Humanité : Son service n’avait d’ailleurs pas vocation à accueillir autant de malades en fin de vie…
Vincent Morel : C’est en effet le quotidien de ces unités « post-urgences », où les patients sont censés rester
entre 24 et 48 heures, pas plus. Mais, même dans ces services, il faut s’organiser pour mettre en œuvre les
bonnes pratiques soignantes, et notamment les soins palliatifs pour soulager les malades. Et dans un très
grand nombre de situation, on arrive à le faire.
Humanité : Que faire néanmoins face aux demandes d’euthanasie active ?
Vincent Morel : Toutes les semaines, je suis confronté à des personnes qui demandent à mourir. Et toutes les
semaines, je fais le constat, patient après patient, que l’on trouve les réponses soignantes à ces demandes. On
peut soulager le malade suffisamment, et accompagner la famille suffisamment, pour que ces demandes
d’euthanasie disparaissent, ou s’atténuent assez pour que le temps qui reste à vivre devienne acceptable.
Provoquer la mort ne soulage pas un malade.
Humanité : Les services de soins palliatifs ont-ils les moyens de mener à bien ces tâches ?
Vincent Morel : La problématique, c’est l’accès à ces soins. D’après le rapport 2013 de l’Observatoire des soins
palliatifs, en France, une personne sur deux (dont l’état le requiert) n’aurait pas accès à des soins palliatifs de
qualité. C’est ça l’enjeu. A l’hôpital, à domicile comme en maison de retraite. Or, ce que je vois au quotidien,
ce sont des personnes âgées qui arrivent à l’hôpital la nuit ou le week-end. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas
d’infirmière dans les maisons de retraites à ces moment-là (seules 15% en ont). Donc, on les envoie mourir à
l’hôpital. C’est le fond du problème.
Humanité : Les restrictions budgétaires n’augurent rien de bon en la matière…
Vincent Morel : C’est vrai que le contexte budgétaire n’incite pas à ‘demander plus’. Essayons alors de
‘redistribuer mieux’. Essayons d’être plus solidaires vis-à-vis des personnes en fin de vie, et notamment des
personnes âgées. Réfléchissons sur le coût de l’acharnement thérapeutique. Nous savons que dans certaines
situations, des traitements sont réalisés alors qu’ils sont inutiles. Pas disproportionnés, mais bien inutiles. Un
collègue chirurgien me citait le cas d’une dame qu’il avait opérée, alors que ça n’était pas utile. Coût de
l’opération : 45.000 euros, soit le coût une infirmière pendant un an dans une maison de retraite la nuit.
Humanité : Pourquoi l’opération a-t-elle été réalisée, alors ?
Vincent Morel : C’est ça qui est compliqué. Notre rapport à la médecine va de plus en plus vers le soin, vers les
actes. On nous pousse à toujours utiliser la dernière technologie, laquelle évolue sans cesse. Cette opération
n’aurait d’ailleurs pas été possible il y a dix ans sur une personne âgée. Il faut prendre en compte ce que peut
faire la médecine - des exploits parfois - et la demande des patients. Et parfois, on est conduit à faire des actes
inutiles ou qui relèvent de l’acharnement thérapeutique. C’est pourquoi je plaide pour redistribuer une partie
des moyens de la santé vers les personnes les plus fragiles, les plus vulnérables. Et notamment vers la fin de
vie et les personnes âgées.
Humanité : Que vous inspire le cas Vincent Lambert, qui sera examiné le 20 juin prochain par le Conseil
d’Etat ?
Vincent Morel : C’est complètement différent de l’affaire Bonnemaison, pour laquelle la justice a été saisie
pour des mauvaises pratiques de soins. Dans le cas Vincent Lambert, c’est en effet le Conseil d’Etat qui est
saisi, du fait de la complexité de la situation. Cette affaire illustre selon moi le défaut d’information sur la loi
Leonetti. Ce qui manquait aux médecins, c’était l’avis de Vincent Lambert, qui n’avait pas écrit de directive
anticipée, ni désigné sa personne de confiance. Dans ce cas-là, il faut consulter la famille. Mais celle-ci est
totalement déchirée. C’est donc un drame familial qui s’ajoute à un drame humain. Le Conseil d’Etat devra
donc déterminer, avec un certain nombre d’experts, si on a là un acharnement thérapeutique. Comment ? En