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NOVA IMAGERIE
La place de l’IRM dans l’examen de l’abdomen
Georg Bongartz, Maka Kekelidze
Radiologie & Nuklearmedizin, Universitätsspital Basel
Depuis l’introduction de l’imagerie par résonance ma-
gnétique (IRM) dans la pratique clinique, la méthode a
passé du stade de niche d’une technique hautement spé-
cialisée, utilisée essentiellement dans le diagnostic neuro-
radiologique, à celui de véritable pilier du diagnostic mé-
dical en général. Ce qui n’a pratiquement pas changé, ce
sont les coûts relativement élevés de ces examens et la
complexité de l’IRM par rapport aux autres techniques
d’imagerie. Alors pourquoi l’IRM est-elle devenue in-
contournable en dépit de ces inconvénients et pourquoi
de nouveaux champs d’application ne cessent-ils malgré
tout d’apparaître?
Si la mise en évidence remarquable des pathologies céré-
brales et médullaires n’est contestée par personne, dans
la mesure il n’existe aucune méthode concurrente
capable de livrer des documents aussi précis et dépour-
vus d’artefacts, l’IRM reste très limitée en termes de qua-
lité des images, notamment dans les mouvements phy-
siologiques et volontaires. Ce handicap explique pour
quelle raison la technique n’a été utilisée que relative-
ment tardivement pour l’imagerie des structures du
tronc. Aujourd’hui pourtant, l’IRM continue son parcours
triomphal dans ces indications également.
La génération du signal de l’IRM repose sur la réaction
physiologique des noyaux des atomes d’hydrogène conte-
nus dans les molécules biologiques à des modications
des champs magnétiques superposés auxquels l’orga-
nisme est soumis. Bien que ces réactions individuelles
se déroulent dans des espaces temps qui se comptent
en milli- et microsecondes, la saisie des couches et des
volumes à visualiser dure en règle générale tout de
même plusieurs minutes. Et comme la génération des
signaux dépend de la position précise de chacune des
sources au cours de l’acquisition des données, on com-
prend mieux pour quelle raison la constitution d’images
IRM de l’abdomen représente un dé technique plus
ardu que celle des articulations au repos, pour ne citer
que cet exemple. Grâce à l’optimisation constante des
séquences au repos, il est entre-temps devenu possible
de réaliser de nombreuses mesures en phase d’arrêt de
la respiration; les techniques de suppression des artefacts
permettent même de collecter des données dynamiques
avec une certaine résolution temporelle.
Comparaison avec le CT
Cette amélioration du temps de mesure explique pour-
quoi l’IRM peut être proposée en remplacement du CT
(scanner) ou même en tant que meilleure méthode dia-
gnostique dans de nombreuses problématiques abdomi-
nales. Les principales différences entre ces deux tech-
niques d’imagerie tiennent à l’irradiation, aux
contrastes entre les tissus, à la résolution spatiale, à la
vitesse de l’acquisition des données et au confort pour
les patients.
Irradiation
Malgré les progrès réalisés au niveau de l’exposition aux
rayons, cette dernière continue à jouer un rôle important
dans le CT, surtout dans les examens de la région de l’ab-
domen et du bassin. La proximité et le risque d’exposi-
tion directe des gonades, très sensibles aux rayons ioni-
sants, mais aussi la nécessité de réaliser des CT à phases
multiples après l’administration intraveineuse de pro-
duits de contraste pour de nombreux organes abdomi-
naux et pelvien constituent de bonnes raisons pour pri-
vilégier les examens IRM non irradiants, en particulier
chez les patients jeunes.
Contrastes des tissus
Les contrastes à l’IRM ne reposent pas, comme les
images au CT, sur les différences de densité et d’absorp-
tion des rayons X entre les structures tissulaires, mais
sur les paramètres intrinsèques des tissus, dont la lar-
geur de bande est plus importante et permettent ainsi un
abord diagnostic complètement différent. De nombreux
tissus, en particulier certains processus expansifs ou cer-
taines structures vasculaires, peuvent ainsi être mis en
évidence sans renforcement par des produits de contraste.
D’un autre côté, les structures calciques ne se voient en
principe pas ou alors sous forme de zones négatives au
sein d’une région claire, alors que le CT livre des images
très claires et détaillées de ce type de structures.
Résolution spatiale
Le CT est en règle générale supérieur à l’IRM en termes
de résolution spatiale, ce qui peut se révéler un désavan-
tage pour l’IRM dans les situations nécessitant un diag-
nostic sur des structures très nes.
Vitesse d’acquisition des données
Contrairement au CT, l’IRM consiste en la collecte d’une
seule série de données (ou une série avant et une série
après l’administration du produit de contraste) et en
la réalisation de combinaisons de plusieurs séquences
pour la mise en évidence de différentes caractéristiques
des tissus. Lorsqu’on ajoute la mesure de la prise d’un
produit de contraste, on peut produire encore 6–10 sé-
quences supplémentaires, voire davantage, à l’en-
semble de l’imagerie, ce qui porte la durée de l’examen
à 30–45 minutes. On recherche désormais de plus en
Les auteurs
déclarent n’avoir
bénécié d’aucun
soutien nancier
et n’avoir aucun
conit d’intérêt
en rapport avec
la présente
publication.
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plus, au-delà des temps de relaxation habituels (pondé-
ration T1, pondération T2), des constantes tissulaires
microstructurelles (imagerie par diffusions), ce qui
donne cependant lieu à des temps de mesure encore plus
longs.
Confort pour les patients
Le positionnement centré du patient dans un tube re-
lativement exigu dont la longueur peut atteindre deux
mètres, associé à l’attachement à l’abdomen de bobines
de surface relativement oppressantes et au développe-
ment d’un bruit non négligeable lors de l’acquisition
rendent l’IRM nettement plus pénible pour le patient
que le CT. En l’absence de compliance sufsante, de
nombreuses mesures nécessitant un arrêt de la respi-
ration ou des durées d’acquisition relativement longues
s’avèrent tout simplement impossibles. Il faut par consé-
quent vérier, avant la réalisation de l’examen, non
seulement l’absence de contre-indications éventuelles à
l’IRM, mais aussi l’acceptance du patient.
Nouveaux développements
dans l’IRM abdominale
Le raccourcissement déjà évoqué des temps d’acquisi-
tion à moins de 20 secondes par séquence a été rendu
possible grâce à des temps de commutation plus rapides
pour les champs de gradients, par une utilisation intel-
ligente des prols de sensibilité des bobines de surface
et, last but not least, par de nouveaux modes de recons-
truction, qui permettent de contourner même des sets
de données incomplets. En guise d’alternative pour les
mesures en phase de blocage de la respiration, on peut
aussi faire appel à des mesures déclenchées par la res-
piration, qui ont cependant pour conséquence un nouvel
allongement du temps de mesure, en raison de la perte
ou de l’ignorance obligatoire de nombreux points de
mesure.
Les nouvelles séquences d’IRM rapides permettent d’ana-
lyser sans irradiation la perfusion d’organes ou de tu-
meurs par produit de contraste. On peut ainsi apprécier
non seulement la distribution du produit de contraste
dans l’espace interstitiel, mais aussi d’autres paramètres,
tels que l’apport artériel, le volume sanguin régional, le
débit sanguin ou encore la perméabilité capillaire. Si les
mesures de la plupart de ces paramètres sont encore à
ce jour à visée essentiellement expérimentale, l’analyse
rapide de la perfusion dynamique joue déjà un rôle cli-
nique signicatif et est utilisée couramment dans l’ima-
gerie au quotidien de nombreuses tumeurs hépatiques,
pancréatiques ou rénales.
La sensibilité exceptionnelle de cette méthode aux mou-
vements permet de reconnaître certains modèles de dé-
placements macroscopiques et même d’apprécier des
différences de cinétiques moléculaires. Les mouvements
browniens des molécules protoniques d’hydrogène dé-
pendent de la densité cellulaire des différents tissus. Ils
sont dénis par le terme de diffusion et permettent la des-
cription, à l’aide de ce paramètre, de modications de la
constellation locale des tissus. L’imagerie par diffusion
(DWI: diffusion-weighted imaging) gagne progressive-
ment en importance dans la description des tumeurs bé-
nignes et malignes et dans le suivi de l’activité tumorale.
Dans l’abdomen, on les utilise de plus en plus souvent
pour l’examen des lésions focales des grands organes
parenchymateux, comme le foie, le pancréas, les reins
ou la prostate.
Champs d’application de l’IRM abdominale
en pratique clinique
Voies biliaires et urinaires
D’une manière générale, l’IRM est très sensible à la pré-
sence d’eau dans les vaisseaux ou les compartiments
anatomiques, mais aussi de manière diffuse dans les
tissus (œdème). Cette force est abondamment utilisée
dans l’imagerie abdominale pour la représentation
native des voies biliaires. Les acquisitions 2D projective
ou 3D en couches nes permettent la réalisation simple
et rapide d’une cholangiographie (MRCP: cholangio-
pancréato-IRM), qui révélera sous forme d’image néga-
tive (pauvreté du signal) les éventuelles concrétions ou
tumeurs. Comme la génération de l’image repose exclu-
sivement sur la représentation de liquides immobiles,
on peut faire appel à la même méthode pour établir une
urographie native (uro-IRM).
Dans ces deux indications, les images normales des voies
biliaires et des uretères ne livrent que très peu d’infor-
mation en raison du très faible calibre de ces conduits,
alors que les obstacles à l’écoulement apparaissent très
clairement et de manière très détaillée. S’il est néces-
saire de visualiser positivement les voies biliaires nor-
males ou les uretères sains, on peut utiliser dans les deux
cas des produits de contraste éliminés soit par la bile
soit par la voie urinaire. Ces champs d’application sont
plus particulièrement réservés à l’IRM chez les patients
jeunes en raison de la nécessité de recourir à plusieurs
phases d’examen successives (g. 1 ).
Intestin grêle
L’ hydro-IRM destinée à la représentation du système
gastro-intestinal, en particulier l’intestin grêle, repose
Figure 1
Uro-IRM: sténose de l’uretère droit après uretérolithotomie et anastomose
termino-terminale.
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aussi sur la grande intensité du signal des uides. Avec
l’endoscopie par capsule, elle représente aujourd’hui la
principale méthode d’imagerie pour la mise en évi-
dence des lésions de la lumière de l’intestin grêle et
s’utilise souvent chez les patients souffrant de maladie
de Crohn ou d’autres maladies inammatoires de l’in-
testin. Par rapport à l’ancienne méthode de choix, l’en-
téroclyse du grêle, qui documentait le transport intesti-
nal du liquide de contraste sous scopie, l’hydro-IRM
cumule les avantages de l’imagerie en coupes et de la
grande différence d’intensité des signaux de la paroi et
de la lumière de l’intestin. Pour améliorer la lisibilité, le
patient doit cependant boire avant l’examen 1–2 litres
de liquide additionné de bres pour induire une dilata-
tion intestinale (g. 2 ).
Foie
L’ utilisation à l’IRM de produits de contraste hépato-
cellulaires spéciques permet de distinguer de façon
très able le tissu sain des tissus étrangers dans le foie
(métastases, tumeurs). Il n’est en revanche pas possible
de différencier les types de tumeurs. Cette méthode
améliore surtout la dénition précise de l’extension des
métastases hépatiques, ce qui n’est souvent pas le cas
avec les produits de contraste extracellulaires classiques
(produits de contraste iodés dans le CT ou préparations
standards de gadolinium dans l’IRM), en raison de la
perfusion parfois très proche des tissus hépatiques pro-
prement dits et des tissus non hépatiques. L’utilisation
de ces produits de contraste en association avec l’IRM
de haute résolution est la méthode la plus able pour
exclure la présence de métastases et peut être combi-
née avec une analyse de la perfusion (g. 3 ).
La différentiation des tumeurs hépatiques primaires
reste en revanche controversée. On utilise également de
plus en plus l’imagerie abdominale en diffusion lors de
l’analyse tumorale: la détection, mais aussi et surtout
la détermination de l’activité du tissu tumoral, revêt au-
jourd’hui une importance croissante dans la pratique
clinique. L’IRM entre en concurrence avec le PET-CT
et livre des informations plus ables dans le suivi
des tumeurs que l’imagerie purement morphologique
par coupes. L’IRM de diffusion est entre-temps utilisée
pour la majorité des tumeurs solides de l’abdomen, son
développement dans ce domaine n’étant toutefois pas
encore complètement achevé.
Vaisseaux
L’ examen des vaisseaux abdominaux par angio-IRM
joue aujourd’hui un rôle moins important, alors que son
application dans la circulation périphérique (angio-IRM
du bassin et des membres inférieurs) reste considérée
comme l’examen de choix. Le CT a joué à nouveau
les premiers rôles en raison de sa capacité à révéler les
plaques calciées, de sa résolution et de sa vitesse de
réalisation. Ceci est valable aussi bien dans les atteintes
chroniques (représentation des anévrysmes, planica-
tion des interventions chirurgicales) que pour les lésions
aiguës (hémorragies, ischémies, dissections).
Résumé
Le diagnostic radiologique de la cavité abdominale fait de
plus en plus appel aux images en coupes. Le CT est le
«cheval de trait» pour la plupart des problèmes aigus et
livre des images anatomo-pathologiques de très haute
résolution extrêmement ables. L’IRM présente des avan-
tages lorsque le diagnostic recherché requiert plusieurs
phases d’acquisition de données (perfusion tumorale,
études des mouvements intestinaux, etc.) ou que les élé-
ments recherchés par l’IRM (défauts de diffusion, etc.)
sont importants pour le traitement. Ces deux méthodes
s’avèrent souvent complémentaires, notamment lorsque
le CT révèle des anomalies structurelles, sans pouvoir
les attribuer avec certitude à une affection tumorale.
Figure 2
A Hydro-IRM avec 1800 ml de méthylcellulose.
B Lésion colitique de la paroi intestinale au niveau du côlon transverse.
AB
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Pour le bilan préopératoire des calculs des voies biliaires,
l’IRM est signicativement supérieure au CT et à l’écho-
graphie, car sa très grande sensibilité aux liquides im-
mobiles permet une représentation simple et able des
voies biliaires. Les calculs calciés et non calciés sont
ainsi identiés avec un excellent contraste.
Pour terminer, on retiendra que le diagnostic des lésions
parenchymateuses de l’abdomen fait appel aux produits
de contraste aussi bien dans l’IRM que dans le CT. En
cas d’insufsance rénale sévère, il existe toutefois des
limitations tant pour les produits iodés (CT) que pour
les produits contenant du gadolinium (IRM). Les risques
associés aux produits de contraste utilisés dans l’IRM
sont en règle générale moins importants qu’avec les
produits de contraste réservés au CT, qui nécessitent
Figure 3
A Hyperplasie nodulaire focale (HNF) du foie sans produit de contraste (IRM).
B Le même patient après IRM avec un produit de contraste hépatospécique (Primovist).
AB
des doses nettement plus élevées. La décision doit de
toute manière être prise au cas par cas sur la base du
tableau clinique.
Un calcul grossier indique qu’une IRM coûte environ
deux fois plus qu’un CT, ce qui ne devrait toutefois en
aucun cas être le critère absolu dans le choix de l’une
ou l’autre de ces méthodes.
Correspondance:
Prof. ßGeorg Bongartz
Universitätsspital Basel
Stv. Chefarzt Radiologie & Nuklearmedizin
Leiter Abdominelle und Onkologische Diagnostik
Petersgraben 4
CH-4031 Basel
georg.bongartz[at]usb.ch
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