Université Libre de Bruxelles Faculté des Sciences psychologiques

UniversiLibre de Bruxelles
Faculté des Sciences psychologiques et de l’Education
Enquête longitudinale sur l’orientation des élèves sortants de
l’enseignement spécial primaire de type 8
Philippe Tremblay
2003
2
1. Introduction
Ce travail, ayant pour titre «
Enquête longitudinale sur l’orientation des élèves sortants de
l’enseignement spécial primaire de type 8 »,
s’intéresse au parcours scolaire d’une cohorte
d’élèves ayant transi par l’enseignement spécial de type 8. En Belgique, ce type
d’enseignement spécial, destiné aux enfants présentant des troubles d’apprentissage, n’existe
qu’au niveau primaire. Les élèves ayant fréquenté le type 8 sont donc obligatoirement
orientés vers un autre type de l’enseignement spécial ou vers l’enseignement ordinaire à la fin
du cycle primaire. Ce type d’enseignement a d’ailleurs comme finalide : « (…) combiner
avec une pédagogie de la sécurisation des exigences soigneusement mesurées et
personnalisées dans le domaine proprement scolaire (…) et ce, dans la perspective d’une
réintégration dans l’enseignement ordinaire » (CF, 1985). Ce type d’enseignement étant, dès
lors, considé comme transitoire et restreint. L’enseignement ordinaire reste la norme.
Cette caractéristique unique permet de marquer de façon claire les moments d’entrée et de
sortie du système d’enseignement spécial. Dans le cadre de cette étude, nous allons tenter
d’évaluer l’atteinte de la finalité de réintégration dévolue à ce type d’enseignement et vérifier
d’autre part si ce type d’enseignement s’adresse bien à la population prescrite par les autorités
scolaires.
Pour effectuer cette évaluation, différentes caractéristiques furent récoltées, à l’aide d’une
grille, dans les dossiers d’élèves et lors d’un contact téléphonique avec leurs parents ou leur
école secondaire. Les élèves étudiés sont ceux ayant quitté l’enseignement spécial primaire
au terme de l’année scolaire 1999-2000 dans la région de Bruxelles-Capitale. En vue de
constituer un accord sur la valeur des documents récoltés d’un dossier à l’autre, les
renseignements récoltés seront ceux qui revêtent une qualité officielle ou prescrite et dont la
présence dans les dossiers est importante dans l’ensemble de l’échantillon (protocole
d’admission, âge, niveau scolaire, attestation, etc.). Les informations sur les élèves seront
recueillies à l’aide d’une grille, dans les dossiers des élèves. Les dossiers des élèves sont
disponibles auprès des écoles de l’enseignement spécial ou dans les centres psycho-médico-
social (centres PMS). De plus, pour connaître l’orientation des élèves sur trois années après
leur passage en enseignement secondaire, nous contacterons les parents ou les écoles actuelles
par téléphone. Les résultats ainsi obtenus permettront de réaliser une enquête statistique à
partir d’un échantillon de type géographique (région de Bruxelles-Capitale) en ayant pris soin
d’y retrouver des écoles de différents réseaux scolaires et situés dans des communes et des
écoles issues de différents milieux socio-économiques.
Cette enquête statistique tente de répondre à un manque important de données sur
l’enseignement spécial en général et sur le type 8 en particulier. Ce manque de
renseignements sur le parcours scolaire de ces élèves a pour conséquence que les expériences,
études ou analyses faites pour ou sur ces enfants n’ont aucun point de repère pour comparer
leurs résultats. C’est le cas, par exemple, avec des expérimentations de intégration
accompage d’enfants issus du type 8 de Petit et Spielman (1999). Ceux-ci font remarquer :
« (…) il est difficile d’estimer ce qui se serait produit sans notre intervention. Une analyse
comparative des résultats obtenus par rapport à ce qui se serait produit sans notre
intervention n’aurait été en effet possible que par une étude longitudinale de leur cursus
scolaire, rendue impossible par la dispersion des élèves ». Cette situation ne permet pas
d’apprécier l’effet des reformes et expériences appliquées à ce système. Une meilleure
connaissance peut ainsi permettre d’adapter l’offre selon les besoins dans le but d’offrir un
meilleur service, de prendre des décisions politiques et administratives, etc.. Cette étude
permettra à des écoles spéciales de type 8, qui poursuivent ou non un programme de
3
intégration en enseignement ordinaire, de pouvoir bénéficier de points de repères. Les
professionnels qui travaillent avec cette population seront d’ailleurs les premiers néficiaires
de ce constat. Ils sont en effet l’un des rares groupes d’enseignants qui ne connaît pas, de
manière générale et/ou statistique, ce que produit comme orientation le système
d’enseignement dans lequel ils travaillent. De même, pour les parents, connaître mieux ce
type d’enseignement leur permettra d’effectuer un choix éclai et/ou de réclamer des
aménagements nouveaux dans les services offerts à cette population. Enfin, ces chiffres et
expériences vécues permettront de remplir un vide qui amène moult intervenants à citer
différents chiffres non-vérifiés ou farfelus, sans aucune base scientifique solide, sur le
parcours et le devenir scolaire de ces enfants.
Enfin, cette enquête longitudinale ne limite pas son champ d’investigation au seul
enseignement spécial de type 8. Dans ce cas particulier, cela signifie que les élèves
proviennent préalablement de l’enseignement ordinaire et sont destinés à y retourner. Cette
évaluation du parcours scolaire d’enfants ayant transité par le type 8 de l’enseignement
spécial n’est pas donc pas limitée uniquement à l’enseignement spécial de type 8 mais à
l’ensemble du travail de scolarisation et de remédiation apporté à cet enfant tout au long de sa
scolarité.
4
2. Revue de la littérature
2.1 La situation internationale
2.1.1 Historique
Les troubles de l’apprentissage ont fait l’objet d’observations scientifiques depuis le début du
XIXe siècle (Hallahan & Mercer, 2001). Torgensen (cité par Lyon, Fletcher & Barnes, 1999)
fait même remarquer que les Grecs avaient jà observé de tels troubles. De nombreux
chercheurs (Lyon, Torgensen, Kavale, Forness) ont travaillé sur l’historique du concept des
troubles de l’apprentissage. Différents courants sont apparus pour tenter de les expliquer et de
les traiter : le courant organiciste, le courant instrumental et le courant pédagogique. Ces
différents courants se sont influen l’un l’autre et les emprunts sont nombreux. « Nous
pouvons dire que chacune des étapes historiques, profondément déterminée par des éléments
conjoncturaux, a introduit dans la finition des aspects ou des énoncés qui ont perduré
jusqu'à aujourd'hui » (Brunet, 2001).
Au cours du XIXe siècle, plusieurs médecins, surtout en Europe, avaient remarqué dans
différents pays que certains enfants éprouvaient des difficultés importantes pour apprendre à
lire, parler, écrire ou encore calculer. On avait constaté également que ces difficultés ne
pouvaient s’expliquer par une mauvaise scolarité, un milieu défavorisé ou par la bilité. De
plus, ces enfants ne présentaient aucun problème auditif ou visuel. Gall (in Brunet 2001) fut
le premier decin au but du XIXe siècle, à réaliser une étude détaillée de personnes ayant
des difficultés à s’exprimer oralement ou par écrit. Il remarqua la nature isolée de ces
difficultés. Il formula l’hypotse que des lésions cérébrales localisées affectaient certaines
compétences
a
. Cette approche organiciste mettait en avant des causes neurologiques aux
troubles d’apprentissage. C’est Gall qui émit d’ailleurs les premiers critères d’exclusion en
spécifiant qu’il était essentiel d’y parer le retard mental, la surdité et cécité. Cette
dicalisation initiale du champ de recherche sur les troubles d’apprentissage a donné une
orientation neurobiologique et psychologique encore d’actualiaujourd’hui
b
.
On parla ensuite de « minimal brain dammage » puis de « minimal brain dysfonction » pour
expliquer les causes des difficultés d’apprentissage. Ces concepts de « sions minimes »
furent finalement abandonnés à cause de leur manque de validité scientifique solide. « En
effet, les dysfonctionnements qu’ils postulent sont minimes et (…) difficiles à déceler. Il
s’ensuit que lorsqu’une étude n’en trouve point, il est impossible de savoir si ces
dysfonctionnements n’existent véritablement pas ou s’ils sont si difficiles à déceler que la
méthodologie mise en œuvre n’a pu le faire » (Dumas, 2002). De plus, il n’y a que peu
d’enfants avec un de ces troubles qui montrent des sions décelables. Cette approche
neurobiologique, bien que possédant plusieurs acquis scientifiques incontestables, présente
une définition trop imprécise qui ne permet pas d’expliquer totalement l’étiologie des troubles
de l’apprentissage. Elle ne prend pas en cause la complexité des relations entre le cerveau et
le comportement.
Dans la deuxième moitié du XXe siècle, un des pères fondateurs du champ de recherche,
Strauss qui avait beaucoup travaillé avec des enfants ayant plusieurs troubles, a considéré,
pour la première fois, l’ensemble des troubles d’apprentissage comme un tout. Il a également
indiqué limportance d’offrir à ces enfants un enseignement adapté. Il a également selon
certains « straussifié » la recherche et le traitement des troubles d’apprentissage. Kavale et
5
Forness (1985) rapportent que les idées de Strauss influencent encore le champ de recherche
sur des sujets comme le fait que les troubles représentent un mole médical, qu’ils sont
associés ou causés par des dysfonctions neurologiques, que les problèmes scolaires sont liés à
des ficits dans les processus psychologiques de l’apprentissage ou finalement que l’échec
scolaire obscurcit le fait que l’intelligence soit normale et qu’il y a finalement une anomalie
entre le QI et les performances scolaires. Une forte association entre l'orientation spatiale et
le rendement scolaire, comprise à l'époque comme une relation causale, aura, pendant un
certain temps, un impact considérable sur les pratiques de rééducation. Lui et d’autres se sont
appliqués à construire des instruments d’évaluation et d’exercices pour mesurer cette
association. Ils sont à la base du courant instrumental anglo-saxon.
Le courant instrumental est surtout une approche symptomatique de l’étiologie du trouble.
On continue d’attribuer les causes de ces troubles à des facteurs neurologiques (malformation,
dysmaturation, etc.) tout en s’intéressant aux manifestations instrumentales de ces
dysfonctionnements réels ou supposés. « La notion de troubles instrumentaux est une notion
récente (…). Elle a surgi de la prise de conscience d’un lien entre des troubles des fonctions
neurocognitives supérieures et des troubles d’apprentissage chez des enfants sans déficit
intellectuel global et apparemment indemnes de toute lésion neurologique » (Petit &
Spielman, 1999). Ce qui a fait dire à Vernon : « En dehors des manques socioculturels ou des
troubles affectifs, il existe une déficience inhérente fondamentale : les troubles
instrumentaux » (in Duret, 2001). La causalité linéaire est très difficile à établir, il est par
conséquent ardu d’attribuer un trouble instrumental à un problème neurologique de manière
certaine.
En langue française, c’est le docteur A. Haim qui a introduit le terme « d’instrument ». Il a
défini l’instrument comme « l’ensemble des processus neurobiologiques de base qui
interviennent dans l’adaptation humaine au milieu matériel par la motricité et au milieu
humain par le langage ». Les troubles instrumentaux étant « des troubles perceptivo-moteurs
ou de langage liés à la mauvaise qualité de ces processus neurologiques de base » (in Duret
2001). L’approche instrumentale consiste à définir a priori les facteurs responsables des
troubles et à les mettre en évidence à l’aide de tests. Les principaux tests s’intéressent à la
latéralité, la structuration spatio-temporelle et le rythme. Nous verrons plus loin que ces tests
en particulier et ce courant en général sont très contestés quant à leur valeur scientifique.
Il existe trois formes de troubles instrumentaux : les ficits perceptifs visuels ou auditifs, les
déficits psychomoteurs (débilité motrice, dyspraxie, instabilité psychomotrice) et les ficits
du langage parlé et/ou écrit. On s’intéressera aux aspects mathématiques plus tard. De nos
jours, sous l’étiquette de troubles instrumentaux, on décrit des faiblesses dans les domaines de
l’organisation visuo-spatiale, de l’organisation temporelle et séquentielle, du langage réceptif,
de la parole et du langage expressif, de la mémoire, de la motricité et de l’attention. Les noms
des principaux acteurs francophones du courant instrumental sont liés aux différents tests qui
les ont élaborés (Borel, Stambak, etc.) dans les équipes de Zazzo à Paris et Ajuriaguerra à
Genève durant les années 1950-60.
Selon Lyon (1996), c’est avec la nécessité de développer une intervention pédagogique
rééducative qu'apparaîtra l'intérêt pour la dimension comportementale des élèves présentant
des difficultés d'apprentissage chez les spécialistes de l’éducation. « Kirk et Bateman ont
sûrement été parmi les leaders importants qui ont insisté sur la nécessité d'adopter, face aux
difficultés d'apprentissage, une position descriptive à des fins éducatives » (Brunet, 2002).
Plutôt que d’en rechercher l’étiologie, ils s’intéressèrent aux caractéristiques
1 / 150 100%

Université Libre de Bruxelles Faculté des Sciences psychologiques

La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !