Effets indésirables des médicaments et Pharmacovigilance

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Effets indésirables des médicaments et Pharmacovigilance
L'existence des effets indésirables des substances administrées aux malades pour tenter de
les guérir était connue bien avant Molière. Ce qui est nouveau et remonte aux années 1970
est l'étude systématique de ces effets indésirables qui peuvent se définir comme toute
altération de l'état du malade consécutive à l'administration d'un médicament. L'étude des
effets indésirables et leur prévention sont l'objet de la pharmacovigilance.
Il ne faut pas dissocier les effets indésirables d'un médicament de ses effets bénéfiques. Un
médicament efficace contre une maladie grave, cancer par exemple, est le bienvenu même
au prix de quelques effets indésirables. Par contre, il est difficile d'accepter qu'un
médicament d'efficacité douteuse ou destiné à traiter une maladie bénigne entraîne des
effets secondaires importants ou fréquents.
La prescription d'un médicament doit donc mettre en balance ses effets bénéfiques espérés
et ses effets indésirables possibles.
En règle générale, les symptômes et les signes d'un effet indésirable d'un médicament
ressemblent à ceux que l'on observe au cours des maladies, ce qui fait qu'il est souvent
difficile de les reconnaître.
De plus, les effets indésirables les plus communs, fatigue, somnolence, difficulté à se
concentrer, céphalées, peuvent être retrouvés sur une période de quelques jours chez la
plupart des individus bien portants, en absence de toute prise de médicaments ou de
placebo, si on les interroge d'une manière systématique.
1-Mécanismes des effets indésirables des médicaments
On peut distinguer schématiquement trois mécanismes à l'origine des effets indésirables selon
qu'ils sont liés ou non aux propriétés pharmacologiques connues des médicaments qui les
entraînent.
1.1-Effet indésirable directement lié à l'effet pharmacologique principal
1. Il peut s'agir de l'effet pharmacologique recherché qui, en raison d'une posologie
excessive ou de la susceptibilité particulière du malade, se trouve dépassé : par
exemple, hémorragie sous anticoagulant, hypoglycémie après administration
d'insuline, etc.
2. Il peut s'agir d'un effet pharmacologique non recherché, directement dépendant du
mécanisme d'action du médicament.
Ainsi, la plupart des neuroleptiques commercialisés actuellement entraînent, par
leurs effets antidopaminergiques, une élévation de la prolactine et des troubles
endocriniens.
L'atropine, utilisée comme antispasmodique, entraîne par le même mécanisme une
sécheresse de la bouche non recherchée.
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Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) en inhibant la cyclooxygénase
entraînent de nombreuses conséquences, les unes souhaitées, les autres
indésirables.
La majorité des antinéoplasiques actuels ont de nombreux effets indésirables parce qu'ils
altèrent non seulement les cellules tumorales mais aussi les cellules saines. Administrés à
l'enfant pour traiter une maladie n'atteignant pas les gonades, la maladie d'Hodgkin par
exemple, ils peuvent entraîner à l'âge adulte une stérilité chez l'homme et des anomalies
ovariennes chez la femme.
1.2- Effet indésirable lié à une propriété pharmacologique parallèle de la molécule
La plupart des molécules ont, en plus de leur effet principal, d'autres effets considérés
comme accessoires. La plupart des antidépresseurs tricycliques ont des propriétés
atropiniques non indispensables à l'action antidépressive, mais susceptibles de donner des
effets indésirables. Le diazoxide est à la fois hyperglycémiant et hypotenseur; quand on
l'utilise pour l'une de ses propriétés, l'autre n'est pas nécessairement souhaitable.
Ces deux premiers types d'effets indésirables liés aux propriétés pharmacologiques sont
généralement prévisibles et sont le plus souvent décelés avant la mise sur le marché. Pour
réduire leur fréquence ou leur gravité, il faut choisir le médicament le plus spécifique et
l'utiliser à la posologie la plus faible, compatible avec un effet thérapeutique suffisant.
1.3- Effet indésirable non lié à une propriété pharmacologique connue du médicament
C'est le cas de beaucoup d'effets indésirables comme les hépatites, les agranulocytoses qui
surviennent avec des médicaments en principe sans effet sur le foie ou les lignées sanguines.
Le mécanisme de ce type d'effets indésirables est encore mal connu; il sera détaillé dans un
autre ouvrage. Il peut s'agir de réactions de type immuno-allergique ou de type toxique
(formation de métabolites toxiques, réactions radicalaires) survenant chez un nombre très
limité de malades.
Bien entendu, si la fréquence ou la gravité de ces accidents provoqués par un médicament
devient importante, il faut restreindre son utilisation, voire même le retirer du commerce.
L'idéal serait de pouvoir détecter les malades susceptibles de mal tolérer certains
médicaments efficaces sans devoir les retirer du commerce, mais il reste encore beaucoup à
faire pour y parvenir.
2-Mise en évidence des effets indésirables des médicaments
La mise en évidence de la responsabilité d'un médicament dans l'apparition d'un effet
indésirable repose sur deux démarches complémentaires et souvent associées : l'analyse
détaillée de l'observation ou imputabilité et l'étude comparative de la fréquence de l'effet
indésirable considéré.
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Imputabilité
L'appréciation de la responsabilité d'un médicament dans l'apparition d'un effet indésirable
chez un sujet donné est appelée imputabilité. Elle repose sur l'analyse détaillée de l'effet
indésirable et utilise des arguments sémiologiques et chronologiques.
Les arguments sémiologiques tiennent compte de la symptomatologie clinique et des
examens paracliniques. Une sémiologie est évocatrice dans la mesure où on la reconnaît
comme telle, c'est-à-dire dans la mesure où elle coïncide avec les données admises de la
littérature. Une hémorragie survenant sous traitement anticoagulant à l'héparine est assez
évocatrice car elle est reconnue comme effet indésirable possible de l'héparine. Une
thrombopénie survenant dans les mêmes conditions devient évocatrice seulement depuis
qu'elle a été reconnue comme un effet indésirable de l'héparine. Les arguments
sémiologiques augmentent l'imputabilité des accidents connus au détriment des accidents
non encore répertoriés.
Les arguments chronologiques sont :
la coïncidence entre l'effet indésirable et la prise du médicament,
la disparition de l'effet à l'arrêt du médicament,
la réapparition de l'effet à la reprise du médicament.
Mais la réadministration du médicament suspect comme épreuve diagnostique n'est
acceptable que si elle ne fait pas courir de risque grave au malade et qu'elle peut permettre
d'éviter une prescription ultérieure dangereuse.
Cependant, en cas de dépendance, l'effet indésirable peut apparaître à l'arrêt du
médicament. Il s'agit en général de l'effet inverse de celui du médicament; par exemple à
l'arrêt du médicament hypnotique, il y a majoration de l'insomnie.
Chez les personnes âgées, il est souvent difficile de différencier les conséquences des
maladies et de l'altération de l'état général des effets indésirables induits par le ou les
nombreux médicaments utilisés. L'amélioration de l'état du malade à l'arrêt du ou des
médicaments constitue le meilleur argument en faveur de l'existence d'un effet indésirable
médicamenteux.
Etude de la fréquence
L'analyse de la fréquence d'un effet indésirable supposé peut être entreprise pour s'assurer
de sa réalité et apprécier le risque de sa survenue.
La comparaison de la fréquence d'un effet indésirable déterminé dans un groupe de malades
traités par un médicament avec celle que l'on observe dans un groupe de personnes non
traitées par lui, permet d'évaluer la probabilité de sa responsabilité dans cet effet. Il s'agit
d'une méthode statistique, non applicable à un cas isolé, qui est utilisée dans les études
épidémiologiques. Pour mettre en évidence un effet indésirable apparaissant plusieurs
années après un traitement - comme le risque de cancer de l'ovaire après stimulation
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ovarienne pour traiter une stérilité - il faut recourir à la comparaison de la fréquence de ces
cancers dans la population traitée et non traitée. Les résultats de ce type d'études, même
très bien conduites, ne doivent pas toujours être considérés comme apportant une réponse
définitive au problème posé car l'expérience montre qu'en raison de biais non décelés, des
études ultérieures peuvent conduire à des conclusions différentes, voire opposées.
L'analyse de la fréquence est aussi utilisée d'une manière intuitive, sans qu'on en ait toujours
conscience, pour rechercher la cause d'un fait dont la répétition est apparue quelque peu
inhabituelle à l'observateur - comme par exemple la rupture du tendon d'Achille chez les
malades traités par les fluoroquinolones.
3- Objectif de la pharmacovigilance
L'objectif de la pharmacovigilance est la réduction de la fréquence et de la gravité des effets
indésirables des médicaments tout en maintenant ou, mieux, en améliorant leur efficacité.
En aucun cas un effet indésirable d'un médicament ne doit être analysé sans tenir compte de
ses propriétés générales et de la gravité de la maladie pour laquelle il est prescrit.
Les conditions nécessaires pour atteindre cet objectif sont, outre la qualité du médicament,
une bonne connaissance de ses propriétés et de certaines particularités du malade.
Qualité des médicaments
Cet aspect concerne plus particulièrement l'industrie pharmaceutique et l'administration
responsable de l'autorisation de la mise sur le marché du médicament et de son retrait
éventuel.
Les nouveaux médicaments doivent être plus efficaces et mieux tolérés que les anciens, mais
il est illusoire de penser qu'ils seront totalement dépourvus d'effets indésirables.
L'information concernant chaque médicament, qu'elle soit destinée au médecin ou au
malade (notice d'accompagnement du médicament) doit être objective et claire et
constamment tenue à jour.
Connaissance des médicaments
Le médecin qui prescrit les médicaments doit être particulièrement averti de leurs effets
indésirables afin de les prévenir par le choix le plus approprié et de les déceler dès leur
apparition pour éviter, par l'arrêt, si nécessaire, du médicament supposé responsable, les
conséquences parfois graves pour le malade.
La quasi-totalité des effets indésirables connus de chaque médicament est répertoriée dans
le RCP ou Résumé des Caractéristiques du Produit, document établi sous le contrôle de
l'Agence du Médicament, distribué par le laboratoire pharmaceutique fabricant et reproduit
dans divers ouvrages ou banques de données informatisées qu'il faut consulter avant de
prescrire un médicament qu'on ne connaît pas bien et en cas de suspicion d'effets
indésirables. Ces informations résultent en grande partie de la mise en commun des effets
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indésirables déclarés. Ceci souligne l'importance de la déclaration aux Centres Régionaux de
Pharmacovigilance de tout effet indésirable grave susceptible d'être provoqué par un
médicament.
Le pharmacien qui délivre les médicaments doit, en examinant les ordonnances, relever les
erreurs de prescription, notamment les incompatibilités entre médicaments, et déceler les
ordonnances falsifiées. Il doit aussi prêter attention aux divers produits en vente libre dans
sa pharmacie, appelés produits conseils, qui sont le plus souvent d'origine végétale mais pas
toujours anodins.
Enfin sont concernés toutes les autres personnes qui participent aux soins, dentistes,
infirmières, sage-femmes ainsi que les malades eux-mêmes.
Une connaissance suffisante des médicaments est difficile à acquérir car on dispose de très
nombreux principes actifs agissant par des mécanismes complexes. La multiplication des
présentations commerciales du même produit actif, soit par co-commercialisations (même
médicament nouveau commercialisé sous des dénominations commerciales différentes),
soit par des génériques (commercialisation de médicaments anciens qui ne sont plus
protégés par un brevet, sous diverses dénominations commerciales, pouvant donner
l'illusion qu'il s'agit de molécules nouvelles) demande une attention particulière de la part
des prescripteurs.
Connaissance du malade
Un diagnostic exact ne garantit pas un bon traitement, mais un diagnostic erroné sera à
l'origine d'un traitement inapproprié ou dangereux. Le diagnostic ne concerne pas
seulement la maladie mais comprend l'évaluation globale de l'état du malade et de ses
éventuelles particularités, insuffisance rénale, âge avancé, grossesse...
Insuffisance rénale
L'existence d'une insuffisance rénale aiguë ou chronique doit conduire à une diminution de
la posologie des médicaments à élimination rénale prédominante.
Age avancé
La majorité des effets indésirables des médicaments surviennent chez des personnes âgées
de plus de 60 ans. Pour expliquer cette fréquence importante, deux raisons peuvent être
invoquées :
la sensibilité des personnes âgées aux médicaments.
La plus grande sensibilité des personnes âgées aux médicaments, quand elle existe,
repose sur des altérations pathologiques telles que l'insuffisance rénale. Elle ne doit
pas servir de prétexte à l'acceptation d'effets indésirables trop fréquents chez elles
mais être une raison pour adapter leur traitement.
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