Chapitre 12
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Débat en forme de conclusion et d’ouverture
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dise rien. Et quand je parle de nos outils habituels, je ne parle pas seule-
ment de références livresques, mais d’un impératif empirique (les questions
méthodologiques qui vont avec) et d’un souci historien (on ne parlera que
plus tard, dans la science politique, de « socio-histoire »).
Jacques Lagroye et Michel Offerlé : Vous parlez de la sociologie des
institutions à partir de votre expérience franco-française ? Que lisiez-vous
alors qui provenait d’autres écoles ou d’autres manières d’aborder la ques-
tion des institutions ?
Bastien François : Je crois aussi que – pour ceux du moins qui ont fait
cet effort – nous avons regardé avec un certain désintérêt ce qui, au même
moment, se passait aux États-Unis. J’avais lu quelques travaux de ceux
qu’on désignera comme « néo-institutionnalistes » (je pense en particulier
à un article de Roger M. Smith, ou encore au livre de James G. March et
Johan P. Olsen), par acquis de conscience, à la recherche d’une référence
rare pour la thèse que je préparais alors, mais ils ne m’avaient servi à rien
(et je pense que je ne les ai jamais cités). Politix a publié le premier article en
français sur le « néo-institutionnalisme » (que j’avais traduit avec Sylvain
Bourmeau), mais cette publication précoce ne signifie rien. Son auteur,
Alec Sweet Stone, qui venait de publier sa thèse en anglais sur le Conseil
constitutionnel (c’est comme ça que je l’ai connu), alors professeur assis-
tant à l’Université Irvine en Californie, cherchait à étoffer son dossier de
publications. Nous nous sommes rendus service : lui avait une publication
en français, nous un article un peu « exotique », qui faisait « chic » (pour
parler comme Howard Becker). Je crois que ça n’intéressait personne dans la
rédaction de Politix, et en tout cas l’impact factor de ce papier a dû être nul.
Quelques années plus tard, nous avons préparé un numéro sur « les sciences
du politique aux États-Unis ». Olivier Borraz, qui travaillait au C.S.O.,
m’avait parlé du papier de Peter Hall et Rosemary Taylor. Je l’ai lu avec un
a priori négatif (pensant que cela ne devait concerner que la sociologie des
organisations – qui était alors pour moi une sorte de repoussoir, comme le
sous-titre du livre précité de Olsen et March : The Organizational Basis of
Politics…), je l’ai trouvé bon (car correspondant à l’esprit du numéro que
nous préparions), mais sans intérêt sur le fond (je me souviens m’être dit
que les Américains réinventaient l’eau chaude). Finalement, la Revue fran-
çaise de science politique a été plus rapide que nous, et, sommé par le comité
de rédaction de trouver quelque chose en remplacement, moi qui étais censé
suivre tout ça, j’ai proposé un chapitre du livre dirigé par Paul J. Di Maggio
et Walter W. Powell, beaucoup plus subtil (ce fut d’ailleurs une épreuve