5
permettant de définir les contours d’une démocratie pluraliste bien distincte de la
conception libérale et de la vision communautarienne de la démocratie
4
.
Pettit s’est inscrit dans la lignée de Skinner et la démarche déployée dans
Républicanisme
5
a visé à montrer en quoi les idéaux républicains ne peuvent être
rabattus sur des idéaux communautariens
6
. Mais sa propre démarche s’est inscrite
dans un rapport critique à celle de Skinner : son but a été moins de contester
l’assimilation de la liberté républicaine à une forme positive de liberté que de
dépasser le dilemme classique de la liberté positive, définie en termes d’autonomie et
d’autoréalisation, et de la liberté négative, définie en termes de non-interférence
7
. Il
s’est agi pour lui de définir la liberté républicaine à partir d’un critère de démarcation
permettant d’éviter tout rabattement de celle-ci, que ce soit sur la liberté positive ou
sur la liberté négative : d’où l’élaboration du concept de non-domination, liée à
l’intuition qu’il existe une différence fondamentale entre l’interférence et la
domination, conçue comme maîtrise sur autrui. La liberté se définit négativement
mais pas à partir de la seule interférence puisqu’il s’agit d’exclure toute maîtrise de
mes actes par autrui. Pettit a appuyé sa distinction entre liberté négative et non-
domination sur le cas paradigmatique de l’esclave qui est dominé dans la mesure où
son maître peut interférer à sa guise dans sa conduite : il peut y avoir domination sans
interférence dès lors que quelqu’un est en position d’influer arbitrairement sur mes
actions ; ainsi, un maître peut être bienveillant au point de laisser ses esclaves agir
sans interférer tout en conservant un pouvoir d’interférence dont rien ne garantit qu’il
n’usera pas. C’est précisément cette contingence, qui caractérise intrinsèquement
l’idéal de non-interférence, que Pettit va viser à exclure à travers la notion de non-
domination. La non-domination n’est pas l’absence d’interférences mais l’exclusion
d’interférences arbitraires : elle correspond à une franchise « résiliente »
8
. Si le maître
4
Voir « The Republican Idea of Liberty », in Machiavelli and Republicanism, éd. Bock G., Skinner Q.
et Viroli M., Cambridge University Press, Cambridge, 1990.
5
Pettit P., Républicanisme. Une théorie de la liberté et du gouvernement, trad. Spitz J. F. et Savidan
P., Paris, Gallimard, 2004.
6
Sur les liens entre républicanisme et communautarisme voir : Walzer M., Pluralisme et démocratie,
traduction collective, Editions Esprit, Paris, 1997, pp. 180-81 ; Taylor Ch., « Qu’est-ce qui ne tourne
pas rond dans la liberté négative ? », in La liberté des Modernes, trad. De Lara P., Paris, PUF, 1997,
Sandel M., Democracy’s Discontent, Harvard University Press, 1996.
7
Sur ce dilemme qui reformule sur un plan analytique celui de la Liberté des Anciens et de la Liberté
des Modernes analysé par B. Constant, voir Berlin I., Two Concepts of Liberty, Oxford, Oxford
University Press, 1958.
8
Sur l’importance de cette notion de résilience spécifiant la notion de non-domination, cf. G. Brennan
et A. Hamlin, « Republican Liberty and Resilience », The Monist, 84/2000, pp. 45-59.