliquer la méthode sociologique à des
phénomènes religieux concrets est évidente, ‘‘en attribuant un caractère
expérimental à la sociologie française’’ (Dumont, 1983: 167–168), c’est-à-dire
en créant la nécessité d’une base factuelle, empirique, pour la construction
des explications rigoureuses. Plus encore: sa conception de la religion en
tant qu’articulation entre croyances et pratiques a rendu possible le déplacement de l’analyse de formes institutionnalisées ou officielles de la religion vers
les formes concrètes dans lesquelles elle est effectivement vécue, permettant
l’incorporation de contradictions et du point de vue des sujets. Ainsi, son
analyse a cherché à être le plus possible descriptive et non normative
devant les phénomènes religieux et à utiliser aussi bien les données historiques
que les données ethnographiques. Il a montré la possibilité d’une pratique
sans frontières entre deux domaines qui étaient présentés comme dissociés,
à savoir l’anthropologie et la sociologie.
En ce qui concerne la valorisation de l’ethnographie, en plaçant les religions des sociétés ‘‘primitives’’ au même niveau de légitimité que les grandes
religions universelles, Mauss a instauré une double relativisation. D’un côté,
il a montré que les concepts utilisés jusqu’alors par les sciences de la religion,
occidentaux et forgés par l’expérience chrétienne, étaient insuffisants pour
analyser les phénomènes de l’Afrique, l’Asie, l’Océanie, les Amériques, et
même des groupes sociaux européens du passé, ou qu’ils pourraient seulement les incorporer comme des formes inférieures, antérieures et primitives
de religion (termes possédant un sens très péjoratif ). Mauss a essayé de
reconstruire ces concepts, en les libérant des prénotions et préjugés, tout en
montrant la nécessité permanente pour le chercheur de revoir ses outils
d’analyse. L’autre relativisation est donnée par l’élargissement des frontières
de la sociologie de la religion, aussi bien géographiques que thématiques. Si,
pour Mauss, la sociologie des religions devait s’occuper des croyances et des
pratiques religieuses de toute l’humanité, son champ de travail est alors
devenu beaucoup plus large que celui de l’analyse des religions du livre.
Enfin, je voudrais souligner l’actualité de la pensée de Mauss, dans une
conjoncture profondément marquée par le surgissement des nouvelles spiritualités, des nouveaux mouvements religieux et d’autres pratiques non institutionnalisées, et par une problématisation des limites du religieux. A mon
avis, son œuvre offre d’innombrables éléments utiles à la construction d’un
arsenal théorique et d’objets pouvant contribuer à la compréhension de
Downloaded from scp.sagepub.com at PENNSYLVANIA STATE UNIV on September 17, 2016
266
Social Compass 52(2)
cette réalité. La meilleure manière de conclure ce texte sera de renvoyer le
lecteur à la lecture directe des travaux de Mauss, car aucun commentateur,
malgré ses efforts, ne serait en mesure de reproduire le plaisir et la richesse
procurés par l’œuvre elle-même.
NOTES
Cet article a été initialement écrit pour un ouvrage collectif sur les classiques de la
sociologie de la religion, publié au Brésil. Il a été produit pendant un séjour à
l’EHESS, Paris, financé par le CNPq, organisme du gouvernement brésilien qui
subventionne des recherches scientifiques. Je remercie mes collègues de l’Iser/
Assessoria (Brésil), et Monsieur le Professeur Afrânio Garcia (EHESS) pour leurs
suggestions.
1.
Bien qu’elle n’ait jamais constitué réellement une école, on appelle communément Ecole française de Sociologie un groupe d’intellectuels qui s’est réuni pendant
les dernières décennies du 19ème siècle autour de Durkheim et de la revue Anne´e
Sociologique, et qui avait pour projet l’institutionnalisation de la sociologie, c’està-dire, son entrée dans l’université et sa reconnaissance comme l’unique science possédant une méthode qui soit en mesure d’expliquer la vie sociale (Besnard, 1983;
Fournier, 1994; Lévi-Strauss, 1945: 504).
2.
Dit Mauss: ‘‘Dans ces phénomènes sociaux ‘totaux’, comme nous proposons de
les appeler, s’expriment à la fois et d’un coup toutes sortes d’institutions: religieuses,
juridiques et morales—et celles-ci politiques et familiales en même temps; économiques—et celles-ci supposent des formes particulières de la production et de la distribution; sans compter les phénomènes esthétiques auxquels aboutissent ces faits et
les phénomènes morphologiques que manifestent ces institutions’’ (2001: 147).
3.
Karady (1968: i, xxix); Fournier (1994: 25); Condominas (1972a: 132) et le
numéro spécial de la Revue Europe´enne des Sciences Sociales.
4.
Karady (1968: xxv); Lepenies (1990: 47); Besnard (1983: 1); Condominas
(1972a: 128). Mauss déclare: ‘‘Impossible de me dégager des travaux d’une école.
Si personnalité il y a, elle est noyée dans un impersonnalisme volontaire. Le sens
du travail en commun, en équipe, la conviction que la collaboration est une force
opposée à l’isolement, à la recherche prétentieuse de l’originalité, voilà peut-être
ce qui caractérise ma carrière scientifique’’ (1996: 225). Cette affirmation permet
de comprendre le grand nombre de travaux de Mauss écrits en collaboration.
5.
L’Ecole a notamment perdu R. Hertz, M. David, A. Bianconi, J. Reymer,
R. Gelly, P. Huvelin, H. Beuchat. Par ailleurs, la mort du fils de Durkheim, André,
a contribué au décès de son père quelques mois plus tard. Sur le vide dans les
sciences sociales provoqué par la guerre, voir Lévi-Strauss (1945: 521). Mauss commente ce fait: ‘‘Le grand malheur de ma vie scientifique . . . c’est la perte, pendant ces
douloureuses années, de mes meilleurs élèves et de mes meilleurs amis. On peut dire
que ce fut une perte pour cette branche de la science française. Pour moi, c’était
l’effondrement. Le meilleur peut-être de ce que j’avais pu transmettre de moi-même
disparaissait avec eux’’ (1996: 227).
6.
Pour l’analyse détaillée de la réception et des formes d’appropriation de ce
travail au long des décennies, voir Sigaud (1999).
7.
Même sans analyser directement ce thème dans ce travail, je souligne que le
judaı̈sme de Mauss a été traité comme une clé de lecture de son œuvre, tant pour
son ‘‘épistémologie’’ (Tarot, 1999) que pour son insertion dans le champ intellectuel
français de la IIIème République (Pickering, 1998; Charle, 1994).
Downloaded from scp.sagepub.com at PENNSYLVANIA STATE UNIV on September 17, 2016
Menezes: Marcel Mauss et la sociologie de la religion
8.
267
Le livre est constitué d’articles déjà publiés dans des revues: ‘‘Essai sur la nature
et la fonction du sacrifice’’, de Hubert et Mauss (1899); ‘‘L’origine des pouvoirs
magiques dans les sociétés australiennes’’ de Mauss (1904); ‘‘Etude sommaire de
la représentation du temps dans la magie et la religion’’, de Hubert (1905). Une
‘‘Introduction’’ présente également une synthèse des articles et d’un programme
de travail pour l’avenir. Voir Mauss (1909).
9.
‘‘Esquisse d’une théorie générale de la magie’’; ‘‘Essai sur le don—forme et
raison de l’échange dans les sociétés archaı̈ques’’; ‘‘Rapports réels et pratiques de
la psychologie et de la sociologie’’; ‘‘Effet physique chez l’individu de l’idée de
mort suggérée par la collectivité’’; ‘‘Une catégorie de l’esprit humain: la notion de
personne, celle de ‘moi’ ’’; et ‘‘Les techniques du corps’’. Un septième article,
‘‘Essais sur les variations saisonnières des sociétés Eskimos: étude de morphologie
sociale’’, a été introduit en 1966, par la volonté expresse de G. Gurvitch.
10.
Les éditeurs ont extrait de la vaste production maussienne des articles qui
étaient liés à leurs propres préoccupations. Dans les années 1990, il est devenu possible d’évaluer la manière dont la lecture lévi-straussienne de Mauss, consacrée
pourtant comme l’interprétation de référence, avait été en fait très réductrice.
Cette pratique était en rapport avec le contexte de concurrence du champ intellectuel français. Pour l’élargissement des nouveaux courants (dans ce cas, le structuralisme), il faudrait remplacer les traditions antérieurement établies (dans ce cas,
le durkheimianisme), par un jeu ambigu entre filiation et mépris. Sur la perspective
marquée par Gurvitch et Lévi-Strauss, voir Karady (1968: v–vi), Caillé (1996: 185)
et les analyses détaillées de Sigaud (1999) et Tarot (1999).
11.
Les trois volumes ont été publiés dans la collection Sens Commun, dirigée par
Pierre Bourdieu, qui aurait aidé Karady dans son entreprise (Delsaut et Rivière,
2002: 220–221). L’édition a tenté de couvrir les diverses formes par lesquelles la
pensée de Mauss s’est exprimée. Ces trois volumes ne comportaient donc pas seulement des ‘‘essais majeurs’’ mais aussi des textes universitaires de types divers. Les
articles de Sociologie et Anthropologie n’ont pas été insérés en raison de problèmes
éditoriaux.
12.
Sur Mauss et la politique, voir Gane (1992), Fournier (1994) et les numéros de
la revue du M.A.U.S.S—Mouvement antiutilitariste dans les Sciences sociales, créé
sous l’inspiration de ses idées. Les écrits politiques de Mauss et de Durkheim font
l’objet d’un intérêt renouvelé après la crise des socialismes inspirés du marxisme.
13.
Sur base de la liste présentée par Fournier (1994: 769–825), les travaux de
Mauss, jusqu’en 1941—année où il cessa de publier—comprenaient 485 comptes
rendus, 28 articles ou essais, 145 textes publiés dans des journaux d’associations
ou des journaux politiques, 100 communications, des notes biographiques ou des
préfaces de livres d’autres auteurs.
14.
Selon Lukes: ‘‘Outre les sujets classiques que sont la magie, le sacrifice, la
prière, la classification, les mythes et légendes, la pratique du don et les relations
de badinage, Mauss a écrit sur la nationalité et la citoyenneté, les limites du
marché, la notion de personne’’ (1996: 44). Condominas (1972a: 124) rappelle l’immense curiosité de Mauss: au-delà d’un lien intense avec la politique, il s’intéressait
aux sports, à la mode, à la cuisine, à l’avant-garde artistique, etc.
15.
Le chef-d’œuvre de Durkheim, Les Formes e´le´mentaires de la vie religieuse,
de 1912, serait en fait le résultat des efforts conjoints de l’Ecole française de Sociologie avant la Première Guerre Mondiale. Voir Karady (1968: xxv); Martelli (1996:
52); Condominas (1972a: 129). Pour l’importance de Mauss dans l’élaboration des
Formes e´le´mentaires, voir Tarot (1999); Hervieu-Léger (2001: 159–162) et le
numéro spécial de la Revue Europe´enne des Sciences Sociales. Mauss lui-même a
souligné que sa relation avec Durkheim était plus complexe qu’une relation
Downloaded from scp.sagepub.com at PENNSYLVANIA STATE UNIV on September 17, 2016
268
Social Compass 52(2)
‘‘maı̂tre—disciple’’, et qu’elle devait plutôt être comprise comme des échanges
mutuels: ‘‘J’ai collaboré au Suicide de Durkheim . . . J’ai collaboré à tout ce qu’il
a fait, comme il a collaboré avec moi et même souvent réécrit des pages entières
de mes travaux. J’ai publié deux mémoires en collaboration avec lui dont notre
mémoire ‘De quelques formes primitives de classification: contribution à l’étude
des représentations collectives’ où j’ai fourni tous les faits’’ (Mauss, 1996: 226).
Voir aussi Tarot (1996: 115).
16.
D’autres auteurs du groupe de l’Ecole française de Sociologie, comme Hubert,
Hertz, Czarnowski et Lévy-Bruhl, ont aussi écrit sur la religion.
17.
Avec le compte rendu, ‘‘La religion et les origines du droit pénal d’après un
livre récent’’, de 1896.
18.
Condominas (1972a: 126) et Karady (1968: xviii) soulignent qu’une grande
partie de la connaissance produite par l’Ecole française de Sociologie subsiste
sous la forme de comptes rendus.
19.
D’après Mauss lui-même (1996: 231), son travail avec Hubert avait pour but
d’insérer des faits dans les cases de la sociologie, de reclasser les faits mal classés
et de réexaminer ceux qui étaient mal décrits. Il tentait aussi de mettre les idées
en circulation ainsi que de rattacher les faits d’institution et de structure aux faits
de mentalité, et inversement. Tarot (1996: 125) défend l’idée que la profonde connaissance de Mauss des sciences du langage de l’époque lui a permis de dépasser
Durkheim.
20.
Sa ‘‘conversion’’ aurait influencé celle de Durkheim et aurait justifié le large
usage du matériau ethnographique sur le totémisme dans Les Formes e´lémentaires
(Karady, 1988; Condominas, 1972a: 130).
21.
Condominas (1972a: 130, 1972b: 497) et Karady (1988: 28). Fournier (1994)
détaille cette correspondance.
22.
‘‘Essais sur la nature et la fonction du sacrifice’’, 1899 (Mauss, 1968: 193–307);
Esquisse d’une the´orie ge´ne´rale de la magie, 1904 (Mauss, 2001: 3–141); La prie`re,
1909 (Mauss, 1968: 357–477).
23.
Tylor a suggéré que les étapes historiques du sacrifice allaient des groupes de
sauvages, à qui les offrandes au Dieu conféraient un pouvoir, jusqu’au sacrifice de
soi, forme plus parfaite de l’altruisme. Selon Hubert et Mauss, la théorie des étapes
de Tylor n’était pas prouvée, et le sacrifice serait en réalité un rituel récent, parce
qu’il dépendrait d’une distinction nette entre sacré et profane. Au-delà, l’intérêt
comme le désintérêt formeraient une tension constitutive du sacrifice: ‘‘Dans tout
sacrifice, il y a un acte d’abnégation, puisque le sacrifiant se prive et donne. Mais
cette abnégation et cette soumission ne sont pas sans un retour égoı̈ste. Si le sacrifiant donne quelque chose de soi, il ne se donne pas; il se réserve prudemment. C’est
que, s’il donne, c’est en partie pour recevoir. Le sacrifice se présente donc sous un
double aspect. C’est un acte utile et c’est une obligation. Le désintéressement s’y
mêle à l’intérêt’’ (Mauss, 1968: 304–305).
24.
Ces concepts seront utilisés par Durkheim dans Les Formes e´le´mentaires. Ils
vont également donner des fruits dans l’anthropologie sociale anglaise, comme
dans le livre Purity and Danger de Mary Douglas (éd. française: De la souillure—
essais sur les notions de pollution et de tabou).
25.
Ce sont des lois de similarité (le semblable produit le semblable) et de contiguı̈té (le contact entre des choses reste dans le temps et il est capable de produire
des effets) (Mauss, 2001: 4).
26.
Contrairement à la documentation historique utilisée dans Le Sacrifice, ils
utilisent très peu les sources sémitiques, un peu plus les sources latines, grecques
et indiennes et, pour la plupart, des données ethnographiques.
Downloaded from scp.sagepub.com at PENNSYLVANIA STATE UNIV on September 17, 2016
Menezes: Marcel Mauss et la sociologie de la religion
269
27.
Cette idée sera reprise plus tard par d’autres auteurs, notamment par LéviStrauss, dans sa discussion sur l’efficacité symbolique, et par Pierre Bourdieu,
dans ses formulations sur le pouvoir symbolique.
28.
Il n’est pas possible de discuter de manière approfondie la question du Mana
dans le cadre de cet article, mais il faut signaler que ce concept est un élément de
distinction entre Mauss et Durkheim. Mauss (1996: 234) déclare: ‘‘cette idée est
peut-être plus générale que celle de sacré. Depuis, Durkheim a essayé de la déduire
sociologiquement de la notion de sacré. Nous ne fûmes jamais sûrs qu’il avait raison
et je continue encore à parler de fonds magico-religieux’’. Voir l’analyse de Cardoso
de Oliveira (1979: 36–43) et celle de Tarot (1999: 551–572).
29.
Les raisons de l’inachèvement de la thèse sont discutables. S’agirait-il de la
rigueur excessive de Mauss ou du manque de capacité d’objectivation? Mauss
(1996: 233) indique que la guerre l’aurait empêché de terminer ce travail. Tarot
(1996: 120) suggère pour raison la limitation théorique de Mauss, et de son
époque, qui n’auraient pas trouvé dans le durkheimianisme les moyens de procéder
aux analyses qu’il s’était proposées. Malgré cet échec, il a su laisser aux générations
suivantes les éléments nécessaires pour progresser dans ses recherches. Voir aussi
Karady (1968: xxxii).
REFERENCES
Œuvres de Marcel Mauss
Mauss, M. (1909) Mélanges d’Histoire des Religions (avec Henri Hubert). Paris:
Alcan.
Mauss, M. (1947) Manuel d’Ethnologie. Paris: Payot.
Mauss, M. (1950) Sociologie et Anthropologie, ed. par Georges Gurvitch. Paris:
PUF.
Mauss, M. (1968) Œuvres, ed. par Victor Karady. tome 1. Les fonctions du sacre´.
Paris: Minuit.
Mauss, M. (1969a) Œuvres, tome II. Repre´sentations collectives et divisions de la
sociologie. Paris: Minuit.
Mauss, M. (1969b) Œuvres, tome III. Cohésion sociale et divisions de la sociologie.
Paris: Minuit.
Mauss, M. (1969c) Essais de Sociologie. Paris: Minuit.
Mauss, M. (1979) Marcel Mauss. São Paulo: Editora Ática. Textes réunis et présentés par Roberto Cardoso de Oliveira, à partir des textes extraits des Œuvres,
I, II et III.
Mauss, M. (1996) ‘‘L’œuvre de Marcel Mauss par lui-même’’, Revue Europe´enne des
Sciences Sociales XXXIV(105): 225–236.
Mauss, M. (1997) Ecrits politiques. Paris: Fayard. Textes réunis et présentés par
Marcel Fournier et Phillipe Besnard.
Mauss, M. (2001) Sociologie et Anthropologie, 9ème édition. Paris: PUF.
Sur Marcel Mauss
Besnard, Philippe (1983) ‘‘The Année Sociologique Team’’, in P. Besnard (ed.) The
Sociological Domain: The Durkheimians and the Founding of French Sociology.
New York: Cambridge University Press; Paris: Maison des Sciences de l’Homme.
Caillé, Alain (1989) Critique de la raison utilitaire: manifeste du M.A.U.S.S. Paris:
La Découverte.
Downloaded from scp.sagepub.com at PENNSYLVANIA STATE UNIV on September 17, 2016
270
Social Compass 52(2)
Caillé, Alain (1996) ‘‘Marcel Mauss et le paradigme du don’’, Revue Européenne des
Sciences Sociales XXXIV(105): 181–224.
Cardoso de Oliveira, Roberto (1979) ‘‘Introdução a uma leitura de Mauss’’, in
M. Mauss, Marcel Mauss: Antropologia, pp. 7–48. São Paulo: Ática.
Charle, Christophe (1994) La République des universitaires—1870–1940. Paris:
Seuil.
Condominas, George (1972a) ‘‘Marcel Mauss, père de l’ethnographie française, 1. A
l’ombre de Durkheim’’, Critique XXVIII (297): 118–139.
Condominas, George (1972b) ‘‘Marcel Mauss, père de l’ethnographie française,
2. Naissance de l’ethnologie religieuse’’, Critique XXVIII(301): 487–504.
Delsaut, Yvette et Rivière, Marie-Christine (2002) Bibliographie des travaux de
Pierre Bourdieu. Paris: Le Temps des Cerises.
Douglas, Mary (1996) Purity and Danger: An Analysis of the concepts of Pollution
and Taboo. London: Routledge & Kegan Paul.
Dumont, Louis (1983) ‘‘Marcel Mauss, une science en devenir’’, in L. Dumont,
Essais sur l’individualisme: une perspective anthropologique sur l’ide´ologie moderne,
pp. 167–186. Paris: Seuil.
Durkheim, E. (1998) Lettres à Marcel Mauss. Paris: PUF. Correspondance entre
Durkheim et Mauss, réunie et éditée par P. Besnard et M. Fournier.
Fournier, Marcel (1994) Marcel Mauss. Paris: Fayard.
Gane, Mike, ed. (1992) The Radical Sociology of Durkheim and Mauss. Londres et
New York: Routledge.
Hervieu-Léger, Danièle (2001) ‘‘Emile Durkheim (1858–1917): Le sacré et la religion’’, in D. Hervieu-Léger et J.P. Willaime, Sociologie et religion: approches classiques, pp. 147–194. Paris: PUF.
Karady, Victor (1968) ‘‘Présentation de l’édition’’, in M. Mauss, Œuvres, tome 1,
pp. i–liii. Paris: Minuit.
Karady, Victor (1988) ‘‘Durkheim et les débuts de l’ethnologie universitaire’’, Actes
de la Recherche en Sciences Sociales 74: 23–32.
Karsenti, Bruno (1997) L’homme total: sociologie, anthropologie et philosophie chez
Marcel Mauss. Paris: PUF.
L’Arc (1972) (48) Numéro spécial consacré à Mauss.
Lepenies, Wolf (1990) ‘‘Agathon et quelques autres. Littérature et sociologie en
France, vers 1900’’, in W. Lepenies, Les trois cultures: entre science et litte´rature,
l’ave`nement de la sociologie, pp. 45–86. Paris: Maison de Sciences de l’Homme.
Lévi-Strauss, Claude (1945) ‘‘French Sociology’’, in G. Gurvitch et W. E. Moore,
The Twentieth Century Sociology, pp. 503–537. New York: The Philosophical
Library.
Lévi-Strauss, Claude ([1950] 2001) ‘‘Introduction à L’œuvre de Marcel Mauss’’, in
M. Mauss, Sociologie et Anthropologie. Paris: PUF. Numéro spécial consacré à
Mauss.
Lukes, Steven (1968) ‘‘Marcel Mauss’’, in D. Sills (ed.) International Encyclopaedia
of the Social Sciences, pp. 78–83. New York: The Macmillan Company and The
Free Press.
Lukes, Steven (1996) ‘‘Quelques réflexions sur le Mauss de Fournier’’, Revue
Europe´enne des Sciences Sociales 34(105): 39–44.
Martelli, Stefano (1996) ‘‘Mana ou sacré? La contribution de Marcel Mauss à la
fondation de la sociologie religieuse’’, Revue Europe´enne des Sciences Sociales
34(105): 51–66.
Pickering, W. S. F. (1998) ‘‘Mauss’s Jewish Background: A Biographical Essay’’, in
W. James et N. J. Allen (eds) Marcel Mauss: A Centenary Tribute, pp. 43–62.
Oxford: Berghahn Books.
Downloaded from scp.sagepub.com at PENNSYLVANIA STATE UNIV on September 17, 2016
Menezes: Marcel Mauss et la sociologie de la religion
271
Revue Europe´enne des Sciences Sociales (1996) XXXIV(105).
Seiblitz, Zélia (1997) ‘‘Mauss, pilar da tradição antropológica’’, in F. C. Rolim (ed.)
A religião numa sociedade em transformação, pp. 32–39. Petrópolis: Vozes.
Sigaud, Lygia (1999) ‘‘As vicissitudes do ‘Ensaio sobre o Dom’ ’’, Mana 5(2): 89–
124.
Tarot, Camille (1996) ‘‘Du fait social de Durkheim au fait social total de Mauss:
un changement de paradigme?’’, Revue Européenne des Sciences Sociales
XXXIV(105): 113–144.
Tarot, Camille (1999) De Durkheim à Mauss: l’invention du symbolique. Sociologie et
sciences de religion. Paris: La Découverte/M.A.U.S.S.
Renata MENEZES est docteure en Anthropologie du Museu Nacional,
Universidade Federal do Rio de Janeiro, Brésil. Elle a fait un stage de
doctorat à l’EHESS, Paris. Professeure à l’Université Catholique de
Rio de Janeiro, chercheuse à l’Iser Assessoria. Ses recherches de terrain
antérieures ont porté sur le catholicisme populaire à Rio de Janeiro.
ADRESSE: Praça Mahatma Gandhi, 2/822, Cinelândia, CEP 20310–
100, Rio de Janeiro-RJ, Brésil. [email: [email protected]]
Downloaded from scp.sagepub.com at PENNSYLVANIA STATE UNIV on September 17, 2016
Téléchargement