Université Libre de Bruxelles Faculté des Sciences psychologiques

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Université Libre de Bruxelles
Faculté des Sciences psychologiques et de l’Education
Enquête longitudinale sur l’orientation des élèves sortants de
l’enseignement spécial primaire de type 8
Philippe Tremblay
2003
1. Introduction
Ce travail, ayant pour titre « Enquête longitudinale sur l’orientation des élèves sortants de
l’enseignement spécial primaire de type 8 », s’intéresse au parcours scolaire d’une cohorte
d’élèves ayant transité par l’enseignement spécial de type 8. En Belgique, ce type
d’enseignement spécial, destiné aux enfants présentant des troubles d’apprentissage, n’existe
qu’au niveau primaire. Les élèves ayant fréquenté le type 8 sont donc obligatoirement
orientés vers un autre type de l’enseignement spécial ou vers l’enseignement ordinaire à la fin
du cycle primaire. Ce type d’enseignement a d’ailleurs comme finalité de : « (…) combiner
avec une pédagogie de la sécurisation des exigences soigneusement mesurées et
personnalisées dans le domaine proprement scolaire (…) et ce, dans la perspective d’une
réintégration dans l’enseignement ordinaire » (CF, 1985). Ce type d’enseignement étant, dès
lors, considéré comme transitoire et restreint. L’enseignement ordinaire reste la norme.
Cette caractéristique unique permet de marquer de façon claire les moments d’entrée et de
sortie du système d’enseignement spécial. Dans le cadre de cette étude, nous allons tenter
d’évaluer l’atteinte de la finalité de réintégration dévolue à ce type d’enseignement et vérifier
d’autre part si ce type d’enseignement s’adresse bien à la population prescrite par les autorités
scolaires.
Pour effectuer cette évaluation, différentes caractéristiques furent récoltées, à l’aide d’une
grille, dans les dossiers d’élèves et lors d’un contact téléphonique avec leurs parents ou leur
école secondaire. Les élèves étudiés sont ceux ayant quitté l’enseignement spécial primaire
au terme de l’année scolaire 1999-2000 dans la région de Bruxelles-Capitale. En vue de
constituer un accord sur la valeur des documents récoltés d’un dossier à l’autre, les
renseignements récoltés seront ceux qui revêtent une qualité officielle ou prescrite et dont la
présence dans les dossiers est importante dans l’ensemble de l’échantillon (protocole
d’admission, âge, niveau scolaire, attestation, etc.). Les informations sur les élèves seront
recueillies à l’aide d’une grille, dans les dossiers des élèves. Les dossiers des élèves sont
disponibles auprès des écoles de l’enseignement spécial ou dans les centres psycho-médicosocial (centres PMS). De plus, pour connaître l’orientation des élèves sur trois années après
leur passage en enseignement secondaire, nous contacterons les parents ou les écoles actuelles
par téléphone. Les résultats ainsi obtenus permettront de réaliser une enquête statistique à
partir d’un échantillon de type géographique (région de Bruxelles-Capitale) en ayant pris soin
d’y retrouver des écoles de différents réseaux scolaires et situés dans des communes et des
écoles issues de différents milieux socio-économiques.
Cette enquête statistique tente de répondre à un manque important de données sur
l’enseignement spécial en général et sur le type 8 en particulier. Ce manque de
renseignements sur le parcours scolaire de ces élèves a pour conséquence que les expériences,
études ou analyses faites pour ou sur ces enfants n’ont aucun point de repère pour comparer
leurs résultats. C’est le cas, par exemple, avec des expérimentations de réintégration
accompagnée d’enfants issus du type 8 de Petit et Spielman (1999). Ceux-ci font remarquer :
« (…) il est difficile d’estimer ce qui se serait produit sans notre intervention. Une analyse
comparative des résultats obtenus par rapport à ce qui se serait produit sans notre
intervention n’aurait été en effet possible que par une étude longitudinale de leur cursus
scolaire, rendue impossible par la dispersion des élèves ». Cette situation ne permet pas
d’apprécier l’effet des reformes et expériences appliquées à ce système. Une meilleure
connaissance peut ainsi permettre d’adapter l’offre selon les besoins dans le but d’offrir un
meilleur service, de prendre des décisions politiques et administratives, etc.. Cette étude
permettra à des écoles spéciales de type 8, qui poursuivent ou non un programme de
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réintégration en enseignement ordinaire, de pouvoir bénéficier de points de repères. Les
professionnels qui travaillent avec cette population seront d’ailleurs les premiers bénéficiaires
de ce constat. Ils sont en effet l’un des rares groupes d’enseignants qui ne connaît pas, de
manière générale et/ou statistique, ce que produit comme orientation le système
d’enseignement dans lequel ils travaillent. De même, pour les parents, connaître mieux ce
type d’enseignement leur permettra d’effectuer un choix éclairé et/ou de réclamer des
aménagements nouveaux dans les services offerts à cette population. Enfin, ces chiffres et
expériences vécues permettront de remplir un vide qui amène moult intervenants à citer
différents chiffres non-vérifiés ou farfelus, sans aucune base scientifique solide, sur le
parcours et le devenir scolaire de ces enfants.
Enfin, cette enquête longitudinale ne limite pas son champ d’investigation au seul
enseignement spécial de type 8. Dans ce cas particulier, cela signifie que les élèves
proviennent préalablement de l’enseignement ordinaire et sont destinés à y retourner. Cette
évaluation du parcours scolaire d’enfants ayant transité par le type 8 de l’enseignement
spécial n’est pas donc pas limitée uniquement à l’enseignement spécial de type 8 mais à
l’ensemble du travail de scolarisation et de remédiation apporté à cet enfant tout au long de sa
scolarité.
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2. Revue de la littérature
2.1 La situation internationale
2.1.1 Historique
Les troubles de l’apprentissage ont fait l’objet d’observations scientifiques depuis le début du
XIXe siècle (Hallahan & Mercer, 2001). Torgensen (cité par Lyon, Fletcher & Barnes, 1999)
fait même remarquer que les Grecs avaient déjà observé de tels troubles. De nombreux
chercheurs (Lyon, Torgensen, Kavale, Forness) ont travaillé sur l’historique du concept des
troubles de l’apprentissage. Différents courants sont apparus pour tenter de les expliquer et de
les traiter : le courant organiciste, le courant instrumental et le courant pédagogique. Ces
différents courants se sont influencé l’un l’autre et les emprunts sont nombreux. « Nous
pouvons dire que chacune des étapes historiques, profondément déterminée par des éléments
conjoncturaux, a introduit dans la définition des aspects ou des énoncés qui ont perduré
jusqu'à aujourd'hui » (Brunet, 2001).
Au cours du XIXe siècle, plusieurs médecins, surtout en Europe, avaient remarqué dans
différents pays que certains enfants éprouvaient des difficultés importantes pour apprendre à
lire, parler, écrire ou encore calculer. On avait constaté également que ces difficultés ne
pouvaient s’expliquer par une mauvaise scolarité, un milieu défavorisé ou par la débilité. De
plus, ces enfants ne présentaient aucun problème auditif ou visuel. Gall (in Brunet 2001) fut
le premier médecin au début du XIXe siècle, à réaliser une étude détaillée de personnes ayant
des difficultés à s’exprimer oralement ou par écrit. Il remarqua la nature isolée de ces
difficultés. Il formula l’hypothèse que des lésions cérébrales localisées affectaient certaines
compétencesa. Cette approche organiciste mettait en avant des causes neurologiques aux
troubles d’apprentissage. C’est Gall qui émit d’ailleurs les premiers critères d’exclusion en
spécifiant qu’il était essentiel d’y séparer le retard mental, la surdité et cécité.
Cette
médicalisation initiale du champ de recherche sur les troubles d’apprentissage a donné une
orientation neurobiologique et psychologique encore d’actualité aujourd’huib.
On parla ensuite de « minimal brain dammage » puis de « minimal brain dysfonction » pour
expliquer les causes des difficultés d’apprentissage. Ces concepts de « lésions minimes »
furent finalement abandonnés à cause de leur manque de validité scientifique solide. « En
effet, les dysfonctionnements qu’ils postulent sont minimes et (…) difficiles à déceler. Il
s’ensuit que lorsqu’une étude n’en trouve point, il est impossible de savoir si ces
dysfonctionnements n’existent véritablement pas ou s’ils sont si difficiles à déceler que la
méthodologie mise en œuvre n’a pu le faire » (Dumas, 2002). De plus, il n’y a que peu
d’enfants avec un de ces troubles qui montrent des lésions décelables. Cette approche
neurobiologique, bien que possédant plusieurs acquis scientifiques incontestables, présente
une définition trop imprécise qui ne permet pas d’expliquer totalement l’étiologie des troubles
de l’apprentissage. Elle ne prend pas en cause la complexité des relations entre le cerveau et
le comportement.
Dans la deuxième moitié du XXe siècle, un des pères fondateurs du champ de recherche,
Strauss qui avait beaucoup travaillé avec des enfants ayant plusieurs troubles, a considéré,
pour la première fois, l’ensemble des troubles d’apprentissage comme un tout. Il a également
indiqué l’importance d’offrir à ces enfants un enseignement adapté. Il a également selon
certains « straussifié » la recherche et le traitement des troubles d’apprentissage. Kavale et
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Forness (1985) rapportent que les idées de Strauss influencent encore le champ de recherche
sur des sujets comme le fait que les troubles représentent un modèle médical, qu’ils sont
associés ou causés par des dysfonctions neurologiques, que les problèmes scolaires sont liés à
des déficits dans les processus psychologiques de l’apprentissage ou finalement que l’échec
scolaire obscurcit le fait que l’intelligence soit normale et qu’il y a finalement une anomalie
entre le QI et les performances scolaires. Une forte association entre l'orientation spatiale et
le rendement scolaire, comprise à l'époque comme une relation causale, aura, pendant un
certain temps, un impact considérable sur les pratiques de rééducation. Lui et d’autres se sont
appliqués à construire des instruments d’évaluation et d’exercices pour mesurer cette
association. Ils sont à la base du courant instrumental anglo-saxon.
Le courant instrumental est surtout une approche symptomatique de l’étiologie du trouble.
On continue d’attribuer les causes de ces troubles à des facteurs neurologiques (malformation,
dysmaturation, etc.) tout en s’intéressant aux manifestations instrumentales de ces
dysfonctionnements réels ou supposés. « La notion de troubles instrumentaux est une notion
récente (…). Elle a surgi de la prise de conscience d’un lien entre des troubles des fonctions
neurocognitives supérieures et des troubles d’apprentissage chez des enfants sans déficit
intellectuel global et apparemment indemnes de toute lésion neurologique » (Petit &
Spielman, 1999). Ce qui a fait dire à Vernon : « En dehors des manques socioculturels ou des
troubles affectifs, il existe une déficience inhérente fondamentale : les troubles
instrumentaux » (in Duret, 2001). La causalité linéaire est très difficile à établir, il est par
conséquent ardu d’attribuer un trouble instrumental à un problème neurologique de manière
certaine.
En langue française, c’est le docteur A. Haim qui a introduit le terme « d’instrument ». Il a
défini l’instrument comme « l’ensemble des processus neurobiologiques de base qui
interviennent dans l’adaptation humaine au milieu matériel par la motricité et au milieu
humain par le langage ». Les troubles instrumentaux étant « des troubles perceptivo-moteurs
ou de langage liés à la mauvaise qualité de ces processus neurologiques de base » (in Duret
2001). L’approche instrumentale consiste à définir a priori les facteurs responsables des
troubles et à les mettre en évidence à l’aide de tests. Les principaux tests s’intéressent à la
latéralité, la structuration spatio-temporelle et le rythme. Nous verrons plus loin que ces tests
en particulier et ce courant en général sont très contestés quant à leur valeur scientifique.
Il existe trois formes de troubles instrumentaux : les déficits perceptifs visuels ou auditifs, les
déficits psychomoteurs (débilité motrice, dyspraxie, instabilité psychomotrice) et les déficits
du langage parlé et/ou écrit. On s’intéressera aux aspects mathématiques plus tard. De nos
jours, sous l’étiquette de troubles instrumentaux, on décrit des faiblesses dans les domaines de
l’organisation visuo-spatiale, de l’organisation temporelle et séquentielle, du langage réceptif,
de la parole et du langage expressif, de la mémoire, de la motricité et de l’attention. Les noms
des principaux acteurs francophones du courant instrumental sont liés aux différents tests qui
les ont élaborés (Borel, Stambak, etc.) dans les équipes de Zazzo à Paris et Ajuriaguerra à
Genève durant les années 1950-60.
Selon Lyon (1996), c’est avec la nécessité de développer une intervention pédagogique
rééducative qu'apparaîtra l'intérêt pour la dimension comportementale des élèves présentant
des difficultés d'apprentissage chez les spécialistes de l’éducation. « Kirk et Bateman ont
sûrement été parmi les leaders importants qui ont insisté sur la nécessité d'adopter, face aux
difficultés d'apprentissage, une position descriptive à des fins éducatives » (Brunet, 2002).
Plutôt que d’en rechercher l’étiologie, ils s’intéressèrent aux caractéristiques
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comportementales et aux méthodes de remédiation. Le terme de « learning disabilities », en
français traduit par « troubles de (des) apprentissages », fut inventé en 1962 par Kirk,
psychologue à l’Université de l’Illinois, pour décrire ce concept de sous-rendement scolaire
inattendu. Kirk utilisait ce terme en référence à une variété de syndromes affectant le
langage, l’apprentissage et la communication. Certains parlent de terme « parapluie »
(Latham, 2002) pour désigner le terme de troubles de l’apprentissage. Ce concept
relativement large a reçu depuis lors une reconnaissance de la communauté scientifique et
éducative. Il permet d’englober les différents courants de recherche (organiciste, génétique,
pédagogique, instrumental, etc.) au sein d’une même dénomination. L’appellation « troubles
d’apprentissage » englobe et limites les définitions antérieures. Les troubles doivent avoir un
effet sur les apprentissages et la scolarité. Par exemple, un trouble instrumental, comme le
rythme, peut exister chez des enfants qui effectuent une scolarité normale car ils réussissent à
compenser de façon efficace. Autrement dit, on peut avoir des troubles instrumentaux sans
avoir de troubles d’apprentissages et avoir des troubles d’apprentissages sans avoir de
troubles instrumentaux.
La recherche a montré la validité du concept des troubles d’apprentissage avec des preuves
issues de différentes sources. Par exemple, on a démontré que les élèves avec des troubles de
l’apprentissage utilisent qualitativement d’autres comportements de lecture et ont des besoins
d’intervention différents que les élèves seulement sous-performants, c’est-à-dire ayant des
difficultés d’apprentissage « normales ». On peut également différencier les types de troubles
et les autres troubles associés comme l’ADHD, les troubles du comportement, des handicaps,
etc.. Le terme générique « troubles d’apprentissage » est justifié car les troubles sont liés entre
eux et coexistent dans la même personne. Il a également l’avantage de ne pas décrire de
cause, mais uniquement la nature du problème de l’enfant.
Cette reconnaissance a permis la mise en place de services particuliers dans la plupart des
pays pour venir en aide à ces enfants. De plus, pour la plupart des intervenants, cette notion
de troubles d’apprentissage est moins stigmatisante car il n’y a pas de références directes à
des lésions ou à un dysfonctionnement mental comme c’était précédemment le cas. Nous
avons décidé d'utiliser le terme « troubles d’apprentissage » plutôt que celui d' «incapacités »
ou d' «inhabiletés à apprendre » pour traduire « learning disabilities » ou « specific learning
disabilities ». Bien que le terme équivalent anglais de « trouble » soit « disorder », il nous a
semblé, à la lecture des différents travaux et des classifications internationales que les deux
termes recouvraient les mêmes réalités. Nous préférons également le terme de troubles
d’apprentissage à celui de « difficultés d'apprentissage » qui renvoie plus, selon nous, à une
catégorie plus large, à laquelle appartiennent les troubles d’apprentissages, la débilité, les
difficultés passagères, etc..
Jusqu’à nos jours, d’autres approches, comme la neuropsychologie, ont abordé les troubles
d’apprentissages en utilisant les nouvelles technologies qui permettent d’analyser le
fonctionnement du cerveau (IRM, scanner, etc.). De même, les avancées en génétique et en
psychologie cognitive ont permis d’émettre de nouvelles hypothèses quant aux troubles et à
leur développement au cours de la vie. Ces approches actuelles seront analysées plus avant
dans le corps du travail. Enfin, aux Etats-Unis, depuis les années 70, on accorde beaucoup
d’importance à l'hyperactivité et au déficit d'attention. On a alors assisté à une première
médicalisation importante au plan de l'intervention thérapeutique. Certaines médications à
base d’amphétamine (ex. : Rilatine) sont reconnues pour leurs effets sur l'hyperactivité, et par
voie de conséquence, sur l'apprentissage. « Safer et Krager (1988) ont évalué qu'au cours des
années 1980 environ 750,000 élèves américains prenaient ce type de médicament sans qu'il
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ne soit évident que les progrès constatés se maintenaient à long terme. Les études récentes
s’intéressent aux effets possibles sur les fonctions cognitives supérieures, considérées
actuellement comme les plus déterminantes dans la réussite des apprentissages » (Brunet,
2001).
2.1.2 La définition des troubles d’apprentissage
« Il est difficile de comprendre comment un professionnel peut réussir à identifier,
diagnostiquer, ordonner un traitement, enseigner ou rééduquer, motiver, ou améliorer de
manière générale la vie d'une personne qui présente des difficultés d'apprentissage sans avoir
préalablement une idée claire et précise de la nature des troubles d'apprentissage »
(Hammill, 1990). Bien qu’existe un accord assez large sur le terme de « troubles de
l’apprentissage », il n’en existe pas de définition universellement acceptée. La plupart des
définitions des troubles des apprentissages ayant cours de nos jours sont émises par
différentes organisations ou institutions nationales ou internationales comme l’Organisation
mondiale de la santé (OMS), les Etats, les associations de psychologues, pédagogues ou
médecins, des associations de parents, d’enseignants, etc.
Kirk (1962), le père du terme de troubles d’apprentissage, fut évidemment le premier à
proposer une définition, qui est devenue en quelque sorte la matrice de la majorité des
définitions en usage à ce jour. Ce dernier définit ces troubles comme :
Un retard, un trouble ou un délai de développement dans l’un ou plusieurs des
processus du langage, de la lecture, de la prononciation, de l’écriture ou du calcul
résultant d’un possible dysfonctionnement cérébral et non d’un retard mental,
d’une privation sensorielle ou de facteurs culturels ou pédagogiques.
Il ajoutera plus tard que les troubles de l’apprentissage représentent une divergence entre ses
performances et sa capacité apparente à apprendre. Il reconnaît que les troubles de
l’apprentissage représentent un amalgame de troubles, tous regroupés sous un même label.
Kirk a ainsi fixé quelques invariants qui se retrouvent dans la plupart des définitions. En
effet, on y retrouve les postulats d’hétérogénéité, d’intrinsèque (neurobiologique), les notions
d'écart entre le potentiel et le rendement scolaire et d’exclusion, c’est-à-dire la notion
d'exclusivité par rapport aux autres conditions handicapantes qu'elles soient culturelles,
émotionnelles, intellectuelles, motrices ou sensorielles. Il catégorise également en quatre
sous-groupes les troubles de l’apprentissage : les troubles spécifiques de la communication, de
la lecture, de l’expression écrite et du calcul. Ces différents éléments sont présents dans la
plupart des définitions.
2.1.2.1 Définitions des classifications internationales
Les classifications internationales et leurs définitions servent d’étalon pour les législations
nationales et/ou les autres définitions. Bien qu’elles ne soient pas acceptées de tous, elles
servent de références et permettent de s’entendre sur une base de travail mondialement
connue. Les trois grandes classifications que j’ai choisies sont celles qui recueillent le plus
d’adhésion tant en francophonie qu’au plan mondial. Elles sont le plus souvent citées comme
définition de référence. Il s’agit de la Classification internationales des maladies (CIM), la
Classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent (CFTMEA)c et le
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Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM). Ces trois grandes
classifications définissent, décrivent et ordonnent les troubles de manières comparables mais
en utilisant un vocabulaire différent. Elles s’accompagnent d’une classification et permettent
un diagnostic. Elles se veulent uniquement descriptives et athéoriques. Chaque classification
décrit trois troubles majeurs (lecture, écriture, calcul) et n’inclut pas les troubles du langage
parlé dans la sous-catégorie des troubles d’apprentissage.
La définition qui semble servir de référence mondiale est celle de l’OMS, le CIM-10. La
Classification statistique internationale des Maladies et des Problèmes de Santé connexes
(CIM), dont les différentes 37 versions linguistiques autorisées, constitue le répertoire
internationalement reconnu des maladies et des affections médicales. On dit également que la
Classification est l'ouvrage scientifique le plus souvent cité dans le monde. La Classification
actuelle, c'est-à-dire la dixième révision de la CIM (CIM-10) a été adoptée par l'assemblée
mondiale de la Santé en 1990. La plupart des institutions et gouvernements s’en inspirent
fortement ou y font référence. L’OMS utilise le terme de « Troubles spécifiques du
développement des acquisitions scolaires ». Ces troubles se définissant ainsi:
Troubles dans lesquels les modalités habituelles d'apprentissage sont altérées dès
les premières étapes du développement. L'altération n'est pas seulement la
conséquence d'un manque d'occasions d'apprentissage ou d'un retard mental et
elle n'est pas due à un traumatisme cérébral ou à une atteinte cérébrale acquise.
Les différents troubles sont ensuite présentés : troubles spécifiques de la lecture, de
l’orthographe, de l’arithmétique. Les troubles du langage sont quant à eux inclus dans une
autre section, celle des troubles spécifiques du développement de la parole et du langage. Ils
font partie avec les troubles de l’apprentissage des « Troubles du développement
psychologique ». Ces troubles ont comme caractéristiques communes « d’avoir un début
obligatoirement dans la première ou la seconde enfance, de présenter une altération ou un
retard du développement de fonctions étroitement liées à la maturation biologique du système
nerveux central et une évolution continue, sans rémission ni rechute. Dans la plupart des cas,
les fonctions atteintes concernent le langage, le repérage visuo-spatial et la coordination
motrice ». Ils diminuent progressivement avec l'âge, des déficits légers peuvent toutefois
persister à l'âge adulte.
L’Association américaine de psychologie (APA) présente à travers « Diagnostic and
Statistical Manual of Mental Disorders-IV » (DSM-IV) sa définition. Le DSM est considérée
comme la « bible » aux Etats-Unis et ailleurs pour le diagnostic et la classification des
troubles mentaux. Ainsi, pour l’American Psychologist Association :
« Des troubles caractérisés par un développement inadéquat de compétences
scolaires, langagières, de parole et motrices. Ces troubles ne sont pas causés
par des troubles physiques ou neurologiques, un retard de développement
généralisé, un retard mental ou une scolarité inadéquate. (…) Le diagnostic d’un
trouble des apprentissages est porté lorsque les performances du sujet à des tests
standardisés, passés de façon individuelle, portant sur la lecture, le calcul ou
l’expression écrite sont nettement au-dessous du niveau escompté, compte tenu
de son âge, de son niveau scolaire, et de son niveau intellectuel. Les problèmes
d’apprentissages interfèrent de manière significative avec cette réussite scolaire
où les activités de la vie courante qui nécessitent de savoir lire, écrire ou
compter. (…) Les troubles de l’apprentissage peuvent persister à l’âge adulte ».
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Par la suite, chacun des trois troubles est défini brièvement comme étant une habileté mesurée
nettement en-dessous du son potentiel, la formule de discrépance deux écarts-types est
proposée ensuite. Le DSM énonce pour chacun des troubles spécifiques que le diagnostic doit
mesurer « par un test standardisé individuel (ou d’une évaluation fonctionnelle des
compétences) des performances substantiellement en-dessous ce qui est supposé être donné
par cette enfant en tenant compte de son âge biologique, de sa mesure de l’intelligence et de
son niveau d’instruction ». La discrépance entre le potentiel et les performances est ainsi
clairement donnée comme critère diagnostique. Le DSM dit ensuite que cette discrépance
« doit interférer significativement avec la réussite scolaire ou les activités quotidiennes
demandant l’utilisation de ces compétences ». Enfin, on fait remarquer que si un déficit
sensoriel est présent, il y a trouble quand les difficultés dans le trouble spécifique sont plus
massives qu’habituellement.
Dans ces classifications, les troubles sont définis comme spécifiques. Cela signifie qu’ils
n’appartiennent pas à un syndrome pathologique plus large comme le handicap mental ou la
cécité par exemple. Pourtant ces définitions ne sont pas claires en ce qui concerne
l’hétérogénéité, la persistance des troubles, l’élément intrinsèque et la comorbidité. Ces
définitions incluent implicitement les éléments d’hétérogénéité et d’exclusion. Elles
invoquent également l’élément de discrépance comme un critère d’inclusion. Ce sont des
définitions idiopathiques car les causes ne sont pas spécifiées. La logique derrière le
développement de tel système de classification est que l’identification, le diagnostic et le
pronostic ne peuvent se faire efficacement sans que l’hétérogénéité, dans un même trouble et
entre troubles d’apprentissage, soit délimitée théoriquement avec fidélité, validité, sensibilité.
Cela ne semble pas être le cas.
En ce qui concerne la classification française(CFTMEA) et celle de l’OMS, on insiste sur le
fait que ces troubles doivent se manifester à la première ou à la seconde enfance, aux
premières étapes du développement. Paradoxalement, un diagnostic correct ne peut
s’effectuer que vers 9 ans selon les spécialistes. L’orientation est clairement scolaire pour les
troubles d’apprentissage dans la définition de l’OMS, tandis que la définition du CFTMEA a
une ouverture plus instrumentale. Dans les deux cas, les causes sont neurobiologiques. Les
facteurs socioculturels et de scolarité insatisfaisante sont clairement définis comme critère
d’exclusion tout comme la débilité ou d’autres handicaps. Les troubles sont inscrits dans la
durée.
Dans le cas du DSM, ce sont essentiellement les même définitions qui sont « plaquées » sur
chaque sous-trouble, il y a un manque de véritables spécificités. Le DSM a clairement une
volonté d’opérationnalisation avec la référence à des tests. La discrépance entre le QI et les
performances dans les trois catégories regroupant les troubles d’apprentissages (lecture,
écriture, calcul) semble le facteur d’inclusion premier. Le quotient intellectuel sert d’élément
d’exclusion pour la débilité et d’inclusion pour la discrépance. Le rapport à la scolarité
antérieure et à la réussite (et l’échec) est direct. Les troubles sont également inscrits dans la
durée. Il y a également une référence claire à l’incapacité de l’école ordinaire à prendre en
charge cet enfant (réussite et vie de tous les jours) comme critère diagnostique.
Ce sont des définitions par exclusion, donc des définitions faibles. Ces trois grandes
classifications internationales proposent un moyen de diagnostic pour les troubles de
l’apprentissage d’un point de vue symptomatique et athéorique. Pour parler d’un trouble de
l’apprentissage, il faut un écart significatif entre les possibilités intellectuelles et son niveau
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d’acquisitions scolaires. Cette base essentiellement symptomatique ne nous dit rien de la
cause des troubles. Il faudra d’autres tests et analyses pour mieux en connaître les causes. Ils
ne nous présentent qu’une petite facette du sujet qui ne peut être réduit à une catégorie.
Plusieurs professionnels de la santé mentale se montrent insatisfaits des classifications comme
outil diagnostic. Ces critiques touchent la confiance mise dans un modèle purement médical
et l’importance trop grande accordée à la fidélité comme expression de la validité. (Barron,
1998)
2.1.2.2 La définition du gouvernement étasunien
Des gouvernements ou organismes ayant compétence en matière d’enseignement définissent
« officiellement » les troubles de l’apprentissage et/ou la manière dont ils seront
diagnostiqués. Bien qu’inspirées par les autres définitions internationales, les définitions
officielles différent d’une région à l’autre, tout comme la manière de diagnostiquer ces
troubles. Cela implique que l’on peut souvent observer des différences parfois importantes.
Un enfant classé avec des troubles selon un contexte peut très bien suite à un déménagement,
par exemple, ne plus recevoir la même classification. Ainsi, des chercheurs ont remarqué
l’existence d’enfant diagnostiqué avec des troubles mais qui n’en ont pas (faux positif) et
d’autres qui en ont et qui sont diagnostiqués comme n’en ayant pas (faux négatif), ou encore
une variance dans la sévérité.
Aux Etats-Unis, l'adoption de deux lois adoptées en 1970 et 1976, «Education of the
Handicaped Act » et le «Education for all Handicaped Children » à contribué à influencer et
à orienter le développement du domaine des troubles d'apprentissage. Ces deux législations
ont été marquantes parce qu'elles ont légitimé et financé une multitude de recherches, de
programmes de formation et la création de centres modèles pour venir en aide entre autres aux
élèves présentant des difficultés d'apprentissage. Cette intervention massive eut toutes sortes
d'effets. A titre d’exemple, les changements de la loi en 1976 sur les personnes handicapées
aux Etats-Unis (IDEA) conduisit entre 1976-77 et 1992-93 à une augmentation de 198% des
élèves ayant des troubles d’apprentissage. Ce qui a fait dire malicieusement à MacMillan
(2000), qu’ « avec ces allures d’épidémie, le Centre national du contrôle des maladies
devraient raisonnablement mettre les écoles d’Amérique en quarantaine ». On comptait
environ 120 000 élèves américains recevant des services spécialisés pour leurs troubles
d'apprentissage en 1970. Ce nombre est passé à 796 000 en 1976 et à près de deux millions
en 1988 — ce qui représentait alors tout près de 5 % de la population étudiante et presque 45
% de tous les élèves présentant des besoins particuliers. « Par conséquent, c'est une catégorie
légale plutôt qu'un diagnostic médical, bien que les définitions médicales et légales soient
similaires » (Shapiro, 2000).
Une très grande partie de la recherche sur les troubles d’apprentissage est anglo-saxonne. La
plupart des chercheurs utilisent donc comme référence les définitions du DSM et celle du
gouvernement américain. La promulgation de la loi concernant les troubles d’apprentissage a
eu une répercussion importante sur l’ensemble de la recherche en créant cette catégorie de
manière officielle. Le gouvernement fédéral étasunien dans la loi 94-142 « Individual with
Disabilities Act (IDEA) » définit les troubles de l’apprentissage comme étant :
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Un trouble spécifique de l’apprentissage signifie un trouble dans un ou plusieurs
des processus psychologiques de base utilisés dans la compréhension ou
l’utilisation du langage, parlé ou écrit, qui peut se manifester lui-même par une
imparfaite habilité à écouter, penser, parler, lire, écrire, épeler ou faire des
calculs mathématiques. Ce terme inclut les handicaps perceptifs, les lésions
cérébrales, des dysfonctions minimes, la dyslexie et la dysphasie. Ce terme
n’inclut pas les enfants qui ont des problèmes résultant à la base de troubles
visuels, auditifs ou moteurs, de retard mental, de troubles émotionnels ou encore
de désavantages environnementaux, culturels ou économiques.
Il ajoute qu’une équipe de professionnel peut déterminer si un enfant a un trouble
d’apprentissage, s’il a des performances inférieures à celles attendues dans la définition par
rapport à son âge et à son niveau de compétences dans les sections suivantes : expression
orale, compréhension orale, compréhension écrite, compétences de base en lecture,
compréhension de la lecture, calcul ou raisonnement mathématique. Cette définition
nationale doit encore être opérationnalisée par les différents Etats américains. Cela fait
qu’avec une même définition nationale, différentes situations seront observées sur le terrain
dues à des considérations politiques, sociales, budgétaires, etc. Les éléments présents dans les
autres définitions comme la discrépance, l’élément intrinsèque et d’exclusion sont restés mais
enrichis de la notion de processus psychologiques et d'habiletés au plan de l'écoute, de la
parole et de la pensée. La définition comporte également des éléments d’inclusion
relativement précis concernant la dyslexie, les déficits perceptifs, etc. Il n’est pas fait
mention de la scolarité antérieure.
Cette définition a été largement critiquée (Fletcher, 2002; Kavale & Forness, 1985; Lyon,
2001). Pour les chercheurs, elle a quatre défauts majeurs, résumés par Torgesen (1991), qui la
rendent inefficace. Premièrement, elle n’indique pas assez clairement que les troubles de
l’apprentissage sont un groupe hétérogène de troubles. Ensuite, elle ne reconnaît pas que les
troubles d’apprentissage persistent fréquemment et se manifestent chez les adultes aussi bien
que chez les enfants. Cette définition ne spécifie pas clairement que, quelles que soient les
causes des troubles d’apprentissage, le creuset commun est constitué des altérations
inhérentes dans la façon dont l’information est traitée. Pour terminer, elle ne reconnaît pas
adéquatement que les autres personnes handicapées peuvent avoir des troubles
d’apprentissage ajouté à leur handicap.
2.1.2.3 Définitions de la recherche
Depuis le début des années 90, les chercheurs nord-américains et d’ailleurs ont une réflexion
concertée sur le phénomène des difficultés d'apprentissage. « En fait, la définition, la
classification, la nature, voire l’existence même de ces troubles sont parmi les sujets les plus
controversés de la psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent » (Dumas, 2002). Cette
réflexion a débouché sur une critique des anciennes définitions et sur une recherche d’accord
sur les éléments que devrait comporter une définition valide.
On retient généralement une dizained de ces définitions comme étant les plus représentatives
et qui ont (ou ont eu) un degré d’accord entre chercheurs plus ou moins importants. Des
définitions comme celle de Kirk ou du gouvernement américain en font partie. Deux autres,
plus récentes, semblent faire l’objet pour l’instant du certain degré d’accord entre chercheurs
et servent fréquemment de référence ou de base à la critique et à l’analyse.
11
La première est issue d’un groupe de chercheurs travaillant sur la question des troubles de
l’apprentissage. Ce groupe a tenté de répondre aux critiques faites aux définitions
précédentes du DSM et du gouvernement américain. Le groupe de travail de l’Interagency
Committee on Learning Disabilities (ICLD) avait de plus, comme volonté, d’opérationnaliser
la définition pour la recherchee. Selon Lyon (2001) cette définition reste vague et reflète une
« ambitieuse » volonté de description de troubles multiples et hétérogènes. Elle ne donne pas
d’information concernant les pronostics. Il n’y a pas de critère d’inclusion et elle est
également basée sur l’exclusion.
Ce type de définition ne peut être aisément
opérationnalisable ou validée empiriquement.
Une autre définition est donnée par le National Joint Committee on Learning Disabilities
(NJCLD). Elle est le résultat d'une construction où se sont ajoutés, au cours des années, des
énoncés qui faisaient l'objet d'un large consensus. Hammill souligne qu’il existe malgré tout
un degré d'accord important entre les différentes définitions existantes. Il estime que la
définition proposée en 1987 par le NJCLD est probablement le meilleur énoncé descriptif au
sujet de la nature des difficultés d'apprentissage.
Les troubles d'apprentissage sont un terme générique désignant un ensemble
hétérogène de troubles se manifestant par des difficultés persistantes dans
l'acquisition et l'utilisation de l'écoute, de la parole, de la lecture, de l'écriture,
du raisonnement ou des mathématiques, ou des habiletés sociales. Ces désordres
sont intrinsèques à la personne et sont présumément causés par un
dysfonctionnement du système nerveux central. Même si une difficulté
d'apprentissage peut se manifester en concomitance avec d'autres conditions
handicapantes (par exemple, les déficiences sensorielles, le retard mental, les
perturbations sociales ou émotionnelles), avec d'autres influences socioenvironnementales (par exemple, les différences culturelles, une instruction
insuffisante ou inappropriée, des facteurs psychogénétiques), et particulièrement
avec un trouble de l'attention, qui peuvent toutes causer des difficultés
d'apprentissage, les difficultés d'apprentissage ne sont pas la conséquence
directe de ces conditions ou influences.
Malgré le consensus qui semble s'établir autour de la définition proposée par le National Joint
Committee on Learning Disabilities, il semble qu'une telle définition n'aide pas à la
compréhension de la nature et de l'étiologie des troubles d'apprentissage. Le recours à une
mesure du retard scolaire permet une discrimination passablement efficace des élèves qui
éprouvent des troubles d'apprentissage mais n'ajoute rien à la compréhension du phénomène
comme nous le verrons. De plus, « il est clair que, derrière la plupart des définitions
historiques, se profilent des postulats qui, même sans avoir été démontrés, ont continué
d'influencer la représentation d'une étiologie que les milieux scientifique et scolaire
entretiennent au sujet des difficultés d'apprentissage ». (Brunet, 2002) Et Doris (1993)
d’ajouter que cette forte convergence de la reconnaissance et de l'utilisation d'une même
définition ne se traduit pas par une égale convergence dans l'opérationnalisation de celle-ci.
Cette définition, malgré des qualités reconnues, ne serait pas véritablement opérationnelle
parce qu'elle ne spécifie pas les opérations ou les procédures par lesquelles le construit des
difficultés d'apprentissage peut être reconnu et mesuré. Swanson (1991) rappelle que lorsque
l'on veut opérationnaliser la notion de troubles d'apprentissage, trois paramètres touchant les
indicateurs doivent être considérés : leur sélection, leur fonction et leur parcimonie. Cette
12
sélection des indicateurs est difficile car pour que ces paramètres soient vraiment utiles, il
faudrait pouvoir s'entendre sur leur choix et leur opérationnalisation ce qui jusqu'à maintenant
n'a pas vraiment été fait. Pour Brunet (2002) : « La fonction première des indicateurs est de
spécifier les éléments qui auront à être opérationnalisés. Rappelons qu'une définition est
constituée d'éléments ou d'indicateurs ainsi que de leurs relations et que généralement, les
indicateurs sont l'expression d'hypothèses. Pour que les indicateurs puissent être
opérationnalisés, il faut qu'ils soient suffisamment précis et ils ne le sont que dans la mesure
où une théorie les supporte ». Finalement, la loi de la parcimonie veut que plus on raffine des
indicateurs au moyen de la recherche, moins ils devraient être nombreux. C’est un processus
d'élimination qui écarte les indicateurs qui influencent peu les résultats. Comme les
définitions successives des difficultés d'apprentissage ont eu tendance à se construire en
ajoutant des énoncés ou des indicateurs à ceux déjà existants plutôt qu'en réduisant leur
nombre, on est dans l'obligation de conclure que la loi de la parcimonie n'a pas été appliquée.
Swanson (1991) conclue qu'aucun des trois paramètres ou principes de l'opérationnalisation
des indicateurs n'a vraiment été respecté. Kavale dit qu’il fallait considérer les difficultés
d'apprentissage comme un phénomène complexe et multivarié difficile à définir à partir d'un
seul aspect du fonctionnement de l'élève qu'il soit linguistique, scolaire, neuropsychologique
ou comportemental.
Enfin, une définitionf plus récente (2001) semble de plus en plus être celle qui est considérée
comme la plus complète. L’Association pour les troubles d’apprentissage de l’Ontario, a
donné une définition des troubles d’apprentissage en tenant compte de quelques critiques
faites aux définitions précédentes.
Cette définition est beaucoup plus longue et tente de
parer les critiques émises précédemment. Elle est également créée à l’intention des
professionnels de l’éducation ayant à travailler avec ce type de population.
Malgré son aspect plus complet, cette définition n’échappe par aux critiques faites concernant
la parcimonie et l’opérationnalisation de la définition. Cette définition complète les modèles
déjà vus en insistant sur l’hétérogénéité, la persistance, la comorbidité, etc.. Elle est
également très ambitieuse. Cette inflation dans la définition s’explique également par le fait
qu’elle s’adresse tant aux chercheurs qu’aux professionnels du terrain. Toutefois, le modèle
de définition reste le même que dans les autres définitions vues précédemment, c’est-à-dire
déclaratif et manquant de fondements théoriques
2.1.3 Analyse de ces définitions
Comme nous venons de le voir, bien que les définitions « classiques » des troubles de
l’apprentissage contiennent des points communs. Kavale, Forness et Lorsbach (1991)
confirment que la majorité des définitions trouvées dans les écrits sur le sujet sont déclaratives
ou opérationnelles. Selon eux, quatre conclusions peuvent être dégagées de l'étude de ces
définitions. La première est que les définitions ne sont ni bonnes ni mauvaises, seulement
utiles. Puis, ces définitions donnent peu de renseignements scientifiques sur les troubles
d'apprentissage. L’ajout ou le retrait à la définition d'éléments tels que les habiletés sociales
font peu de différence parce qu'il s'agit d'un procédé de type déclaratif. Enfin, le problème de
la définition des difficultés d'apprentissage est interminable parce que les définitions
déclaratives ne permettent pas de clore le débat. « Comme les définitions opérationnelles ne
sont en fait que le résultat de la transformation de définitions déclaratives et que celles-ci
contiennent peu ou pas de véritables définitions de leurs concepts, il n'est pas étonnant de
constater que c'est, à toutes fins utiles, l'opérationnalisation qui leur donne un sens. Les
13
définitions opérationnelles ne sont en fin de compte que des représentations autrement
formulées des définitions déclaratives » (Brunet, 2002).
Hammill (1990), dans son étude des onze définitions les plus marquantes a dégagé neuf
paramètres qui les caractérisent et les distinguent. On retrouverait, selon son analyse, dans
une ou plusieurs définitions, des mentions quant au sous-rendement scolaire, à la dysfonction
du système nerveux central, à la dysfonction des processus psychologiques, au fait que la
difficulté à apprendre demeure présente tout au long de la vie de la personne, aux troubles
spécifiques du langage, aux difficultés particulières en regard d'une discipline scolaire, à
certains problèmes de conceptualisation présentés comme des difficultés d'apprentissage, à la
présence d'autres problèmes touchant en particulier les habiletés sociales ou motrices, et enfin,
à l'exclusion d'autres difficultés ou conditions handicapantes comme par exemple la
déficience intellectuelle, la perturbation émotionnelle ou le handicap moteur.
2.1.3.1 Les quatre postulats
Les différentes définitions des troubles de l’apprentissage ont très tôt comporté quatre
postulats ou éléments importants. Comme vu plus haut, il s’agit du modèle médical, de
l’hétérogénéité, de la discrépance, de l’exclusion et de l’intrinsèque. Ces quatre postulats ont
eu des influences considérables sur la définition et le diagnostic.
2.1.3.1.1 Postulat d’hétérogénéité
Les difficultés d'apprentissage sont-elles spécifiques et en ce sens, peut-on constituer des
sous-catégories uniques ou peut-on distinguer ces élèves des autres qui peuvent également
présenter des difficultés d'apprentissage ? Comme nous le remarquons à travers ces
différentes définitions, les troubles d’apprentissage ne sont pas un seul trouble mais un groupe
de troubles ; en combinaison, en tout ou en partie. Chaque trouble représente une forme
différente des troubles d’apprentissage. Les caractéristiques de chacun et les besoins
éducatifs varient et chaque trouble possède de multiples dimensions. Il n’y a pas de preuve
que les causes des différents troubles d’apprentissage soient les mêmes. Chacun des troubles
se doit donc d’être défini individuellement. Cela rend une définition générale (ou parapluie)
problématique, les troubles n’ayant pas de caractéristiques communes pouvant être
identifiées.
Cet élément d’hétérogénéité rend également les diagnostics très difficiles.
Puisque les
troubles peuvent toucher un large spectre de domaines, le diagnostic reflète rarement les
difficultés spécifiques de l’enfant concerné. Jusqu'à maintenant, on n'a pas réussi, selon
Swanson (1991), à distinguer les difficultés d'apprentissage propres aux élèves identifiés
comme tels de celles présentées par les élèves présentant d'autres types de difficultés. On n'a
pas non plus réussi à constituer des sous-catégories homogènes d'élèves présentant des
difficultés d'apprentissage telles que leur réponse aux interventions variait significativement
en fonction de la sous-catégorie à laquelle ils appartenaient. Ceci ne signifie pas que les
différences intra-individuelles n'existent pas. Plusieurs auteurs, comme par exemple Shaw &
al. (1995), ont montré que le profil des différences intra-individuelles de l'élève présentant des
difficultés d'apprentissage se caractérisait par des écarts importants dans les aspects mesurés
et se distinguait de celui, davantage linéaire, des autres élèves ayant des besoins particuliers.
14
Les quatre diagnostics possibles représentent quatre types d’acquisitions scolaires (écrire, lire,
parler et compter) qui forment la base du système éducatif primaire. Les acquisitions ne se
classent pas en trois domaines distincts pour l’enfant. L’hétérogénéité, souvent au sein d’un
même trouble ainsi que l’association des troubles entre eux, rend aussi inadéquat les systèmes
de classification utilisés. Certaines définitions laissent penser que l'hétérogénéité de ces
élèves est telle qu'elle se distingue de celle constatée chez les élèves « normaux ». En fait, on
a tendance à considérer leur hétérogénéité comme une caractéristique qui leur est propre.
Lloyd (1992) cité par Brunet a montré qu'il est plus sage de croire que la diversité trouvée
chez ces élèves n'est pas plus marquée que celle rencontrée chez les élèves ordinaires. En
effet, jusqu'à maintenant aucune preuve n'appuie sans équivoque la thèse de l'hétérogénéité.
De plus, les limites des catégories ne suivent pas bien ce qui a émergé de la recherche.
2.1.3.1.2 Postulat intrinsèque
Le champ de recherche sur les troubles d’apprentissage a été fondé sur le principe que des
causes neurobiologiques sont à la base de ces troubles.
Principalement, des
dysfonctionnements neurobiologiques ont été déduits de ce que l’on sait de la documentation
à propos des caractéristiques linguistiques, cognitives, académiques et comportementales
d’adultes avec des dommages cérébraux. Cela a été le cas, par exemple, avec des soldats
étasuniens blessés de la seconde guerre mondiale. De nos jours, les imageries mentales ou
encore les études des flux sanguins permettent des développements spectaculaires. On a ainsi
pu observer des différences au niveau du cerveau entre des personnes atteintes ou non de
troubles d’apprentissage. Des progrès importants en génétique ont également permis de
remarquer que les difficultés de lecture peuvent toucher plusieurs membres d’une même
famille.
L'identification des troubles d'apprentissage causés par des dysfonctions neurologiques
mineures implique évidemment l'évaluation des fonctions neurologiques en cause. Adelman
(1992) estime que la méthodologie actuelle ne permet pas, à partir d'évaluations
neurologiques et psycho-neurologiques, d'établir de façon valide un tel diagnostic. Dans la
plupart des cas, il est impossible de déterminer avec certitude quel facteur primaire est à
l'origine du trouble spécifique d'apprentissage. L'étiquette diagnostique ne suffit donc pas à
indiquer une dysfonction sous-jacente. Cependant, pour Adelman, il demeure
scientifiquement valide de concevoir un sous-groupe, si petit soit-il, dont les problèmes
d'apprentissage ont une base neurologique et de distinguer ce groupe des problèmes
d'apprentissage causé par d'autres facteurs. « Un schème utile à cet égard a trait à un
déterminisme réciproque ou à une perspective transactionnelle du comportement ».
A mesure que la recherche progresse dans le domaine des troubles de l’apprentissage, on
continue d’attribuer ces troubles à des causes intrinsèques plus qu’extrinsèques comme
l’environnement ou la culture d’origine même s’il n’y a pas de critères objectifs pour affirmer
la présence de dysfonctionnement cérébral pour tous les cas. Par contre, de plus en plus, on
s’accorde à dire que ces troubles ont une origine multifactorielle. Ainsi, il se pourrait qu’une
détermination génétique ou un dysfonctionnement minime ait besoin de facteurs
environnementaux pour avoir comme symptôme, un trouble d’apprentissage. Par exemple, un
enfant destiné à développer de tels troubles peut parce qu’il a été élevé dans un certain milieu
aggraver ou diminuer cette détermination. Des travaux en psychologie cognitive tentent de
démontrer cette hypothèse.
15
Depuis 25 ans, l'utilité d'une telle perspective a été étudiée par rapport aux causes et
traitements des problèmes d'apprentissage en général et des troubles d'apprentissage en
particulier. Une perspective transactionnelle englobe plutôt qu'elle ne remplace les causes
neurologiques des troubles d'apprentissage. Adelman et Taylor (1983, 1986) ont identifié,
dans une perspective transactionnelle, des personnes prédisposées à des troubles
d'apprentissage en raison de déficits personnels et ce, même quand le milieu est très
encadrant. En même temps, cette perspective reconnaît les occasions où un milieu inadéquat
ou hostile cause des difficultés d'apprentissage en l'absence de déficits personnels. Enfin, elle
tient compte des problèmes résultant de l'interaction des deux facteurs, personne et milieu.
L'ouverture de cette perspective transactionnelle permet de resituer les déficits neurologiques
par rapport à cette question fondamentale: les causes en présence relèvent-elles de façon
prioritaire de la personne, du milieu ou de l’interaction ?
Adelman nous offre une
représentation graphique de ce cadre de pensée.
Problèmes causés par des
facteurs dans le milieu (M)
Problèmes causés par
l’interaction
Problèmes causés par des
facteurs dans la personne (P)
M > p
M <--> P
m<P
Difficultés d'apprentissage
(type I)
Difficultés
d'apprentissage
(type II)
Troubles d'apprentissage
2.1.3.1.3 Postulat de discrépance
L’origine de la discrépance vient du constat fait depuis longtemps de l’anomalie entre de
faibles performances et une intelligence normale ou supérieure pour expliquer les troubles de
l’apprentissage. Pour calculer cette anomalie entre QI et performances, on utilise depuis les
années septante le critère de discrépance qui permet de calculer cet écart entre le potentiel et
les performances effectives.
La formule discrépance ou « anomalie QI » est basée sur
l'écart-type entre le Q.I. et le niveau atteint en lecture par exemple. Cela implique que les
enfants qui ont un écart important entre leur QI et leurs performances en langage oral, lecture,
expression écrite et/ou en calcul sont considérés comme n’atteignant pas leur potentialité
scolaire. « La notion de discrépance implique que des personnes d’intelligence normale ou
supérieure qui ont des difficultés d’apprentissage, différent sur le plan cognitif, neurologique
ou comportemental avec des personnes chez lesquelles le QI et les difficultés
d’apprentissages ne divergent pas ». (Dumas, 2002)
Le manque d’une définition claire des troubles de l’apprentissage est fortement lié à la
discrépance, cette dernière permettant d’opérationnaliser la définition. Bien qu’inexacte, le
fait de penser que le QI soit un prédicteur robuste de l’habilité à apprendre est à la base de la
discrépance entre le QI et les performances. La discrépance a eu un impact profond sur la
conceptualisation des troubles de l’apprentissage.
L’APA a fixé, dans le DSM-IV, une proposition de mesure de la discrépance :
Plusieurs approches statistiques peuvent être utilisées pour déterminer si la
16
différence est significative. « Nettement au-dessous » se définit généralement par
une différence de plus de deux écarts-types entre les performances et le quotient
intellectuel. Une différence moins importante (c’est-à-dire entre un et deux
écarts-types) est parfois retenue, particulièrement dans les cas où la performance
d’un sujet au test du quotient intellectuel peut avoir été perturbée par un trouble
associé des processus cognitifs, par un trouble mental prémorbide, ou une
affection médicale générale, ou encore par le contexte ethnique ou culturel. Si
un déficit sensoriel est présent, les difficultés d’apprentissage doivent être
supérieures à celles habituellement associées à ce déficit.
Toutefois, son utilisation soulève une question fondamentale. En effet, il importe de
s'entendre sur ce que signifie ne pas fournir le rendement ou la performance attendue ou ne
pas produire à la mesure de ses potentialités. En fait, « aucun élément de définition n’a
généré une aussi grande controverse que l’utilisation de la discrépance QI/performances
scolaires dans l’identification des élèves atteints de troubles d’apprentissage ». (Lyon,
Fletcher, Shaywitz & al., 1999). Malgré les mises en garde de plusieurs chercheurs
concernant ce que reflète et ne reflète pas le QI, l’utilisation de la discrépance comme
marqueur significatif des troubles d’apprentissage a été acceptée dans la pratique. Les
critiques sont de plusieurs ordres. Premièrement, la force de la corrélation laisse une marge
importante de troubles inexpliqués par les habiletés intellectuelles. On a observé une
corrélation entre le QI et la lecture à 0.70. « (…) nous ne devrions pas faire de parallèle entre
le QI et les habilités de lecture parce qu’elles sont imparfaitement corrélées ». (Prior, 1996)
De plus, on a remarqué que des enfants avec un QI faible peuvent avoir un bon niveau de
lecture. Ensuite, on ne connaît pas la distribution normale des écarts au sein de la population
en général de cette relation QI-performance. Les contenus différents des tests amènent
également des performances différentes selon le test utilisé. Enfin, un QI faible peut être la
conséquence d’un trouble d’apprentissage car les enfants ont moins l’occasion d’apprendre
par l’écrit ou l’oral.
Par ailleurs, un article de Siegel (1989) intitulé « Le QI est non pertinent pour la définition
des troubles d’apprentissage » et qui faisait le tour des difficultés rencontrées de l’utilisation
de la discrépance QI-performance, argumente que nous n’avons pas besoin des scores des
tests de QI parce qu’aucun ne prédit les fonctions cérébrales spécifiques à des tâches de
lecture, écriture ou parole. D’autres difficultés concernant la discrépance touche son
utilisation-même. De plus, une discrépance n’indique pas nécessairement des troubles. Un
enfant avec par exemple un QI de 120 mais un niveau de lecture de 90 sera considéré comme
discrépant même s’il n’éprouve pas de trouble de la lecture. Enfin, le seuil arbitraire entre des
troubles ou des faiblesses « normales » est difficile à tracer. En conclusion, la discrépance
s’intéresse plus à l’éligibilité à des services qu’à un véritable diagnostic.
Des études, comme celle de Kavale (2002) concernant la pratique de ces mesures sur le
terrain, montrent certains problèmes entourant son utilisation. Ces problèmes touchent des
erreurs de mesure du test, la non-validité des différents scores et l’utilisation de seuil pour
obtenir une distribution normale. On voit ainsi des « faux positifs » et des non-diagnostiqués.
Cette formule rend également difficile le diagnostic précoce. Cela signifie que des enfants
doivent échouer ou être suffisamment sous un niveau donné pour pouvoir bénéficier des
services adaptés. La divergence entre le QI et les performances scolaires ne pouvant être
mesurée valablement que vers 9 ans, ce critère représente un « wait-to-fail model »
(modèle d’attente de l’échec, Lyon, Fletcher, Shaywitz & al., 1999). Cela entre également en
contradiction avec le fait que ces troubles doivent se manifester dans la première et/ou
17
deuxième enfance.
Dans de nombreux cas, les enfants doivent connaître l’échec scolaire
avec ses conséquences émotionnelles et comportementales pendant deux à trois années pour
bénéficier ensuite d’un enseignement adapté. Elle peut tout aussi bien empêcher un enfant
d’avoir l’enseignement dont il a besoin car il est considéré comme non-discrépant, comme
cela peut être le cas d’un enfant avec un QI faible et un niveau de performances faible.
Pour de nombreux chercheurs (Fletcher 1994, Shaywitz 1992, Minnesota Studies), le critère
de discrépance manque de validité scientifique pour différencier les enfants avec troubles, des
autres, sous-performants. Plusieurs recherches ont démontré qu’il n’y a pas de preuve que
cela permette de différencier les lecteurs sous-performants discrépants ou non. Shaywitz
(1992) a montré, dans une étude longitudinale, que ces différences n’existent pas entre des
enfants classés discrépants et d’autres non-discrépants. Fletcher (1994) et d’autres ont
confirmé ces résultats. En résumant le travail, Vellutino et al. (2000) concluent que « … la
discrépance QI-performance ne distingue pas validement entre lecteurs avec ou sans trouble.
Pas plus qu’il ne distingue, entre deux enfants, qui est difficile à remédier de celui facilement
remédiable. Elle ne prédit pas non plus la réponse à cette remédiation » ( Lyon, 1999).
A travers ces réponses, rien n’indique que les enfants définis comme discrépants et les autres
varient pour l’intervention et les besoins. Encore une fois, on ne réussit pas à dégager une
spécificité propre à cette catégorie d'élèves. Ces chercheurs suggèrent qu’il faille trouver des
variables robustes qui prédisent les difficultés d’apprentissage dans des domaines autres que
ceux de l’intelligence ou du fonctionnement scolaire. Par exemple, des recherches (Fletcher,
1994) ont montré que des mesures cognitives et langagières (segmentation, manipulation de
règles) différenciaient les élèves avec des troubles (discrépants ou non) et les autres. Une
autre étude montre que le niveau actuel de lecture est la tâche la plus prédictive des résultats
de lecture un an après, suivi de la promptitude (identification de lettres, concepts de copie)
(Annexe 1).
Pour l’identification des élèves ayant des troubles de l’apprentissage, « (…) le critère de
discrépance, central au définition CIM et DSM n’est pas ce qui les distingue
systématiquement d’autres enfants fonctionnant normalement » (Dumas, 2002). Cela a
permis de redéfinir le rôle de la discrépance dans le diagnostic des troubles de l’apprentissage
comme le fait que le QI soit valide pour diagnostiquer correctement le retard mental (un
critère d’exclusion), mais pas pour les troubles d’apprentissageg.
2.1.3.1.4 Postulat d’exclusion
La plupart des définitions des troubles de l’apprentissage possèdent des clauses d’exclusion
qui établissent ce qu’ils ne sont pas. Ces conditions concernent le retard mental, les troubles
émotionnels, le handicap visuel ou auditif, une offre d’éducation inadéquate ou des conditions
sociales, familiales ou économiques. L’exclusion pose une question fondamentale : peut-on
fonder une définition sur l'absence de certaines caractéristiques ? Toutefois, on ne réussit pas
toujours à établir de différences notables. C'est le cas, par exemple, lorsque l'on compare la
compétence en lecture d'élèves identifiés dyslexiques à celle d'élèves qualifiés de mauvais
lecteurs mais n'étant pas identifiés comme présentant des troubles d'apprentissage, parce
qu’ayant par ailleurs une lenteur intellectuelle. De la même façon, on constate peu de
différences, sinon beaucoup de similarités, entre les élèves présentant des difficultés
d'apprentissage et les élèves considérés comme étant défavorisés au plan culturel.
18
En effet, s’il y a peu de débat sur les premières exclusions, l’offre d’éducation inadéquate et
les conditions sociales, familiales et économiques font l’objet de plus de controverses. Pour
beaucoup, ces facteurs sont considérés comme influences possibles des troubles de
l’apprentissage et peuvent altérer le développement de compétences cognitives et
linguistiques. Par ailleurs, une définition ne contenant pas ce type d’exclusion ouvrirait la
porte à une sur-représentation encore plus forte des catégories sociales défavorisées.
Il est possible que l’enfant réponde aux critères définissant un trouble de l’apprentissage parce
qu’un enseignement est inadéquat ou que la méthode d’apprentissage de la lecture ne convient
pas. Le manque de stimulations ou d’opportunités dans la famille peut également causer des
troubles d’apprentissage. Il en va de même avec la langue maternelle, l’écart famille-école, la
culture d’origine, etc.. L’idée qu’une instruction ou un milieu inadéquat ne pourrait expliquer
les troubles d’apprentissage dans la plupart des définitions est contredite par le fait que ces
facteurs peuvent être la cause de tels troubles, surtout en lecture. Pour Lyon (2001), « Cette
hypothèse d’exclusion dans la perspective de la recherche en classification montre peu de
preuves supportant le principe d’exclusions basées sur les désavantages économiques ou le
manque d’opportunité à apprendre ».
Cela entre partiellement en contradiction avec le postulat intrinsèque car on admet qu’on ne
peut difficilement séparer ces causes de celles d’origine neurologique. Toutefois, Kavale
(1988) et Lyon (1996), des preuves scientifiques montrent que les difficultés d’apprentissage
sont différentes dans les groupes d’enfants pauvres ayant des troubles d’apprentissage que ceux
issus de classes moyennes ou supérieures. L’exclusion d’enfants à cause de critères sociaux,
culturels, liés à la scolarité ou l’environnement, doit tenir compte de l’importance de ces
facteurs dans la construction de l’organisation du système nerveux central et ses facultés
cognitives et linguistiques. Cela a une incidence fondamentale sur le diagnostic et le
traitement.
En théorie, suivant ce postulat, une répartition normale des classes sociales devraient
apparaître car les différences seraient gommées par l’exclusion sociale, culturelle ou liée à la
scolarité antérieure. Dans la pratique, la sur-représentation des milieux défavorisés permet de
constater la non-confirmation partielle de ce postulat d’exclusion. Lyon affirme que depuis le
commencement des troubles de l’apprentissage comme catégorie, cette dernière a servi
« d’éponge sociologique ».
« Les troubles d’apprentissage sont devenus une « éponge
sociologique » qui ramasse les rejets de l’enseignement ordinaire. C’est là que vont les
élèves qui n’apprennent pas bien dans plusieurs cas » (Lyon, Fletcher, Shaywitz, & al.
1999). L’éponge se contracte et rétracte selon les procédures d’identification choisies, les
changements administratifs, idéologiques et démographiques, les demandes des parents, etc.
Jusqu’ici, l’éponge s’est surtout emplie de la diversité des problèmes scolaires,
comportementaux et socio-émotionnels de l’école ordinaire.
Le postulat d’exclusion entraîne un effet pervers en diagnostiquant certaines enfants sur base
de ce qu’ils ne sont pas plutôt que sur ce qu’ils sont. Cela occasionne parfois que la catégorie
des élèves atteints de troubles d’apprentissages soit un « fourre-tout » pour des enfants qui ont
des difficultés dont on ne connaît pas la cause. A l’origine, le critère d’exclusion ne visait
d’ailleurs pas à empêcher un enfant d’aller en enseignement spécial, mais de permettre une
meilleure classification sur le principe que, quand les désavantages économiques, les troubles
émotionnels ou une scolarité insatisfaisante étaient les causes premières des troubles
d’apprentissage, d’autres classifications étaient nécessaires. Cette référence à l’exclusion a
ralenti l’établissement de critères inclusifs. De plus, cela n’ajoute pas de clarté au concept, ni
19
le délimite clairement. Cela reflète la faiblesse de la définition à ce jour. Cette hypothèse
d’exclusion ne permet de différencier que partiellement les formes de faibles performances
qui sont spécifiques ou inattendues de celles qui peuvent être attribuées à d’autres causes.
Cela ne signifie pas qu’il ne faille pas exclure. Certains éléments comme le handicap visuel,
le retard mental, etc., font l’objet d’un accord très large entre chercheurs.
*
Dans ce tableau encore très incomplet des troubles de l’apprentissage, beaucoup de concepts
sont aujourd’hui remis en question. Depuis vingt ans, la science a beaucoup évolué dans ce
domaine et a apporté depuis les cinq dernières années des avancées significatives dans la
compréhension des troubles de l’apprentissage. Une analyse des quatre postulats amène à
conclure que chacun d’eux pose problème et qu'en conséquence, aucun ne peut être accepté
sans équivoque. Kavale et Forness (1992) estiment également, avec de nombreuses preuves à
l'appui, que les énoncés présents dans les définitions sont en général non valides et qu'en
conséquence leur valeur en tant qu'indicateurs des troubles d'apprentissage est questionnable.
Les définitions déclaratives sont postulatoires. En ce sens, elles n'ont pas à être vraies mais
seulement utiles. En réalité, elles n'ont qu'à recueillir un consensus suffisamment large quant
aux postulats qu'elles véhiculent pour être acceptées et utilisées. Cependant pour être
effectives, elles doivent être traduites en opérations. De ces postulats, seul celui relatif à la
discrépance a été largement opérationnalisé, donc utilisé dans la pratique. Comme nous
l’avons vu précédemment, aucun des paramètres, aucune des variables ou des composantes
des différentes définitions des troubles d’apprentissage ne réussit à passer le test de l'analyse
critique. Kavale et Forness (1992) affirment de plus, qu'il y a nécessité de procéder à une
reconceptualisation de la notion de troubles d'apprentissage à la lumière de nouvelles
connaissances et de nouveaux paradigmes.
De l’avis de tous, pour qu’une définition des troubles de l’apprentissage puisse émerger, il
faut que cette dernière soit scientifiquement valide, basée sur les derniers travaux, aisément
compréhensible et utilisée par tous ceux qui ont besoin de la comprendre, pratique et incluant
une variété de types de troubles de l’apprentissage (Stanovich (1993), in Lyon 2000).
Swanson identifie quatre conditions pour assurer une validité à la définition des troubles
d’apprentissage : les définitions opérationnelles doivent avoir une signification conceptuelle,
on doit questionner les mesures utilisées pour établir les écarts dans le rendement scolaire, les
définitions ne doivent pas être restrictives, mais plutôt à la recherche de patrons de continuité
dans les résultats de recherche et enfin, que la notion de difficulté intrinsèque dans le
processus de l'information soit étayée. En conclusion, Swanson suggère que l'on mette
l'accent sur la reformulation des définitions conceptuelles à l'intérieur du contexte des théories
de l'apprentissage et que l'on procède tant au plan quantitatif que qualitatif à des validations
expérimentales ou quasi expérimentales des diverses dimensions associées aux difficultés
d'apprentissage. Les progrès de la recherche en ce qui concerne les troubles de la lecture et la
théorie constructivo-cognitiviste laissent entrevoir le développement de définitions souscatégorielles opérationnelles, qui permettront d’arriver à un accord entre chercheurs et
praticiens.
L’attention portée à une réalité sous-jacente, les capacités cognitives, permettent d’asseoir la
nouvelle définition sur des connaissances théoriques plus solides et de construire une
psychométrie qui s’appuie sur cette théorie pour guider sa méthodologie. « Il ne saurait donc
y avoir de définition valide que dans la mesure où elle est fondée sur une théorie qui la
cautionne et la légitimise, qu'elle a été développée selon une méthodologie et à partir de
20
notions reconnues et enfin, qu'elle est construite en cohérence avec la connaissance déjà
établie. Nous aurons donc une définition fiable si les dimensions épistémologiques, à savoir
la théorie de la connaissance, les méthodes d'articulation et les liens conceptuels auront été
clairement identifiés » (Brunet, 2001).
Plusieurs chercheurs ont fait remarquer qu’en sus du besoin de définition solide, il faut
préparer le personnel à modifier son approche. Les exemples donnés concernant l’utilisation
du QI et/ou des tests de lecture, montrent le hiatus entre recherche et la pratique. Souvent, les
chercheurs, les praticiens et les administrateurs ne partagent une même conception des
difficultés d'apprentissage. Cette divergence de points de vue et de compréhension a engendré
certains problèmes. Parmi les plus sérieux, mentionnons la difficulté d'établir un diagnostic et
un pronostic convergents, d'orienter les interventions, d'évaluer les succès obtenus auprès de
ces élèves et enfin, de coordonner la recherche scientifique.
2.1.4 Les différents troubles
Pour la définition générale des différents troubles d’apprentissage, j’utiliserai celle de l’OMS
comme convention. Elle me semble la plus complète pour un survol et offre l’avantage d’être
un référent mondialement accepté. Bien évidemment, j’utiliserais également d’autres sources
pour des définitions plus spécifiques. Je tenterai toutefois d’illustrer les troubles avec une
terminologie utilisée plus fréquemment dans notre pays. En effet, la terminologie utilisée
pour nommer les différents troubles de l’apprentissage peut varier d’une publication à l’autre,
ou encore, d’un pays à l’autre. Par exemple, le terme de dyslexie est fréquemment utilisé tout
comme le terme de trouble de la lecture. « Dans les pays de langue française, ce trouble est
souvent dénommé « dyslexie » alors que chez les anglophones on préfère généralement le
terme de reading disabilities (trouble de lecture) à celui de dyslexia. Mais, dans tous les cas,
on s’accorde sur un même syndrome » (Grégoire, 1997).
J’ai inclus les troubles de la communication orale dans les troubles d’apprentissage malgré
leur séparation dans les trois grandes classifications internationales. En tant que troubles
associés aux troubles d’apprentissage, les troubles de la communication se retrouvent souvent
dans d’autres définitions des troubles d’apprentissage. En effet, l’apprentissage de la lecture
et de l’écriture dépendant des capacités orales de l’enfant. Les différentes classifications
reconnaissent comme dénominateur commun que dès la petite enfance, l’enfant rencontre des
troubles majeurs dans l’acquisition du langage parlé. De plus, l’enseignement spécial de type
8 en Belgique a prévu des classes spécialisées pour les élèves dysphasiques. On a remarqué
que 80% des enfants qui ont un trouble de la lecture ont des difficultés d’expression, surtout
phonologiques (Fletcher, 1994 cité in Dumas, 2002). L’appréciation des composantes du
langage, l’analyse et la reconnaissance des segments représentent des compétences
nécessaires à l’apprentissage de la lecture. Selon Alegria et Morais (2001), une appréciation
de la structure phonologique du langage est essentielle à l’acquisition de la lecture et de
l’écriture. Les compétences d’écriture et de lecture sont explicitement basées sur notre
habilité naturelle à développer le langage oral (Lyon, Fletcher, Shaywitz, & al. 1999).
2.1.4.1 Troubles de la communication
21
Troubles dans lesquels les modalités normales d'acquisition du langage sont
altérées dès les premiers stades du développement. Ces troubles ne sont pas
directement attribuables à des anomalies neurologiques, des anomalies
anatomiques de l'appareil phonatoire, des altérations sensorielles, un retard
mental ou des facteurs de l'environnement. Les troubles spécifiques du
développement de la parole et du langage s'accompagnent souvent de problèmes
associés, tels des difficultés de la lecture et de l'orthographe, une perturbation
des relations interpersonnelles, des troubles émotionnels et des troubles du
comportement.
Ces troubles se divisent en trois types : les troubles du langage de type expressif, ceux de type
mixte réceptif-expressif et les troubles phonologiques. On nomme généralement les deux
premiers par dysphasie. Le terme « dysphasie » désigne, pour Benton (1964 in Szliwowsky,
Klees, Poznansky & Grammaticos, 1999), un déficit spécifique du langage chez l'enfant
marqué par « un trouble de développement caractérisé par des troubles graves de la
compréhension et/ou de l'expression du langage parlé, en l'absence de perte auditive, de
déficience mentale, d'atteinte neurologique centrale ou d'un trouble émotionnel ». La
définition de Benton, relativement large a fait l'objet de critiques, « car elle semble évoquer
une condition unique alors qu'il y a une très grande variété de types et de sévérités de
troubles du langage, mais aussi parce qu'elle est définie, avant tout, par des critères
négatifs ». Ces critiques ressemblent fort à celles touchant la définition des troubles
d’apprentissage.
Dans le premier cas de dysphasie, l’enfant a des difficultés importantes à s’exprimer de
manière comparable à celle d’un enfant de son âge bien qu’il soit capable de comprendre le
langage parlé. Les difficultés peuvent varier considérablement d’un enfant à l’autre. On le
reconnaît au fait que l’enfant prend plus de temps pour apprendre à parler et, qualitativement
et quantitativement, que son langage est limité (vocabulaire, phrase, règles, etc.). Ce trouble
s’accompagne souvent de difficultés phonologiques plus ou moins prononcées et de
difficultés à se rappeler un mot.
Pour le trouble de langage mixte, l’enfant a des difficultés à s’exprimer et à comprendre ce
qui lui est dit. Les difficultés d’expression ressemblent à celles du trouble de type expressif.
Les difficultés de réception dépendent du contexte d’observation et du développement de
l’enfant. On remarque une difficulté à suivre des consignes simples, à comprendre certaines
façons de parler ou de structures grammaticales (les questions par exemple) ou encore à avoir
du mal à saisir la différence en l’aspect littéral et figuré. Enfin, le trouble phonologique, qui
peut varier de façon très importante, s’observe par une mauvaise articulation et prononciation.
L’enfant a du mal à acquérir le phonème. Il peut substituer certains phonèmes ou transposer
les sons dans un mot. Il peut également omettre certains phonèmes.
Bien que ne l’on puisse nier l’existence de troubles de la communication, la validité
scientifique de ces derniers n’est pas établie. On ne s’accorde pas sur la meilleure façon de
les classifier et les critères diagnostiques sont imprécis et se recoupent. De plus, on ne
dispose pas d’étude longitudinale pouvant montrer une trajectoire pour chaque type de
troubles.
2.1.4.2 Troubles de la lecture
22
La caractéristique essentielle est une altération spécifique et significative de
l'acquisition de la lecture, non imputable exclusivement à un âge mental bas, à
des troubles de l'acuité visuelle ou à une scolarisation inadéquate. Les capacités
de compréhension de la lecture, la reconnaissance des mots, la lecture orale et
les performances dans les tâches nécessitant la lecture, peuvent, toutes, être
atteintes. Le trouble spécifique de la lecture s'accompagne fréquemment de
difficultés en orthographe, persistant souvent à l'adolescence, même quand
l'enfant a pu faire quelques progrès en lecture. Les enfants présentant un trouble
spécifique de la lecture ont souvent des antécédents de troubles de la parole ou
du langage. Le trouble s'accompagne souvent de troubles émotionnels et de
perturbations du comportement pendant l'âge scolaire.
Le trouble de la lecture est souvent connu sous le nom de dyslexie depuis 40 ans dans le
monde francophone. (Piérart, 1997) Le mot dyslexie vient du grec « dys » qui signifie pauvre
ou inadéquat et « lexis » qui signifie mots ou langue. Cette faiblesse spécifique et
significative des capacités de lecture se manifeste principalement par des difficultés
particulières à déchiffrer et à comprendre ce qui est lu. Ce trouble a été le plus étudié et est
celui qui affecte le plus grand nombre d’enfants ayant des troubles de l’apprentissage. On
estime en effet que les troubles de la lecture affectent 80% des enfants ayant des troubles
d’apprentissage. De plus, la dyslexie se double très fréquemment d'une dysorthographie. La
dyslexie ne constitue pas l’ensemble de troubles de la lecture. Certaines personnes appelées
« hyper-lexiques » sont extrêmement faibles en compréhension, mais pas en déchiffrement. Il
apparaît clairement que la compréhension de la lecture est une autre composante de la lecture
et peut être liée à la compréhension orale. Ces personnes présentent des déficits cognitifs
différents et nécessitent d’autres interventions.
« La dyslexie est caractérisée par une difficulté inattendue d’un enfant ou d’un adulte à lire,
celui-ci possédant par ailleurs l’intelligence, la motivation et la scolarité considérées comme
nécessaire pour une lecture correcte et fluente » (Shaywitz, 1998). Les troubles se
manifestent tôt par des fautes particulières et résistantes dans la reconnaissance des symboles
graphiques, d'où omission, confusion, inversion, substitution de lettres, de syllabes ou de
mots. L’importance est surtout mise sur le déchiffrage et l’identification comme difficultés
premières. Ces enfants comprennent mal que des mots peuvent être segmentés selon certaines
règles phonologiques qui permettent de les identifier. La personne atteinte du trouble de la
lecture montre par exemple beaucoup de mal à retirer un phonème d’un mot. « Les langages
alphabétiques représentent des sons avec des lettres et des combinaisons de lettres. Si un
enfant ne s'en rend pas compte, il lui est impossible d'aller au-delà d'un petit vocabulaire de
mots simplement reconnus visuellement. Cette compétence s'appelle « la conscience
phonologique. On l'enseigne maintenant et elle semble se développer dans un ordre régulier,
et devrait être bien développée chez les enfants apprenant à lire entre les âges de 5 et 7 ans »
(Shapiro, 2000).
Basé sur l’hypothèse du déficit de la conscience phonologique, le système de langage peut
être conceptualisé comme une hiérarchie d’une série de composants. Au sommet se trouvent
les processus engagés dans la sémantique, la syntaxe et le discours et aux niveaux inférieurs
se trouvent le module phonologique destiné à distinguer les éléments sonores du langage.
L’unité fonctionnelle du module est le phonème décrit comme le plus petit segment du
discours. Il y a des preuves (Shaylitz, 1998) qu’un déficit dans l’analyse phonologique prédit
plus tard des difficultés dans l’apprentissage de la lecture, Des déficits dans la conscience
23
phonologique semblent caractériser les enfants avec dyslexie et les autres. La conscience
phonologique permet l’acquisition des compétences de lectureh.
Plusieurs résultats sur la prévention et le traitement de la dyslexie ont été publiés récemment.
Lyon cite des études de Torgesen et al. (1999, 2001), Vellutino et al., (1996) qui indiquent
très clairement que la dyslexie peut être « prévenue » avec une identification précoce et une
intervention. De plus, ces études montrent que les efforts de remédiation ont une certaine
efficacité sur la reconnaissance de mots et la modification des flux neuronaux. Deux métaanalyses citées dans Lyon (2001) (Richardson et al., 2000; Simos et al., 2000 in Lyon, R.,
Fletcher, M., Barnes 2001) s’intéressent aux changements d’image neuronale en réponse à
une intervention éducative. L’imagerie mentale fut utilisée pour évaluer les processus
métaboliques avant et après trois semaines (30 heures) d’intervention focalisée sur les
processus phonologiques, le décodage, la compréhension écrite et orale. L’imagerie a révélé
un haut taux métabolique plus faible dans le quart antérieur gauche, responsable du langage,
avant l’intervention, dans une tâche requérant de décider sur des mots et des non-mots. Après
l’intervention, le métabolisme ne différenciait pas les enfants avec dyslexie et les contrôles à
des tâches de lecture.
D’autres études (Simos et al., 2000 in Lyon, 1998) ont confirmé cet effet d’une intervention
phonologique sur une activation importante des circuits neuronaux de l’hémisphère gauche
communément associé à l’habilité de lecture (Annexe 2). Ces études sont intrigantes. De
plus, s’il y a intervention dans les deux groupes, les changements s’observent dans le
développement du réseau neuronal qui a la charge de la lecture des deux groupes. Cela
constitue une preuve de l’effet de la scolarité dans la construction du réseau neuronal.
Enfin, des études ont montré l’importance des différentes mémoires (de travail, à long terme,
implicite). Beaucoup de processus de la langue et de fonctions exécutives deviennent
automatisées avec le temps. Cela libère la mémoire de travail et permet de ne pas perdre la
finalité de vue comme par exemple accéder rapidement au lexique mental. Ces processus
automatisés ne se développeraient pas aussi bien chez certaines enfants. « Enfin aujourd’hui,
on s’accorde à penser qu’existent différentes voies d’accès à la lecture. Les conceptions
unitaires de la dyslexie sont abandonnées, en faveur de l’analyse différentielle des troubles du
développement de la lecture chez l’enfant » (Piérart, 1997). Ces travaux ont également
permis de remettre en question certaines hypothèses sur les causes des difficultés en lecture
comme celle du déficit de perception (approche instrumentale) et des différents tests utilisés
précédemment (Grégoire, 1997).
Ces études suggèrent que la dyslexie doive être regardée comme un trouble complexe,
différent en type et force, profondeur et surface. Il y aurait donc des dyslexies. La recherche
a beaucoup avancé et les méthodes d’identification des dyslexiques se sont améliorées grâce
aux recherches en psychologie cognitive entre autre. Il apparaît maintenant de plus en plus
possible de définir la dyslexie avec des critères d’inclusion. Ces critères se focalisent sur la
reconnaissance de mots et les processus phonologiques. D’autres critères d’exclusion ne
semblent pas nécessaires que le retard mental et la cécité-surdité.
24
2.1.4.3 Trouble de l’expression écrite
La caractéristique essentielle est une altération spécifique et significative du
développement des performances en orthographe, en l'absence d'antécédents d'un
trouble spécifique de la lecture et non imputable à un âge mental bas, à des
troubles de l'acuité visuelle, ou à une scolarisation inadéquate. Les capacités à
épeler oralement et à écrire correctement les mots sont toutes deux affectées.
Comme pour la lecture, l’écriture dépend de plusieurs compétences : la calligraphie, le
vocabulaire, la grammaire, la composition, etc. C’est un groupe très hétérogène. La
recherche est moins avancée dans ce domaine par rapport aux troubles de lecture ou de la
parole. On doit en connaître plus sur l'étiologie, le développement, les pronostics et le
traitement de ces troubles. Il existe toutefois des descriptions de capacités d’écriture correctes
qui permettent de différencier les enfants. Ces différentes descriptions s’entendent sur le fait
qu’il faut intégrer des aspects multiples pour effectuer une tâche d’écriture. L’enfant qui a
des troubles de l’expression écrite éprouve ainsi des difficultés à avoir un plan de l’écrit et
ignore la perspective du lecteur. Il peut avoir des difficultés importantes en calligraphie,
orthographe et grammaire. Les difficultés peuvent toucher plus d’un domaine. Les textes
sont généralement difficiles à lire, bourrés d’erreurs, courts, mal écrits, mal organisés, avec
des informations manquantes, des règles peu suivies, des idées peu développées. On sait
également qu’il existe une forte corrélation entre les difficultés de lecture et d’écriture. Aaron
( in Prior 1996) avait estimé la corrélation entre 0.50 et 0.80.
Les deux grandes classifications internationales intervenant pour le diagnostic des troubles de
l’apprentissage, le DSM-IV et le CIM-10 reflètent mal la complexité de ces troubles. La
définition de cette dernière limite les troubles de l’expression écrite aux troubles de
l’orthographe car l’enfant ne peut être diagnostiqué s’il a des scores inférieurs à la moyenne
en lecture ou calcul. On passe ainsi sous silence une bonne part de la complexité des tâches
requises pour écrire. Le DSM-IV reconnaît quant à lui cette complexité des troubles de
l’expression écrite mais il les regroupe au sein d’un seul trouble. Cette définition imprécise se
prête mal à un diagnostic fiable. Dans la plupart des cas, ce diagnostic ne reflète pas les
difficultés particulières de l’enfant et est par conséquent peu utile pour la recherche ou pour
des interventions (Lyon, Fletcher & Shaywitz, 1999).
2.1.4.4 Trouble du calcul
Altération spécifique des performances en arithmétique, non imputable
exclusivement à un retard mental global ou à une scolarisation inadéquate.
L'altération concerne la maîtrise des éléments de base du calcul: addition,
soustraction, multiplication et division. Elle n'est pas limitée aux capacités
mathématiques plus abstraites impliquées dans l'algèbre, la trigonométrie, la
géométrie ou le calcul différentiel et intégral.
Ces difficultés touchent plusieurs aspects. Il peut s’agir de difficultés à réaliser des opérations
ou à prendre en compte les nombres pertinents pour résoudre un problème, d’une incapacité à
apprendre les tables, à aligner les chiffres, comprendre les concepts sous-tendant certaines
opérations, etc. Il est difficile de classer ces difficultés car elles touchent plusieurs domaines
différents essentiels à tous les apprentissages comme l’organisation, la structuration spatiale,
le langage, la reconnaissance, le raisonnement, etc.. On s’accorde toutefois pour admettre que
25
ces difficultés concernent à la fois le calcul et le raisonnement mathématique et qu’ils sont
chroniques et persistants.
C’est le champ des troubles le moins exploré. On a toutefois remarqué qu’il y a de plus en
plus de preuves qui montrent que les enfants qui ont du mal à retrouver un fait mathématique
en mémoire se différencient de ceux qui ont tendance à avoir des problèmes en lecture et
mathématique. Un autre groupe d’enfants, qui n’a pas de problème de lecture, éprouve des
problèmes dans les procédures mathématiques. Il s’agirait de problèmes différents : la
mémoire de travail ou des processus cognitifs. Enfin, certains enfants ont du mal à lire les
symboles mathématiques ou manquent de mémoire visuelle. Ce problème s’apparente au
trouble de la lecture. Ils existent en effet beaucoup de rapprochements entre ces deux souscatégories comme le rôle de la mémoire visuelle et verbale, la compréhension de symboles ou
l’ordination par séquence d’éléments. Ce flou entourant les troubles de calcul est dû en
grande partie au manque de recherche dans ce domaine précis, que ce soit chez les
psychologues ou les pédagogues. Cela est peut-être dû au fait que ces troubles semblent
moins handicapants dans notre société que le fait d’éprouver des difficultés à lire. On entend
ainsi, par exemple, beaucoup plus souvent chez des adultes : « Je suis nul en maths » ou
encore « Je ne suis pas matheux » mais on entend rarement des adultes dire fièrement qu’ils
sont nuls en lecture. Il en va de même avec les problèmes graphologiques.
2.1.4.5 Les troubles mixtes
Une catégorie plus floue existe également pour les troubles d’apprentissage qui n’ont pas une
dominance claire. Le CTMEA les appelle le « Troubles du raisonnement ou dysharmonies
cognitives » en spécifiant de « classer ici des perturbations plus ou moins localisées de la
pensée et du raisonnement, compatibles avec une efficience intellectuelle satisfaisante, voire
élevée, telle qu'elle peut être appréciée par les tests de niveau intellectuel, mais entraînant
des difficultés ou un échec dans certains apprentissages (…) ». L’OMS en fait une catégorie
résiduelle des « troubles mixtes des acquisitions scolaires » ; catégorie mal définie de troubles
dans « lesquels il existe à la fois une altération significative du calcul et de la lecture ou de
l'orthographe, non imputable exclusivement à un retard mental global ou à une scolarisation
inadéquate. Cette catégorie doit être utilisée pour des troubles répondant aux autres troubles
d’apprentissages ». Cette catégorie montre le caractère encore vague et « fourre-tout » de la
définition et du diagnostic des troubles d’apprentissage.
2.4.4.6 Comorbidité
La comorbidité consiste en la coexistence d’au moins deux conditions que l'on distingue
séparément au moment du diagnostic, mais qui ont tendance à se manifester ensemble. La
nature exacte de la relation entre les conditions comorbides fait l’objet d’un débat entre les
chercheurs. Il est en particulier difficile d’établir s’il s’agit d’une relation de causalité ou
d’une corrélation et si une première condition est en fait le symptôme de l’autre. Malgré cela,
les recherches laissent supposer, plus souvent que ne le permet le «simple hasard», la
coexistence d’un certain nombre de conditions avec les troubles d’apprentissage.
Selon, l’APA, « les difficultés d’apprentissage, lorsqu’elles conduisent régulièrement à
l’échec scolaire et à l’évaluation négative de l’entourage, peuvent provoquer rapidement des
conséquences psychologiques néfastes qui aggravent ces difficultés et contribuent à leur
26
persistance. L’évaluation négative de l’entourage a des conséquences psychologiques
néfastes qui aggravent ces difficultés » (in Dumas, 2002). Beaucoup d’études montrent par
ailleurs que ces troubles s’accompagnent d’un manque d’estime de soi (Beltempo, 1990), de
frustrations, de découragement et de syndromes de dépression et d’anxiété (Hopper 1994).
Les enfants ayant des troubles d’apprentissage s’avèrent plus souvent rejetés et négligés que
les enfants sans difficulté d’apprentissage (Wierner & Harris, 1993). Une revue de la
littérature de Gresham (1988, cité par Dumas,2002) confirme l’importance des ces difficultés
personnelles et sociales qui s’ajoutent aux problèmes scolaires de l’enfant. Dans un contexte
scolaire, certains enfants montrent parfois des problèmes comportementaux (comportements
perturbateurs, hyperactivité) pour cacher leurs difficultés. Cette explication est la plus
souvent citée de la part des enseignants mais reste encore à démontrer. Il est difficile d’établir
un lien de cause à effet à ce stade de la recherche mais selon divers témoignages rétrospectifs,
il semblerait que ces symptômes psychologiques seraient issus des échecs et de
l’incompréhension de l’entourage (Dumas, 2002).
C’est la comorbidité entre les troubles d’apprentissage et le trouble déficitaire de l’attention
(avec ou sans hyperactivité) que semble confirmer le plus grand nombre d’études. Riccio,
Gonzalez et Hynd (1994) et Maynard, Tyler et Arnold (1999 in LDAO 2001) ont fait un
résumé de ces études approfondies qui évaluent le taux de comorbidité à près de 70 %. Les
difficultés exécutives pourraient être spécifiques au trouble déficitaire de l'attention avec
hyperactivité (TDAH) et refléter un effet de comorbidité chez les enfants avec des troubles de
la lecture. Ces derniers ayant par ailleurs des déficits de nature phonologique. Dans des
échantillons choisis d’enfants ou d’adolescents avec des troubles du comportement (les
délinquants par exemple) on remarque un taux de 60% de troubles de la lecture. Toutefois, le
sens de la causalité n’est pas encore démontrée. Dans une revue de la littérature, Geleert et
Elbro (1999) ont étudié les deux relations possibles : les problèmes comportementaux
dépendent des troubles de la lecture ou l’inverse. Chaque modèle causal présente quelques
vérités mais il apparaît de plus en plus qu’un troisième facteur commun sous-tend les troubles
de la lecture et du comportement. Les auteurs suggèrent que ces facteurs puissent être des
difficultés précoces de langage. Une autre revue de Cornwall et Bawden (1992) font
remarquer qu’il n’y a pas assez de preuves pour conclure que les troubles de la lecture cause
des comportements agressifs ou délinquants mais quelques résultats suggèrent qu’ils puissent
les empirer.
On confond souvent les troubles d’apprentissage avec le trouble déficitaire de l'attention avec
hyperactivité (TDAH). Il importe de souligner qu’il s’agit de deux problèmes distincts, et ce
malgré un taux de comorbidité important. Le TDAH n’est pas un trouble particulier
d’apprentissage. Les caractéristiques, qui distinguent les élèves avec troubles déficitaires de
l'attention avec hyperactivité, comprennent le fait qu'ils soient plus facilement distraits, qu'ils
ont tendance à ne pas compléter leurs travaux scolaires, qu'ils sont moins persévérants à
l'effort, qu'ils ont tendance à la rêverie, que souvent ils ne portent pas attention à la tâche
assignée. On distingue de plus les élèves avec le TDAH des élèves avec troubles
d'apprentissage par leur niveau plus élevé d'activité et d'impulsivité. Tel qu'indiqué ci-dessus,
un pourcentage très élevé des personnes souffrant du TDAH ont aussi des troubles
d’apprentissage alors qu'environ 30 % des personnes ayant des troubles d’apprentissage
souffrent aussi du TDAH. Malgré cela, les mesures qui aident les personnes atteintes du
TDAH et celles qui ont des troubles d’apprentissage ne sont pas les mêmes. Il faut donc bien
diagnostiquer ces problèmes avant d’établir un plan d'enseignement individualisé pour
l’élève.
27
Une revue de la littérature de Williams remarque que plusieurs enfants avec des troubles de
l’apprentissage peuvent montrer des déficits non-verbaux comme ceux utilisés pour identifier
les émotions des autres enfants et les expressions du visage (Pearl, 1992). Ils ne semblent pas
toujours se rendre bien compte des conséquences sociales de leurs actes. Les élèves ont des
difficultés à comprendre les subtilités et les aspects contextuels de la communication. Ils ont
également de la difficulté à s’adapter à de nouvelles situations comme rencontrer des gens ou
aller dans une nouvelle école (Volkmar et Klin, 1998). Il en résulte de faibles interactions
sociales, la qualité des interactions sociales dépendant des compétences en communication
verbale et non-verbales.
Dans le débat autour d’une définition des troubles de l’apprentissage, un fort courant pousse à
l’inclusion de critères non-cognitifs comme les compétences sociales (Moisan, 1998). Il est
généralement accepté que les enfants qui ont ces déficits dans les compétences sociales avec
connaissent ce genre de déficits sociaux, vu comme une conséquence, un symptôme des
troubles d’apprentissage. (Kavale et Forness, Moisan, Pearl). Moisan fait d’ailleurs
remarquer qu’ils sont un des symptômes des troubles d’apprentissage et, comme tel, doivent
entrer dans la définition (Moisan). D’autres suggèrent de les considérer comme manifestations
secondaires (Kavale).
Il faut remarquer que 75% des élèves avec des troubles
d’apprentissages ont des déficits dans les compétences sociales. Lyon (1996) ajoute que ces
troubles co-existent fréquemment avec les troubles émotionnels ou comportementaux. Cela
peut avoir des effets sur le comportement scolaire et social (solitude, violence, rejet, etc.). Le
problème de comorbidité de problèmes comportementaux est trois fois supérieur pour ces
enfants que pour des enfants d’âge égal sans troubles du comportement (Lyon, 1996).
Toutefois, ces troubles associés ne sont pas considérés comme cause première des troubles
d’apprentissage.
Chez les chercheurs qui s’intéressent à la métacognition et aux troubles d’apprentissage et/ou
du comportement, les interactions sociales efficaces ne dépendant pas seulement de la
cognition sociale (Pearl, 1992), mais d’une cognition sociale appropriée à l’âge de la personne
(Vaughn & Hogan, 1994). « (…), il est logique de déduire que les personnes avec des
problèmes d’apprentissages ont des problèmes avec leurs interactions sociales,
conformément à la vision parallèle à cette notion que les compétences sociales sont
directement liés à la présence de troubles d’apprentissage à l’intérieur d’une construction
sociocognitive » (CCPL, 2001). L’école, la classe, les camarades et la famille participent à
cette construction. Les processus métacognitifs renvoient à la conscience qu'ont les personnes
de leurs propres processus cognitifs et à la « prise en charge » par l'individu de son
fonctionnement cognitif (Vygotsky, 1934/1962 in Lyon 2000; Pinard, 1989 ; Flavell, 1979 in
Poissant, 2000). On soupçonne que les enfants ADHD présentent des difficultés sur le plan
de cette conscience cognitive. Par ailleurs, sur le plan neuropsychologique on considère que
ces enfants auraient des déficits au niveau des fonctions exécutives dont le « langage
internalisé », entraînant chez eux des difficultés au niveau de l'autorégulation et de la
planification du comportement (Barkley, 1997).
Les troubles sociaux, émotifs et/ou de comportement sont aussi des troubles dont la
comorbidité se manifeste souvent avec les troubles d’apprentissage. Des études portent à
croire que de 24 à 52 % des élèves ayant des troubles d’apprentissage ont aussi une anomalie
de cette nature (Rock, Fessler et Church, 1997 in LDAO 2001). Ce groupe comprend des
diagnostics tels que des troubles de conduite et le trouble oppositionnel avec provocation
(Shaywitz et Shaywitz, 1991) ainsi que le trouble d’adaptation sociale (Lyon, 1996).
28
2.1.5 Etiologie
On s’accorde généralement pour considérer que les troubles de l’apprentissage résultent de
multiples influences de facteurs biologiques, psychologiques, éducatifs et sociaux (Lyon
1996). Tout comme pour la définition, l’étiologie des causes est volontairement large et
demande à être encore travaillée. Les connaissances étiologiques concernent surtout la
lecture. Pour expliquer les difficultés d'apprentissage de la lecture, différentes hypothèses ont
été proposées par des chercheurs et des praticiens d'orientations différentes.
2.1.5.1 La neurobiologie et la neuropsychologie
Comme nous l’avons vu plus haut, une explication neurobiologique des troubles reste
d’actualité même si elle ne permet pas de rendre compte de l’ensemble de troubles. Lecocq
(1991) cité par Dumas fait une revue des études qui ont utilisé les techniques de pointe
comme la tomographie par émission de positons (PET-scan), imagerie à résonance
magnétique (fMRI) et l’étude du débit sanguin. Lyon (1996) cite deux études où on montre
que certaines régions corticales sont moins actives chez les mauvais lecteurs et que la
morphologie du cerveau des dyslexiques présente certaine anomalies (Annexe 3).
Il faut toutefois prendre garde aux effets de comorbidité ; beaucoup d’enfants dyslexiques
ayant également un TDAH, il est possible que les observations résultent des symptômes d’un
autre trouble. De plus, de nombreuses preuves tendent à montrer que l’instruction est
nécessaire pour établir les réseaux neuronaux responsables de la lecture.
Les lecteurs faibles montrent une réduction de l’activité principalement, mais pas
exclusivement, dans le circuit neuronal de l’hémisphère gauche, réservé au langage.
De
plus, plusieurs recherches ont utilisé des cerveaux post-mortem pour les investigations et plus
récemment l’imagerie à résonance magnétique (ARM) et suggèrent qu’il y ait de subtiles
différences d’organisation dans plusieurs régions du cerveau entre des personnes ayant des
troubles de la lecture et ceux n’en ayant pas. L’intérêt réside dans la possibilité que le circuit
neuronal ne reflètent pas uniquement le programme biologique de la personne mais également
des influences environnementales. La question se pose de savoir en quoi l’apprentissage de la
lecture influe sur l’organisation du cerveau. « Les découvertes récentes suggèrent que les
systèmes neuronaux se développent et se déploient pour des fonctions cognitives particulières
à travers les interactions du cerveau et de l’environnement (y compris l’enseignement
scolaire) » (Lyon, Fletcher, & Shaywitz, 2001). Il reste que ces recherches achoppent sur la
difficulté à mettre en évidence la blessure ou le trouble cérébral supposé chez l'apprenti
lecteur en difficulté dans un grand nombre de cas.
2.1.5.2 La génétique
Des indications semblent montrer clairement que les problèmes de lecture peuvent se
retrouver au sein de plusieurs générations d’une même famille. Le risque d’avoir des troubles
de la lecture est jusqu’à huit fois supérieur lorsque l’un des parents est atteint du même
trouble. Des études sur des jumeaux monozygotes ou dizygotes ont également montré qu’une
part importante de ce risque familial est due à des facteurs génétiques. Il y a également des
corrélations anatomiques pour la lecture qui semblent en partie déterminées génétiquement.
Toutefois, il semblerait que cela ne touche que les capacités phonologiques.
29
Héritabilité d'une déficience en lecture (in Shapiro, 2000)
Condition
pas d'antécédent familial
un parent
Taux
5% to 10%
37% (25% to 60%)
père
46%
mère
33%
jumeau monozygote
70%
jumeau dizygote
48%
D’autres recherches tendent à montrer que dans des familles de mauvais lecteurs, on a trouvé
un lien génétique au chromosome 15 (identification des mots) et au chromosome 6. Ces
facteurs comptent généralement pour la moitié de la variance dans le développement des
compétences en lecture, les facteurs environnementaux comptent pour l’autre moitié et ont
une influence significative sur les résultats en lecture. Il est possible d’hériter d’une
susceptibilité aux troubles de la lecture, qui peuvent se manifester par un type d’interactions,
ou encore, en un manque, avec l’environnement. La qualité de l’apprentissage de la lecture à
l’école peut devenir plus critique pour des enfants qui ont à la fois un risque génétique et une
situation familiale qui apporte peu de place aux interactions éducatives (lire, jeu, etc.). « On
ne peut rejeter la possibilité que l’environnement peut affecter le développement du cerveau
et ses fonctions, dont l’apprentissage. Le cerveau et l’environnement interagissent de façon
réciproque, poussant ou limitant le développement selon la fréquence, la durée et la qualité
des interactions » (Lyon, Fletcher & Shaywitz, 2001). Une famille négligente est liée à de
nombreux facteurs qui peuvent influencer le développement mental (malnutrition, drogue,
manque de soin, moindre suivi médical, etc.). Ceux-ci peuvent conduire à l’apparition de
troubles des apprentissages. Les troubles dépendent du contexte et ne peuvent être crédités
uniquement à l’enfant. De nouveau, il s'avère difficile de démêler ce qui relève de l'hérédité
et ce qui relève du milieu et de l'éducation. « Le fait, observé par ailleurs, que les garçons
sont plus nombreux que les filles à éprouver ces difficultés a pu être utilisé au bénéfice d'une
perspective explicative organiciste, mais la diminution de l'écart entre les sexes observée ces
dernières décennies, en même temps que diminuent les différences d'éducation selon le sexe,
plaide en faveur de facteurs explicatifs d'ordre éducatif plutôt qu'organiques » (Fijalkow,
1994).
2.1.5.3 La psychologie
Une autre hypothèse a vu le jour dans l'après-guerre. L'idée maîtresse est qu'une fonction
psychologique nécessaire à la lecture, qualifiée au départ d'instrumentale et plus récemment
de cognitive, pourrait être déficiente. On s'est longtemps intéressé à des problèmes spatiaux,
temporels, de latéralité, de rythme, etc. Pour mesurer ces déficiences, on a construit différents
tests (Rey, Stombach, etc.).
Plus récemment, avec le développement de la psychologie cognitive, on s’est plus intéressé à
la « conscience phonétique ». Pour Morais, la psychologie cognitive est « une conception
suivant laquelle la référence à des états internes, mentaux est nécessaire pour rendre compte
30
du comportement » en utilisant toutefois les principes du béhaviorisme méthodologique.
Avec des expériences sur la segmentation phonétique notamment, on peut montrer que les
enfants en difficulté d'apprentissage de la lecture présentent bien une conscience phonique
peu développée. Par contre, il est difficile de savoir dans quelle mesure ce fait résulte d'un
enseignement qui n'a pas permis ce développement et dans quelle mesure il rend difficile un
apprentissage qui, consistant précisément à mettre en relation des sons et des lettres,
présuppose une conscience phonique bien développée. La causalité linéaire serait remplacée
par une causalité circulaire (Morais et Alegria, 2001).
Comme nous l’avons vu avec la conscience phonétique, le développement des méthodes
d’investigation méthodologique et des connaissances en psychologie cognitive, rend
l’approche strictement instrumentale obsolète et qui tend à être remplacer par celle traitant des
processus psychologiques. La liste de ces processus psychologiques intervenant dans
l’apprentissage ne se veut pas exhaustive car ce champ est en pleine expansion. Outre la
conscience phonologique, les chercheurs en psychologie cognitive s’intéressent à la mémoire
(court terme, opérationnelle et à long terme), à l’attention, au rappel, à la vitesse de
traitement, les automatismes, au traitement du langage (réceptif et expressif, sémantique), au
traitement perceptivo-moteur, au traitement visuo-spatial, aux fonctions d’exécution
(planification, évaluation, régulation, l’organisation et la métacognition).
2.1.5.4 La psychanalyse
Cette explication de l’origine des troubles d’apprentissage est très peu présente (pour ne pas
dire quasi-inexistante) dans la littérature scientifique anglo-saxonne. C’est surtout dans les
ouvrages en langue française (ou traduits en français) que cette origine psychanalytique des
troubles est abordée. Même si les bases scientifiques de cette théorie sont très minces, je cite
ici ces explications car elles trouvent un large écho chez de nombreux professionnels
travaillant avec ce type de population. Beaucoup de pédopsychiatres ont utilisé, en Belgique
et en France, cette grille interprétative dans l’observation et le traitement.
Cette hypothèse a comme base que l'origine des difficultés est imputable au développement
de la personnalité. « La psychanalyse propose, en effet nombre de concepts permettant de
fournir aux difficultés éprouvées par le sujet, une origine se trouvant dans la sphère familiale
essentiellement. Suivant les cas, on pourra alors invoquer, par exemple des difficultés d'ordre
œdipien ou des éléments liés aux stades du développement de l'enfant et à ses relations avec
ses proches » (Fijalkow, 1994).
Ainsi du côté des psychanalystes, on assure que les difficultés d'apprentissage scolaire ne sont
que les symptômes de troubles affectifs. Selon Freud, « le trouble d’apprentissage peut surgir
comme une réaction névrotique à l’interdiction de la satisfaction, soit que le sujet s’éloigne
de la réalité et la cherche dans le fantasme, soit que la croissance de l’enfant se fixe
psychologiquement à une époque où il a été plus heureux » (in Pain, 1992). Pour Freud, il
s’agirait d’une inhibition, d’une rétraction intellectuelle du Moi causé par la sexualisation,
l’évitement de la réussite ou un accaparement par d’autres pensées. On peut également parler
dans certains cas de refus de se soumettre à la loi qui se marque sur le plan scolaire (règles
grammaticales, calcul, etc.). Bruno Bettelheim insistait sur des exemples du « refus
d'apprendre » d'origine psychologique : défi à l'autorité, culpabilité de dépasser ses parents,
résistance à leurs exigences.
31
Selon Flagey, les enfants atteints de troubles instrumentaux présentent toujours une
pathologie complexe sur le plan à la fois cognitif et affectif. La restauration du narcissisme,
toujours atteint dans ces cas, est une priorité. Les mesures thérapeutiques doivent procurer
simultanément une aide individuelle et un réajustement des relations familiales et de l'abord
pédagogique.
2.1.5.5 La systémique
Pendant une trentaine d’années, l’étude de la famille par la thérapie systémique a introduit
dans les sciences humaines et sociales des concepts des « sciences exactes » et une nouvelle
manière de penser. Cette application ne s’est pas faite sans la compréhension des différences
existantes entre le système scolaire, système artificiel, en opposition à la famille qui est un
système naturel. Un système artificiel a pour caractéristique d’être constitué par l’homme ou
la société pour réaliser certains buts. Une volonté extérieure qui injecte des objectifs externes
(connaissances, valeurs, sélection et orientation, etc.). Cette externalité est nuancée par les
individus qui composent la classe et interagissent, et qui ont des finalités et des désirs propres.
L’approche systémique tente de rapprocher l’école et la famille dans les cas où les troubles
d’apprentissage ne s’expliquent pas par des déficiences ou de dysfonctionnements décelables
internes à la personne. Les causes sont à trouver dans la relation avec les autres, avec le
système. Selon cette approche, l’enfant n'est plus le seul propriétaire des troubles. Ceux-ci
sont partagés avec l’école et la famille. Cette approche est plus écologique et prend en
compte différents aspects dans son analyse comme la famille, l’école et l’enfant. L’écart
culturel entre l’école et la famille est l’une des problématiques à laquelle s’intéresse cette
approche. « Un enfant en difficultés scolaires est généralement pris dans un conflit
relationnel qui se joue entre le système scolaire et le système familial, à l’intérieur du système
scolaire ou encore à l’intérieur du système familial » (Duret, 2002).
Cette approche considérée plus subjective, rapidement adoptée par plusieurs psychologues,
présente l’avantage de prendre l’ensemble des aspects évoqués plus haut. L’orientation vers
le système permet de ne plus se focaliser uniquement sur l’enfant. Toutefois, cette approche
est lourde et longue. En effet, un suivi avec un ou plusieurs psychologues est nécessaire en
classe ou à l’extérieur. L’enseignant peut, bien sûr, utiliser des techniques inspirées par cette
approche, mais cela touche à l’amélioration de l’enseignement et non aux troubles
d’apprentissage en tant que tels. L’approche systémique propose également une vision
diagnostique, encore peu présente dans les milieux scolaires. Elle débouche directement sur
l'intervention de rééducation. Cette approche qui met un accent sur la métacognition sociale
ne situe pas les difficultés de l’enfant de manière uniquement intrinsèque, mais entre lui et son
environnement. Sur le plan scolaire, cela correspond par exemple à des stratégies de
résolution des problèmes par rapport aux exigences scolaires.
2.1.5.6 Le milieu social
Cette optique privilégie la famille, non plus en tant que lieu relationnel mais en tant que
milieu social. Keogh et Sears (1991) montrent, avec une revue de quatre études
longitudinales, que la pauvreté et les problèmes qui s’y rattachent, prédisent le développement
de troubles d’apprentissage. La pauvreté aurait un effet non pas sur les capacités mais sur
l’ensemble du fonctionnement. L’une de ces quatre revues de la littérature sur les premiers
32
risques et l’intervention en lecture a divisé ceux-ci en deux groupes : les risques individuels et
les risques collectifs.
Facteurs de risques (Langenberg, Correro, Ferguson & al., 2000)
Individuels
Histoire familiale
Déficits des capacités à l'âge
préscolaire
Conscience phonologique faible
Troubles du langage précoce
Trouble auditif
Handicaps développementaux
Facteurs socioéconomiques (SSE)
(corrélation .23)
Maîtrise limitée de la langue utilisée à
l'école
Collectifs
Faible performance scolaire
Famille et voisinage à faible revenu
Ecole pour personnes de faible SSE
(corrélation .68)
Efficience préscolaire
Curriculum
Le statut socioéconomique (SSE) est faiblement corrélé aux difficultés de lecture en tant que
facteur individuel. Cependant, au niveau d'une école, un faible SSE est un facteur considéré
comme allant de modéré à grand pour la déficience en lecture. « Le élèves qui quittent les
écoles en milieu défavorisé pour des écoles de milieu favorisé ont des résultats de même
niveau que les élèves de cette nouvelle école. La réciproque est également vraie. Les élèves
quittant les écoles de milieux favorisés pour des écoles de milieux défavorisés ont des
résultats en baisse à leur efficience en lecture » (Shapiro, 2000).
Pour expliquer cette situation, on a mis de l’avant dans les années 1970, l’idée de handicap
socioculturel. Cette théorie est à la base de plusieurs expériences d’enseignement
compensatoire. Cette hypothèse part du fait indiscutable que les enfants en difficulté sont
massivement issus d'un milieu social défavorisé. Deux types de facteurs ont particulièrement
été étudiés : l'éducation familiale et le langage (ex. : Bernstein), mais les nombreux travaux
réalisés, notamment sur le langage, ne s'avèrent pas concluants : « on ne parvient pas à
identifier avec précision ce qui, dans l'éducation populaire ou dans le langage des enfants de
milieu défavorisé, pourrait expliquer leurs difficultés d'apprentissage de la lecture »
(Fijalkow, 1994). D'autres travaux ayant montré par ailleurs que, dans certaines conditions,
ces enfants apprennent fort bien à lire, l'hypothèse du handicap socioculturel apparaît plus
aujourd'hui comme un préjugé des classes moyennes vis-à-vis de la culture populaire que
comme une théorie réellement explicative des difficultés que rencontre ces enfants dans le
champ scolaire.
2.1.5.7 L’école
Une autre hypothèse a postulé que l'école était l'origine des difficultés. Des sociologues,
comme Bourdieu, ont ainsi pu mettre en avant que l'école est moins neutre qu'on ne le
suppose généralement vis-à-vis des enfants de différents milieux sociaux ou de sexes.
Toutefois cette hypothèse, statistiquement valide, ne permet pas d'expliquer les réussites
exceptionnelles et l’influence cognitive de l’habitus. On a plus tard parlé « d’écart culturel »
33
entre la culture de l’école et de la famille. L’école aurait aussi une culture propre, plus lié aux
classes moyennes, classes des enseignants.
D’autres ont mis en cause l’enseignement qui n’est pas toujours adéquat et le manque de
formation des maîtres. Certains enfants, par exemple, ne reçoivent pas une scolarité de
qualité dans les premiers apprentissages et se retrouvent plus tard classés comme ayant des
troubles. On met en cause les classes qui sont aujourd’hui plus hétérogènes et des élèves
montrant plus de différences individuelles sur les plans scolaires, cognitifs et
comportementaux. L’enseignant doit répondre à de nouvelles demandes pour lesquelles il a
été peu ou pas formé. « Malheureusement, plusieurs enseignants des classes ordinaires n'ont
pas été formés à enseigner pour faire face à des besoins d’apprentissage différents. Ils
demandent logiquement de l’aide, qui consiste la plupart du temps à placer cet enfant dans
un autre type d’enseignement. Il n’y a pas de doute qu’à cause des limites de la formation
d’enseignants, plusieurs de ces derniers en enseignement ordinaire ou spécial ne sont pas
préparés à faire face et à répondre à ces différences individuelles d’une manière informée.
Le constat vient également de la part d’enseignants » (Lyon, Fletcher, Shaywitz, 2001). Les
recherches s’intéressant à l’enseignant et aux comportements pédagogiques semblent plus
prometteuses. Les travaux montrent, par exemple, que si le diplôme ne semble pas
déterminant, en revanche, l'expérience professionnelle joue un rôle capital. Les maîtres les
plus expérimentés étant les plus efficaces (Fijalkow, 1994).
*
Dans l’ensemble de ces explications des troubles d’apprentissage, on traite l'enfant comme un
objet qui aurait eu à pâtir d'une caractéristique ou d'une circonstance à laquelle on pourrait
rapporter les difficultés qu'il éprouve. Ce schéma explicatif présente deux caractéristiques qui
peuvent en limiter sérieusement la portée. D'une part, dans tous les cas examinés, la causalité
supposée est du type « de cause à effet ». Pour certains, la cause est organique, alors que pour
d’autres, elle est socio-affective, sociologique, ou pédagogique. Toutefois, le principe
commun est qu’il y a « une » cause et que la recherche a pour fonction de l'identifier. Cette
conception a eu pour effet de conduire chaque courant de recherche à explorer sans cesse de
nouvelles pistes dans sa voie propre voie, trop souvent dans l'ignorance des autres courants.
En guise d’illustration, la recherche dans l’apprentissage de la lecture, on met de plus en plus
de l’avant « une conception plurielle et complexe de la causalité suivant laquelle les
difficultés s'expliquent par plusieurs types de causes à la fois et sous des formes circulaires
plutôt que directes » (Fijalkow, 1994).
Une seconde limite des recherches effectuées tient à la conception de la causalité qu'elles
mettent en œuvre qui fait de l'enfant un objet plutôt qu’un sujet. Il est en effet possible, dans
un certain nombre de cas, que l’enfant ayant des difficultés à apprendre à lire peut être luimême à l'origine de ces difficultés, en fonction de l'attitude qu'il adopte à l'égard de la lecture.
« Adoptant cette perspective, plusieurs courants de recherche émettent depuis peu l'hypothèse
que les difficultés d'apprentissage de la lecture que rencontrent certains enfants sont
imputables au refus que ces enfants opposent à l'école en général ou à la lecture en
particulier » (Fijalkow, 1994).
34
2.1.6 Diagnostic
Comme nous l’avons vu plus haut, le diagnostic dépend donc autant du contexte que de
l’enfant. Ce diagnostic est difficile et problématique car il y a un manque de définition et de
clarté dans les critères d’identification. En effet, ce n'est que dans la mesure où l'on pourra
répondre à la question : «Que sont les troubles d'apprentissage ? » que nous pourrons
répondre à la question : «Qui sont les élèves présentant des troubles d'apprentissage ? ».
Devant les ambiguïtés qui marquent le domaine, il n'est pas surprenant que toute l'évaluation
des difficultés d'apprentissage soit questionnée. Le diagnostic diffère bien évidemment d’un
pays à l’autre quant aux procédures utilisées, aux tests, aux seuils, etc.. Je vais donc ici
surtout m’intéresser aux approches et outils diagnostics utilisés en Europe francophone pour
le diagnostic de la lecture. J’aborderai la question du diagnostic en ce qui concerne mon
échantillon particulier dans la section du travail qui traite de l’enseignement spécial en
Belgique. Bien que ces tests et approches soient liés au contexte francophone, je crois que
cela permettra d’illustrer par des cas particuliers des phénomènes plus généraux.
Le diagnostic peut s’effectuer sur la base d’un signalement scolaire et/ou sur une évaluation
des parents. Chaque trouble doit interférer de façon significative avec le travail scolaire ou
avec les activités (lecture, écriture, calcul). De manière générale, pour poser un diagnostic
pour un trouble en lecture, il est nécessaire, selon ce point de vue symptomatique prôné par
les classifications, d’évaluer le niveau scolaire, l’écart entre ce niveau et le niveau escompté,
et le niveau intellectuel pour connaître le retard. Les évaluations classiques recouvrent
habituellement quatre domaines : le fonctionnement cognitif, les acquis scolaires, les facteurs
instrumentaux et la personnalité. Parallèlement à ces tests de nature intellectuelle,
instrumental ou spécifique à une compétence scolaire, il existe également d’autres examens et
évaluations présents lors des diagnostics. Les examens de la vue et de l’ouïe sont les premiers
effectués lorsqu’on suppose ce type de trouble, tout comme le QI pour vérifier le niveau
intellectuel de l’enfant. Des problèmes de santé, hormonaux ou alimentaires peuvent
également apparaître à l’occasion d’un examen médical. Ces points du diagnostic reflètent les
éléments d’exclusion de la définition. On conseille également de faire une anamnèse pour
connaître le milieu de l’enfant, d’éventuels signes précurseurs, son parcours scolaire, etc..
En ce qui concerne le niveau de lecture, on dispose de tests (Alouette, René et Marie, etc.).
Ces tests sont populaires car ils sont aisément compréhensibles parce que les normes sont
exprimées en âge (année, mois) ou en niveau scolaire (fin 2e, début 4e). La mesure s’exprime
en terme de retard. Ainsi les divers intervenants qui gravitent autour de l’enfant ont un
langage commun (enseignant, éducateur, logopède, psychologue, etc.). Ces tests tiennent
aussi compte de l’aspect développemental. Ces interprétations en terme de niveaux et âges
peuvent, toutefois, causer des problèmes de validité. Par exemple, il se peut qu’une école ou
un enseignant offre un enseignement en-dessous de son niveau scolaire officiel pour diverses
raisons (faiblesses de la classe, primo-arrivant, paresse de l’enseignant, incompétence, etc.).
L’enfant issu de cette classe aura toutes les chances de présenter de plus faibles performances
sans que cela soit causé par une faiblesse de sa part. De plus, ce niveau n’indique pas la
distance entre chaque niveau pour un enfant, on suppose une évolution linéaire des
performances mais on sait qu’il n’en est rien. Ensuite, il faut pouvoir comparer ce niveau
obtenu avec le niveau scolaire effectif. Un enfant en 4e qui présente un niveau de 2e est
considéré dès lors comme ayant un retard de 2 ans. Toutefois, on ne tient pas compte des
pratiques de l’enseignant ou de l’école (redoublement, niveau, exigences, etc.).
35
Les méthodes de lecture utilisées peuvent également poser problème. Avec certaine méthode
comme la « globale », l’apprentissage est prévu sur deux ans dans plusieurs écoles. Une
méthode analytique, quant à elle, peut favoriser les scores en déchiffrement dans certains
tests. Enfin, si on se réfère à l’âge, le début obligatoire de la scolarité fait que certains enfants
séparés par quelques jours d’âge biologique sont dans deux niveaux scolaires différents. Se
pose également la question du seuil à partir duquel le retard devient pathologique. Pour
certains, il faut 18 mois, pour d’autres 24 mois. La question du seuil se pose surtout pour des
enfants près de celui-ci ; pour les cas situés aux extrêmes, le diagnostic est plus facile.
Pour faire une évaluation de la lecture, il faut tenir compte de la vitesse et de la qualité de la
lecture (erreur, omission, etc.). De plus, l’évaluation du niveau de lecture ne devrait pas se
limiter au déchiffrement mais tenir également compte de la compréhension. En ce sens, « le
praticien ne dispose guère d’outils entièrement satisfaisant pour réaliser cet ensemble
d’évaluation » (Grégoire, 1997). La majorité des tests sont anciens et des questions se posent
tant par rapport à leur contenu qu’à leur norme. Le contenu des tests est très différent. Des
enfants peuvent montrer des retards dans un test tandis que dans un autre, la gravité n’est pas
la même.
Ces tests utilisent la mesure normée plutôt que la critériée, considérée comme plus efficace
(Grégoire, 1997). En effet, une performance est toujours comparée à celle d’un échantillon
représentatif dans la mesure normée, mais ne nous donne pas d’information claire sur sa
position dans le curriculum d’apprentissage de la lecture. « Par conséquent, sur la base des
incorrections observées, nous ne pouvons tirer aucune conclusion générale quant à la
maîtrise objective de la lecture par l’enfant ». Une mesure critériée n’évalue plus les
performances en référence à une population mais par rapport aux objectifs hiérarchisés du
curriculum. Le niveau de difficultés pour construire de tels outils est beaucoup plus important
car il faut décrire l’évolution en étapes successives et construire des épreuves pour chacune
d’elles.
En plus de ce qui a été dit plus haut concernant le postulat de discrépance avec le quotient
intellectuel, certains ont mis en avant que le QI-verbal était fiable pour certains sous-troubles
comme en ce qui concerne la compréhension de la lecture. On a constaté toutefois que les
tests du QI-verbal sont fondés sur la compréhension verbale générale qui est liée au
vocabulaire que connaît l’enfant. Comme le vocabulaire est une composante du QI verbal, il
n’est pas surprenant que celui-ci prédise la compréhension en lecture. L’important n’est
toutefois pas le QI, mais le vocabulaire. De même, on utilise encore aujourd’hui la différence
entre le QI-verbal et le QI-performance pour diagnostiquer les enfants souffrant de troubles
d’apprentissage. Ces derniers auraient logiquement un QI-performance supérieur au QIverbal. Là encore, des critiques ont fait valoir que cela s’observe dans d’autres pathologies et
dans certaines catégories sociales inférieures. Grégoire (1997) nuance toutefois en spécifiant
que « cette signification ambiguë de la différence QI-verbal / QI-performance a conduit
plusieurs auteurs à remettre en question l’usage diagnostique de cet indice. Toutefois, si la
différence QI-verbal / QI-performance prise isolément n’a aucune signification précise, elle
peut être une information intéressante dans l’ensemble du tableau clinique ». Enfin, avec
l’échelle de Wechsler, on peut établir un profil de scores en trois catégories : spatiale,
conceptuelle et séquentielle.
Selon les résultats obtenus, certains ont avancé, dont
Bannatyne, que les dyslexiques ont un profil où les meilleurs résultats sont rangés selon un
ordre spatial-conceptuel-séquentiel. Là encore, la validité du profil Bannatyne est fortement
remise en question car elle présente peu de preuves en sa faveur. Pour Fletcher, plutôt que le
36
score au QI, ce sont les scores scolaires qui sont importants. La discrépance ne diagnostique
pas les troubles de l’apprentissage mais uniquement les sous-performances.
D’autres types de tests, faisant partie de l’évaluation instrumentale, étudient surtout la
perception visuelle et auditive et le rythme.
On utilise encore beaucoup cette évaluation
instrumentale en Belgique. Ces facteurs apportent des informations lorsqu’on les considère
comme témoin des fonctions cognitives. Ces épreuves ne sont pourtant guère indicatives sauf
pour le rythme (Grégoire, 1997). L’examen de la latéralisation n’est plus tellement utile tout
comme celui de la structuration spatiale (ex. figure de REY) où le rapport avec le niveau de
lecture n’est pas démontré (Grégoire, 1997). Cette utilisation peut étonner de nos jours car
comme le remarque Fijalkow (1994), cité par Grégoire « l’importance prise dans les milieux
éducatifs par la conception instrumentale des difficultés d’apprentissage de la lecture
contraste fortement avec la fragilité des arguments qui peuvent être avancés aujourd’hui pour
la soutenir ». L’hypothèse du déficit perceptif a été abandonnée pour celle du déficit cognitif
verbal.
Les modèles théoriques actuels en psychologie cognitive offrent de nouvelles perspectives à
l’évaluation. De nouvelles épreuves sont en cours d’élaboration ou de validation. Les PaysBas ont notamment publié un instrument de ce type : le Leerling Volg Systeem (Instituut voor
Toetsontwikkeling, 1992). L’échelle utilisée est le contenu, défini et hiérarchisé sur plusieurs
années scolaires. Une définition longitudinale des progrès devient ainsi possible. En langue
française, il n’existe pas encore de tests de ce type.
Les nouvelles tendances en évaluation vont dans le sens des approches dynamiques ou
interactives. Ces évaluations se distinguent des modèles psychométriques traditionnels de
trois façons. D'abord, elles admettent que les processus d'apprentissage sont modelés de
façon importante par le contexte social De plus, ces approches évaluatives estiment que les
apprenants peuvent devenir plus efficaces et que pour cela, l'évaluation doit recourir à de
l'apprentissage guidé pour mesurer leur flexibilité. Enfin, celles-ci affirment que leur objectif
majeur est l'amélioration de l'enseignement. Les effets de ces nouvelles tendances
apparaissent dans le diagnostic et l'identification. Par exemple, Bateman et Chard (1995 in
Brunet 2002) estiment que le jugement éclairé d'une équipe de professionnels comportant au
moins un expert dans le domaine des difficultés d'apprentissage devrait primer sur le seul
résultat indiquant un écart entre les aptitudes et le rendement.
2.1.7 Epidémiologie
Les élèves atteints de troubles d’apprentissage représentent autour de 50% des élèves dans
l’enseignement spécial dans la plupart des pays qui organisent ce type d’enseignement
(Frederickson & Cline, 2002). Un examen plus détaillé des taux d'incidence à travers les
vingt dernières années met en évidence une baisse des difficultés légères au profit,
malheureusement, des difficultés graves.
La prévalence des troubles d’apprentissage est généralement estimée autour de 5 à 10% de la
population totale. Certaines études ont montré des taux beaucoup plus élevés en changeant le
seuil des tests diagnostiques. En fait, cette prévalence est très difficile à estimer parce que les
différentes études utilisent des définitions et des diagnostics différents.
De plus,
l’hétérogénéité des troubles rend une comptabilité séparée difficile.
37
Ainsi, des études ont estimé à 10-20%, aux Etats-Unis, le nombre d’enfants avec un trouble
de la lecture, discrépants ou non. Toutefois, ce taux baisse de moitié, si l’on ne tient compte
que les enfants dont les troubles persistent plus de trois ans (Shaywitz, Shaywitz & Fletcher,
1992). D’autres études montrent des taux de 15% d’enfants avec des troubles de l’expression
écrite ( Lyon 1996). Le taux de 20% de trouble de la lecture garantit de telles estimations
selon Lyon, car le trouble de l’expression écrite y est souvent associé et un taux d’environ
10% pour les troubles de l’expression écrite est envisageable. Pour le calcul, la revue de la
littérature de Fleishner (1994) citée par Dumas explique que la plupart des études
épistémologiques s’accordent sur un taux de prévalence d’environ 6%. Toutefois dans une
vaste étude anglaise de 1 200 enfants de 9 et 10 ans, à l’île de Wright, souvent citée à cause de
ses qualités méthodologiques et par son importance, on arrive à des taux de 3,9% d’enfant
d’intelligence normale et avec un trouble de la lecture, 1,3% pour le calcul seul et 2,3% pour
un trouble mixte. En tout, avec ou sans le trouble associé du calcul, la lecture représente
environ 6,2% de l’échantillon. On a pris soin de différencier les enfants ayant une
intelligence normale des autres (Prior 1996). En France, on estime qu'environ 1% des enfants
présentent des troubles sévères du langage oral, que de 4 à 5 % présentent de grandes
difficultés du langage écrit ( notamment en lecture) dont moins de 1 % sont des non-lecteurs.
Il faut toutefois prendre garde à ces chiffres car les enfants sont diagnostiqués pour recevoir
un enseignement adapté, individualisé et non pour correspondre parfaitement à une grille de
critères stricts. Ces chiffres changent d’une région à l’autre selon la politique et les outils
diagnostics. Des taux importants d’enfants avec troubles d’apprentissage peuvent également
signifier qu’on y a inclus des enfants lents mais sans trouble. On cherche les élèves qui se
trouvent aux extrêmes de la courbe de Gauss des performances. De plus, ce sont les échecs
répétés et une demande de l’école ou de la famille qui mènent à ce diagnostic. Il est donc
difficile de cerner le moment où le trouble débute chez chacun et de faire un diagnostic avant
la troisième année.
On assiste généralement à une augmentation continue des enfants nécessitant des services liés
aux troubles de l’apprentissage. Aux Etats-Unis, de 1977 à 1993, les élèves avec des troubles
d’apprentissage sont passés de moins de 2% à plus de 5% de la population scolaire (Annexe
4). Cela semble confirmer le rôle d’éponge sociologique attribué à ce type d’enseignement
par Senf et Lyon. Des facteurs socioculturels peuvent intervenir dans le diagnostic des
troubles de l’apprentissage. Il y a peu de données sur le sujet. On sait que ces troubles sont
souvent associés à la pauvreté, aux problèmes familiaux et sociaux (Koegh et Sears, 1991) et
aux malentendus d’ordre culturel entre famille et école (Chauveau et Rogovas-Chauveau,
1992). On s’entend toutefois pour dire qu’il ne s’agit pas d’associations spécifiques.
Alors que tous les autres types sont stables, on observe que le nombre d’enfants orientés vers
des services adaptés pour les troubles d’apprentissage est en augmentation constante. Cette
hausse s’est encore poursuivie depuis 1993 alors que la population scolaire diminue de
manière globale. Il y a selon Lyon (1996) des raisons correctes et incorrectes dans
l’augmentation des taux d’identification. Les raisons justifiées de cette augmentation incluent
les progrès de la recherche, une plus grande identification de filles, une définition plus large
des troubles en lecture, surtout sur la conscience phonologique. Les raisons injustifiées de
l’augmentation touchent la définition large et trop vague, des incitatifs financiers à identifier
des enfants pour l’enseignement spécial, la préparation inadéquate des enseignants laissés
seuls avec des situations parfois difficiles. Le nombres d’enfants avec des troubles graves
augmentent tout comme ceux ayant de troubles du comportement. Dans la pratique, il peut
38
arriver qu’un enfant n’entre dans aucune catégorie : « Cela fait du ce type d’enseignement un
fourre-tout pour des enfants qui ont besoin de remédiation spécialisée » (ERIC Digest, 1996).
Il y a beaucoup plus de garçons que de filles qui sont identifiés comme ayant des troubles
d’apprentissage, cela pouvant aller jusqu’à cinq fois plus (Lyon 1996) pour les troubles de la
lecture et de l’expression écrite. Lewis (1994) dans une étude épistémologique montre qu’il y
a 3,2 garçons pour 1,0 fille dans ces deux troubles et un ratio de 1 pour 1 dans celui du calcul.
Cela peut varier avec la méthode diagnostique et la sévérité. Le trouble de la lecture étant
souvent associé avec des troubles du comportement ou ADHD chez les garçons, cela peut
accélérer les demandes d’interventions et de repérage scolaire. Cela représente un biais
évident des diagnostics. En France, De Lacerda (2000) remarque dans les classes
d'intégration scolaire (CLIS) du premier degré, comme dans les sections d'enseignement
général et professionnel adapté (SEGPA) du second degré, qui offrent une réponse
pédagogique éducative pour les élèves en grande difficulté scolaire, que les garçons sont surreprésentés ainsi que les élèves plus âgés. On y remarque aussi une plus forte proportion
d'enfants et d'adolescents de nationalité étrangère mais à catégorie socioprofessionnelle
identique, ils sont cependant deux fois moins nombreux. Dans les SEGPA, les élèves
appartiennent davantage à des milieux sociaux défavorisés (cette information n'est pas
disponible pour le premier degré).
Concernant la sur-représentation des élèves « non-blancs » dans l’enseignement spécial,
certaines études ont recherché les causes dans l’école ordinaire et dans l’orientation. Une
étude longitudinale de Wood & al. (1991) montre ce que d’aucuns ont qualifié de « racisme
institutionnel ». Les chercheurs ont suivi 500 enfants blancs et afro-américains pendant trois
ans. La première année, aucune différence n’apparaissait en lecture (avec ajustement pour
tenir compte du vocabulaire) tandis que trois ans plus tard, les enfants afro-américains
présentaient davantage de difficultés de lecture que les enfants blancs. Dans les analyses de
cette étude, on a montré que cela ne pouvait pas être expliqué par des différences socioéconomiques (pauvreté, diplômation des parents, mono-parentalité, etc.).
D’autres
recherches ont montré des résultats similaires en expression écrite et en calcul. Wood a
proposé que les enfants afro-américains puissent faire l’objet d’un biais des enseignants et du
système comme celui qui conduit à identifier plus de garçons que de filles dans une
construction sociale de l’échec scolaire. Leurs découvertes sont claires. La présence
d’aucune autre variable démographique ou sociologique dans la prédiction n’enlève pas la
puissance de « l’effet de race » comme prédicteur indépendant de la lecture de 3e niveau.
D’autres recherches (Obringer & Coffey 1992, Mc Leskey et al., 1990) sur l’effet de la
formule de discrépance QI/performance scolaire ont montré qu’en modifiant le seuil du QI, on
assiste à une réduction ou une augmentation du nombre d’élèves afro-américains
diagnostiqués comme ayant des troubles d’apprentissage. Le manque de recherche dans ce
domaine ne nous permet pas de prendre position clairement. De plus, le recherche étant pour
la plupart américaine dans le domaine, ces résultats sur les différences socioculturelles
peuvent difficilement se généraliser.
On a également longtemps supposé que les troubles de la lecture par exemple n’affectent pas
les enfants de la même manière d’un pays à l’autre à cause des caractéristiques de chaque
système d’écriture. Des systèmes plus complexes comme le mandarin ou le japonais
conduiraient à diagnostiquer plus d’enfant ayant des troubles de la lecture. Certaines études
semblaient aller dans ce sens mais Stevenson (1982) a montré une prévalence semblable avec
des étudiants chinois, japonais et anglais. Il faut tenir compte dans ces comparaisons des
différences entre systèmes scolaires pouvant fortement affecter les acquis en lecture comme la
39
présence de classes maternelles, l’âge d’entrée à l’école, les méthodes de lectures utilisées,
etc. D’autres recherches sont encore nécessaires pour mieux connaître les différences
linguistiques pouvant influer sur les troubles d’apprentissage.
En ce qui concerne l’aspect temporel ou développemental, les troubles d’apprentissage
semblent persistants, voir chroniques. Ils peuvent affecter le fonctionnement-même à l’âge
adulte. Dans la même revue de la littérature, Kavale (1988) met en avant quelques
conséquences des troubles de l’apprentissage : les difficultés restent à des degrés divers
malgré certains progrès. Les progrès les plus marquants sont associés à l’intelligence et au
niveau socioéconomique. Les troubles d’apprentissage sont associés à des difficultés sociales
et comportementales et finalement, à l’âge adulte, les niveaux sociaux et professionnels des
personnes sont en moyenne inférieurs aux personnes sans difficulté d’apprentissage. Les
différences individuelles restent très importantes et le développement de la personne amène
des évolutions différentes de ces troubles. Il ne s’agit pas de problèmes uniformes. L'absence
d'une définition fondée sur des variables théoriquement définies et validées, en plus de rendre
l'évaluation incertaine, pose également la difficulté du pronostic.
2.1.8 L’évaluation du système d’enseignement
Des études longitudinales sur le parcours de ces enfants ont été faites depuis les dix dernières
années seulement. Deux causes principales expliquent l’engouement pour ce type d’études.
Premièrement, les chercheurs remarquent qu’avec les lois sur l’enseignement spécial depuis
les années 70 aux Etats-Unis et ailleurs, les dépenses pour l'enseignement spécial ont
augmenté dramatiquement. Les coûts de ces services sont beaucoup plus importants que pour
un enfant fréquentant l’enseignement ordinaire. Alors que la population scolaire diminue, les
politiques voient la population de ce type d’enseignement augmenter de façon constante,
surtout en ce qui concerne les troubles d’apprentissage. Des solutions doivent donc être
trouvées pour arrêter cette « épidémie » ; nous avons besoin de mesures fiables de ce qui se
passe dans ces écoles et de ce que deviennent ces enfants. Deuxièmement, le mouvement
pour l’inclusion, qui se base, entre autre, sur la supposée inefficacité de l’enseignement
spécial, milite en faveur de l’inclusion de tous les enfants ayant des troubles ou des handicaps.
Il devient alors nécessaire, pour évaluer l’efficacité des politiques de réintégration, de
posséder des chiffres sur l’orientation des élèves de ce type d’enseignement. C’est dans cette
optique que nous nous situons. Ce sont d’ailleurs les pays qui ont mis en place des structures
d’intégration ou d’inclusion qui s’intéressent le plus au parcours scolaire de ces enfants, tant
en enseignement spécial qu’ordinaire.
Il devient alors évident que les recherches sur le parcours scolaire des enfants ayant des
troubles d’apprentissage sont indissociables d’une certaine évaluation de l’efficacité de celuici. De plus, la mesure des « outcomes » de ce type d’enseignement ne peut faire l’économie
d’une étude des pratiques des « incomes » et du processus à l’intérieur du système lui-même.
Ces trois moments : avant, pendant et après l’enseignement spécial sont nécessaires à une
compréhension correcte du parcours de ces élèves.
Hocutt (1996) a réalisé une revue de la littérature pour savoir si le placement en enseignement
spécial était un facteur critique dans le succès académique ou social du jeune. Elle a
également tenté de connaître ce que peuvent gagner les étudiants aux points de vue des
performances et des résultats quand ils sont placés en enseignement spécial. Pour cela il faut
savoir ce qu’auraient fait ces enfants sans ces services spécialisés. La différence va démontrer
40
la « valeur ajoutée » de l’enseignement spécial. Hocutt remarque tout d’abord qu’aucune
intervention n’a été capable d’éliminer l’impact du fait d’avoir un trouble ou un handicap. De
plus, sauf de rares exceptions, les étudiants avec handicap n’ont pas réussi dans les mêmes
proportions que leurs pairs « normaux ». Les élèves avec des troubles d’apprentissage ont des
réussites moindres que des élèves considérés comme faibles mais sans troubles, malgré l’aide
apportée en enseignement spécial.
Cette revue de la littérature observe trois éléments. Le premier élément est ce que font les
élèves qui ont un diagnostic les orientant vers l’enseignement spécial mais qui poursuivent
des études en enseignement ordinaire. En effet, si 92 % des enfants référés sont testés, 74 %
de ces derniers sont placés en enseignement spécial ; d’autres sont réorientés vers
l’enseignement ordinaire. Hocutt remarque qu’en général, peu d’aide spécifique est apportée
en enseignement ordinaire et si elle est apportée, c’est souvent pour des enfants qui
réussissent déjà bien ou sont attentifs, ceux qui n’ont pas besoin d’enseignement spécial en
sorte ! Le deuxième élément est constitué des pratiques observées en enseignement spécial et
en enseignement ordinaire. Les résultats sont inconsistants d’une recherche à l’autre. On
observe toutefois qu’en général, les interventions les plus efficaces pour les enfants
handicapés, que ce soit en enseignement ordinaire ou spécial, employaient un enseignement
raisonnablement intensif et personnalisé combiné avec de l’attention et un suivi fréquent des
progrès de l’élève. Les structures qui ont donné les meilleurs résultats avec des enfants
handicapés « requièrent un investissement considérable de ressources, incluant temps et
effort, aussi bien qu’une aide importante aux enseignants» (Hocutt, 1996).
Le dernier élément donne des informations sur les sorties et les « résultats » de
l’enseignement spécial. Beaucoup de ces études ont été utilisées par les défenseurs de
l’inclusion pour démontrer l’inefficacité de l’enseignement spécial. Malheureusement, la
plupart souffrent de problèmes méthodologiques allant de la taille de l’échantillon, des
instruments de mesures inappropriés, un manque de suivi dans le dossier des élèves, etc. De
plus, elles datent pour la plupart et regroupent tous les types d’enseignement spécial sans faire
de différence. Carlberg et Kavale (1980) et Wang et Baker (1986) ont réalisé des métaanalyses sur des recherches sur l’efficacité entre l’enseignement ordinaire et spécial. Leur
conclusion est que le placement en enseignement général plutôt que spécial donnait de
meilleurs résultats pour les élèves avec un faible niveau intellectuel mais des résultats pires
pour ceux ayant des troubles d’apprentissage ou du comportement. Ces derniers sont mieux
dans l’enseignement spécial selon Kavale et Carlberg, que dans l’enseignement ordinaire. On
a également observé que c’est l’intervention elle-même, plutôt que le service qui la donne, qui
est lié aux progrès de l’enfant.
Enfin, en analysant les recherches récentes, séparant les résultats selon le type de trouble,
Hocutt observe que pour les élèves de l’enseignement primaire ayant des troubles
d’apprentissage, il est également profitable pour ces enfants de fréquenter l’enseignement
spécial. Cela semble être le cas pour l’estime de soi, les compétences en lecture et le
décrochage scolaire. Fuchs et Fuchs (1993) ainsi que Zigmond (1990) ont comparé les
résultats académiques d’enfants ayant des troubles d’apprentissage en enseignement ordinaire
et spécial. Dans le premier cas, on démontre que les mêmes enfants font plus de progrès en
lecture de mots en spécial qu’en ordinaire, après un passage de quelques semaines dans les
deux types d’enseignement. La deuxième recherche, utilisant des élèves fréquentant
l’enseignement spécial puis réintégrés en enseignement ordinaire, montre que ces derniers
font des progrès faibles mais réguliers en enseignement spécial mais n’ont pas la même
progression en enseignement ordinaire. Les élèves avec des troubles d’apprentissage et qui
41
fréquentent l’enseignement secondaire ordinaire ont des notes plus basses que les étudiants
classés comme faibles mais sans troubles. Près de 20% de ces étudiants ont échoué en
troisième secondaire et les trois-quarts ont reçu la note « D » dans les quatre cours principaux.
La note « D » est donnée aux élèves simplement pour leur présence en classe. L’estime de soi
progresse dans tous les cas, même dans la plus ségrégationniste des structures, contrairement
aux autres types de handicap.
Il n’y a pas de preuve décisive confirmant que le placement plutôt que l’enseignement soit le
facteur critique dans le succès scolaire et social de l’enfant. L’environnement de la classe et
la qualité de l’enseignement ont plus d’impact que le placement. Toutefois, l’enseignement
spécial, dans sa diversité, n’est pas nécessairement une structure différente ou une école
différente. Cette recherche ne défend pas non plus l’inclusion pour tous les élèves ayant des
troubles ou handicaps. L’approche au cas par cas semble être la meilleure, selon elle, pour
prendre des décisions en ce qui concerne le placement et l’enseignement. « Au contraire, on
voit un besoin clair envers l’enseignement spécial ».
Wagner et Blackorby (1996) ont étudié les résultats du National Longitudinal Transition
Study of Special Education Students (NTLS) qui offre des données statistiques relatives à une
étude de cinq années sur la transition de jeunes avec des handicaps de l'enseignement
secondaire jusqu'au début de l'âge adulte. Cette étude inclut plus de 8 000 jeunes handicapés
qui sont âgés de 13 à 21 ans et qui ont reçu un enseignement spécialisé en 1985-86. Ils ont
examiné l'expérience des étudiants dans le système scolaire, l'emploi et l'indépendance
personnelle. Les données incluent des entretiens avec des parents d'élèves en 1987, une
analyse des registres scolaires et un sondage d'éducateurs fait en 1989, d'entretiens d'un souséchantillon de 800 parents et/ou jeunes. Un sommaire des principales conclusions sur le sujet
: caractéristiques des jeunes avec handicaps, les programmes de l'enseignement secondaire
ordinaire, les programmes de l'enseignement secondaire spécial, la performance des écoles
secondaires, l'achèvement des études, etc. Les tableaux présentent des données liées aux
types de communauté, le sexe, l'âge, le statut de l'école, le revenu familial, l'origine ethnique
et le chef de famille, responsable de l'éducation.
Les résultats montrent un taux de décrochage de 30% à l’école secondaire dans cette
population d’enfant atteints de troubles d’apprentissage. 8% des enfants ont décroché avant
l’entrée à l’école secondaire (High school). La moyenne d’âge du décrochage scolaire est de
dix-huit ans et ils ont acquis, en moyenne, moins de la moitié des crédits nécessaires à la
certification secondaire. On remarque un taux d’emploi similaire chez les personnes avec un
trouble d’apprentissage et celles n’en ayant pas mais celles qui ont un trouble du langage, sont
les moins à même de trouver un emploi. Seuls 37% des élèves (tous handicaps confondus)
qui ont terminé leurs études secondaires supérieures amorcent des études postsecondaires
comparativement à 78% dans la population scolaire du même âge. Les élèves avec des
troubles auditifs ou visuels sont les plus nombreux à faire ces études. Les élèves (tous
handicaps confondus) ont significativement plus de chances d’être pauvres que les jeunes
dans la population générale et « la pauvreté tend à exacerber l’impact du trouble ». Les
étudiants pauvres avec des troubles ont moins de chances de faire des études secondaires ou
des formations que les élèves riches ayant eux-aussi des troubles. Quand ils sont employés,
les étudiants les plus pauvres avec des troubles gagnent significativement moins que ceux
issus de familles favorisées et qui, eux, se sont plus formés.
L’orientation en enseignement ordinaire plutôt qu’en enseignement spécial présente donc un
tableau contrasté ; bonne pour certains, déconseillée pour d’autres. En effet, les élèves avec
42
des troubles sensoriels (vue et audition) ou moteurs apparaissent comme profitant d’une
inclusion en enseignement ordinaire. Toutefois, pour beaucoup d’étudiants qui ont des
troubles d’apprentissage, le maintien à tout prix en enseignement ordinaire est associé avec un
lien d’échec, qui est un fort prédicteur du décrochage.
La Chicago Longitudinal Study de Reynolds et Wolfe (1997) étudie la problématique du
parcours scolaire en enseignement spécial et ordinaire d’enfants atteint de troubles
d’apprentissage. De plus, ils ont testé l’efficacité du système d’enseignement spécial et du
programme compensatoire « Cadillac ». Les chercheurs ont tenté d’éclaircir certaines zones
d’ombres laissées par les deux revues de la littérature précédentes. Nous savons ainsi que
l’enseignement ordinaire ne semble pas convenir aux enfants atteints de troubles
d’apprentissage, l’enseignement spécial étant même conseillé. Toutefois, plutôt qu’un choix
par exclusion, nous devons nous demander si cet enseignement spécial leur convient
également. « Est-ce que les enfants qui sont orientés vers ces programmes font de plus
grands progrès grâce à l’aide supplémentaire accordée ou bien y a-t-il des conséquences
négatives pour les enfants de fréquenter l’enseignement spécial ? ».
Pour y répondre, les chercheurs ont pris en compte les résultats scolaires de 1245 élèves en
difficultés. La plupart de ces élèves sont Noirs (95%) ou Hispaniques dans une moindre
proportion (5%), et fréquentent le niveau primaire de la première à la sixième. Ils ont
participé à l'étude longitudinale de Chicago pendant 7 ans. Près de 15% de l'échantillon ont
reçu les services de l'enseignement spécial, la moitié pour des troubles d'apprentissages et
l'autre pour d'autres troubles. Près du quart (22%) ont redoublé et la moitié ont changé d'école
plus d'une fois au cours de l'enseignement primaire. Les chercheurs ont contrôlé le niveau des
élèves par une évaluation externe avant le placement dans l'enseignement spécial. De plus,
des variables comme le milieu familial, les antécédents scolaires, les caractéristiques des
écoles ont également été contrôlées. De cette population, 22 % avaient déjà redoublé au moins
une année et plus de 70 % des élèves avaient changé d’école au moins une fois à un moment
de la maternelle à la sixième année.
Les auteurs remarquent que les enfants ont tendance à faire moins bien après un
redoublement. La seule exception concerne le maintien pendant un an en enseignement
maternel. Cela suggère que certains enfants soient encore immatures pour aborder
l’enseignement primaire et qu’ils n’ont pas tous acquis au même âge biologique les prérequis
de la lecture par exemple. Pour les enfants qui avaient les scores les plus faibles en première
année profitent plus du redoublement tandis que ceux avec de bons scores aux tests
standardisés voient leurs résultats décliner après un redoublement.
Pour les enfants atteints de troubles de l’apprentissage, les chercheurs ont utilisé une
régression statistique pour estimer la « valeur ajoutée » accordée à chaque année passée en
enseignement spécial. On observe, après avoir évalué le niveau de départ en français et en
mathématiques par des tests standardisés, que les enfants placés dans l’enseignement spécial
ne rattrapent pas les autres enfants dans l’enseignement ordinaire. Dans la quasi-totalité des
cas, les enfants ne performent pas mieux à ces tests standardisés et font moins bien que ce qui
est supposé en tenant compte du score de l’année précédente. Les élèves progressent, mais
séparément des autres enfants en terme de résultats. Par exemple, à 6 ans, la différence est de
8 points en lecture entre les enfants en enseignement spécial et les autres. Cette différence est
de 17 points à 12 ans. De plus, après avoir observé les caractéristiques des écoles pouvant
expliquer cette différence, aucune relation n’a été trouvée. Cela suggère que l’enseignement
spécial n’ajoute pas aux performances des élèves mais est plutôt associé à un déclin des
43
performances attendues de l’élève. Ces résultats ne supportent qu’une exception. Certaines
preuves tendent à montrer que les élèves qui performent le mieux dans les tests précoces
peuvent profiter du placement en enseignement spécial surtout si le placement est précoce.
Cela suppose une efficacité limitée des services éducatifs pour ces enfants
Résultats en lecture de la maternelle à la 6e primaire
140
120
100
80
60
40
20
0
1
2
3
4
Enseignement ordinaire n=1052
5
6
7
Enseignement spécial n=178
Pour les enfants qui ont d’autres types de troubles (ouïe, vue, etc.), les résultats suggèrent
qu’un placement en enseignement spécial peut être utile. Les résultats montrent toutefois
qu’après la quatrième année, ces enfants ne gagnent pas au placement en enseignement
spécial mais régressent plutôt. Cela suggère que l’orientation en enseignement spécial doit
être ciblée sur les premières années. En prenant en compte l’implication des parents dans
l’école et la participation précoce à des programmes de compensation publique (Cadillac), on
démontre que les enfants font mieux si leurs parents sont impliqués, et s’ils ont participé à un
programme compensatoire en maternelle ou au premier cycle (Annexe 5).
En résumé, on remarque que les enfants qui ont reçu une éducation en enseignement spécial
ont des scores en lecture et en mathématiques plus bas que les autres enfants de l'échantillon,
spécialement durant les années 4 à 6. On observe également que les enfants avec des
difficultés d'apprentissages bénéficient moins des services de l'enseignement spécial que les
enfants avec d'autres troubles. Le redoublement et les changements d'école durant les années
du primaire sont corrélés significativement avec un bas niveau en lecture et en
mathématiques. Des alternatives à l'enseignement spécial tout comme au redoublement, du
moins celles qui existent déjà, devraient bénéficier aux élèves ayant des difficultés
d'apprentissages.
Les implications de cette recherche sont importantes. Tout d’abord, on observe que les
enfants ayant des troubles sensoriels ou moteurs bénéficient plus de l’enseignement spécial
que ceux ayant des troubles de l’apprentissage. Mis en relation avec les résultats précédents,
on peut ainsi constater que ces élèves profitent plus de l’inclusion et du placement que les
enfants avec des troubles d’apprentissage. Loin d’être une contradiction, cela semble être une
complémentarité. Ensuite, en démontrant l’incapacité de cet enseignement à combler l’écart
44
entre des enfants avec ou sans troubles, mais issus du même milieu socio-économique et ayant
les mêmes caractéristiques culturelles et ethniques, cette étude contredit les résultats
précédents en évitant les écueils méthodologiques.
Les enfants avec des troubles d’apprentissage posent des problèmes aux systèmes éducatifs.
Ces enfants ne semblent pas profiter de l’enseignement spécial pour récupérer leur retard et
leur intégration en enseignement ordinaire est problématique. Si Hocutt déclare que
l’intervention a plus d’effet que le placement, Reynolds observe quant à lui que le placement,
en contrôlant l’intervention, semble avoir un effet important sur l'enfant.
A ce sujet, Reynolds & Wolfe (1997) concluent : « Plutôt que de dépenser beaucoup d’argent
dans ces programmes (enseignement spécial pour enfants avec des troubles d’apprentissage),
nous devons évaluer quel programme et quels éléments marchent le mieux, et ce, pour chaque
enfant ». Les résultats suite à la participation au CPC qui amène une baisse drastique du
placement en enseignement spécial et du redoublement. « Ces résultats suggèrent que
l’intervention précoce soit une stratégie plus efficace et moins coûteuse pour une large
proportion d’enfant en enseignement spécial ».
2.2 La situation en Belgique
2.2.1 Court historique de l’enseignement spécial en Belgique
L’enseignement spécial a été officiellement créé en 1970, par la loi du 6 juillet. Il existait
toutefois, depuis longtemps déjà, des écoles ou des classes d’enseignement spécial avant cette
date. Ces écoles, souvent liées à un internat, concernaient, des enfants atteints de handicap
sensoriel (de la vue ou de l’ouïe). Il existait également des institutions qui accueillaient des
enfants ayant des handicaps variés. Beaucoup de ces institutions ont fermé ou se sont
réorientées. L’une de celles-ci, qui a fêté son centenaire il y peu de temps, à la différence des
autres, s’intéressa aux enfants atteints de troubles d’apprentissage au sens large. Le docteur
Decroly, neurologue, figure marquante de la pédagogie belge, a créé à Bruxelles une école
spécialisée lorsque la Société de pédiatrie lui a proposé d’être le médecin chef d’une petite
clinique qu’elle envisageait de créer pour l’observation et le traitement d’enfants dits «
anormaux », surtout des enfants ayant des troubles d’apprentissage et des troubles associés.
L’Institut d’enseignement spécial - Laboratoire psychologique du Dr Decroly s’ouvrit en
1901. Le laboratoire se transforme immédiatement en « école-laboratoire ». « Ils trouvent à
l’Institut les soins réclamés par leur état, mais aussi et surtout ils reçoivent une éducation la
plus large possible » (Dubreucq, 1993). C’est d’abord à l’hôpital, où il se voit confier des
enfants « anormaux et troublés », que Decroly découvrit le laisser-faire pédagogique dans
lequel se trouvaient ces enfants. Decroly critiquait l’école ordinaire en affirmant : « J’affirme
qu’elle [l’école populaire] a une influence nuisible, une action antisociale incontestable ; non
seulement elle ne nous prépare pas à la vie, mais elle fait de beaucoup de nous des épaves de
la vie, des déclassés, ou du moins, elle ne fait rien pour nous éviter de le devenir — ce qui est
tout comme.» (Decroly in Dubreucq 1993) Il affirmait également que tous les pensionnaires
de l’Institut se révèlent capables de réaliser des progrès suffisants pour qu’il puisse affirmer
leur éducabilité et même une éducabilité de nature identique à celle des enfants normaux, au
rythme et aux limites près. Il nuance ainsi la définition psychométrique de « l’irrégularité
mentale » ayant cours à l’époque. Aujourd’hui encore, l’Institut Decroly accueille des enfants
ayant des troubles d’apprentissage et du comportement.
45
De plus, en 1912, le docteur Decroly créa avec A. Christiaens le premier bureau d’orientation
professionnelle du monde, l’ancêtre des centres PMS. « L'objectif visé était d'éviter que les
enfants n'entrent précocement dans une profession contre-indiquée du point de vue médical
ou psychologique » (AGERS, 2003). Par ailleurs, il est également le père du département de
pédagogie de l’Université Libre de Bruxelles, d’une école primaire ordinaire, d’un centre de
formation des enseignants, etc.
Avant la loi de 1970 sur l’enseignement spécial, il existait également des classes spécialisées
dans les établissements d’enseignement ordinaire qui accueillaient des enfants ayant divers
handicaps. On disait à l’époque la « zotte classe »1 à Bruxelles pour parler du système ayant
court avant l’introduction de cette loi. Une « zotte classe » était parfois organisée dans
certaines écoles pour prendre en charge les enfants qui ne pouvaient suivre un enseignement
ordinaire. Elle était parfois composée d’enfants sourds, autistes, caractériels ou ayant des
troubles d’apprentissage. Dans d’autres classes, on regroupait les enfants selon certaines
caractéristiques comme dans des classes d’enseignement individualisé, où on ne mettait que
les enfants en rupture d’apprentissage scolaire. Ces classes étaient organisées dans les écoles
sur base de 12 enfants par classe, bénéficiant déjà de l’aide de logopèdes. La loi de 1970
changea cela pour regrouper ces classes au sein d’écoles spéciales, séparées de
l’enseignement ordinaire.
2.2.2 La loi de l’enseignement spécial de 1970
La loi-cadre de 1970 (modifiée par la loi du 11 mars 1986) a été la première législation
complète en Belgique en organisant un enseignement spécial séparé de l’enseignement
ordinaire. Elle était issue de l’idée généreuse d’offrir un enseignement spécialisé à tous les
enfants en éprouvant le besoin. Le « germe » de la loi était d’ailleurs inscrit dans le Pacte
scolaire. Cette loi avait plusieurs objectifs dont celui de « réserver cet enseignement à des
« vrais » handicapés, organiser un enseignement adapté aux différentes formes de handicap
et rationaliser le nombre d’établissement de chaque type en fonction du libre-choix des
parents en matière scolaire » (CF, 1986). Cette loi fut d’ailleurs votée à l’unanimité.
Le premier article énonce que « la présente loi s'applique aux enfants et aux adolescents qui,
sur la base d'un examen multidisciplinaire, effectué par les institutions définies à l'article 5 de
la présente loi (exemple : PMS), relèvent de l'enseignement spécial ou intégré en raison de
leurs besoins et possibilités pédagogiques. Ils sont dénommés ci-après handicapés.
L'enseignement spécial pourvoit à l'instruction et à l'éducation des handicapés : a) en
assurant le développement de leurs aptitudes physiques et intellectuelles et leur ajustement
social; b) en les préparant : - à la vie familiale; - à l'exercice de métiers ou professions
compatibles avec leur handicap; - à l'occupation en milieu protégé » (Loi sur l'enseignement
spécial et intégré, 1970).
Cette loi promulgue également la gratuité totale de cet enseignement, le transport gratuit du
domicile à l’école, des subventions de fonctionnement plus importantes, etc.. Un
encadrement spécifique est accordé selon la nature du handicap. Diverses instances sont
mises en place comme le Conseil supérieur de l’enseignement spécial, les Commissions
consultatives régionales et le Conseil de perfectionnement de l’enseignement spécial. La
1
Zotte signifie en bruxellois bête, idiot.
46
première instance est purement consultative et rend des avis de sa propre initiative ou sur
demande du ministre sur des questions relatives à l’enseignement spécial. Les Commissions
consultatives régionales interviennent quant à elles dans les cas difficiles touchant
l’orientation. C’est auprès de cet organisme que les parents peuvent introduire un recours
contre une orientation qu’ils contestent. Cette loi permet également d’établir des règles pour
l’entrée (et la sortie) en enseignement spécial, ce qui n’était pas le cas auparavant.
2.2.2.1 Objectifs et finalité
Dans le document « Etre un élève… », on explique qu’ « en réalité, l’enseignement spécial
est et doit rester conçu comme une promotion et un service destiné aux enfants et adolescents
qui sont inaptes à bénéficier de l’enseignement ordinaire, dont les structures en effet ne
conviennent pas à tous les enfants. Quelle que soit la nature des déficiences, au-delà d’un
certain seuil de gravité, l’enseignement ordinaire est incapable d’en assumer la résorption, et
conforte le handicap ». On ajoute que les objectifs actualisés pour l’enseignement spécial
sont d’ « Aider chacun à définir et à atteindre son projet personnel, permettre à chaque élève
de bénéficier d'un accompagnement pédagogique, paramédical, psychologique et social,
assurer à chaque élève de façon individualisée une large éducation de base en fonction de ses
besoins et de ses potentialités et observer et évaluer de façon continue l'évolution de chaque
élève » (CF, 2000).
2.2.2.2 Arrêtés d’application de la loi de 1970
La loi de 1970 reste vague dans l’ensemble, il s’agit d’une loi-cadre qui doit encore être
définie par des arrêtés d’application. Ces arrêtés d’application définissent par exemple les
types d’enseignement, l’enseignement intégré ou encore le travail des centres PMS. Pour
notre part, nous ne nous intéresserons qu’aux principaux arrêtés, ceux en rapport avec notre
problématique.
2.2.2.3 Types d’enseignement
La loi de 1970 spécifie que « chacun de ces types comporte l'enseignement adapté aux
besoins éducatifs généraux et particuliers des handicapés appartenant à un même groupe,
besoins qui sont déterminés en fonction de la nature et de la gravité du handicap principal
commun à ce groupe. Pour les personnes atteintes de handicaps multiples, le type
d'enseignement spécial est déterminé compte tenu des besoins éducatifs qui, eu égard à l'âge
et aux capacités des intéressés, doivent être satisfaits par priorité ». Toutefois, ils ne seront
définis par arrêté royal que le 28 juin 1978. Il existe huit types d’enseignement spécialisé.
Toutes les écoles n'organisent pas tous les types d'enseignement. L’arrêté défini également
des critères d’orientation vers chacun des types.
47
Types
Niveau
Niveau
maternel primaire
1
Niveau secondaire
S'adressent aux élèves atteints
X
X
d'arriération mentale légère
2
X
X
X
d'arriération mentale modérée ou
sévère
3
X
X
X
de troubles caractériels
4
X
X
X
de déficiences physiques
X
X
de maladies
5
6
X
X
X
de déficiences visuelles
7
X
X
X
de déficiences auditives
8
X
de troubles instrumentaux
L’encadrement varie selon les types. Pour le type 8, le nombre d’enfants par classe est limité
à 15, la classe moyenne oscillant entre 8 et 12 élèves. Le personnel d’une école spéciale se
compose comme dans les écoles ordinaires d’un directeur et d’enseignants. Les enseignants
ne reçoivent pas de formation spécifique pour enseigner dans « le spécial », tous types
confondus. En plus des titulaires de cours et de professeurs des cours philosophiques, il existe
également deux fonctions particulières au primaire: maître d’enseignement individualisé
(M.E.I.) et le maître d’activités éducatives (M.A.E.). Ainsi, dans l’arrêté de 1978, on ajoute
que l’enseignement spécial « se caractérise par une coordination entre l’enseignement et les
interventions orthopédagogiques, médicales, paramédicales, psychologiques et sociales d’une
part et par la collaboration permanente avec l’organisme en charge de la guidance d’autre
part » (CF, Arrêté royal portant définition des types et organisation de l'enseignement spécial
et déterminant les conditions d'admission et de maintien dans les divers niveaux
d'enseignement spécial, 1978). Un personnel psychologique, social et paramédical composé
de psychologues, de logopèdes, d’assistants sociaux, de kinésithérapeutes, d’infirmières, etc.
est donc également présent dans l’école spéciale. En ce qui concerne le type 8, il s’agit plus
spécifiquement de logopèdes.
Les différents niveaux scolaires (maternel, primaire, secondaire) ne gardent pas les mêmes
âges-seuils que l’enseignement ordinaire. En primaire, la durée est fixée à sept années au lieu
de six pour l’enseignement ordinaire. De plus, il est possible de maintenir les enfants à la fin
de leurs études primaires. Le maintien peut s’expliquer par exemple lorsqu’un enfant
manque de certains acquis pour effectuer une réintégration ou encore qu’il n’est pas « prêt » à
changer de niveau d’études pour d’autres raisons. Un maintien de deux ans est possible en
primaire.
La loi tranche, par l’esprit, d’avec la situation précédente. En effet, au lieu d’offrir un
traitement suivant des déficiences, celle-ci avait pour objectif de rencontrer les besoins
éducatifs de l’enfant et ce, dans le milieu dans lequel il se trouve. A ce titre, les 8 types
organisés par l’enseignement spécial n’étaient à l’origine pas prévus pour le placement
(déficiences) mais pour les besoins éducatifs. Il s’agissait donc d’établir des catégories (8) de
services et non des « types » d’élèves. La création des types constitue le passage entre une
catégorie de services basée sur des besoins telle qu ‘énoncée par la loi de 1970 à une catégorie
d’élèves. L’enseignement ordinaire reste la norme à laquelle il faut se conformer ; on va en
enseignement spécial lorsqu’on ne peut plus continuer en enseignement ordinaire. On semble
48
finalement considérer, en séparant l’aide pour ces enfants, que l’enseignement ordinaire n’a
pas à évoluer pour répondre aux besoins de ces enfants.
2.2.2.4 Les maturités
L'enseignement spécial fondamental est organisé en quatre degrés de maturité et non en
cycles ou en années, comme dans l'enseignement ordinaire. Les maturités sont les mêmes
pour les enfants atteint d’arriération mentale légère (type 1), des troubles instrumentaux (type
8), du comportement (type 3), de handicaps sensoriels (types 6 et 7) ou physiques (type 4).
Ces maturités sont définies plus à fond pour chacun des types et des stades sur les plans socioaffectif, psychomoteur et intellectuel (pédagogique). Le passage d'un degré de maturité à un
autre est lié à l'acquisition de compétences déterminées. Il peut se faire à tout moment en
cours d'année scolaire. La maturité 1 correspond au niveau des apprentissages préscolaires.
La maturité 2 à l’éveil aux premiers apprentissages scolaires. La maturité 3 correspond à la
maîtrise et au développement des acquis. La maturité 4 correspond au renforcement des
apprentissages scolaires, à la prise en charge des objectifs liés à la pré-adolescence, à
l’utilisation fonctionnelle des acquis selon les orientations envisagées. (CF, 1986) L’horaire
des cours donnés, qui est remis officiellement à l’inspection, change selon la maturité des
enfants. Les maturités ne sont pas définies par une loi mais par des documents émanant de la
Communauté française, les circulaires ministérielles, etc. Elles entrent dans l’ordre du
prescrit.
2.2.2.5 L’intégration
La loi de 1970 prévoyait la possibilité d’effectuer un enseignement intégré afin de promouvoir
l'ajustement social et la formation ou de permettre l'obtention d'un certificat d'études ou de
qualification de l'enseignement ordinaire. La Flandre a, dès 1986, adopté une loi à cet égard
tandis qu’en Communauté française, il a fallu attendre 1995. Cette intégration peut être
temporaire ou permanente. La loi prévoit un subside et un encadrement pour accompagner
cette intégration. Toutefois, cette loi-cadre sur l’intégration, spécifie peu l’enseignement
intégré, laissant aux arrêtés d’application fixer les caractéristiques. Aujourd’hui, ce type
d’intégration touche surtout les élèves présentant un handicap physique, une déficience
visuelle ou auditive. Ils peuvent suivre certains cours dans l'enseignement ordinaire et les
autres dans l'enseignement spécial. Il y a environ 50 enfants à temps plein profitant de ce
système (tous types confondus) et 80 à temps partiel. Il existe très peu de cas d’enfants de
type 8 profitant de ce système. On remarque toutefois quelques expériences comme un projet
touchant toutes les écoles de type 8 de la Ville de Bruxelles et certaines autres expériences
menées, notamment à Gembloux, par le ministre Hazette. On peut tenter d’expliquer cela par
le fait que si l’apport d’un « vrai » handicapé peut constituer un plus pour certaines classes,
celui d’un enfant ayant des troubles d’apprentissage et/ou du comportement associés est plutôt
vu comme une épreuve par les enseignants. Il faut remettre en question des approches
didactiques, les remédiations, la discipline, etc. L’aide supplémentaire apportée à l’enfant
étant difficile à définir pour ce type d’intervention (éducative, logopédique, psychologique,
pédagogique, etc.), beaucoup d’écoles renoncent à accepter des enfants sous de telles
conditions.
49
2.2.2.6 Les formes de l’enseignement spécial secondaire
L'enseignement spécial secondaire est organisé en quatre formes. Il y a donc deux divisions :
l’une selon le type et l’autre selon la forme. « Ces formes peuvent réunir des enfants de
différents types d’enseignement selon la nature et le degré de gravité de leur handicap » (CF,
1986). Les grilles horaires diffèrent d’une forme à l’autre. Ce ne sont pas tous les types
d’enseignement qui organisent toutes les formes.
Formes
Dénomination
1
Enseignement
d’adaptation
Enseignement
d’adaptation
socioprofessionnelle
Enseignement
professionnel
Enseignement
secondaire
2
3
4
Type
1
-
Type
2
X
Type
3
X
Type
4
X
Type
5
-
Type
6
-
Type
7
-
Type
8
-
-
X
X
X
-
-
-
-
X
-
X
X
-
-
-
-
-
-
X
X
X
X
X
-
2.2.2.6.1 La forme 1
L’enseignement secondaire de forme 1 est également appelé « Enseignement d'adaptation
sociale ». Il vise une formation sociale rendant possible l'insertion en milieu de vie protégé.
Il s’agit ici de la forme traitant les cas les plus lourds. Les objectifs sont l’acquisition
d’éléments d’autonomie, de socialisation et de communication. Un plan individuel
d’apprentissage est défini pour chaque élève. « Cette formation débouche normalement sur la
vie en Centres de jour ou en home occupationnel » (CF, 1986). Cette forme n’a qu’une seule
phase de 4 années au minimum et est sanctionnée par une attestation de fréquentation.
2.2.2.6.2 La forme 2
L’enseignement de forme 2, l’enseignement d'adaptation sociale et professionnelle, « vise à
donner une formation générale, sociale et professionnelle pour rendre possible l'insertion en
milieu de vie et/ou de travail protégé ».
Les objectifs sont « l’acquisition d’éléments
d’autonomie, de socialisation et de communication ». Cette forme est organisée en deux
phases. La première phase a pour objectifs la socialisation et la communication en restant
sensible « notamment à l’émergence d’aptitudes professionnelles et à l’expression du projet
personnel ». La deuxième phase vise une « poursuite des objectifs de socialisation et de
communication de la première phase dans le cadre d’activités éducatives visant la
préparation à la vie sociale et la vie professionnelle » (CF, 2000). Chaque phase dure deux
années au minimum. Une attestation de fréquentation sanctionne également ces études.
2.2.2.6.3 La forme 3
La forme 3 est un enseignement professionnel. L’objectif est de donner une formation
générale, sociale et professionnelle pour rendre possible l'insertion socioprofessionnelle. Les
50
objectifs sont l’épanouissement personnel, l’éducation du citoyen et la formation
professionnelle. Cette forme se décline en trois phases. La première phase consiste en une
observation « lors d’une approche polyvalente dans un secteur professionnel » (CF, 2000).
Cette phase dure un an. En fait, l’étudiant va dans plusieurs ateliers professionnels organisés
par l’école pour faire des essais et pour orienter son choix de section. Dans la deuxième
phase de deux ans, l’étudiant aura une qualification dans un groupe professionnel. A la fin de
cette phase, il se verra attribuer un certificat de qualification. Le C.E.B. peut être attribué au
plus tard à la fin de la deuxième phase. La troisième phase, qui dure également deux années,
consiste en une qualification professionnelle proprement dite et qui donne droit à un certificat
de qualification complémentaire.
Ces certificats délivrés par l’école secondaire
d’enseignement spécial ne constituent pas des diplômes équivalents à celui sanctionnant la fin
des études secondaires professionnelles de l’enseignement ordinaire. Il équivaut à ceux qui
sanctionnent les études professionnelles ordinaires à la fin du deuxième degré. Cette
formation devra être complétée. « La forme 3 est conçue pour les élèves susceptibles
d’accéder à une formation professionnelle en milieu de travail ordinaire ». De plus, ce ne
sont pas tous les étudiants qui terminent ces trois phases et l’obtention du CEB n’est pas le cas
de tous. Une attestation de fréquentation est délivrée aux étudiants qui n’ont pas terminé un
cycle ou à ceux qui n’ont pas été admis à l’épreuve de qualification.
2.2.2.6.4 La forme 4
Enfin, l’enseignement secondaire spécial de forme 4 regroupe l’enseignement général,
technique, artistique ou professionnel. « Il correspond à l'enseignement secondaire ordinaire
avec un encadrement différent, une méthodologie adaptée et des outils spécifiques » (CF,
2000). Dans cette forme, les étudiants ont les mêmes programmes, les mêmes horaires, les
mêmes conditions d’admission, les mêmes structures et les mêmes certifications que
l’enseignement ordinaire. Par contre, l’encadrement, la méthodologie et les outils sont
adaptés.
Formes
% par forme
1
8%
2
15%
3
75%
4
2%
Statistiques de la Communauté française, 2000.
2.2.3 Caractéristiques de l’enseignement spécial en Belgique
Comme nous l’avons vu précédemment, l’enseignement spécial est aujourd’hui composé
d’écoles spécialisées séparées de l’enseignement ordinaire. Quelques écoles ont parfois des
liens étroits avec des écoles ordinaires pour des expériences de réintégration, mais chacune
garde ses spécificités et une direction séparée. Une école peut également organiser des
enseignements de plusieurs types et de plusieurs niveaux scolaires différents, dans une même
classe ou non. Cela concerne surtout des écoles accueillant des enfants relevant du type 1
et/ou 3 et/ou 8. Les autres types restent relativement homogènes. Toutefois, il existe
également de grands instituts qui accueillent des enfants de plusieurs types sans pour autant
51
faire des mélanges dans les classes. L'enseignement spécial est organisé aux niveaux
maternel, primaire et secondaire et peut concerner tout enfant ou adolescent âgé de 2 à 21 ans.
L’horaire des enseignants de l’enseignement spécial primaire est sensiblement différent de
celui d’un enseignant de l’enseignement ordinaire primaire. Tout d’abord, les enseignants
« spéciaux » passent 22 périodes de 50 minutes en classe tandis que les enseignants
« ordinaires » passent 24 périodes. Les deux périodes de différence sont consacrées à des
réunions et conseils de classe. Les élèves sont avec un enseignant-tournant pendant ces deux
périodes ou ont plus d’heures de gymnastique par exemple. De plus, pour le type 8, les cours
de néerlandais ne sont pas prévus. Dans les écoles primaires bruxelloises ordinaires, les
enfants du degré supérieur ont cinq périodes de cinquante minutes de néerlandais, et deux
pour les enfants wallons. Ces lacunes en langue seconde peuvent apporter des difficultés et
des échecs lors du passage en enseignement ordinaire.
Il n’existe pas de programme scolaire spécifique ou de Socles de compétences adaptés à
l’enseignement spécial de type 8. Les enseignants s’inspirent du programme de leur réseau
pour la plupart et des Socles de compétences pour l’enseignement ordinaire. Un travail
d’adaptation des Socles de compétences est d’ailleurs en cours. Cela laisse les enseignants
seuls devant certaines situations comme l’évaluation. La répartition temps/matières est
également différente de celle de l’enseignement ordinaire primaire. Les matières enseignées
concernent le français, les mathématiques, l’exploration de l’environnement, les activités
concrètes d’expression, l’éducation physique, la sécurité routière et les cours philosophiques.
Il n’existe qu’une seule évaluation des compétences, il s’agit du Certificat d’étude de base
(CEB).
L’encadrement diffère selon les types. Les écoles reçoivent des subsides différents selon les
enfants accueillis. Cela suppose des différences entre les « niveaux de difficultés » de chaque
type. Par exemple, les écoles de types 3 (caractériels) reçoivent un subside plus important.
Cela peut avoir une influence sur la perception des difficultés réelles (Gauthier, 1984). Enfin,
dernier point sensible, les enseignants ne reçoivent pas de formation spécifique pour
l’enseignement spécial en général ou un handicap en particulier. En effet, la loi et les arrêtés
qui ont suivi laissent le Pouvoir organisateur libre de demander des titres complémentaires. Il
existe des cours d’un an à temps plein ou de deux ans en cours du soir pour obtenir une
formation de niveau post-graduat. L’obtention du diplôme de post-graduat est tout de même
valorisée
salarialement
par la Communauté française du montant, frôlant la prodigalité, de
is !
15
On peut remarquer que dans l’ensemble, la loi de 1970 est définie par « son contenu (les
personnes handicapées) plutôt que par son contenant (l’intervention) » (Gauthier, 1984).
Ainsi, la loi énonce la création d’un enseignement adapté mais ne dit pas lequel, ne définit pas
l’adaptation, les méthodes, etc.. On institue des types de handicap et parallèlement
d’enseignement sans encore en spécifier les types. Les différents arrêtés ont laissé à chaque
école et à chaque enseignant des espaces de libertés importants en matière d’intervention.
Cette liberté apparente s’oppose toutefois à d’autres aspects laissés de côté par cette loi,
comme la formation des enseignants, leur relatif isolement ou une hiérarchie semblable à celle
des écoles ordinaires.
52
2.2.4 Le type 8 de l’enseignement spécial
2.2.4.1 Définition des troubles d’apprentissage (ou troubles
instrumentaux)
Il existe trois définitions qui coexistent en étant plus ou moins légales, elles n’ont toutefois
pas toute la même valeur. Il s’agit de trois types de document différents émanant du
Ministère de la Communauté française. Le premier est un arrêté d’application qui définit les
types d’enseignement, dont le type 8. C’est la seule définition ayant un caractère officiel. Le
deuxième document est un document à destination des professionnels et parents. Il est plus
« vulgarisé » et reprend l’ensemble de l’enseignement spécial. Enfin, le dernier est une
circulaire ministérielle datant de 1992 qui tente de définir de manière plus opérationnelle la
définition de l’arrêté d’application. Cette dernière énonce un prescrit.
2.2.4.1.1 Arrêté royal de 1978
L’arrêté royal de 1978 définit le type 8 comme le type « d’enseignement spécial répondant
aux besoins éducatifs des enfants atteints de troubles instrumentaux est destiné aux élèves
pour lesquels l’examen pluridisciplinaire visé à l’article 7, 1°, conclut que, tout en étant
d’intelligence, d’audition et de vision normales, ils présentent des troubles qui se traduisent
par des difficultés dans le développement du langage ou de la parole et/ou dans
l’apprentissage de la lecture, de l’écriture ou du calcul et dont la gravité est telle qu’une
intervention particulière dans le cadre de l’enseignement ordinaire ne peut suffire ».
L’arrêté développe peu et laisse plusieurs zones d’ombre. Cette définition ne permet pas, en
elle-même, le diagnostic. Elle est relativement neutre et se veut très générale. On note
toutefois que les caractéristiques principales de ces troubles sont la gravité, la persistance, la
variété et l’aspect cumulatif des troubles. Cela correspond à ce que nous avons vu plus haut
dans les définitions et classifications internationales. La référence est claire au sujet de
l’enseignement ordinaire comme ne suffisant plus. Cette définition est liée au système
ségrégationniste en vigueur. Toutefois, la référence à l’intervention particulière en milieu
scolaire ordinaire suppose des moyens et un cadre qui n’existe toujours pas véritablement. Ce
point est en outre extrêmement subjectif.
On remarque que globalement, la définition belge des troubles d’apprentissage a de nombreux
points communs avec les définitions américaines ou étrangères. L’approche instrumentale
n’est pas présente si ce n’est dans l’intitulé du type 8. On y parle de troubles surtout de nature
scolaire (écrit, calcul, etc.) et de langage. On y retrouve l’élément d’exclusion et le rapport à
l’intelligence. On ne parle pas de retard mais de difficultés et de gravité. Cette gravité
implique nécessairement une gradation et un seuil. Nous avons également vu plus haut que
« quelle que soit la nature des déficiences, au-delà d’un certain seuil de gravité,
l’enseignement ordinaire est incapable d’en assumer la résorption, et conforte le handicap »
(CF, 1986). Il est donc important de mesurer cette gravité mais aucune indication n’est
présente. Il y a une référence aux expériences de scolarisation antérieures où l’échec est sousentendu. Dans cette définition, la scolarité antérieure « révèle » le trouble pour que l’enfant,
par la gravité des troubles, se montre inapte à suivre un enseignement ordinaire. L’enfant doit
obligatoirement passer par l’enseignement ordinaire avant d’être orienté en type 8. On laisse
ici entendre que le seuil, la mesure de la gravité est le seuil de tolérance de l’école ordinaire.
Il s’agit d’une « wait-to-fail model », un modèle d’attente de l’échec. Les élèves qui sont
admis en enseignement spécial de type 8 le sont à 9 ans en moyenne (Chapellier, 2000).
53
L’enfant a donc souvent connu l’échec dans l’enseignement ordinaire. La mention de
l’enseignement ordinaire comme point de référence et de la scolarité antérieure est également
caractéristique d’un système éducatif à deux voies, ordinaire et spéciale. On parle bien d’une
inadaptation au système scolaire ordinaire. Cette exclusion qui déclare que l’enfant « ne peut
être traitée dans le cadre de l’enseignement ordinaire » apparaît comme un facteur
d’inclusion à l’enseignement spécial. Il y a là un élément d’appréciation subjectif qui peut
amener des dérives si chaque école ou chaque classe peut fixer un seuil.
Plusieurs éléments en sont absents comme l’explication des causes, le postulat d’intrinsèque,
de discrépance et d’exclusion de type socioculturel ou en rapport avec une scolarité
inadéquate. On ne se base que sur des exclusions de type médical. Toutefois, le rapport
pluridisciplinaire reprend une enquête sociale mais sans spécifier pas son effet comme critère
d’exclusion éventuelle pour des motifs socioculturels.
2.2.4.1.2 Etre un élève spécial dans l’enseignement
ordinaire ou être un élève ordinaire dans
l’enseignement spécial
La définition précédente a été complétée par un document semi-officiel émanant de
l’administration de l’enseignement spécial : « Etre un élève spécial dans l’enseignement
ordinaire ou être une élève ordinaire dans l’enseignement spécial » (Communauté française
de Belgique, 1986). Ce document a été préparé par l’administration pour expliquer de
manière très complète le fonctionnement de l’enseignement spécial.
On y spécifie que l’enfant fréquentant des écoles de type 8 souffre « de troubles
instrumentaux et de troubles associées d’apprentissage de la lecture, de l’orthographe et du
calcul ». Plus loin, on ajoute les troubles du langage oral également comme sous-catégories
des troubles d’apprentissages. On ajoute que « les troubles instrumentaux sont à la base des
troubles d’apprentissage caractérisée par la dyslexie - dysorthographie, la dyscalculie, la
dysgraphie ». Cette terminologie est caractéristique de l’approche instrumentale. On décrit
d’autres troubles associés comme la dyslalie, la dysphasie, la dyspraxie, les facteurs
émotionnels perturbateurs, etc. On ajoute que « lorsque s’ajoutent des désordres perceptifs
(rythme, latéralisation, espace), de la mémoire et de l’attention malgré un raisonnement
normal, c’est le portrait de l’élève qui se retrouve fréquemment dans le type 8 ». On donne
également des éléments pour le diagnostic, comme le fait qu’il arrive que le QI performance
soit plus élevé que le QI verbal, que l’enfant ait un dégoût de l’école, une intelligence
normale, des manques dans les relations sociales.
On remarque dans ce document une volonté plus nette d’opérationnalisation. L’approche
instrumentale est mise à l’avant. En effet, les causes des difficultés que ressent l’enfant se
trouvent « dans les domaines instrumental, cognitif, affectif et relationnel.
Les
caractéristiques principales sont la gravité, la persistance, la variété et l’aspect cumulatif des
troubles dont les manifestations sont mises en évidences par : une insuffisance de la fonction
analytico-synthétique, une lenteur de réaction, une rétention faible, et souvent une attention
fébrile, un pouvoir de concentration très limité dû à des formes d’hyperactivité (physique ou
psychique) ». On y fait également une distinction entre la dyslexie et les troubles
d’apprentissage. « Les dyslexiques ne sont pas tous victimes de véritables troubles
instrumentaux. La dyslexie, en effet, peut se traiter efficacement et s’éliminer dans un certain
nombre de cas.
Les troubles instrumentaux en revanche ne disparaissent jamais
54
complètement, bien que leurs effets puissent être réduits par des phénomènes de
compensation ».
Le document « Etre un élève spécial dans l’enseignement ordinaire ou être un élève ordinaire
dans l’enseignement spécial » montre une nette orientation instrumentale dans la définition et
le diagnostic des troubles. On aborde les termes de dyslexie et de dyscalculie sans
véritablement les définir. Les causes de ces difficultés scolaires se situent au niveau de la
structuration spatiale, temporelle, l’attention, le rythme, la mémoire, etc. mais le document
n’explique pas les liens entre ces dysfonctionnements instrumentaux et leurs conséquences
scolaires. On aborde cette question à une seule occasion où on énonce que l’insuffisance
spatio-temporelle entraîne des difficultés dans la sériation et l’ordination et que le manque de
coordination verbo-gestuelle basée sur le rythme influe sur les capacités de dénombrement.
Les troubles instrumentaux sont évoqués comme les causes des troubles d’apprentissage. Le
trouble instrumental est vu comme nécessitant une investigation suite à un trouble
d’apprentissage révélé, lui, par l’école. Cette vision permet de penser qu’il existe des élèves
avec des troubles instrumentaux mais qui ne montrent pas de troubles d’apprentissage. Il ne
s’agirait en quelque sorte de la pointe de l’iceberg. Nous savons par ailleurs que des troubles
d’apprentissage peuvent exister sans qu’il soit question de troubles instrumentaux. Cela nous
permet de penser que cette vision plus psychologisante ne permet pas de rendre compte de la
réalité du trouble d’apprentissage. Ce document n’évoque d’ailleurs pas le milieu social
comme ayant un possible effet sur la gravité des troubles de l’apprentissage ou sur le
placement en enseignement spécial. L’absence de critère d’exclusion lié au milieu et à la
scolarité insuffisante peut favoriser l’effet d’éponge sociologique joué par ce type
d’enseignement.
2.2.4.1.3 Circulaire ministérielle de 1992
La circulaire ministérielle de 1992, « Orientation d’un enfant ou d’un adolescent dans un des
types d’enseignement spécial », donne quant à elle une définition plus opérationnelle, à
destination des professionnels de l’enseignement spécial. Le type 8 d’enseignement est
destiné « aux enfants qui, tout en n’étant pas déficients mentaux, présentent des troubles qui
se traduisent par des difficultés dans le développement du langage ou de la parole et/ou dans
l’apprentissage de la lecture, de l’écriture ou du calcul, dont la gravité est telle qu’une
intervention particulière dans le cadre de l’enseignement ordinaire ne peut suffire ».
Jusqu’ici, cette définition est très proche de celle de l’arrêté définissant les types. La
circulaire qui se veut plus explicite spécifie d’autres conditions pour une orientation vers le
type 8. On ajoute que « le trouble doit porter sur certains aspects spécifiques cités ci-dessus,
c’est-à-dire sur certaines, et non sur l’ensemble de ses fonctions psychologiques de base » et
que « les troubles doivent être d’une gravité telle qu’une aide occasionnelle, dans le cadre de
l’enseignement ordinaire, ne peut suffire. En présence de troubles légers, le maintien dans
l’enseignement ordinaire avec bénéfice d’une rééducation individuelle ou éventuellement le
soutien d’un maître d’adaptation, s’impose ». Cela permet de spécifier jusqu’où doit aller
l’aide apportée par l’école avant qu’un placement soit envisageable. C’est la première fois
que l’on définit le type d’aide que l’enseignement ordinaire doit apporter avant de recourir à
un placement en enseignement spécial. Cette aide, en enseignement ordinaire, constitue un
facteur pouvant influencer le placement. L’échec de cette dernière constituerait un argument
en faveur du placement. Il s’agit d’observer si cette aide a été accordée aux élèves se
retrouvant en type 8.
55
On fait également référence à d’autres terminologies utilisées dans la littérature pour définir
ces enfants, on parle de brain-injurea, minimal brain dysfonction, specific learning
disabilities, etc. « sans d’ailleurs que ces divers termes décrivent exactement le même
contenu. Plusieurs de ces termes notamment font référence à des altérations d’équipement
neurologique de base, altération a minima, mais celle-ci ne sont pas toujours mises en
évidence, de sorte que, dans un certain nombre de cas, seul le profil psychologique peut être
un indicateur de ces troubles ». On assiste par ce texte à une sorte de rééquilibrage de la
définition officielle sur les courants de recherche internationaux. De plus, cette définition est
assez ouverte pour intégrer en partie les apports nouveaux intervenus après l’écriture de cette
définition. En sortant d’un certain isolationnisme, on peut dire qu’on parle enfin de la même
chose, avec les mêmes mots. En parlant de « profil psychologique », le texte ne prend pas
position clairement pour une approche instrumentale même si elle est encore sous-entendue
très fortement dans les consignes concernant le diagnostic comme nous le verrons plus loin.
On cherche clairement à s’inspirer de plusieurs courants de la recherche.
Comme dans les définitions internationales, cette circulaire énonce également des quatre
« quasi-exclusions » en spécifiant que certains enfants « ne doivent pas être systématiquement
orientés vers l’enseignement spécial de type 8 ». Cette spécification laisse une marge de
manœuvre. La première concerne des enfants qui présente un manque de maturation
physique, intellectuelle ou affective. Pour ces enfants, selon l’âge, on conseille soit un
maintien en maternelle ordinaire, soit un soutien plus individualisé en école primaire. Le
redoublement ou le maintien d’une année peut ainsi, par un effet pervers, constitué une sorte
de test à l’entrée de l’enseignement spécial. « Si le redoublement n’a pas fonctionné, alors
…»
La seconde exclusion précise que les enfants qui ont des déficits liés avant tout à des troubles
affectifs doivent être maintenus dans l’enseignement ordinaire et bénéficier d’une guidance
débouchant éventuellement sur une intervention psychologique spécialisée ou bénéficier de
l’enseignement de type 3 (caractériels).
La troisième catégorie concerne les enfants
présentant des déficits liés à l’origine sociale. « Ces enfants fréquenteront avec davantage de
profit l’enseignement ordinaire, surtout s’ils peuvent bénéficier d’une aide particulière dans
le domaine socioculturel ». Cette dernière phrase semble faire référence à la théorie d’un
déficit socioculturel et à la présence d’un enseignement compensatoire (discrimination
positive).
Enfin, la circulaire rappelle que les enfants atteints d’arriération mentale présentent également
« des déficits dans le domaine instrumental mais que ces déficits sont généralement globaux
et massifs dus à l’insuffisance intellectuelle ». Ces enfants ne doivent pas être orientés vers
l’enseignement spécial de type 8. Ils relèvent du type 1 ou du type 2. D’un point de vue
diagnostic, cette circulaire émet également certaines recommandations spécifiant les
indications importantes à tenir compte lors du rapport d’inscription pour chaque partie du
dossier pluridisciplinaire.
Selon les acteurs du terrain (PMS, direction, administration, etc.), cette circulaire comble un
vide pour la définition et le diagnostic. On lui reconnaît le mérite d’exister. On souhaite
même légaliser cette circulaire sous forme d’arrêté car seul l’arrêté de 1978 a une base légale.
Même si sa valeur légale est contestable, elle entre dans l’ordre du prescrit officiel. Cette
circulaire est fortement inspirée des définitions en cours à l’époque sur les « learning
disabilities » ou troubles d’apprentissage. Les catégories sont celles des troubles de la parole,
du langage écrit, de la lecture et du calcul comme dans les autres définitions internationales.
56
Cette circulaire répond, en quelque sorte, à certaines « dérives » en spécifiant plus clairement
certains critères d’exclusions. Connaissant le rapport entre le niveau socioculturel et le
placement en enseignement de type 8, la circulaire tente de limiter le placement.
Parallèlement, se mettent en place les premières expériences d’enseignement compensatoire
par la mise en place de Zones d’éducation prioritaire (ZEP) devenues Discrimination positive
(D+) qui ont pour fonction d’accueillir ces populations ayant un déficit socioculturel et
nécessitant un enseignement compensatoire, partiellement donné par l’enseignement spécial
aux cas les plus graves. On parle en effet de troubles légers à traiter à l’intérieur de l’école
ordinaire. Cette spécification est nouvelle. Elle suppose toutefois une articulation de la
circulaire avec la réalité du terrain dans les classes ordinaires. Cette aide à apporter au sein de
l’école ordinaire n’est pas clairement définie, pas plus que les besoins réels. Ainsi on parle de
rééducation, ou d’éventuellement d’un maître individuel. En ce qui concerne l’aide du maître
individuel, cette aide est accordée par l’école selon le nombre d’élèves et leurs besoins. La
circulaire utilise le mot « éventuellement », ce qui signifie la non-systématisation de l’aide
aux élèves avec des troubles légers ; cette aide ne peut pas toujours être assurée si plusieurs
élèves d’une école nécessite celle-ci. Le même flou entoure l’aide individualisée pour les
enfants moins matures ou plus fragiles psychologiquement. De même, la circulaire ne
spécifie pas ce qu’il advient des élèves qui ont des troubles dans tous les plans car « le trouble
doit porter sur certains aspects spécifiques cités ci-dessus, c’est-à-dire sur certaines et non
sur l’ensemble de ses fonctions psychologiques de base ».
2.2.4.2 L’orientation d’un élève vers le type 8
Comme nous l’avons vu plus haut, l’orientation ou le placement d’un élève vers
l’enseignement spécial doit faire l’objet d’un examen multidisciplinaire. Cet examen doit être
effectué par un organisme reconnu par l’Etat, en l’occurrence, il s’agit ici des centres PMS ou
encore d’hôpitaux. En effet, l’article 5 dont il est question stipule que « l'inscription d'un
handicapé dans un établissement, une section ou un institut d'enseignement spécial visé par la
présente loi est subordonnée à la production d'un rapport précisant le type d'enseignement
spécial qui répond aux besoins du handicapé et qui est dispensé dans cet établissement, cette
section ou cet institut ». Ce rapport est établi, pour le type 8 « par un centre psycho-médicosocial, par un office d'orientation scolaire et professionnelle ou par tout autre organisme
offrant les mêmes garanties en matière d'orientation scolaire ou professionnelle, organisés,
subventionnés ou reconnus par l'Etat ».
2.2.4.2.1 Les centres PMS
Bien qu’un service similaire ait été créé par Decroly en 1912, l'orientation professionnelle a
connu une lente évolution. Initialement les offices effectuaient uniquement l'orientation
professionnelle après le cycle complet de l'école primaire. Plus tard, dans les offices créés par
l'initiative privée et par les communes, l'orientation prit un caractère plus scolaire et les
interventions se firent dès la sixième année primaire. Un service central de l'orientation fut
créé en 1936 au Ministère de l'Instruction Publique, conçu par R. Derivière : les centres
psycho-médico-sociaux (CPMS). Ceux-ci touchent désormais l’ensemble de la scolarité de
l’enfant. Cette dénomination souligne de plus la multidisciplinarité. Une loi organique de
PMS fixe leur fonction depuis 1962. Depuis cette date, plus de cent cinquante centres ont été
créés dans la Communauté française de Belgique.
57
Il existe deux types de centres PMS : les centres PMS ordinaires et les PMS spécialisés. Tout
comme les écoles, les PMS appartiennent à différents réseaux et doivent répondre à certaines
obligations légales. Les PMS et les membres de son personnel doivent être indépendants des
institutions d'enseignement spécial. Ce personnel doit comprendre au moins : un
psychologue, un auxiliaire social, un ou des médecins titulaires des spécialités appropriées
aux types de handicap pour lesquels l'organisme sollicite son inscription. De plus, le PMS
doit s’engager à faire les examens à titre gratuit ou couverts par le remboursement de la
mutuelle et au respect du secret professionnel. L’action des PMS ne se limite pas aux écoles
spécialisées, ils ont aussi une action sur l’orientation professionnelle, la médecine scolaire,
etc..
Bien avant la création de l’enseignement spécial, en 1968, les premiers centres PMS pour
l'enseignement spécial ont été mis en place. Ces centres desservent exclusivement des écoles
d'enseignement spécial. « Lorsqu'un élève, à la suite des conclusions de l'examen tridisciplinaire pratiqué par un centre psycho-médico-social ordinaire ou par un autre
organisme agréé, est inscrit avec l'accord de ses parents dans le type d'enseignement spécial
requis, il est pris obligatoirement en charge en matière de guidance et d'orientation par un
centre psycho-médico-social pour l'enseignement spécial ou par un centre ayant mission dans
l'enseignement spécial » (AGERS, 2003). La nature des interventions du centre psychomédico-social pour l'enseignement spécial et leur fréquence sont définies entre l’école et le
PMS. « Il en résulte donc que, dès l'entrée d'un élève dans l'enseignement spécial, s'amorce
un processus de guidance continu dans lequel s'inscrit notamment la réorientation vers
d'autres types et niveaux d'enseignement spécial ou vers l'enseignement ordinaire »
(AGERS, 2003).
L’existence de deux types de CPMS (ordinaire et spécialisé) amène que le diagnostic d’entrée
se fasse par un PMS ordinaire et celui de sortie par un PMS spécialisée pose de nombreux
problèmes. Il est clair que l’on cherche à éviter les conflits déontologiques ou d’intérêts
comme le fait de se fabriquer sa propre clientèle pour les guidances. Cela pourrait en effet
amener des dérives importantes. Cette situation présente par ailleurs certains aspects négatifs.
Tout d’abord, les centres PMS ordinaires ne connaissent pas bien l’offre des écoles
spécialisées et celles qui peut convenir à chaque enfant. Parfois, on cherche d’abord à servir
le réseau auquel est affilié le PMS, quitte à changer une attestation de type 3 en type 8. D’un
autre côté, les centres PMS spécialisés ne connaissent pas bien les écoles ordinaires pouvant
réintégrer les enfants. Le fait que le PMS ordinaire oriente vers le spécial et que le PMS
spécialisé fasse le suivi, déresponsabilise le premier (Gauthier, 1984). C’est aussi ce dernier
qui connaît le mieux l’élève qui sera placé en enseignement ordinaire. Dans de nombreux cas,
le PMS suit cet enfant depuis quelques années déjà, a un dossier sur lui avec des tests. Le
PMS spécialisé qui doit faire la guidance doit ainsi se fier aux informations recueillies par
l’autre PMS.
2.2.4.2.2 Le placement
L’examen multidisciplinaire se fait à la demande de la famille qui souhaite inscrire son enfant
dans l'enseignement spécial. « Les PMS ne procède aux examens qu'à la demande écrite des
parents ou tuteur auxquels les conclusions seront directement communiquées » (CF, Avis
annuel concernant la délivrance du rapport d'inscription d'un enfant dans l'enseignement
spécial, 2001). L'entrée d'un élève dans l'enseignement spécial peut se faire à n'importe quel
58
moment de l'année scolaire. Notre expérience professionnelle nous a fait rencontrer différents
intervenants. Ceux-ci rapportent à chaque reprise la difficulté qu’ils ont à faire accepter
l’enseignement spécial aux parents. Ceux-ci tentent souvent toutes les autres pistes, souvent à
juste titre, avant de se résoudre à faire tester leur enfant dans un centre PMS. Il faut ensuite
leur expliquer les raisons qui poussent à un placement en enseignement spécial et les
convaincre d’y inscrire leur enfant. Ce n’est pas toujours évident en Belgique et dans d’autres
systèmes dits « ségrégationnistes », l’enfant et ses parents disent ressentir une stigmatisation
par le simple fait de fréquenter une école d’enseignement spécialisé. Il n’est pas rare
d’entendre les enfants dire de l’école spéciale, « l’école des mongols ». Ceux fréquentant le
type 8 n’en sont pas exemptés même si leur « handicap » peut être très relatif. Cet enfant est
handicapé au sens scolaire et légal mais pas nécessairement au sens social du terme. Les
enfants doivent parfois dire qu’ils ne sont pas débiles ou « mongols ». Les enfants doivent
ainsi justifier devant les autres leur présence dans un établissement spécial ; il en va de même
pour les parents. Ils se trouvent ainsi dans une position fort différente de parents d’enfant
ayant des handicaps physiques, de la vue ou de l’ouïe par exemple, où le stigmate est apparent
ou évident. De Fever (1995) observe après une enquête chez les parents, que 84% de ces
derniers ont peur du stigmate et 71% d’entre eux hésitent à y mettre leur enfant. De plus,
pour Goffman, « dans de nombreux cas où la stigmatisation (en classe ordinaire) de l'individu
s'accompagne de son entrée dans un établissement (spécialisé), une grande partie de ce qu'il
apprend quant à son stigmate lui est transmis dans l'intimité des contacts prolongés qu'il a
alors avec ceux qui sont en train de se transformer en ses compagnons d'infortune ». Cette
constatation de Goffman nous fait poser la question suivante, mais d’un point de vue scolaire :
Est-il souhaitable de ces enfants fréquentent un enseignement séparé où ils seront en contact
qu’avec des personnes présentant le même troubles qu’eux ? D’un côté, le regroupement par
trouble dans une même école ou une même classe permet de rationaliser l’offre
d’enseignement et de favoriser une certaine adaptation des enseignants à un public donné.
D’un autre côté, le placement favorisant une relative homogénéité de la population scolaire
peut avoir des effets sur l’image de soi, le sentiment d’expulsion, l’émulation et les
performances scolaires.
Pour Gauthier (1984), le placement en enseignement spécial fait qu’un bonne part de la
violence manifestée par ces enfants est une réaction d’hostilité causée par le statut marginal.
Les problèmes de comportements étant très souvent associés aux troubles d’apprentissage, ces
élèves justifient ainsi leur placement après coup en se conformant aux comportements des
camarades admis et/ou tolérés au sein de l’établissement scolaire spécialisé. « Ils sont
conscients du caractère particulier de cet enseignement » car ils peuvent comparer avec les
copains du quartier. « Ce sentiment d’exclusion ne fait que s’accentuer à l’adolescence ».
Cela entraîne évidemment des difficultés d’apprentissage supplémentaires. De plus, cette
étiquette peut nuire à son insertion dans les clubs ou les écoles ordinaires. Lors de la
réintégration, ces élèves ont encore un stigmate. L'attitude que prennent les directions mène
parfois à « une discrimination visant à réduire, inconsciemment ou non, les chances de cette
personne » (Goffman, 1975). Le paradoxe est que le placement en type 8 peut éloigner
certains enfants d’une réintégration ultérieure réussie.
Ce choix donné aux parents d’accepter ou non un placement a des effets sur la structure
sociale de l’enseignement spécial. La différence entre les orientations proposées et les
orientations effectives changent selon le champ de recrutement social de la classe. Verhaeghe
(1994) montre que, lors de l’orientation vers l’enseignement spécial maternel, il y a
effectivement une sélection sociale : en moyenne, 0,52% des enfants par classe sont orientés
vers l’enseignement spécial. Par contre, les enfants de parents peu instruits sont orientés
59
presque trois fois plus souvent que les autres élèves ayant des parents hautement instruits (0,8
contre 0,27). Et leur passage effectif dans l’enseignement spécial est quatre fois plus fréquents
(0,36 contre 0,10). Le même graphique, pour l’enseignement primaire, fait apparaître une
corrélation similaire entre l’origine sociale et l’orientation vers l’enseignement spécial, un peu
moins prononcée.
Ce graphique représente, selon le champ de recrutement social de la classe, le nombre moyen d’enfants
dont on conseille l’orientation vers l’enseignement spécial, et le nombre d’orientations effectives.
2.2.4.2.3 Le protocole justificatif
Les conclusions de l’examen multidisciplinaire du PMS résultent de « l’interprétation et de
l’intégration » (CF, Arrêté royal portant définition des types et organisation de l'enseignement
spécial et déterminant les conditions d'admission et de maintien dans les divers niveaux
d'enseignement spécial, 1978) des données fournies par : l’examen pédagogique, l’examen
médical, psychologique et l’étude sociale. Le diagnostic peut être assez sommaire et ne pas
indiquer de trouble précis. On ne note parfois des indications sur son retard, sa lenteur, son
niveau estimé, etc. Ces conclusions sont inscrites dans un rapport d’inscription avec la
décision d’orientation prise. Le rapport d'inscription donne lieu à l'établissement d’une
attestation et d’un rapport justificatif. Ce dernier est établi en deux exemplaires. Le rapport
(ou protocole) justificatif est transmis au chef du nouvel établissement d'enseignement spécial
fréquenté. Il reprend les données d'un examen médical, d'un examen psychologique, d'un
examen pédagogique et d'une étude sociale. Ce protocole est confidentiel et n’est pas
transmis aux parents.
60
C’est le chef d'établissement spécialisé où l'élève est inscrit qui doit demander au PMS qui a
fait le diagnostic un exemplaire du protocole pour lui-même et pour le PMS qui effectuera la
guidance de l’enfant. L'attestation n’est établie qu'en un seul exemplaire et est remise au chef
de famille. Cette attestation est nécessaire pour inscrire son enfant dans une école
d’enseignement spécial, choisie par les parents. Cette attestation précise le type et le niveau
d'enseignement auxquels l’enfant est dévolu. Au moment où l'élève quitte l'établissement
d'enseignement spécial, l'attestation est restituée au chef de famille à sa demande; sinon elle
est transmise au chef du nouvel établissement d'enseignement spécial fréquenté.
Les parents peuvent refuser cette évaluation par le PMS et le placement en enseignement
spécial. Ils peuvent changer d’école ordinaire après un éventuel renvoi. S’ils acceptent la
procédure mais ne sont pas d’accord avec les résultats, ils peuvent contester la décision du
PMS à la commission régionale de l’enseignement spécial. Ils sont libres de choisir une école
d’enseignement spécial de leur choix. Toutefois, l’offre d’enseignement est plus limitée que
dans l’enseignement ordinaire. Il peut dès lors arriver qu’un parent soit lésé dans ses
convictions philosophiques ou dans le choix d’une école lui convenant car il ne peut pas
inscrire son enfant dans une école de son choix à cause du manque de place ou de la situation
géographique des écoles.
2.2.4.2.3.1 Examen médical
L’examen médical comporte une anamnèse médicale, un constat des anomalies éventuelles de
l'évolution pubertaire, de l'équipement sensoriel, de la motricité, ou de tout autre élément
significatif, un diagnostic médical. Dans la circulaire ministérielle de 1992, on spécifie en
plus pour chaque partie de l’examen multidisciplinaire, les éléments dont il faut
« impérativement » tenir compte. On ajoute que le protocole de l’examen médical doit
rechercher d’éventuels antécédents héréditaires ou personnels qui peuvent avoir eu une
répercussion sur les apprentissages moteurs et psychomoteurs ainsi que sur les différents
systèmes de communication. De plus, « on s’efforcera de déterminer l’hétérogénéité ou
l’homogénéité des latéralisations, de mesurer les possibilités de performance, le niveau de
développement du système neuro-moteur et de l’équipement sensoriel ».
2.2.4.2.3.2 Examen psychologique
L’examen psychologique comporte une anamnèse du développement cognitif, instrumental et
affectivo-dynamique, avec indication des moyens d'investigations utilisés et des normes
appliquées. La circulaire de 1992 spécifie qu’en ce qui touche l’examen psychologique ou
instrumental, celui-ci devra spécifier en quoi les performances de l’élève dans le domaine du
rythme, de l’articulation, de la compréhension orale ou écrite, de la maturation perceptivomotrice, de l’organisation de l’espace, du temps et du schéma corporel, sont typiques par
rapport au niveau de développement atteint dans les autres domaines.
La circulaire ajoute qu’à « l’aide d’épreuve de personnalité, on examinera l’équilibre affectif
de l’élève en précisant notamment comment il vit son problème, quels types de relations il a
établi avec ses pairs, ses parents, les adultes et tout ce qui représente l’autorité en général »
Ces épreuves sont représentatives de l’approche psychanalytique des troubles d’apprentissage.
On cherche à vérifier si les troubles ont des sources affectives.
61
2.2.4.2.3.3 Examen pédagogique
L’examen pédagogique comporte une anamnèse du cursus scolaire et éventuellement une
description des difficultés d'adaptation à l'école, un examen du comportement et des relations
d'apprentissage approfondissant suivant le cas, les possibilités d'autonomie, la maturité
scolaire, les progrès scolaires ou les aspects didactiques du processus d'apprentissage. La
circulaire ajoute que l’étude pédagogique devra situer les acquis de l’enfant et isoler ses
difficultés scolaires spécifiques à l’aide de tests diagnostiques.
2.2.4.2.3.4 Etude sociale
Enfin, l’étude sociale comporte une évaluation des stimulations culturelles et affectives
résultant du contexte social, économique et culturel et de la disponibilité affective de tout le
groupe familial, une appréciation de la possibilité d'intégration sociale et d'autonomie de
l'enfant ou de l'adolescent telles qu'elles apparaissent au vu des observations communiquées
par la famille et éventuellement par l'école fréquentée. Cette étude est réalisée par un(e)
infirmier(e) social(e) ou un(e) assistant(e) social(e). L’étude sociale « s’attachera à évaluer
et analyser les conditions éducatives qui ont pu nuire à l’adaptation scolaire de l’enfant. Un
entretien approfondi est nécessaire pour apprécier l’attente des parents sur le plan scolaire,
leurs possibilités d’aide et de soutien pédagogique que leurs attitudes motivantes » (CF,
Arrêté ministériel déterminant le contenu et les destinataires du rapport d'inscription prévu à
l'article 5 de la loi du 6 juillet 1970 sur l'enseignement spécial, 1980).
L’importance sur le placement de l’étude sociale est floue. Il est possible qu’elle puisse servir
comme critère déterminant dans le placement en cas de situation familiale critique.
L’enseignement spécial étant totalement gratuit tout comme les déplacements et que
l’encadrement est plus important (éducateur, école des devoirs, internat), il arrive que dans
certains cas, la situation des parents influence le placement. Un enfant ayant des troubles
d’apprentissage mais étant issu d’un milieu aisé peut trouver une école ordinaire plus adaptée
à son enfant, payer des séances de logopédie privée, etc. Au contraire, pour les parents issus
d’un milieu très défavorisé, l’offre d’enseignement spécial peut apparaître plus attrayante. Ce
placement peut également favoriser le règlement de problèmes scolaires dus à l’absentéisme,
l’alimentation, etc.. Il permet également d’alléger la tâche des parents qui éprouvent des
difficultés temporaires ou permanentes. Toutefois, dans ces cas de figure, se pose la question
de la présence ou non de vrais troubles de l’apprentissage.
2.2.4.2.4 Le diagnostic
On remarque que l’examen pluridisciplinaire permet de tenir compte de plusieurs causes des
troubles et de méthodes d’investigation qui s’inspirent de différents courants de recherche.
On y retrouve des explications pouvant se situer sur le plan neurobiologique, héréditaire,
psychologique, instrumental, psychanalytique, pédagogique et social. Chacun de ces courants
ayant développé des outils diagnostics propres. Cette méthode présente des avantages
évidents pour permettre de cerner le cas étudié. Cela permet de se prémunir contre des
conceptions isolées et des décisions hâtives.
62
Toutefois, la prise en compte de certains éléments par rapport à d’autres peut influencer la
décision. Certains d’entre eux sont clairement indiqués comme facteurs d’exclusion, comme
le QI ou l’intégrité sensorielle. D’autres éléments, comme par exemple, le seuil sous lequel
un enfant est considéré retard n’est pas spécifié. De plus, les tests à utiliser ne sont pas
imposés, ce qui laisse une grande liberté au centre PMS d’en utiliser certains et pas d’autres.
Certains tests peuvent également manquer de récence. Le mécanisme de prise de décision
n’est bien développé ; la responsabilité incombant au directeur du PMS. Ces différents
éléments risquent d’avoir des effets sur le placement d’un PMS à l’autre. On remarque
également que le diagnostic se réduit surtout à l’enfant. Il a d’abord été signalé car il était
inapte à suivre dans la classe ordinaire. Il a redoublé et/ou présente des retards importants.
On ne remet pas en question ni la famille, ni l’école ordinaire. On occulte parfois les causes
profondes.
2.2.4.2.5 La guidance
Concrètement, la guidance entre le centre PMS spécialisé (CPMSS) et l’école spéciale
s’effectue par l’échange d’informations de l’école vers le PMS et vice-versa. L’école
spécialisée communique les observations de son personnel (les différents thérapeutes,
enseignants, éducateurs, etc.) au centre PMS attaché à l’école spéciale. Celui-ci communique
à son tour à l'école les conclusions des investigations nouvelles auxquelles il aurait pu
procéder, par exemple en ce qui concerne les testings de sortie. Le PMS chargé de la
guidance transmet les avis de réorientation à l'inspection scolaire ayant juridiction sur l'école
spécialisée. Les avis aux familles sont donnés, sauf circonstances exceptionnelles, au cours
de consultations verbales au centre PMS. Cette guidance s’accompagne d’obligation légale
d'assister au conseil de classe et d'assurer l'orientation professionnelle et de participer à la
tutelle accompagnant la mise au travail à l'essai pendant la période scolaire. Le conseil de
classe doit mettre en place un programme éducatif individuel (PEI). Les différentes réunions
auxquelles doit assister le CPMSS concernent son élaboration, son ajustement et la
vérification des acquis. Un dossier est ouvert pour chaque enfant qui reprend l’examen
multidisciplinaire et le journal de la guidance (CF, Arrêté royal fixant les modalités
d'organisation de la guidance des élèves fréquentant les établissements ou sections
d'enseignement spécial, 1981).
Il y a une ambiguïté dans les relations entre une école d’enseignement spécial et un centre
PMS. Ces relations sont contractuelles. Le PMS doit donc garder (et éventuellement)
agrandir sa clientèle d’écoles pour pouvoir maintenir l’emploi. Comme nous l’avons vu, le
rôle des PMS spécialisés au sein des écoles est peu défini. Les guidances sont soumises à un
contrat entre l’école spécialisée et le PMS. Les écoles peuvent choisir de changer de PMS si
elles ne sont pas satisfaites des services donnés ou pour d’autres raisons. Le législateur croit
bon d’ajouter à ce sujet pour l’année 2001-2002. « L'organisme n'a pas d'activité politique,
ne se livre à aucune propagande politique et s'interdit toute concurrence déloyale à l'égard
des organismes repris dans la liste publiée » (CF, 2001).
2.2.5 L’orientation d’un élève du type 8 vers le secondaire
Comme nous l’avons vu, la réintégration en enseignement ordinaire est la finalité de ce type
d’enseignement. L’enfant peut intégrer l’enseignement ordinaire en 1ère année (1A) ou en
classe d’accueil (1B). Par la suite, il peut suivre la voie professionnelle dès la deuxième
63
année (2P) ou les voies technique ou générale en 3ème année. Toutefois, il ne s’agit pas de la
seule voie possible. L’élève peut également passer vers un autre type de l’enseignement
spécial secondaire directement à la fin de ses études primaires ou encore après une expérience
de réintégration en enseignement secondaire ordinaire.
2.2.5.1 L’enseignement secondaire ordinaire
Un élève fréquentant régulièrement l'enseignement spécial peut être inscrit dans
l'enseignement ordinaire sur décision de ses parents à la condition toutefois que cet élève ait
obtenu un avis motivé du centre PMS qui effectue la guidance dans l'école spéciale (Annexe
6). « En pratique, ce retour s'opère s'il a comblé une partie importante des lacunes à
l'origine de son passage dans l'enseignement spécial et si son comportement s'est amélioré
d'une manière significative. Chaque avis relatif au retour vers l'enseignement ordinaire est
formulé dans l'intérêt de l'élève. Les parents restent maîtres de cette décision » (AGERS,
2003).
L’avis du CPMS de l’enseignement spécial qui a effectué la guidance est toujours requis dans
de tels cas mais il n’est jamais contraignant. Les directions d’écoles de l’enseignement
ordinaire peuvent quant à elles refuser d’inscrire un enfant issu de l’enseignement spécial
avec ou sans attestation du PMS proposant une réintégration. En effet, une des conditions
essentielles à la réintégration est l’avis favorable du conseil d’établissement de l’école
ordinaire où l’on souhaite réintégrer l’enfant. C’est ce dernier qui évalue si l’enfant pourra
être soutenu de manière efficace. Il doit connaître le type d’enseignement dont est issu l’élève
et posséder le dossier pédagogique de l’enfant et les éléments autres que pédagogique venant
du centre PMS. Dans le cas d’un refus d’inscription, cet avis défavorable du conseil
d’admission sera indiqué sur le formulaire « attestation de demande d’inscription ». En cas de
désaccord, la commission consultative de l’enseignement spécial sera sollicitée. Cela signifie
que, même un enfant qui possède le Certificat d’études de base (C.E.B.) mais est issu de
l’enseignement spécial, peut se voir refuser à l’inscription. Toutefois, le CEB n’est pas
obligatoire pour une inscription en 1ère année (1A). Les élèves en possession du CEB ou
ayant suivi la 6e primaire ou le niveau de maturité IV peuvent être inscrits en 1ère B ou 1ère A
sur avis favorable du conseil d’admission, l’accord des parents et après avis du CPMS
ordinaire de l’école qui accueille l’élève. Pour les élèves de 12 ans au moins qui n’ont pas
fréquenté la 6e primaire ou le niveau de maturité III de l’enseignement spécial peuvent être
inscrits uniquement en 1ère B sur avis favorable du conseil d’admission.
La voie de réintégration en enseignement ordinaire la plus utilisée est la classe d’accueil. Il
s’agit en fait d’une année transitoire entre le primaire et le secondaire. Les classes sont plus
petites pour permettre aux élèves de combler leurs lacunes éventuelles. Le niveau scolaire
demandé à l’entrée est celui d’au moins une quatrième année. Ce niveau minimal peut
changer d’une école à l’autre. Cette classe est prévue pour les enfants issus du primaire
ordinaire et qui ont certaines difficultés et représente une « aubaine » pour les enfants du type
8.
Une autre voie de réintégration est le passage direct en première année secondaire (1A). Dans
ce cas, l’encadrement est normale. Ce passage permet à l’élève de gagner un an dans son
parcours scolaire. Comme nous venons de le voir, le CEB n’est pas obligatoire pour cette
inscription mais il est « très fortement recommandé ». L’enfant doit avoir suivi les cours de
niveau sixième année pour espérer faire ce passage direct. Ce passage direct en 1A ne
64
s’effectue que pour les élèves les plus forts et les plus adaptés. Par l’absence de type 8 au
secondaire, les élèves qui souffrent de troubles d’apprentissages abordent l’enseignement
secondaire, en quittant également toute aide spécifique à leurs besoins.
2.2.5.2 L’enseignement spécial
Bien qu’il n’existe pas d’enseignement spécial de type 8 en secondaire, il peut arriver que
certains enfants soient orientés vers un autre type lors du passage en secondaire même s’il ne
correspond pas aux conditions d’admission dans l’un de ces types. Il s’agit généralement
d’inscriptions en enseignement spécial secondaire de type 1 (débilité légère) ou de type 3
(troubles caractériels). Les élèves ne peuvent fréquenter qu’une forme 3 en enseignement
spécial secondaire de type 1. Ils peuvent également fréquenter une école de type 3 en forme 3
ou 4. Nous avons observé, dans d’autres cas beaucoup plus rares, qu’il arrive que des parents
demandent une inscription dans un autre type (type 4 par exemple) pour que leur enfant suive
des cours généraux de forme 4. L’enfant doit montrer toutefois un handicap en rapport avec
le type souhaité. L’encadrement y est meilleur et permet d’éviter un parcours en type 3 qui
peut ne pas convenir à tous les enfants.
Les statistiques montrent que les types 1 et 3 gagnent en population de façon importante en
secondaire. Des élèves « classés » comme type 8 devront donc modifier l’attestation pour
pouvoir fréquenter un autre type d’enseignement spécial. C’est le PMS de guidance qui
effectue cette modification de l’attestation. Il faut là encore convaincre les parents du bienfondé de cette orientation. Certains parents refusent cette orientation et demande au PMS une
attestation permettant le retour en enseignement ordinaire. Les PMS réagissent généralement
au cas par cas. Même sans cette attestation, les parents peuvent tenter d’inscrire leur enfant
dans une école secondaire ordinaire qui les acceptera.
2.2.5.3 Le maintien
Un élève ayant atteint l’âge limite pour quitter l’enseignement primaire spécial peut bénéficier
d’une dérogation d’une année renouvelable une fois pour un maintien dans l’enseignement
spécial. L’enfant redouble en quelque sorte. C’est ici très souvent un redoublement positif
car il permet à l’enfant de prendre plus de maturité et de mieux se préparer à une réintégration
éventuelle en enseignement ordinaire.
2.2.5.4 Autres orientations
Certains enfants peuvent connaître une voie menant à une déscolarisation lors de passage vers
les services hospitaliers pour enfants psychotiques. De plus, la population fréquentant ce type
d’enseignement est plus mobile et fréquemment d’origine étrangère, il arrive que certains
élèves disparaissent des statistiques (déménagement à l’étranger, etc.).
2.2.6 Epidémiologie
On remarque qu’il y avait en Belgique en 1999-2000, 27 968 élèves fréquentant
l’enseignement spécial. De ce nombre, il y avait 949 (0.06 % de l’ensemble) élèves en
65
maternelle, 14 291 en enseignement primaire (4.29%) et 12 728 étudiants en secondaire
(3.7%). Cet enseignement scolarise jusqu’à 5% d’une cohorte d’enfants en Communauté
française et 6% en Communauté flamande. « Durant l’enseignement primaire, la place de cet
enseignement croît de manière quasi linéaire avec l’âge, atteignant son maximum à 11 en
Flandre et à 12 ans en Communauté française. Ensuite, son importance décroît lors du
passage à l’enseignement secondaire et demeure quasi stable tout au long de celui-ci »
(Delvaux, 2000). Les trois-quarts de ces enfants rejoignent le circuit spécial vers 9 ans après
des échecs en enseignement ordinaire (Chapellier, 2000). Pendant les études primaires, la
place de cet enseignement croît de manière quasi-linéaire avec l’âge et il atteint son maximum
à 11 ans en Flandre et à 12 ans en Communauté française. Le nombre d’enfants fréquentant
l’enseignement spécial est en constante augmentation depuis de nombreuses années. Par
exemple, le nombre atteint est 28 878 élèves pour l’année 2001-2002, soit une augmentation
de 7 % en 6 ans.
Proportion de jeunes inscrits dans l'enseignement spécial
par tranche d'âge (1995-96)
6
5
4
3
2
1
0
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
« Durant la dernière décennie, on a observé une augmentation de la population de jeunes
inscrits dans l’enseignement spécial des deux Communautés. Ce mouvement fait suite à une
période de diminution, consécutive à la loi de 1970, qui avait défini un cadre légal plus
rigoureux à la procédure d’admission des élèves, veillant éviter que des retardés
pédagogiques passent dans l’enseignement spécial pour y être rangé parmi les enfants
atteints d’arriération mentale légère » (Delvaux, 2000). L’auteur situe le début de
l’augmentation en 1983-84. Le déclencheur de cette croissance semble être la loi de 1983 sur
l’obligation scolaire. Cette loi limite le nombre de redoublement autorisé dans le primaire
ordinaire. Cela aurait entraîné un plus grand nombre de maintien d’une année en maternelle
et plus de passage vers l’enseignement spécial, surtout en type 8. On remarque que dans les
deux Communautés, la croissance des effectifs s’amorce, en effet, dès l’année scolaire 19831984.
66
Evolution de la population en enseignement spécial primaire
18000
16000
14000
12000
10000
8000
6000
4000
2000
0
77- 78- 79- 80- 81- 82- 83- 84- 85- 86- 87- 88- 89- 90- 91- 92- 93- 94- 95- 96- 97- 98- 9978 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00
Evolution de la population en enseignement primaire ordinaire
400000
350000
300000
250000
200000
150000
100000
50000
0
78- 79- 80- 81- 82- 83- 84- 85- 86- 87- 88- 89- 90- 91- 92- 93- 94- 95- 96- 97- 98- 9979 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00
On remarque alors que la population scolaire ordinaire primaire reste relativement stable, les
chiffres de l’enseignement spécial augmentent à partir de 1985-86. Comme nous le verrons,
cette hausse est presque entièrement due à une augmentation des effectifs en enseignement
spécial de type 8. Avec une nouvelle croissance de la population, sont réapparues de
nouvelles questions face à l’admission. « Ces variations d’effectifs témoignent d’une
instabilité des définitions des handicaps, surtout les plus légers (arriération mentale légère,
troubles instrumentaux et caractériels). Dans l’enseignement primaire, ces catégories,
susceptibles d’abriter des élèves qui pourraient trouver place dans l’enseignement ordinaire,
rassemblent à elles-seules 77% (1996-97) des élèves du spécial ». On reconnaît que pour ces
élèves, le choix du type d’enseignement ne peut être fondé sur une liste de critères précis et
indiscutables. Leur orientation, plus ou moins fréquente vers le spécial, dépend « de facteurs
sociaux, légaux et culturels ». Ces facteurs expliqueraient les fluctuations observées.
Plusieurs chercheurs américains ont mis en question les changements dans les politiques pour
expliquer une augmentation de la population. Ceci est contesté par l’auteur qui explique
que « cette hausse des effectifs de l’enseignement spécial n’est pas le résultat d’une politique
67
des pouvoirs publics, au contraire soucieux, pour des raisons budgétaires, de voir réduit le
nombre d’élèves de ce type d’enseignement plus coûteux ». La circulaire de 1992 sur la
définition et le diagnostic en ce qui concerne l’orientation en type 8 semble, elle aussi,
poursuivre cet objectif de restriction des coûts en veillant à une meilleure
orientation. L’OCDE estime pour sa part que les effectifs de ces types d’enseignement sont
gonflés par des jeunes (…) « mais parfois de simples perturbateurs dans l’enseignement
ordinaire » (Delvaux, 2000).
Cette interprétation est vérifiée dans les grandes lignes par une autre étude flamande
(Verhaeghe, 1997). Cette étude ne s’intéresse pas uniquement aux élèves fréquentant le type
8. Cela nous permet de remarquer que l’augmentation du nombre d’élèves est constante
depuis 1972 et n’a fléchit qu’entre 1980 et 1984. L’explication concernant la loi de 1983
reste valide mais on peut observer qu’il s’agit d’une « tendance lourde » depuis la création de
l’enseignement spécial en Belgique. « Depuis l’année scolaire 80-81, le nombre d’enfants du
type 8 a plus que doublé. Si l’on tient compte de la dénatalité, c’est une évolution
inquiétante » (Vandevelde , 1998). La comparaison des deux graphiques permet en outre de
constater que l’augmentation que connaît l’enseignement spécial est quasi-entièrement due au
type 8.
Les coûts d’un élève scolarisé en enseignement spécial sont beaucoup plus importants que
ceux de tout autre niveau d’enseignement.
Le
coût
par
élève
pour
les
frais
de
fonctionnement
ême élève en
et salariaux sont de 9707
! enseignement primaire. A titre d’exemple, un étudiant universitaire « coûte » 6 423
un rapport au coût d’un élève du primaire (=100), les dépenses représentent 432.22 en
enseignement spécial. Si l’on utilise le niveau primaire comme équivalent à 100 dans un
rapport au coût. Ce niveau d’enseignement a également connu une évolution des dépenses,
au-delà de l’index des prix, entre 1988 et 1996, de l’ordre de 2.25% par année en moyenne.
Seulement le supérieur non-universitaire connaît une progression plus importante (2.87%)
(Statistiques CF, 2000).
68
Les deux Communautés du pays ne présentent toutefois pas un tableau identique. Des
différences parfois importantes apparaissent en Flandre et ses régions francophones voisines.
On remarque tout d’abord qu’une plus grande proportion d’enfants fréquentent
l’enseignement spécial en Flandre en primaire tandis qu’en secondaire, c’est la situation
inverse, mais avec un beaucoup plus faible écart. Il y a deux fois plus d’enfants de type 3 en
Communauté française mais près de trois fois plus d’enfants orientés vers le type 1 en
Communauté flamande. On observe également une forte augmentation des effectifs de
l’enseignement spécial de type 1 en secondaire pour la Communauté française, la Flandre
connaissant une beaucoup plus faible augmentation. « Il semble qu’en secondaire, cette
catégorie (type 1) accueille une partie des élèves qui, en primaire, étaient reconnus comme
souffrant de troubles instrumentaux ». Ce phénomène semble beaucoup plus important en
Communauté française. Pour expliquer ce phénomène, on peut supposer que des élèves avec
de faibles QI (entre 65 et 80) se retrouvent en enseignement de type 8 en plus grand nombre
en Communauté française alors qu’en Flandre, ces enfants sont directement orientés vers
l’enseignement de type 1. Ce choix du type 8 plutôt que du type 1 peut s’expliquer par
exemple par la volonté d’offrir un enseignement pouvant optimiser les potentialités de l’élève,
par le refus des parents de voir leur enfant porter l’étiquette de débile léger, etc. L’orientation
est légèrement plus précoce en Flandre (-9 ans) (De Fever, 1996). La Flandre semble
également plus performante dans la réintégration des élèves vers l’enseignement ordinaire lors
du passage vers l’enseignement secondaire. « Ce mouvement de réintégration dans
l’enseignement ordinaire est nettement plus développé au nord qu’un sud du pays, la Flandre
réintégrant alors dans l’ordinaire le surplus d’élèves ayant fréquenté le primaire spécial ».
Evaluation de la proportion de jeunes scolarisés dans l’enseignement spécialisé par catégorie de handicap
et par niveau d’enseignement en Communauté française (1995-96) et en Communauté flamande (1996-97)
Type
8
3
1
2
4, 6, 7
1+3+8
Total
Mat Fr.
Mat Fl.
0.05
0.05
0.18
0.21
0.05
0.45
0.31
0.19
0.05
0.55
Pr. Fr.
1.42
0.48
0.85
0.43
0.26
2.75
3.43
Pr. Fl.
1.76
0.22
2.11
0.54
0.25
4.09
4.87
Sec. Fr.
Sec. Fl.
0.79
2.16
0.61
0.34
2.95
3.90
0.21
2.46
0.73
0.33
2.66
3.72
Nous remarquons que les types 1, 3 et 8 représentent plus de 80% des élèves dans les deux
Communautés. Ce sont également les types 1, 3 et 8 qui comptent le plus d’élèves issus de
milieux défavorisés.
« (…), les élèves issus des catégories socioprofessionnelles
« défavorisées » sont majoritaires et sur-représentés dans ces secteurs de l’enseignement
spécial » (Chapellier, 2000). En ce qui concerne le type 8, la très grande majorité de ces
enfants ont fréquenté l’enseignement primaire ordinaire avant d’être orienté vers
l’enseignement spécial. En effet, 70 % des élèves viennent de l’enseignement primaire
ordinaire, 18 % viennent de l’enseignement maternel et les autres viennent d’autres types de
l’enseignement spécial, surtout type 1 et type 3. Verhaeghe (1997) a mené une étude pour
mettre en rapport les situations de risques et les problèmes d’apprentissage chez des élèves de
première année primaire. Dans le tableau ci-dessus, on peut observer que plus l’origine
sociale est basse (risque élevé), plus les chances d’observer des problèmes d’apprentissage est
important. Ainsi, 11 % seulement des élèves d’origine sociale supérieure présentaient des
difficultés d’apprentissage, contre 37% dans les classes inférieures.
69
Situation de risque du ménage et problèmes d’apprentissage
(Verhaeghe 1997)
Situation de risque
du ménage
Problèmes
d’apprentissage
Pas de problèmes
d’apprentissage
Haut
37,2%
62,8%
Moyen
23,6%
76,4%
Bas
11,2%
88,8%
Total
22,2%
77,8%
Une autre étude flamande, Nicaise (1997) arrive à des résultats similaires mais en tenant
compte cette fois des données plus objectives, le retard scolaire et la diplômation du père. Le
graphique montre bien la cassure entre les enfants des classes sociales inférieures (un père
inactif ou une mère sans diplôme ou encore de très bas revenus) et le reste de la population.
De plus, cela concerne exclusivement l’enseignement ordinaire. Ces chiffres ne tiennent pas
compte des enfants qui sont d’emblée orientés vers l’enseignement spécial. On remarque que
le taux d’échec est quasi-nul chez les enfants de cadres et de 1,6% chez ceux des employés
alors que ceux-ci ont des problèmes d’apprentissage dans une proportion de 11%. On peut
expliquer cela par le fait que ces problèmes soient moins importants dans ces classes sociales,
que le redoublement soit moins systématique, que la perception des enseignants soit
meilleure, etc..
Pourcentage d'enfants ayant au moins un an de retard scolaire en première
primaire, selon la profession du père
30,00%
27,30%
25,00%
20,00%
12,50%
15,00%
10,00%
5,00%
2,00%
1,60%
Ouvrier
qualifié
Employé
0,00%
0,00%
Inactif
Ouvrier nonqualifié
Cadre et
autres
En ce qui concerne les enseignants, Verhaeghe (1997) constate que ceux travaillant avec des
enfants de milieux éducatifs pauvres rapportaient davantage de problèmes d’apprentissage.
Le chercheur a demandé aux enseignants d’indiquer combien de parents avaient un diplôme
secondaire inférieur, secondaire, supérieur ou universitaire. Cinq catégories ont été retenues.
Plus le numéro est élevé, plus le niveau de scolarité moyen des parents est élevé.
70
Pourcentage d'élèves signalés comme ayant des difficultés
d'apprentissage ou de développement selon le champ social
30,00%
25,00%
28,21%
25,05%
22,36%
19,65%
20,00%
22,99%
21,72%
18,63%
18,69%
17,70%
15,53%
15,00%
10,00%
5,00%
0,00%
Champ social
Enseignement maternel
Enseignement primaire
Verhaeghe s’est demandé si les enseignants ne subissaient pas l’effet Rosenthal. Il est en
effet difficile de savoir si les enfants de parents peu instruits ont effectivement davantage de
problèmes d’apprentissage ou si les enseignants pratiquent une « anticipation négative ».
« Des recherches internationales ont montré que 5 à 10% des écarts de prestations scolaires
ne reposent pas sur des valeurs intrinsèques ou environnementales entre élèves, mais
découlent des appréciations erronées ou trop négatives de leurs professeurs » (Vandevelde,
1998). Le même auteur met en avant la théorie de l’écart culturel pour expliquer ces « effetsmaîtres ». « Puisque l’école et la culture scolaire sont moins proches des règles et des formes
relationnelles propres aux enfants des milieux faiblement scolarisés, cela pourrait produire
des comportements qui seront plus rapidement jugés « inadaptés » par les enseignants. À
son tour, cette attitude « inadaptée » pourrait amener les enseignants à fournir moins
spontanément une aide en classe et donc favoriser l’échec scolaire ». Il y a une inadaptation
par rapport aux exigences de l’enseignement ordinaire. L’importance du parcours scolaire de
l’enfant dans la définition et le diagnostic pour une orientation en enseignement spécial de
type 8 contribue à cet état de fait.
Une autre étude du CSBO, réalisée en 1989, a montré que les enfants d’origine modeste ont
beaucoup plus de chance, à niveau de prestation égale, d’aboutir dans l’enseignement spécial.
Les chercheurs ont repéré, dans l’enseignement spécial, des élèves « trop forts » (car ayant
des prestations similaires à celles de la moyenne des élèves de l’enseignement ordinaire) ; ils
ont également repéré, dans l’enseignement ordinaire, des élèves « trop faibles » (score
similaire à la moyenne des élèves de l’enseignement spécial). « Or, il apparaît que 80% des
élèves « trop forts » de l’enseignement spécial proviennent d’une classe sociale inférieure »
(Vandevelde, 1998).
Enfin, Born (1983 in Chapellier, 2000), dans une étude de 2 190 familles et avec un souséchantillon de 729 familles défavorisées, montre que 14% ont des enfants dans les écoles
spéciales alors que l’échantillon entier de 2190 ménages ne compte qu’une moyenne de 6,5%.
En 1985-86, ils étaient 26% des élèves du primaire spécial et 20% de l’ordinaire. Toutefois,
on remarque que les groupes ne sont pas touchés de la même manière. En effet, l’échec ne se
distribue pas au hasard mais il est lié au statut du chef de famille et à la nationalité. En
Belgique, les étrangers qui échouent le plus sont surtout les Turcs et les Marocains. Par
71
exemple, 9% des enfants belges d’origine ratent leur première année tandis que le taux monte
à 17% pour les enfants étrangers et 25% pour ceux nés à l’étranger. Les enfants d’ouvriers
non-qualifiés doublent en 1ère primaire à 17% contre 11% dans la population scolaire globale.
« Cela ajoute une dimension sociale de l’échec scolaire lié à la culture d’origine » (Manço,
1989, 1990, 1991). On a remarqué que 26% des Belges ont un retard en fin de primaire
tandis que cela touche 45% des étrangers et la moitié pour ceux nés hors-Belgique. Pour les
enfants turcs ou marocains, 50 à 65 % d’entre-eux connaîtront, selon leur lieu de naissance,
un échec en six ans. On observe un taux d’échec de 12% par année chez les enfants
d’ouvriers non-qualifiés. Selon cette étude, 40% des enfants du sous-échantillon de personnes
en situation de « déprivation modérée ou sévère » ont au moins une année de retard scolaire
alors que ce retard ne concerne que 7 % de l’échantillon global.
En ce qui concerne les différences entre filles et garçons, on observe que les garçons sont les
plus présents dans tous les types d’enseignement. En ce qui concerne le type 8, les garçons
représentent près de deux élèves sur trois (63.7%). Cela est en accord avec les chiffres
obtenus dans d’autres pays.
Répartition des élèves selon le type et le sexe (1996)
6.000
Nombre
5.000
4.000
Total
garçons
filles
3.000
2.000
1.000
0
1
2
3
4
5
6
7
8
Types
2.2.7 L’évaluation du système d’enseignement
Comme nous l’avons vu précédemment, il n’existe pas d’étude statistique, à ce jour, en
Communauté française sur le parcours scolaire des enfants atteints de troubles instrumentaux
lorsqu’ils quittent l’enseignement spécial primaire pour aller en secondaire. Dans le cas de la
Belgique néerlandophone, plusieurs chercheurs (Verheaghe 1996, De Fever 1997, Van
Veerle, Ghesquière 1999 et d’autres) se sont intéressés à la problématique des élèves
« sortants » de l'enseignement spécial de type 8. Les auteurs font remarquer le hiatus entre le
mouvement mondial en faveur de l'intégration et la situation belge. Une enquête a montré que
l’école ordinaire se montrait peu réceptive à ce type d’élève. On remarque ainsi une plus
grande collaboration des écoles ordinaires pour les handicaps visuels ou auditifs que pour les
troubles du comportement ou de l'apprentissage.
72
De Fever & Coppens (1994-95) ont réalisé une étude sur la qualité du fonctionnement global
du type 8. Pour comprendre cette hausse de la population du type 8, les chercheurs ont
examiné les dossiers des élèves en tenant compte de l'aide apportée, des types de problèmes,
du retard scolaire, etc. Ils se sont ensuite intéressés à l'orientation (Centres PMS), à la
structure de l’enseignement spécial de type 8 (encadrement, programmes, etc.) et des écoles
spéciales (travail collectif, UP, projet, etc.). Leur analyse montre un manque de clarté des
critères de placement. Les critères principaux du placement demeurent le parcours scolaire
antérieur de l'enfant. Quant à la sortie, le protocole fait à ce moment est trop parcellaire et
incomplet.
La cause principale de l’orientation vers l’enseignement spécial est l’exclusion de
l’enseignement ordinaire ; ce dernier ne peut plus prendre en charge ces enfants. Dans 12%
des causes du placement, après l’étude du protocole, il n’y a aucune trace d’une aide
supplémentaire donnée à cet enfant (logopédie, maître individuel, école de devoir, etc.). Dans
20% de cas, les enfants possèdent des déficiences d’autres types comme la cécité ou la
surdité, complètes ou partielles, ou un problème de santé important. De plus, 40% des enfants
seraient « peu doués » intellectuellement. Près de la moitié de ces enfants ont des problèmes
d’attention, de concentration et de rythme de travail. Il y a également beaucoup de troubles
du comportement ou du développement socio-émotionnel. Les trois-quarts ont au moins un
an de retard ; plus vieux ils sont placés, plus de retard ils ont accumulé. Le protocole des
centres PMS pose problème dans de nombreux cas. Tout d’abord, il n’est transmis que 3-4
semaines après l’entrée des enfants dans l’école d’enseignement spécial de type 8. Dans ce
protocole, 13% des enquêtes médicale sont manquantes contre 20% des rapports sociaux et
des rapports pédagogiques. Il y a un manque de directives pour la prise en charge des enfants
dans la quasi-totalité des protocoles. Toutefois, les chercheurs remarquent que les enfants
sont correctement pris en charge par les écoles.
Les chercheurs observent qu’il n’y a pas vraiment d’outil valable pour orienter un enfant en
type 8. Pour 17% des causes, aucun critère n’est même évoqué. Il n’y a pas d’accord sur le
terme de « normalement doué ». Le seuil du QI minimum varie de 75 à 90, la règle
« officielle » étant de minimum 85 pour le type 8 et de maximum 70-75 pour le type 1. Il
reste une zone intermédiaire (De Volder, Ver Eecke, 1996). La scolarité antérieure est le
critère déterminant (retard scolaire, etc.), mais il n’y a pas d’accord sur le seuil de retard.
Dans seulement 14% des cas, des troubles d’apprentissage sont clairement identifiés. Pour
conclure en ce qui concerne le diagnostic, les chercheurs soulèvent le paradoxe suivant : il y a
plus d’accord pour un enfant qui ne doit pas y être placé que pour celui qui doit l’être.
Les chercheurs se sont également intéressés au processus éducatif lui-même au sein de cet
enseignement. Il révèle à ce sujet que l’enseignement est individualisé dans 73 % des écoles.
Ils jugent que cet enseignement est de qualité mais tous les enfants n’y trouvent pas leur
véritable place. En ce qui concerne le passage vers le secondaire, De Fever et Coppens
observent que 82% des enfants sont réintégrés vers l’enseignement ordinaire (62% en 1B et
20% en 1A). Dans deux écoles, il y a 30 et 50% des enfants qui vont en 1A. Il y a 18% des
enfants qui sont orientés vers l’enseignement spécial de forme 3. De ces 18%, 83,5% vont en
OV3 et le reste en OV2. L’âge moyen de ce passage est de 13 ans. Ces chiffres sont
satisfaisants pour eux. La possibilité d’être réintégré dépend, selon les chercheurs, de la
motivation, de l’attitude face au travail et du soutien familial. Il n’y a que 15% des enfants
qui sont réintégrés pendant leur scolarité primaire et uniquement chez ceux qui sont entrés
précocement dans ce type. Les chercheurs estiment que ces élèves font ensuite un parcours en
enseignement professionnel mais ne donnent pas de chiffre. Enfin, on remarque que 60% des
73
écoles mélangent des enfants de type 1 et 8. Ils comprennent mal ce mélange. Pour De
Fever, les troubles d’apprentissages sont suffisamment hétérogènes par nature pour ajouter
d’autres « types » d’enfants.
Ruelens, Ghesquière, Douterlungue & al. (2001) se sont intéressés de près à l’entrée dans
l’enseignement spécial de type 8. Dans une analyse des pratiques des centres PMS dans
l’orientation vers l’enseignement spécial, cette recherche vise à objectiver le rôle des centres
dans l'augmentation du nombre d'enfants vers le spécial. Les auteurs remarquent que comme
instance extérieure, les centres PMS portent la responsabilité de la plupart des renvois et de la
sur-représentation des élèves allochtones défavorisés dans l'enseignement spécial. Aussi bien
d'un point de vue économique, pédagogique et même idéologique, ces placements sont par
expérience problématiques. Le contenu (les critères) comme le processus des placements a
été analysé dans ce rapport. Les chercheurs observent que c’est souvent l’école qui a exclu qui
est déterminante dans l’avis de placement. Il y a un grand manque de clarté dans les critères
pour le diagnostic. Il reste une certaine partie des enfants qui ont un diagnostic douteux (entre
15 et 20 %). L’âge moyen du placement est de 10 ans. En se fiant au protocole, il est souvent
impossible de savoir pourquoi un enfant a été orienté vers le type 8 et non vers le type 1 et
vice-versa. Il manque également très souvent un rapport de l’aide qui a été apportée
jusqu’alors, à l’école ou ailleurs. Ils en concluent que le protocole justificatif est à revoir de
façon importante en spécifiant bien ce qu’il est obligatoire d’inclure dans ce protocole. Ils
donnent ensuite des conseils concernant le placement (information des parents, rôle du PMS,
etc.).
D’autres études, Moenaert (1984-85), Van de Ven, Vermoere et Thys (1989), Verbeek et
Willem, (1989), Bisdom Antwerpen (1994), se sont intéressées au placement en enseignement
spécial pour ces enfants souffrant de troubles d’apprentissage réels ou supposés. Ils se posent
la question de la validité de la typologie actuelle en regard avec le diagnostic pratiqué pour les
enfants de type 1 et 8, ainsi que de l’augmentation de cette population et de coûts que cela
engendre. Certaines études comme Moenaert (1991) montrent que les enfants de type 8 ont
un QI inférieur à 85 dans 61% des cas et 20% ont un QI sous 80. Selon le prescrit, ces enfants
devraient être orientés en type 1. Ces études montrent que le QI ne permet pas de distinguer
clairement ces deux populations. Moenaert parle même du « mythe de l’intelligence
normale ». Beaucoup d’enfants ayant des troubles d’apprentissage ont un QI autour de 80-85.
Les critiques touchent également le mythe de la discrépance et le mythe de la dysharmonie du
profil cognitif. Ces études remarquent également qu’il n’y a pas de différences entre un
diagnostic d’enfant défavorisé ou non. On s’intéresse peu à cet aspect des choses. Cela
entraîne une sur-représentation car il y a des effets dans le diagnostic (QI, troubles, langage,
etc.).
En ce qui concerne leur niveau scolaire à la sortie de l’enseignement spécial, Moenaert (198485 in De Volder, & Ver Eecke, 1996) fait remarquer que le niveau attendu en 1B est celui
d’une fin de 4e année. En réalité, le niveau des élèves quittant la 1B est plus celui d’une fin de
3e année. Les élèves arrivent avec des niveaux allant de la 2e à la 5e. Van de Ven, Vermoere
et Thys (1989) observent une situation similaire en 2P où les élèves atteignent un niveau
moyen de 3e/4e année. Le passage du primaire vers le secondaire pour les élèves du type 8
semble être une trop grande étape pour la majorité des élèves. Les problèmes concernent
l’autonomie, la vie dans un grand groupe et le rythme. Les exigences sont élevées pour ces
élèves.
74
Vandevelde (1996) dans une étude longitudinale flamande analyse le parcours d’une cohorte
de 6.400 jeunes de l’enseignement secondaire ordinaire dans le cadre de la base de données
administratives. Au moment de l’analyse, les jeunes en étaient à leur quatrième année de
suivi. Cette étude s’intéresse plus particulièrement à l’orientation des élèves selon la
diplômation du père. Elle tente de démontrer que la sélection sociale s’opère dès les
premières années de l’enseignement secondaire. Un premier tableau observe la relation entre
le diplôme du père et une orientation vers la 1A ou la 1B. Pour le niveau inférieur (primaire
et secondaire inférieur professionnel), un beaucoup plus important nombre d’enfants orientés
vers une première accueil (1B). Dans les sections du secondaire inférieur (technique ou
général), les chiffres sont comparables. On constate qu’à partir d’un diplôme du père d’au
moins niveau secondaire supérieur, les élèves fréquentent majoritairement la première année
normale (1A). Trois quarts des élèves qui débutent en 1B ont un père dont le diplôme ne
dépasse pas le niveau secondaire inférieur (technique ou professionnel). Une telle tendance
devrait également s’observer avec des enfants issus du type 8.
Niveaux de formation des pères d’élèves de
première année secondaire A et B
(Vandevelde 1996)
Diplôme du père
1e A
1e B
Niveaux de formation des pères d’élèves de 2e
année secondaire, générale et technique
(Vandevelde, 1996)
Diplôme du père
Général
Technique
Primaire
13,5%
34,8%
Primaire
9,3%
17,9%
Sec. Inf. prof.
10,1%
22,3%
Primaire
8,0%
13,3%
Sec. Inf. tech.
18,0%
18,0%
Sec. Inf. prof.
15,7%
23,3%
Sec. Inf. gén.
5,3%
5,1%
Sec. Inf. tech.
5,3%
5,0%
Sec. Sup. prof.
3,7%
5,3%
Sec. Inf. gén.
3,0%
4,9%
Sec. Sup. tech.
16,3%
6,1%
Sec. Sup. prof.
16,0%
18,9%
Sec. Sup. gén.
7,8%
3,0%
Sec. Sup. tech.
9,6%
5,1%
Enseignement
3,5%
1,5%
Sec. Sup. gén.
4,2%
2,3%
Ens sup non-un
12,7%
3,3%
Enseignement
16,1%
7,2%
Université
9,1%
0,5%
Ens sup non-un
12,7%
2,2%
TOTAL
100%
100%
TOTAL
100%
100%
75
Niveaux de formation des pères d’élèves de 3e
année secondaire, générale, technique et
professionnelle
(Vandevelde, 1996)
Diplôme du
père
Général
Technique
Prof.
Primaire
8,5%
14,9%
31,6%
Sec. Inf. prof.
7,3%
11,8%
19,7%
Sec. Inf. tech.
14,1%
23,0%
20,7%
Sec. Inf. gén.
5,3%
5,5%
4,6%
Sec. Sup. prof.
2,8%
4,9%
4,7%
Sec. Sup. tech.
16,0%
19,4%
9,4%
Sec. Sup. gén.
9,9%
6,5%
3,2%
Enseignement
4,3%
2,8%
1,6%
Ens sup non-un
16,7%
9,4%
3,2%
Université
14,9%
1,8%
0,2%
TOTAL
100%
100%
100%
L’orientation en première secondaire se montre cruciale en ce qui concerne le parcours
scolaire malgré le tronc commun théorique du premier degré de l’enseignement secondaire.
En effet, dans la même étude, en remarque qu’après quatre années scolaires, 81 % des élèves
de 1e B sont allés dans l’enseignement professionnel. Ils ont donc, pour la très grande
majorité, suivi le parcours « classique » de 1B vers la deuxième professionnelle (2P) entre
autre pour les enfants n’obtenant pas leur CEB à la fin de la 1B. Le fait que 26 % d’entre eux
accusent déjà un retard scolaire peut s’expliquer par une tentative ratée en 1A après obtention
du CEB. 13 % de ceux qui avaient fait une 1B ont été orientés vers l’enseignement à horaire
réduit ou vers l’apprentissage (type CEFA) et 2% étaient dans l’enseignement spécial. Il n’y
a que 3 % de cette cohorte qui, après 4 ans, se trouvaient dans l’enseignement général ou
technique. Même le choix entre ces deux sections (générale et technique), chez les élèves de
la cohorte ayant fréquenté une 1A, est influencé par le niveau de diplômation. Lorsqu’on
examine comment se produit la sélection, au sortir de la 1A, vers une seconde année
d’enseignement général ou d’enseignement technique, on observe, ici encore, un filtre social
très net. La proportion de parents ayant obtenu, au plus, un diplôme de l’enseignement
secondaire inférieur technique, est de 20% plus élevé dans les orientations techniques que
dans les orientations générales.
« Si on examine le passage de la seconde vers une troisième générale, technique ou
professionnelle, on constate encore que chacune de ces trois orientations se caractérise par
un profil social propre » (Vandevelde & al. 1996). Les pourcentages de pères et de mères,
n’ayant qu’un diplôme de l’enseignement primaire, doublent presque lorsqu’on passe d’une
filière à la filière inférieure. Lorsque l’on considère les parents ayant un diplôme du
secondaire inférieur, alors on voit que la filière technique occupe une position médiane. Le
pourcentage de parents ayant un diplôme de l’enseignement secondaire supérieur est
comparable dans les filières technique et générale
76
Dans le cadre de cette enquête, le chercheur a également calculé quelques probabilités de
transition, entre autres la probabilité d’entrer en première A ou B, après vérification du Q.I.
« Même si le Q.I. n’est pas une pure mesure de l’intelligence, car déjà lui-même sensible à
l’origine sociale, les résultats sont néanmoins suffisamment étonnants pour que je les
présente ici ». Par exemple, pour des élèves dont le Q.I. correspond au dixième centile, que la
probabilité d’aboutir dans une première A est de 65 % chez un fils d’ouvrier n’ayant qu’un
diplôme de l’école primaire, contre une quasi-certitude chez une fille dont le père est
universitaire. Pour des jeunes ayant un Q.I. correspondant aux 10e, 25e, 50e et 90e centiles, en
qui concerne leur orientation entre une filière générale ou technique en deuxième année, les
probabilités diffèrent fortement selon l’origine sociale. Toutefois, on observe que l’écart
entre les situations extrêmes tend à se réduire au fur et à mesure que l’on monte dans l’échelle
de Q.I. « En d’autres mots, l’effet du milieu social semble surtout jouer dans les niveaux
d’intelligence les plus faibles ».
Enfin, une recherche-action de Petit & Spielman (1999) visant la réintégration d’enfants issus
de l’enseignement spécial de type 8 a été réalisée en Communauté française de Belgique.
Petit & Spielman ont expérimenté la possibilité et la manière de venir en aide à des enfants
qui présentent des troubles instrumentaux, lors de leur réorientation vers l'enseignement
secondaire ordinaire (général, technique ou professionnel) après leur scolarité dans un
établissement d'enseignement primaire de type 8. Le but était de palier au manque de soutien
que subissent ces enfants lors d’une inclusion en enseignement ordinaire. En effet, rien n’est
prévu pour cette catégorie d’élèves lorsqu’ils quittent l’enseignement spécial lors d’une
réintégration en enseignement ordinaire. En fonction de ce contexte, les chercheurs ont
décidé de cerner leur action sur la période qui comprend la dernière année de l'enseignement
spécial primaire, l'orientation vers le secondaire et la première année dans l'enseignement
secondaire ordinaire. « Notre action semble résoudre au moins partiellement les difficultés
d’adaptation posées par le handicap instrumental, si l’on en croit les résultats très positifs
obtenus jusqu’à présents par la réussite avec de notes, pour la majorité, permettent la
poursuite du cursus scolaire et une orientation accrue vers les sections fortes à la fin de la
1B » (Petit, M. & Spielman, 1999).
Parcours scolaires des élèves issus du EMESPCF de Ganshoren deux ans après leur sortie et une
intervention adaptée (Petit & Spielman, 1999)
95%
100%
90%
80%
70%
61%
57%
60%
53%
1A
2A
50%
41%
39%
2P
40%
ES
28,50%
30%
20%
10%
5,00%
7,00%
0%
7%
6%
0%
0%
1993
1994
1995
1996
Pour des enfants sortis en juin 1993 (n=19), 12 sont allés en 1B (63%), 2 (10,5%) en 1A et les
autres en 2P (26 %). En deuxième année, tous les étudiants, sauf un, s’orientent vers la voie
professionnelle (95%). Pour les élèves ayant quittés en juin 1994, 13 sur 14 élèves sont allés
77
en 1B. Un an plus tard, 8 sur 14 (57%) sont en 1A, 1 sur 14 en 2A et quatre étudiants
seulement en 2P (28,5%). Un élève est réorienté vers l’enseignement spécial.
Pour les
élèves sortis en juin 1995 (n=18), tous les élèves ont été orientés vers une 1B. De ce nombre,
sept poursuivront en 1A, les autres iront en 2P (61%). En juin 1996 (n=17), tous les élèves,
sauf un, sont allés en 1B. De ce nombre, 7 sont en 1A, une en 2A et les autres (53%) en
enseignement professionnel.
En ce qui concerne l’obtention du CEB, on remarque là encore une nette progression à partir
du moment où les enfants ont été aidés et du rodage du projet. Dans la cohorte d’enfants
sortants en 1993, seuls six (31,5%) ont obtenu leur CEB tandis que ce nombre passe à 78,5%
pour la cohorte suivante. Le chiffre reste ensuite stable (67% et 70,5%).
% d'enfants ayant le CEB
100,00%
80,00%
60,00%
40,00%
20,00%
0,00%
1993
1994
1995
1996
% d'enfants ayant le CEB
Les chercheurs n’ont pris que des enfants orientés vers l’enseignement ordinaire à la fin de
leurs études primaires. Ces élèves ont été suivis et aidés au cours de leur réintégration. Ces
résultats montrent une progression de la réussite des élèves. Ces derniers s’orientent plus vers
les voies les plus valorisées de l’enseignement secondaire. Le suivi des élèves de 1993 et
1994 s’est poursuivi mais non sur l’ensemble de la cohorte, le nombre de cas est alors
extrêmement limité et ne permet pas d’analyse. De plus, ces chiffres, sans points de
comparaison, sont hélas peu parlants. En effet, ne connaissant par le parcours scolaire
d’enfants issus de l’enseignement primaire de type 8 mais qui n’ont pas bénéficie d’une telle
intervention, les chiffres ne sont pas encore connus.
L’analyse de Petit et Spielman (1999) n’étant pas uniquement quantitative, elle apporte
également un éclairage sur les expériences de réintégration subie par les enfants. Cela les
amène à constater qu’ « il leur reste souvent des séquelles incomplètement compensées qui
peuvent mener à l’échec, surtout s’ils sont orientés vers l’enseignement technique ou
général ». Ces élèves montrent des difficultés motrices, des troubles de la compréhension, du
langage oral et du langage écrit, des troubles du développement de la pensée logique et des
troubles socioaffectifs se traduisant par l’absentéisme, des comportements perturbateurs, la
dépression, l’agressivité, le refus, la confusion mentale, etc. « Ces difficultés persistantes
mobilisent une énergie importante chez les enseignants et risquent, à long terme, de
compromettre la réussite scolaire. Elles ont conduit à l’échec certains de ceux qui ont tenté
de rejoindre un enseignement secondaire plus sélectif (général ou technique) ». Les
chercheurs remarquent que si les automatismes de base (lecture, opérations écrites, etc.) sont
bien maîtrisés, ces élèves accèdent difficilement à la compréhension d’autres notions plus
abstraites. « Leur adaptabilité est donc limitée et leurs performances restent faibles ».
78
L’organisation de la 1ère B (ou classe d’accueil) est surtout destinée aux élèves issus de
l’enseignement primaire ordinaire, difficultés pédagogiques ou sociales mais n’est pas adaptée
aux troubles instrumentaux. Ce phénomène semble confirmer l’analyse de Petit et Spielman
(1999) qui font remarquer à cet effet : « Malgré le fait que ces jeunes sont tout à fait sortis de
l’enseignement spécial primaire et qu’ils peuvent donc être considérés comme « d’anciens
handicapés », ils restent conscient des séquelles et continuent à avec besoins d’aide à
différents égards ». Petit et Spielman remarquent que « les ressources existant sur place
(cours de rattrapage, remédiations, études encadrées, etc.) pour gérer ces difficultés varient
énormément d’un établissement secondaire ordinaire à l’autre. Elles sont surtout orientées,
lorsqu’elles existent, vers l’apport d’un soutien strictement pédagogique. Cet apport est
certainement précieux mais n’aborde que très marginalement les problèmes spécifiques des
élèves ayant relevé de l’enseignement de type 8. Aucune aide méthodologiquement spécifique
n’est donc développée dans l’enseignement secondaire ordinaire pour les enfants qui
souffrent de troubles instrumentaux. (…) De ce fait, les quelques années passées dans
l’enseignement spécial primaire ne se révèlent pas toujours suffisantes pour résorber et
compenser toutes les difficultés (…) ». En plus de ces lacunes, ils ont besoin d’aide pour
acquérir une méthode de travail, s’adapter au nouveau rythme scolaire, maîtriser des matières
nouvelles (sciences, langues, etc.) et gérer leurs problèmes psychologiques et familiaux face à
ces exigences. Ces difficultés communes à beaucoup d’autres enfants sont « exacerbées chez
ces enfants du fait de leurs fragilités instrumentales persistantes ».
3. Hypothèse
Comme nous l’avons vu précédemment, l’orientation des élèves vers l’enseignement spécial
pose problème à de nombreux titres. En plus des difficultés relatives à la définition et au
79
diagnostic, s’ajoute la problématique de parcours scolaire de ces élèves une fois qu’ils ont
quitté ce type d’enseignement. Le développement d’une structure d’enseignement spécial en
Belgique a consacré la création d’un ensemble d’écoles séparées et indépendantes dans leur
fonctionnement de celles de l’enseignement ordinaire. L’aide apportée aux élèves est limitée
dans le temps et dans l’espace mais également quant à la population desservie. Des services
spécifiques sont disponibles seulement si l’élève est porteur d’une déficience avérée et peut
rejoindre une catégorie d’élèves présentant des difficultés supposées identiques.
L’enseignement spécial de type 8, qui n’existe qu’un niveau primaire, a pour objectif
clairement défini de permettre la réintégration de ces élèves atteints de troubles
d’apprentissage en enseignement ordinaire. L’enseignement ordinaire primaire constitue
l’origine, l’enseignement ordinaire secondaire la destination de ce type d’enseignement
spécial. Une évaluation se doit donc de prendre en compte cet état de chose dans l’analyse du
parcours scolaire de ces enfants.
Sur la base de ces considérations, nous émettons, dès lors, les deux hypothèses suivantes :
- la population fréquentant l’enseignement primaire spécial de type 8 constituent une
catégorie hétérogène d’élèves, n’ayant pas uniquement et exclusivement des troubles
d’apprentissage ;
- la finalité de l’enseignement primaire spécial de type 8, qui prévoit la réintégration en
enseignement ordinaire de ces élèves, n’est pas réalisée.
Ces deux hypothèses tentent d’évaluer l’atteinte de deux objectifs internes à ce type
d’enseignement : s’adresser à des enfants atteints de troubles d’apprentissage et leur permettre
de réintégrer l’enseignement ordinaire. Nous souhaitons donc directement évaluer l’atteinte
de ces objectifs propres du système. De plus, dans cette enquête, nous utiliserons les textes
officiels ou légaux, les documents prescrits, etc. émanant du système éducatif lui-même. Cela
permet une entente sur les critères, une connaissance de la valeur des renseignements récoltés
et des occurrences nombreuses dans chaque dossier.
Par ailleurs, nous allons vérifier si ces hypothèses s’appliquent de la même façon pour tous les
élèves, selon différentes caractéristiques. Une confirmation générale peut cacher des
comportements différents dans certains sous-échantillons.
La constitution de souséchantillons sera nécessaire pour vérifier et analyser les caractéristiques qui influent sur le
parcours de ces élèves. Ces sous-échantillons seront formés à partir de certaines
caractéristiques des élèves présentes dans une grande majorité de dossiers. Des informations
sur la nationalité, la langue maternelle, le niveau-socioprofessionnel, le genre, etc. peuvent
apporter des informations sur des phénomènes de sur-représentation à l’entrée ou de
comportements scolaires différents à la sortie.
Dans un premier temps, nous allons donc tenter d’évaluer, à l’aide des documents officiels à
notre disposition, les raisons évoquées pour justifier le placement et les caractéristiques
scolaires, intellectuelles et sociales de ces élèves. Cela nous permettra de vérifier si les
dispositions légales ou prescrites pour le diagnostic de ces élèves et les exclusions éventuelles
sont bien respectées, la définition de l’arrêté de 1978 complétée par la circulaire de 1992
servant de base à l’analyse. De même pour vérifier la deuxième hypothèse concernant la
réalisation de la finalité de réintégration, il nous est tout d’abord nécessaire de connaître si
cette finalité s’adresse à la « bonne catégorie d’élèves », tel que défini après et en
contradiction avec la loi de 1970. En effet, puisque ce type d’enseignement s’adresse à des
80
élèves ayant des troubles d’apprentissage, la finalité de réintégration ne concerne logiquement
que cette catégorie d’élèves. La présence d’enfants relevant d’un autre type d’enseignement
peut dès lors influencer l’atteinte de la finalité. L’entrée et la sortie de ce système sont donc
étroitement liées.
Pour évaluer la réalisation de la finalité de réintégration en enseignement ordinaire, nous
allons considérer le parcours scolaire de ces jeunes en amont de leur placement en
enseignement primaire de type 8 et jusqu’à trois années après leur passage en enseignement
secondaire. Des informations sur l’évolution du retard officiel, l’effet du temps passé en
enseignement spécial, etc. permettront quant à elle de démontrer un certain effet du placement
sur le parcours scolaire de l’élève en enseignement secondaire. La parcours scolaire de
l’élève sortant de l’enseignement spécial de type 8 constitue le révélateur permettant de
vérifier l’atteinte ou non de la finalité de réintégration.
En ce qui concerne l’orientation vers l’enseignement secondaire ordinaire, on peut être tenté
de répondre rapidement à la question en n’observant seulement leur orientation directement
au sortir de l’enseignement primaire de type 8. Lors du passage vers le secondaire, nous ne
pouvons qu’observer la proportion d’enfants se dirigeant vers l’enseignement secondaire
ordinaire ou l’enseignement secondaire spécial. Bien que très importante pour juger dans un
premier temps la réalisation de la finalité de réintégration en enseignement ordinaire, elle ne
nous permet pas d’évaluer si cette finalité partagée avec l’enseignement ordinaire, est réalisée
par ce dernier. Ces informations nous permettent d’avoir qu’une vision restreinte du parcours
scolaire de ces enfants, ils ne donnent que peu d’informations sur la « qualité » de cette
réintégration. L’orientation vers la 1B ou la 1A n’est qu’une première étape qui ne permet
pas de juger correctement du comportement scolaire de l’élève. Dès la deuxième année
secondaire, une filière professionnelle apparaît (2P) réservée aux enfants n’obtenant pas leur
CEB ou estimés incapables de poursuivre en deuxième année générale. Après trois années,
c’est la fin du « tronc commun » du premier cycle de l’enseignement secondaire inférieur.
Cette enquête statistique longitudinale permettra d’observer et d’évaluer le parcours de ces
jeunes sur trois années après la sortie de l’enseignement spécial de type 8. La réintégration
étant un processus, il nous semblait normal de l’observer après un temps relativement long.
4. Méthodologie
Pour tenter de répondre à nos hypothèses, Nous avons mis en place une méthodologie de
suivi d’une cohorte d’élèves sortants de l’enseignement spécial de type 8. Pour rappel, cette
81
étude s’intéresse aux élèves (n=265) de 17 écoles bruxelloises ayant quitté l’enseignement
spécial de type 8 pour rejoindre l’enseignement secondaire, ordinaire ou spécial, à la fin de
l’année scolaire 1999-2000, soit au 30 juin 2000. Les élèves, orientés vers l’enseignement
ordinaire primaire ou vers un autre type d’enseignement spécial en cours de scolarité
primaire, ne sont pas sélectionnés. Dans le cadre de cette étude, les enfants sortis en juin
2000 de l’enseignement spécial primaire de type 8 et entrés en enseignement secondaire en
septembre 2000 sont pris en compte, peu importe le temps passé en enseignement spécial.
Pour pouvoir connaître et joindre les parents d’élèves d’une part et les caractériser d’autre
part, nous devons consulter le dossier des élèves. Ces renseignements ont été obtenus par une
seule personne utilisant une grille de recueil reprenant les caractéristiques recherchées. Ces
dossiers se trouvent dans les écoles et/ou les PMS associés. Par la suite, nous téléphonerons
aux parents ou dans les écoles secondaires où ses enfants sont allés pour connaître leur
parcours scolaire en enseignement secondaire.
4.1 Le choix des informations et des sources
Une difficulté importante des travaux utilisant une population non-diagnostiquée par les
chercheurs est la validité de ce diagnostic, et parallèlement, le degré d’importance des
troubles d’apprentissage.
Dans l’état actuel des connaissances sur les troubles
d’apprentissages, il est utopique de penser pouvoir diagnostiquer correctement tous les élèves
atteints de tels troubles, même par des chercheurs spécialistes, dans l’ensemble de la
population. De plus, cela demanderait un investissement très important en temps et en
personnel qualifié pour avoir un échantillon conséquent.
Il est donc primordial de prendre une précaution méthodologique. Notre recherche s’intéresse
aux élèves ayant fréquenté l’enseignement spécial de type 8 et non à ceux ayant strictement
des troubles d’apprentissage (qu’ils fréquentent ou non l’enseignement spécial). Il est donc
possible et fortement probable que des enfants avec des troubles du comportement ou
déficience intellectuelle fassent partie de notre échantillon tout comme des enfants qui n’ont
pas réellement de troubles d’apprentissage mais plutôt des difficultés passagères. Les troubles
s’inscrivent plus dans la durée. Nous sélectionnons donc tous les enfants ayant transité par ce
type d’enseignement, peu importe les raisons pour lesquelles ils y sont. Par contre, ces
raisons seront prise en compte dans notre analyse.
L’élément central de prise d’information est le dossier de l’élève. Une première contrainte
était donc la compatibilité des informations d’un dossier à l’autre. Par exemple, peut-on
prendre en compte le niveau scolaire évalué par l’enseignant ? Il en va de même avec le
retard scolaire estimé avec des tests ou au « pif ». Ces mesures sont peu fiables et
représentent un biais méthodologique évident lors de la comparaison des résultats. Nous
avons donc pris parti de nous baser uniquement sur des faits (langue maternelle, sexe,
redoublement, inscription), sur des documents scolaires officiels (protocole PMS, attestation,
etc.) et sur les prescriptions (loi, circulaire, arrêté, etc.) pour établir de tels documents. Cela
risque de restreindre les données et ne nous donne pas de véritable validité scientifique, mais
nous assure d’une base commune à tous et reconnue de tous.
Une autre contrainte était constituée par les écoles participant à l’étude. Nous avons eu la
chance de pouvoir convaincre toutes les écoles sélectionnées préalablement. Toutefois, dans
tous les cas, certaines garanties sur la confidentialité, le respect de la vie privée, le
82
dérangement le plus minime et la non-compétition entre écoles limitaient notre champ
d’investigation. Il en a été de même avec les centres PMS. Dans un seul cas, on ne nous a
pas permis de téléphoner directement aux parents mais en nous indiquant très précisément par
ailleurs leur orientation et l’école où ils étaient orientés. Nous avons alors pu connaître avec
précision le parcours secondaire de ces élèves.
Enfin, une dernière contrainte était constituée par la résistance possible des écoles
secondaires, et surtout des parents. Nous avons pris le parti de réaliser un questionnaire ne
demandant aux parents que le strict minimum pour ne pas les brusquer et en étant
extrêmement bref. Heureusement là encore, aucun parent n’a refusé de répondre à nos
questions, bien que plusieurs nous aient interrogé parfois longuement sur les buts de l’étude.
Nous avons cinq sources d’informations pour caractériser les élèves.
4.1.1 Le protocole justificatif du centre PMS
Ce protocole est l’unique document reconnu légalement en ce qui concerne le placement d’un
élève en enseignement spécial. Il a la même forme chez tous les enfants et est présent dans
tous les dossiers d’élèves. C’est la référence de base de tout suivi d’enfant orienté vers
l’enseignement spécial. Les renseignements sont recueillis dans l’enquête sociale (profession,
diplômation, structure familiale, langue maternelle et parlée à la maison, etc.), dans l’examen
pédagogique (école précédente, niveau scolaire officiel, etc.), dans l’examen médical on peut
noter un déficit éventuel. L’examen psychologique nous renseigne sur le QI de l’élève.
Enfin, les conclusions, où est justifiée l’orientation, nous renseignent sur les éléments
principaux qui ont favorisé l’orientation.
4.1.2 Les documents du PMS de guidance
Le PMS spécialisé qui effectue la guidance est également amené à rédiger certains documents
officiels. C’est le cas avec les avis de maintien en enseignement spécial primaire et la
modification de l’attestation de l’élève.
4.1.3 Les documents administratifs scolaires
C’est généralement dans le registre des présences et sur la fiche d’inscription que l’on
recueille les informations sur le parcours scolaire de l’enfant en ce qui concerne le passage de
maturité, l’entrée dans l’école, les classes adaptées éventuellement. Les fiches de l’élève
reprenant les données de l’inscription nous renseignent sur le nom des parents, leur
profession, leur coordonnées, l’école précédente, l’obtention du CEB, la nationalité, la date de
naissance etc.. Le rapport du dernier conseil de classe nous renseigne sur l’orientation
proposée. De plus, dans le dossier, se trouvent les photocopies de carte d’identité.
4.1.4 Le contact téléphonique avec les parents
Pour connaître l’orientation et le parcours scolaire de l’enfant, un contact téléphonique avec
les parents s’avère nécessaire. Nous demanderons aux parents le parcours scolaire de leur
enfant à la première, deuxième et troisième années après avoir quitté le type 8. Nous leur
83
demanderons également si leur enfant a obtenu leur CEB en secondaire, leur diplômation,
changements d’école et les éventuels renseignements manquants.
4.1.5 Le contact avec l’école
Dans le cas d’enfants où il a été impossible de joindre les parents, nous savons la plupart du
temps par le dossier l’école secondaire où il s’est inscrit en première année. Un contact
téléphonique ou par lettre avec l’école secondaire permet de connaître le parcours en tout ou
en partie. Nombreux sont les élèves qui changent d’école en cours de scolarité et il n’est pas
toujours possible de connaître la nouvelle école. De plus, ce ne sont pas toutes les écoles qui
sont disposée à donner ce type de renseignements et ces derniers sont moins riches qu’un
contact avec les parents.
4.2 La grille de recueil d’informations
L’ensemble de ces données est recueilli à partir d’une grille de recueil. Cette grille a subi
différentes évolutions avec le temps (Annexe 7). Au départ, elle comprenait plus d’éléments
mais la confrontation préalable quant à leur pertinence a permis d’en éliminer plusieurs (type
de famille, fratrie, etc.). Par la suite, la réalité du terrain nous a contraint de réduire le nombre
d’éléments récoltés vers un nombre d’éléments se trouvant dans la plupart des dossiers. Par
exemple, les éléments suivants ont ainsi disparu au cours de la recherche car ils ne se
trouvaient pas en nombre suffisant et/ou leur valeur était douteuse : les tests d’entrée (autre
que QI), le QI à la sortie, le niveau scolaire de sortie et les maturités. Pour ce dernier point,
les écoles de type 8 ont plutôt tendance dans l’ensemble à tenter de calquer le système de
l’enseignement ordinaire. Pour les faits administratifs, les maturités sont indiquées, surtout
lors de la sortie. A l’entrée, le niveau de maturité n’apparaît que dans la moitié des cas.
Enfin, dans la réalité, le niveau de maturité dépend en grande partie du niveau des élèves de
l’école et de leur âge. Cette donnée perd ainsi beaucoup de sa pertinence. Le grille finale
(Annexe 8) reprend les renseignements que l’on peut obtenir à la lecture du dossier de l’élève
et lors du contact téléphonique en moyenne, d’un cas à l’autre. Cette disparition d’éléments
constitue une indication de la qualité et la quantité des informations que l’on peut retrouver
dans les dossiers d’élèves.
Ces informations seront utilisées pour décrire la population et pour tisser des associations
entre certaines caractéristiques et le parcours scolaire. En premier lieu, nous souhaitons
caractériser les enfants selon certaines caractéristiques propres. Il s’agit du sexe, de la
nationalité, la date de naissance, un handicap éventuel, le(s) type(s) de troubles, la
comorbidité, les raisons du placement. Le QI entre également dans cette catégorie. Nous
avons laissé un espace suffisant pour inscrire les raisons du placement qui se trouvent
généralement en conclusion du protocole justificatif. Nous notons également le niveau atteint
officiellement en enseignement ordinaire. La date d’entrée dans l’école nous permet de
mesurer le retard officiel de l’enfant par rapport aux autres enfants, à l’heure, du même âge.
Le maintien d’une année supplémentaire permet également d’expliquer une partie de ce retard
en fin de scolarité primaire. Le CEB permet quant à lui de fixer un niveau scolaire (fin de 6e
primaire) de manière officielle.
Ensuite, nous souhaitons caractériser le milieu de l’enfant. Il s’agit de la nationalité des
parents, du type de famille, de l’occupation et de la diplômation des parents, du placement en
84
internat ou en home, de la langue maternelle et de celle parlée à la maison. L’adresse nous
permet de situer le domicile de l’enfant et sa distance par rapport à l’école. Deux éléments
concernant les parents doivent être classés lors du traitement de l’information. Il s’agit de la
diplômation et du niveau socioprofessionnel (occupation des parents). En ce qui concerne la
diplômation, il s’agissait d’entourer un niveau d’études terminé avec succès. Par contre, pour
le niveau socioprofessionnel, il faut procéder à un classement ad hoc des réponses fournies car
il était bien entendu impossible d’énumérer toutes les catégories de manière claire, concise et
compréhensible pour tous. Nous avons donc créé 4 grandes catégories socioprofessionnelles.
La première (niveau A) regroupe les parents d’élèves qui exercent une profession libérale, de
direction, haut-fonctionnaire, officier supérieur, etc.
Dans la deuxième catégorie
socioprofessionnelle, nous avons inclus les employés, enseignants, etc. La troisième catégorie
(C) est constituée des ouvriers, téléphonistes, manutentionnaires, serveurs, vendeurs, etc..
Enfin, la dernière catégorie (niveau D) regroupe les personnes n’exerçant aucune occupation
rémunérée et déclarée lors du diagnostic. Il s’agit des chômeurs, pensionnés, sans-emplois,
prestataires sociaux, etc.
Enfin, nous souhaitons observer le parcours scolaire de l’enfant. Ces informations, qui
constituent le corps de la recherche, sont accessibles en partie avec le dossier de l’enfant et en
partie avec les parents et/ou écoles secondaires. Les informations comme le nom de l’enfant,
de ses parents et le numéro de téléphone nous permettent bien entendu de contacter ces
derniers pour connaître le parcours scolaire en secondaire. Ces informations ne sont pas
nécessaires à l’analyse tout comme d’autres renseignements d’ordre privé. L’ensemble de
l’étude est sous la contrainte du respect de la vie privée et de la confidentialité.
4.3 Echantillon
Les 265 élèves de l’échantillon sont issus de 17 écoles d’enseignement spécialisés en région
bruxelloise. (Annexe 9) Ces écoles ont été choisies selon des critères géographiques et
sociologiques. Avec la constitution de cet échantillon, nous souhaitions, tout d’abord, réunir
un échantillon assez vaste, mais réparti sur un petit territoire. Ce choix permet une certaine
homogénéité dans des aspects comme la vie en zone urbaine et un plus grand choix d’écoles
pour les parents mais également une hétérogénéité socioculturelle dans les communes et la
population. L’échantillon devait également contenir suffisamment d’écoles et d’élèves pour
bénéficier d’une fiabilité statistique la plus forte possible.
Nous avons sélectionné les écoles dans le sud de la région. Toutefois pour posséder des
informations plus nombreuses et solides sur les populations socio-économiquement
favorisées, nous avons décidé d’inclure toutes les écoles d’enseignement spécial de type 8
sises dans une commune considérée comme favorisée (A et B). De plus, le fait de
sélectionner les écoles de la Ville de Bruxelles (canton postal 1000), nous a permis d’inclure
deux autres écoles situées au nord de la région (Laeken 1020 et Vlaessendael 1120). Cela est
dû au morcellement géographique du territoire de la Ville de Bruxelles.
Commune
Bruxelles - Ville
Anderlecht
Forest
Taille
pop.
134 127
88 317
45 801
%
21.96%
14.46%
7.5%
n
écoles
4
2
1
Revenu
moyen
21 615
20 733
22 613
Catégorie
sociale
D
E
D
85
74 444
42 356
73 036
39 519
28 860
46 371
37 856
Uccle
Saint-Gilles
Ixelles
Etterbeek
Auderghem
Woluwé-St-Pierre
Woluwé-St-Lambert
12.19%
6.93%
11.96%
6.47%
4.72%
7.6%
6.2%
2
1
2
1
1
1
1
28 234
18 473
23 988
23 152
25 871
30 707
27 038
A
E
C
C
B
A
A
Le revenu moyen offre la possibilité de caractériser la commune. Notre échantillon permet
d’avoir une relative hétérogénéité sur le plan socio-économique. Nous avons partagé les
communes
en
cinq
catégories
sociales
(A,
B,
C,D et E) selon
les
tranches
derevenus
de
2 000
classe dans la catégorie E, de 21
000
à 23 000
plan national est de 23 887
On remarque que les écoles d’enseignement spécial de type 8 sont beaucoup plus nombreuses
dans les communes pauvres. En effet, plus de la moitié des écoles se retrouvent dans les
communes les plus pauvres ; 30 % se retrouve en catégorie E et 22 % en catégorie D (52%)
mais ces communes représentent également 51% de la population globale de l’échantillon.
Pour terminer, il y a 152 écoles primaires spéciales en Communauté française de Belgique.
De ce nombre, 113 accueillent des élèves ayant des troubles instrumentaux (type 8), soit
74,3%. Certaines écoles n’accueillent toutefois qu’une poignée d’enfant de type 8 tandis que
d’autres en accueillent plus de cent. De ces 113 écoles, 20 seulement n’accueillent
uniquement que des enfants de type 8 (17,6%). En ce qui concerne la région bruxelloise, il y
a 26 écoles organisant un enseignement de type 8, dont 10 de façon unique (38,4%). Ce fort
pourcentage d’école purement type 8 peut s’expliquer par la concentration démographique et
les facilités de transport en commun de la région bruxelloise. On observe un phénomène
similaire dans les zones urbaines de la province de Liège. Les écoles bruxelloises de type 8
représentent 23 % des écoles en Communauté française.
5. Résultats
Dans un premier temps, nous allons considérer l’ensemble de l’échantillon pour tenter de le
caractériser. Cela nous permettra de vérifier la concordance ou non de nos résultats avec
ceux observés dans d’autres pays en ce qui concerne les caractéristiques sociales, culturelles
ou de genre de ces enfants. Par la suite, nous allons analyser le passage des élèves en
86
enseignement spécial de type 8 puis leur orientation vers l’enseignement secondaire. Pour ces
aspects, nous analyserons l’orientation de différents sous-échantillons pour tenter de découvrir
des différences dans l’orientation et le parcours scolaire.
5.1 Analyse qualitative des données recueillies
Dans un premier temps, nous croyons utile de décrire la situation que nous avons rencontrée
lors de notre recueil d’informations dans les dossiers des élèves. Cela nous sera utile pour
notre analyse et nous permettra de faire la part entre la théorie et la pratique observée. Sur le
terrain, les diagnostics peuvent différer beaucoup selon l’organisme qui a effectué le testing.
On peut dire qu’il n’y a pas deux protocoles identiques, même venant d’un même PMS. On
ne retrouve pas à chaque fois les mêmes informations. Cela a occasionné, comme nous
l’avons vu, l’abandon successif de nombreux critères en cours de route (Annexe 7 et 8). Des
informations fiables sur la fratrie, la présence de troubles similaires chez les parents, sur le
passé scolaire et l’aide apportée dans l’école d’origine, etc. qui nous auraient été utiles dans
l’analyse ont disparu de notre grille car leur occurrence dans les dossiers était faible (moins de
50).
Nous avons pu retrouver le protocole (ou ce qui en faisait fonction) dans 255 cas sur 265.
Dans les dix autres cas, le protocole avait été effectué mais n’était pas disponible. Deux
élèves semblent avoir été inscrits sans protocole. Il apparaît donc que l’établissement d’un
protocole pour l’admission des élèves en type 8 soit globalement bien respecté. Toutefois,
trois de ces protocoles ont été effectués par des professionnels (psychologue ou logopède)
indépendants n’ayant aucun droit d’établir un tel document. Dans une dizaine d’autres cas, il
était évident que l’organisme ne possédait pas l’accréditation (ex. : centre privé payant,
clinique médicale, organisations floues, etc.). Ces derniers protocoles sont toujours
incomplets et ne portent généralement que sur un aspect.
Par ailleurs, il n’est pas rare de voir des centres PMS pour l’enseignement spécial établir le
protocole d’inscription d’un enfant. Pour rappel, la loi stipule qu’ « au cas où l'organisme
serait chargé de la guidance des élèves d'un établissement d'enseignement spécial, il s'engage
à ne pas délivrer de rapport d'inscription pour ces mêmes élèves » (CF, Arrêté royal fixant les
modalités d'organisation de la guidance des élèves fréquentant les établissements ou sections
d'enseignement spécial, 1971-81). Légalement, les centres PMS spécialisés ne diagnostiquent
donc pas les élèves, ils n’assurent qu’un travail de guidance des élèves au sein de
l’établissement d’enseignement spécial. Certains protocoles sont même complétés par l’école
spéciale et sont signés par le PMS de guidance. Toutefois, il ne nous est pas possible de
produire des chiffres sur ce phénomène à cause du manque d’informations sur le centre PMS
qui a fait le testing et sa compétence légale pour établir ce document. En réalité, le fait que la
plupart des PMS soient mixtes (ordinaire et spécialisé) rend impossible toute comptabilité sur
le sujet. Il en va de même avec l’intervention de l’école d’origine dans le placement, il est
impossible de chiffrer car les protocoles ne reprennent pas toujours cette information.
Plusieurs protocoles (48) ne reprennent pas les cinq parties obligatoires. Par ailleurs,
certaines parties sont visiblement bâclées, surtout en ce qui concerne l’examen médical,
pédagogique et social. Les protocoles établis par les hôpitaux accrédités montrent par
exemple une vision beaucoup plus médicale avec des scanners et des tests particuliers mais
laisse souvent de côtés les aspects sociaux ou pédagogiques. Cinq protocoles ne possèdent
pas de conclusion et cinq autres orientent un enfant vers un autre type que le type 8 (1, 7 ou
87
3). Pour rappel, dans la circulaire de 1992, on spécifiait que « le rapport d’inscription d’un
enfant dans l’enseignement de type 8 tiendra impérativement compte des indications
suivantes : Le protocole de l’examen médical est rédigé après une recherche des antécédents
héréditaires ou personnels qui peuvent avoir eu une répercussion sur les apprentissages
moteurs et psychomoteurs ainsi que sur les apprentissages sur les différents systèmes de
communication ». En fait, il s’agit exclusivement d’un examen médical standard sauf dans les
12 cas où le protocole a été effectué à l’hôpital. Dans ces derniers protocoles, on retrouve des
examens très poussés (audition, vue, scanner, etc.), mais peu d’aspects concernant
l’anamnèse. Celle-ci ne fait pas partie de cette section. Dans deux cas seulement, il est fait
référence à des parents souffrant du même trouble. Il semble donc que très peu de protocoles
aient tenu compte de ces indications.
En ce qui concerne l’examen pédagogique, chez certains, on se contente de faire une
anamnèse scolaire, plus ou moins sommaire, de l’enfant ; chez d’autres, on effectue un testing
externe (APER, etc.). Les testings du niveau scolaire, effectués de façon externe par le PMS,
sont trop diversifiés et manquent de validité, quand ils sont présents. Cela rend des échelles
de comparaison difficiles à établir. Nous ne les avons pas sélectionnés comme critères et par
conséquent, nous ne possédons pas de chiffres à ce sujet. Il arrive que, dans certains dossiers,
le niveau scolaire atteint par l’enfant en enseignement ordinaire (67) n’est pas indiqué. De
plus, il est très rarement fait mention de l’aide que l’enfant a pu recevoir à l’école et cela ne
constitue pas une demande claire du protocole. On ne parle d’aide (ou d’absence d’aide) en
enseignement ordinaire (visite chez un(e) logopède, prof particulier, aide à l’école, etc.) que
dans 56 dossiers. Par contre l’aspect inadéquation de l’enfant pour l’enseignement ordinaire
(ou adéquation de l’enfant vers le type 8) est très présent comme nous le verrons dans
l’analyse des raisons du placement. On comprend ainsi que l’élève ne peut plus continuer son
parcours en enseignement ordinaire mais on ignore dans une très large mesure, ce que
l’enseignement ordinaire a fait pour garder cet enfant en son sein.
L’étude sociale du protocole essuie les mêmes critiques ; celle-ci varie énormément d’un PMS
et d’un dossier à l’autre. On retrouve généralement un court historique de la famille,
l’occupation des parents, la fratrie, la profession et le niveau d’étude des parents, la structure
familiale mais rarement tous les éléments à la fois. On ne retrouve que rarement une
observation sur les motivations, la place des apprentissages, les conditions éducatives, le
projet du jeune, etc.. Dans 27 protocoles, l’enquête est soit manquante ou donnant si peu de
renseignements, qu’elle ne semblait que remplir une formalité administrative symbolique.
La partie psychologique est la partie la mieux traitée, toujours par des psychologues. Les
épreuves instrumentales sont nombreuses et le test QI presque toujours présent. La débilité
étant une mesure d’exclusion, ce test est obligatoire pour diagnostiquer un élève atteint de
troubles d’apprentissage. Les résultats des sous-tests ne sont par contre que trop peu présents.
Le protocole justificatif établit par le centre PMS qui a diagnostiqué l’enfant donne les
renseignements concernant le placement. En ce qui concerne les épreuves instrumentales
prescrites par la circulaire pour l’examen clinique approfondi et l’examen psychologique, là
encore, une grande diversité de tests sont utilisés pour le diagnostic des enfants. De plus, la
notation et les résultats des tests ne permettent que dans une très faible minorité des cas de
pouvoir établir une quelconque comparaison ou une analyse sérieuse sur cette base. La seule
qui échappe à cette règle est l’évaluation du quotient intellectuel qui est présent dans
l’immense majorité des tests (225 sur 255). Il s’agit également d’un élément pouvant amener
le PMS à orienter l’enfant vers un autre type (1 ou 2). Il s’agit d’un élément important dans la
plupart des définitions car ce test constitue la façon la plus juste pour évaluer les capacités
88
intellectuelles d’un enfant.
On retrouve également pour certains enfants où des troubles
affectifs sont supposés des tests projectifs (ex. TAT). Par contre, on ne retrouve que rarement
les exigences de la circulaire concernant ce que l’on souhaite y voir « (…)notamment
comment il vit son problème, quels types de relations il a établi avec ses pairs, ses parents, les
adultes et tout ce qui représente l’autorité en général ».
L’aspect instrumental constitue, dans la majorité des cas, la base de l’argumentation
concernant le placement (64.2%). Les tests les plus présents sont la figure de Rey et les
épreuves de rythme et de latéralisation. Bien que s’inspirant largement des définitions
internationales pour définir cette catégorie d’élèves et organiser une équipe multidisciplinaire
pour le diagnostic, la pratique sur le terrain semble ne pas prendre en compte les dernières
avancées sur le sujet. L’approche instrumentale traditionnelle, malgré son rejet aujourd’hui
quasi-unanime, est encore largement utilisée dans le diagnostic des élèves et en constitue
souvent un élément déterminant.
Le diagnostic laisse beaucoup de zones d’ombre concernant les troubles réels des enfants. A
la lecture du dossier, sans connaissance préalable de l’enfant, on s’aperçoit qu’il y a beaucoup
d’implicite dans les diagnostics. Une personne extérieure peut difficilement comprendre le
placement en enseignement spécial. Le testing instrumental a une valeur importante et permet
souvent à lui seul à justifier le placement.
L’argumentation est souvent manquante ou
déficiente. On sent ici encore que la scolarité antérieure a un poids important pour le
diagnostic. C’est souvent plus tard, lors du travail en classe ou lors d’un testing interne à
l’école spéciale de type 8, que l’on peut plus concrètement prendre la mesure des difficultés
réelles de l’enfant. Ainsi, il n’est pas rare d’observer qu’un enfant change de type car on se
rend compte qu’il a été mal orienté (12 élèves). Ces cas touchent surtout les types 1 et 3.
Cela signifie également que leur handicap change, en somme, de manière officielle et que
celui-ci a été mal diagnostiqué. Il arrive également que des élèves puissent changer de type
selon la géographie, la disponibilité des places, etc. Cela met évidemment en doute la validité
des diagnostics. La qualification des personnes qui effectuent ces différents examens varient
également beaucoup. Par exemple, une enquête sociale peut être faite par un infirmière
sociale, un assistant social ou le psychologue du PMS. Les différentes sections n’étant pas
toujours signées ou leur propriétaire identifié, il est par conséquent difficile de quantifier cette
dernière assertion. « Il y a peu d’effectifs humains pour la population desservie pour qu’on
puisse s’interroger sur la qualité de toutes les évaluations ». (Gauthtier, 1984) Pour
conclure, force est de reconnaître, par des lectures préalables de différents dossiers, qu’il est
impossible de connaître, avec précision les troubles des enfants, leur ampleur, leur
progression, etc. et d’avoir des mesures comparables et fiables à la lecture de ces dossiers.
5.2 Les caractéristiques générales de l’échantillon
Nous remarquons tout d’abord que les 265 enfants qui ont participé à cette étude se
répartissent selon une proportion de 1/3 de filles et 2/3 de garçons. Cette sur-représentation
des garçons semble correspondre à ce qui a été observé dans d’autres pays. Il en va de même
avec la sur-représentation de certains groupes sociaux ou ethniques. La répartition ethnique
de la population scolaire ayant fréquenté l’enseignement spécial de type 8 a été approchée à
l’aide de deux indicateurs : la nationalité de l’enfant et la nationalité des parents. En ce qui
concerne les enfants, 62.28% des enfants de l’échantillon ont la nationalité belge. La
deuxième nationalité la plus représentée est la marocaine. Les statistiques de la Communauté
française montrent que dans l’ensemble de la région bruxelloise, les élèves originaires du
89
Maghreb représentent 50% des étrangers pour le niveau primaire. Ici, il semble y avoir une
sous-représentation de ce groupe. En Communauté française (1995-96), le pourcentage
d’étrangers fréquentant les écoles de la région bruxelloise est de 36.5% (18.1% pour
l’ensemble de la Communauté française). Dans notre échantillon, les enfants de nationalité
étrangère représentent 43.72% de l’échantillon. Il y a donc une sur-représentation d’environ
7% de populations issues de l’immigration et il semblerait que ce phénomène touche surtout
les étrangers les plus nouvellement arrivés en Belgique. De plus, dans ce dernier groupe, les
nationalités ne sont pas représentées uniformément. Un échantillon plus important et varié
nous serait nécessaire pour pouvoir nous avancer plus avant. Les autres nationalités
représentées, en ordre décroissant, sont constituées par les enfants d’origine italienne (4.2%),
portugaise (3.7%), congolaise (2.2%) et turque (2.2%). Les autres nationalités ont 4
représentants ou moins et 26 nationalités au total sont représentées.
Nationalités des élèves
70,00%
62,28%
60,00%
50,00%
40,00%
30,00%
16,01%
20,00%
21,71%
10,00%
0,00%
Belge
Maroc
Autres
Si l’on prend en compte les parents, le pourcentage de parents ayant la nationalité belge
s’abaisse à 45%. Pour ce faire, nous utilisons le lieu de naissance des parents ou leur
nationalité actuelle ou d’origine. A cela, il faut ajouter 6% issus de couples « mixtes », c’està-dire ceux avec seulement un des parents de nationalité belge. En combinant ces deux
indicateurs, ont peut également observer que 17% des enfants ont la nationalité marocaine
mais que 27.53% des parents possèdent ou ont possédé cette nationalité. Au total, 51.82% des
parents sont d’origine étrangère. La sur-représentation devient donc plus importante si l'on
prend ce facteur en considération mais nous ne connaissons pas les chiffres similaires pour la
Communauté française.
90
Nationalités des parents
60,00%
50,00%
48,18%
40,00%
27,53%
30,00%
24,29%
20,00%
10,00%
0,00%
Belge
Maroc
Autres
En ce qui concerne le domicile des élèves, les enfants fréquentant les écoles de l’échantillon
ne proviennent pas tous de la commune où est située l’école. Nous observons que 15.21% des
enfants proviennent d’une autre commune bruxelloise que celles de l’échantillon. Il y a donc
des échanges d’élèves entre commune de notre échantillon, mais également des élèves
provenant de localités hors-échantillon. Près des trois-quarts des élèves proviennent de
communes de l’échantillon. Certains enfants sont étrangers à la Région bruxelloise, mais y
fréquentent une école. Ces derniers représentent 11.67% du total et ont été très
majoritairement inscrits dans des écoles des communes aux frontières de la région.
Répartition des élèves selon le domicile
Commune
c n*
Bruxelles - Ville
Anderlecht
Forest
Uccle
Saint-Gilles
Ixelles
Etterbeek
Auderghem
Woluwé-St-Pierre
Woluwé-St-Lambert
D
E
D
A
E
C
C
B
A
A
39
28
26
20
26
14
17
2
9
7
Berchem-Ste-Agathe
Evere
Ganshoren
Jette
Koekelberg
Molenbeek-St-Jean
St-Josse-ten-Noode
Schaerbeek
Watermael-Boitsfort
B
C
C
C
D
E
E
E
A
0
5
2
1
0
11
2
16
2
Wallonie
30
%
15.18%
10.89%
10.12%
7.78%
10.12%
5.44%
6.61%
0.76%
3.5%
2.72%
73.12%
0%
1.94%
0.69%
0.37%
0%
4.27%
0.7%
6.23%
0.7%
15.21%
11.67%
100%
*c = catégorie sociale de la commune, n= nombre d’élèves sortants en 2000
91
Les écoles ne recrutent pas les élèves de la même façon selon le domicile. Les écoles sises
dans les communes périphériques et plus riches ont tendance à recruter des élèves venant de
communes plus éloignées ou à l’extérieur de la Région bruxelloise. En tenant compte du
niveau socio-économique des communes, on observe que les enfants habitant les communes
les plus pauvres (E) représentent 32.21% de l’échantillon et 25.3% pour la catégorie D, ce qui
donne un total cumulé de 57.51%. On n’observe pas de différence entre les communes de
niveau moyen et les plus riches (15.07% et 14.7%). Par contre, pour les communes de niveau
B, on remarque une quasi-absence d’enfants issus de ces communes 0.76%. A titre
d’exemple, la commune de Boitsfort n’organise aucun enseignement spécial et est entouré de
tous côtés par des communes de notre échantillon, on devrait donc retrouver ces élèves dans
les écoles de notre échantillon. Cela n’est pourtant pas le cas, le taux est extrêmement faible.
Les communes les plus riches envoient donc très peu d’élèves en enseignement spécial de
type 8 même si une école y est présente. Uccle représente une exception car elle possède
historiquement beaucoup d’écoles d’enseignement spécial.
D’autres indications du niveau socio-économique sont le niveau socioprofessionnel et la
diplômation des parents. En effet, dans l’ensemble de l’échantillon, on remarque une surreprésentation des ouvriers (c) et des sans-emploi (d). Ces deux catégories représentent
76.9% de l’échantillon global. Cet indicateur supplémentaire nous permet d’affiner l’analyse
de nos résultats. En effet, ici, la sur-représentation très forte des niveaux socioprofessionnels
les plus bas nous amène à penser qu’il s’agit de la population la plus défavorisée de chaque
commune qui fréquente le plus ce type d’enseignement, les communes défavorisées en
envoyant plus, par la force des choses.
Répartition sociale selon l'occupation des parents
45,00%
41,19%
40,00%
35,71%
35,00%
30,00%
25,00%
20,00%
15,96%
15,00%
10,00%
7,14%
5,00%
0,00%
a
b
c
d
Par contre, en ce qui concerne la diplômation, on observe un niveau beaucoup moins marqué.
Environ 35% des parents ont terminé leurs études secondaires ou ont un diplôme de
l’enseignement supérieur (b ou a). Cet indicateur ne nous renseigne pas aussi bien que le
précédent à cause du biais dû aux non-réponses (n=120). Pour le niveau socioprofessionnel,
nous pouvons le connaître à la lecture du dossier de l’élève. Par contre, la diplômation y est
très rarement présente. Il fallait donc obtenir ces renseignements de la part des parents euxmêmes. Bien que les parents répondaient de bon cœur à cette question, le fait de n’avoir pas
92
pu les joindre tous pour connaître le parcours de leur enfant et leur diplômation, nous amène à
un taux de non-réponses assez important pour ce dernier point. Enfin, ce phénomène nous
semble surtout toucher les populations les plus mobiles (déménagement, GSM, changement
de téléphone) qui sont souvent les plus précarisées. Le manque de validité de ces chiffres
nous semble donc évident.
Diplômation des parents
25,00%
21,37%
23,45%
22,76%
d
e
18,63%
20,00%
13,79%
15,00%
10,00%
5,00%
0,00%
a
b
c
5.3 L’orientation en enseignement spécial de type 8
L’entrée dans les écoles de notre échantillon se fait en moyenne à l’âge de 9.46 ans (écarttype de 1.79 an). Cette moyenne semble supérieure à celle préalablement obtenue et
correspond à la vision des professionnels du terrain qui voient entrer des élèves de plus en
plus vieux en type 8. Si on comptabilise le temps passé dans d’autres écoles ou type
d’enseignement avant l’entrée dans une école de l’échantillon, on obtient une moyenne de 8.5
ans (âge biologique).
Répartition des élèves selon le temps passé en
enseignement spécial
80
63
60
48
37
40
20
54
34
21
12
0
1
2
3
4
5
6
7
En ce qui touche le temps passé en enseignement spécial, nous avons réparti les élèves selon
leur ancienneté dans ce système lors de la sortie en juin 2000. On remarque qu’une courbe se
dessine mais que la catégorie deux ans, la plus nombreuse, casse un peu cet effet. Le niveau
scolaire à l’entrée est celui d’un milieu de 2e année primaire (2.44e années). Les élèves ont,
93
en moyenne sur l’ensemble de l’échantillon, passé 3.95 années dans la dernière école de type
8 fréquentée (écart-type 1.80 année). Si on ajoute à cela les enfants qui sont passés
préalablement par une autre école de type 8 ou d’un autre type, la moyenne passe à 4.09
années en enseignement spécial. Il y a 41 enfants qui ont fréquenté une autre école
d’enseignement spécial de type 8 et sur ce nombre, 18 ont fréquenté une école d’un autre
type, surtout les type 3 et 1. Trois de ces élèves étaient issus d’un enseignement destiné à des
enfants hospitalisés (type 5), deux étaient issus de l’enseignement de type 7 et un de type 2.
En résumé, un enfant entre vers 9 ans, après avoir doublé une année scolaire et passe 4 années
en type 8.
Par la suite, nous avons considéré le niveau scolaire de l’enfant. Comme dit précédemment,
nous n’utilisons que le niveau scolaire officiel. Avec la date d’entrée et la date de naissance,
nous pouvons connaître le niveau scolaire estimé de la cohorte de naissance de l’enfant. Par
exemple, un enfant de 12 ans qui est né en 1987 doit être en 6ème année à douze ans (30 juin
2000). Sur la base d’une comparaison avec les enfants des cohortes 1985, 86, 87 et 88, nous
avons calculé un retard moyen lors de l’entrée en enseignement spécial de 0.85 année (n=193,
écart-type 0.82.) pour les élèves de notre échantillon. En ne prenant que la cohorte d’âge qui
a suivi les 7 années prescrites, sans maintien (ceux nés en 1987), le retard est de 0.83 (écarttype .87). A la sortie du type 8, le retard sur les cohortes d’origine est passé de 0.85 année à
1.82 année (écart-type 0.81) en ne prenant que les élèves allant en secondaire ordinaire (ou
assimilé). La 1B était considérée comme une 6ème année, car elle est assimilée à une année de
programme d’enseignement primaire, préparant à la 1A. Cette augmentation du retard peut
s’expliquer en grande partie à l’année supplémentaire (7 ans au lieu de 6) accordée aux élèves
fréquentant l’enseignement spécial primaire et les deux années de maintien possibles. La
structure de l’enseignement spécial avec sept années en primaire et deux années
supplémentaires de maintien possible semble donc faire en sorte que le retard se creuse encore
par rapport à la cohorte d’origine. Ce retard pourrait avoir des conséquences dans le parcours
futur à cause de la différence d’âge grandissante entre l’élève et son niveau d’étude réel.
Comme nous l’avons vu, le test du quotient intellectuel nous permet de connaître un facteur
d’exclusion important pour le diagnostic d’enfants présentant des troubles d’apprentissage.
Nous pouvons observer que contrairement à ce qui a été évoqué dans les différentes
définitions, le rapport aux capacités intellectuelles « normales » ne semble pas présent dans la
réalité. On observe que 11.57% des enfants de l’échantillon ont un classement en débilité
légère ou moyenne. Avec cet outil de mesure de l’intelligence utilisé par les PMS, on
remarque que les 2/3 des enfants ont un QI intellectuel sous 90 et 9/10 (89.81%) ont un QI de
moins de 100, la note 100 est considérée dans l’ensemble des tests comme étant la normale.
Près de 40% des élèves (38.88%) ont un QI inférieur à 80, qui est considéré comme le seuil
d’une intelligence sous la moyenne inférieure. La différence, d’une part, entre les prescrits
des différentes définitions et de la circulaire de 1992 et la pratique, d’autre part, est très
importante. On se trouve devant deux cas de figures : ou bien il s’agit d’enfants ayant
réellement des capacités intellectuelles faibles et les placements s’adressent surtout à des
enfants avec de faibles capacités et des problèmes scolaires, ou bien, les tests ne permettent
d’évaluer correctement l’ensemble de la population, surtout les niveaux défavorisés où se
trouve un part importante d’enfants issus de l’immigration.
94
Répartition du QI
30,00%
27,31%
27,78%
23,15%
25,00%
20,00%
15,00%
8,79%
10,00%
5,00%
0,47%
8,79%
2,31%
0,47%
0%
0,93%
110 à
119
120 à
130
130 +
0,00%
40 à 49
50 à 59
60 à 69
70 à 79
80 à 89
90 à 99
100 à
109
Cette faible présence d’enfants avec de hauts QI pose question de plusieurs façons. En plus
de ce qui a été dit sur les populations les plus défavorisées ou d’origine étrangère, la quasiabsence d’élèves avec des QI au-dessus d’une moyenne de 100 mérite qu’on s’y attarde.
Comme nous l’avons dit précédemment, nous ne postulons aucunement que l’enseignement
spécial de type 8 accueille tous les élèves avec des troubles d’apprentissage, ni d’ailleurs que
les enfants qui s’y trouvent présentent tous des troubles d’apprentissage. De même, il doit
exister des enfants avec un QI supérieur à 100 et ayant des troubles d’apprentissage. Les
recherches sur la discrépance ont justement recensé des milliers de cas semblables et ont
même tenté d’en faire une norme. Cette absence en nombre de ces enfants en enseignement
spécial de type 8 ne peut donc être due à une absence de cas réels. Il faut donc supposer que
ces élèves poursuivent une scolarité « normale » en enseignement ordinaire et réussissent à
« compenser » tant bien que mal leur trouble. De plus, le QI représente, dans une large part,
des acquis scolaires et n’est pas « sans culture ». Enfin, l’effet de la défavorisation et de la
culture sur le résultat au QI semble évident. Cela laisse à penser que l’enseignement spécial
de type 8 s’adresse surtout à des enfants avec des difficultés scolaires et un QI faible.
Toutefois, avec de telles pratiques de placement, il devient difficile, comme le fait remarquer
la recherche et la circulaire ministérielle, de faire la différence entre les troubles dus à des
capacités intellectuelles moindres et ceux ayant d’autres causes. Cela entre enfin en
contradiction avec les différentes définitions des troubles d’apprentissage qui traitent d’écart
entre les capacités et les performances.
En ce qui concerne les raisons qui ont conduit au placement, ces dernières sont reprises dans
les conclusions partielles ou finales. Une analyse de contenu a été effectuée. Les différentes
raisons évoquées ont été classées en 4 catégories. La première concerne les raisons en rapport
avec la scolarité antérieure. Cette catégorie recueille les éléments directement liés à cette
scolarité. La deuxième catégorie regroupe les raisons liées au milieu de l’enfant, sa culture,
sa famille. Une autre catégorie regroupe les raisons qui évoquent le type 8 comme étant ce
qui convient le mieux à l’enfant. Il s’agit de l’aide qu’on peut lui apporter, de sa
correspondance à des critères diagnostiques propres, etc. Enfin, pour terminer, nous avons
classé les raisons liées directement à l’enfant. Nous avons décidé pour plus de clarté, de
scinder cette catégorie en deux. Nous avons tout d’abord pris en considération les raisons qui
ne peuvent être classées comme troubles spécifiques et les troubles spécifiques proprement
dits. Dans l’immense majorité des cas, plusieurs raisons sont évoquées pour un placement.
95
Les raisons du placement retrouvées en conclusion des protocoles justificatifs
Liés à la scolarité antérieure
Difficultés
Retard scolaire
Lacunes
Enseignement en flamand
Inadapté à l’enseignement ordinaire
Echec de l’aide en EO
Blocage
Motivation
Pas de maternelle
Echec
Scolarité antérieure
Inadaptation
Absence
Méthode de lecture
Réintégration en EO ratée (sourd)
Redoublement
Rythme
Comportement en classe
26.98%
25
68
17
2
6
4
9
15
2
1
7
2
1
1
1
6
14
27
208
Type 8
Ancien type 1
Epanouissement
Type 8
Potentiel
Intégrer un sourd
Aide logo
Aide kiné
Discrépance
Qiv-qip
Dysharmonie
6.48%
7
1
22
2
1
8
1
4
1
3
50
Troubles spécifiques
Dyslexie
Dysorthographie
Dyscalculie
Dysphasie
Dyspraxie
Dysgraphie
Dyslexique-dysorthographique
25.42%
65
62
37
32
1
2
49
196
Liés au milieu
Culture
Primo-arrivant
Changement
Famille
Milieu
Bilinguisme
Placement en home
Brutalité
Guerre
Abandon
Mère
8.82%
26%
24.8%
14.8%
12.8%
0.4%
0.8%
19.6%
Causes intrinsèque
Instrument
Qi faible
Compréhension
Handicap
Immaturité
Psychomoteur
Déficit verbal
Fragilité
Pas prêt
Minimal brain injury
Tension psychologique
Surdoué
Autisme léger
Mémoire
Attention
Attitude
Personnalité
Prématuré
Maladie
Organisation mentale
Raisonnement
Dépression
Affectif
AHDA
32.3%
6
20
1
29
6
1
1
1
1
1
1
68
112
38
2
3
9
7
22
4
3
1
1
1
1
3
1
1
1
1
4
1
2
3
23
5
249
96
Nous avons pu connaître les conclusions des protocoles dans 250 cas sur 265. Le diagnostic
d’un ou plusieurs troubles spécifiques intervient dans 117 cas (46.8%). Il n’est défini seul que
dans 50 cas sur ces 177 (28.2%). Les autres (127) sont en association avec d’autres troubles.
L’association dyslexie-dysorthographie survient à 49 reprises (19.6% des cas).
Le type 8 en tant que critère de décision apparaît également relativement important. Le PMS
ou l’école d’origine peut estimer que l’enfant sera mieux en type 8, pour diverses raisons, que
dans l’enseignement ordinaire. On est tenté d’interpréter ce phénomène comme un « appel
d’air ». Puisqu’il existe quelque chose d’autre, qui semble mieux adapté, l’enfant y trouve sa
place. On ne remet pas en cause fondamentalement l’enseignement ordinaire car il existe une
alternative. Avec ce type d’argumentation, tous les élèves (ou presque) qui ont des problèmes
dans l’enseignement ordinaire pourraient bénéficier du type 8. Il est très rare de voir des
annotations concernant une aide apportée par l’école primaire ordinaire. Si cette aide existe,
il n’en est pas fait mention. L’école ordinaire, de par l’existence de l’enseignement spécial,
serait peut-être tentée de ne pas s’adapter à ces élèves. De plus, même si la scolarité
antérieure n’est pas toujours évoquée comme la cause principale, à la lecture du protocole, on
se rend bien vite compte que, dans l’immense majorité des cas, la demande fait suite à des
problèmes révélés par l’école ordinaire.
A la vue de ces raisons, on observe le paradoxe suivant : alors que de façon générale, on
observe une sur-représentation d’enfants issus des classes défavorisées, très peu de
diagnostics font état du milieu de l’enfant. Il est cité dans moins de 10% des cas. On reporte
surtout le diagnostic sur l’enfant lui-même.
Les critères portant sur les troubles
instrumentaux, très présent dans les diagnostics, ne rendent pas toujours compte des
difficultés exactes sur le plan scolaire de l’enfant. De plus, avec la remise en question de ces
tests, le placement tout comme l’aide à apporter sur la base de ce diagnostic semblent poser
des problèmes de fond.
Différents éléments nous font nous interroger sur le respect des quatre exclusions présentes
dans la circulaire de 1992 en spécifiant que ces enfants « ne doivent pas être
systématiquement orientés vers l’enseignement spécial de type 8 ». La première concerne des
enfants qui présente un manque de maturation physique, intellectuelle ou affective. Pour ces
enfants, selon l’âge, on conseille soit un maintien en maternelle ordinaire, soit un soutien plus
individualisé en école primaire. Cette prescription de redoublement pour ces enfants entre en
outre en contradiction avec les nouvelles pratiques dans le domaine qui rend le redoublement
beaucoup plus difficile. Malgré tout, on remarque que les causes liées à cette exclusion
représentent 16 cas au total. Le redoublement ou le maintien d’une année peut ainsi, par un
effet pervers, constitue une sorte de test à l’entrée de l’enseignement spécial. « Si le
redoublement n’a pas fonctionné, alors … » On remarque que les enfants ont un retard d’un
an ou plus dans 62.5 % des cas. Le redoublement n’est donc pas tenté pour tous, un tiers des
enfants n’ont pas doublé avant d’entrer en enseignement spécial de type 8. Les nouvelles
directives concernant le redoublement peuvent donc avoir différentes conséquences. En effet,
une limitation du redoublement peut être, comme on l’a vu plus haut, une sorte de test
préalable à l’enseignement spécial. Cette limitation du redoublement peut, par ailleurs, avoir
comme effet de faire passer de classe des élèves beaucoup plus faibles que les autres et qui se
retrouvent dans une classe où il leur est impossible de suivre. A contrario, d’autres écoles
peuvent choisir, plutôt que de faire redoubler ces élèves, de favoriser leur placement en
enseignement spécial de type 8. Ce phénomène peut se reproduire sur plusieurs années. Ces
97
différentes pratiques des écoles ordinaires d’origine, bien que ne constituant pas l’objet de
notre recherche, ont été observées clairement dans certains dossiers.
La seconde exclusion précise que les enfants qui ont des déficits liés avant tout à des troubles
affectifs doivent être « maintenus dans l’enseignement ordinaire et bénéficier d’une guidance
débouchant éventuellement sur une intervention psychologique spécialisée ou bénéficier de
l’enseignement de type 3 (caractériels) ». Le comportement est un aspect que l’on retrouve
très fréquemment dans les discussions avec les directions. On le retrouve dans 57 cas.
La troisième catégorie concerne les enfants présentant des déficits liés à l’origine sociale.
« Ces enfants fréquenteront avec davantage de profit l’enseignement ordinaire, surtout s’ils
peuvent bénéficier d’une aide particulière dans le domaine socioculturel ». C’est l’exclusion
qui semble la moins bien respectée. En ce qui concerne les résultats proprement dits, on
remarque tout d’abord que les phénomènes de sur-représentation sociale et ethnique sont bien
présents. La clause d’exclusion présente dans la circulaire ministérielle semble ne pas
fonctionner pleinement tout comme l’aide apportée à ces élèves grâce aux dispositifs de
discrimination positive. Ces élèves ont un comportement scolaire différent des autres. La
sur-représentation est également trop importante pour ne pas sembler suspecte.
La circulaire rappelle que les enfants atteints d’arriération mentale présentent également « des
déficits dans le domaine instrumental mais que ces déficits sont généralement globaux et
massifs dus à l’insuffisance intellectuelle. Ces enfants ne doivent pas être orientés vers
l’enseignement spécial de type 8. Ils relèvent du type 1 ou du type 2 ». Le respect de cette
dernière exclusion est également remis fortement en question au vu des résultats des enfants
au test de quotient intellectuel. Cet instrument de mesure de l’intelligence, bien que critiqué
depuis longtemps, constitue une pratique reconnue et très globalement utilisée par tous les
professionnels œuvrant dans le domaine. On peut en déduire qu’il existe une forte zone
d’ombre dans certains cas entre un enfant pouvant être classé en type 1 et un autre en type 8.
C’est d’ailleurs pourquoi plusieurs écoles organisant les deux types n’hésitent pas à mélanger
ces enfants au sein d’une même classe (8 sur 10 dans notre échantillon). La discrépance
entre le niveau potentiel et les capacités réelles est passée totalement sous silence dans la
plupart des diagnostics au vu des résultats. On ne retrouve des allusions à un potentiel nonconfirmé que justement chez les enfants les plus doués d’un point de vue du test de QI.
5.4 La réintégration en enseignement ordinaire
Les élèves quittent le type 8 à l’âge moyen de 13.33 ans. L’écart-type est de 0.67 an. Il y a
36.6% des élèves de l’échantillon qui ont été maintenus un an, très rarement deux. Les
maintiens de deux ans ne représentent que deux élèves. Les causes de ce maintien sont
évoquées dans un document fait par le PMS suite à une demande de l’école. Ce maintien est
évoqué lors des conseils de classe à la fin de chaque année. Les deux types de raisons portent
sur un passage possible du CEB ou pour un enfant pas encore « prêt » pour un passage en
secondaire spécial de type 1 (immaturité, fragilité, etc.). Ce maintien donne un retard de deux
ans par rapport à la cohorte de naissance.
Lors du passage vers l’enseignement secondaire, les enfants peuvent se diriger vers trois
voies : la 1A, la 1B et l’enseignement spécial de type 1 ou 3 (forme 3). Dans des cas plus
rares, ils peuvent également joindre un autre type, mais en forme 4 en enseignement général.
Dans le cadre de cette étude, l’enseignement spécial secondaire de forme 4 est assimilé à
98
l’enseignement ordinaire car le parcours est le même et il s’agit d’une adaptation de cet
enseignement et non d’un autre curriculum.
Nous avons étudié le parcours des enfants sur trois ans. Nous avons donc trois moments : la
première, deuxième et troisième années secondaires. Pour chacune de ces années, nous avons
observé l’orientation de ces élèves et l’obtention de certificat éventuel (CEB, passage en
professionnel, technique ou général). De plus, nous nous sommes intéressés aux changements
éventuels d’école. Par ailleurs, nous remarquons que les changements d’école touchent
27.63% des cas contactés. Les changements d’écoles sont presque exclusivement le fait
d’élèves fréquentant l’enseignement ordinaire. Le renvoi ainsi que l’échec interviennent dans
ces changements mais nous n’avons pas de chiffres sur le sujet car il était difficile d’en
connaître les causes pour des raisons évidentes de respect de la vie privée.
Résultats complets
1ère année
1B
58,62%
1A
14,56%
T1 f3
22,61%
T3 f3
1,15%
T3 f4 1B
0,39%
T4 f4
0,76%
T7 f4 1B
0,39%
1B --> TI f3
1,15%
1B --> 1A
0,38%
100,00%
Résultats complets
2ème année
1B
0,45%
1A
15,69%
1A comp,
0,45%
2A
9,87%
2P
41,70%
3P
0,90%
T1 f3
28,69%
T3 f3 2e
0,90%
T7 f4 1A
0,45%
T4 f4 2A
0,90%
100,00%
Résultats complets
3ème année
1A comp. 0,91%
2A
12,34%
2A comp. 0,46%
3A
2,28%
T4f4 3A
1,37%
T7f4 2A
0,46%
2P
1,36%
3P
47,03%
4P
0,91%
3TQ
1,82%
T1f3 3e
28,77%
t1f3 4e
0,46%
t3f3 3e
1,37%
Décro.
0,46%
100,00%
5.4.1 La première année
Pour la première année, le taux de réponse a été de 98.87% (n=261). Grâce à plusieurs
sources, il nous a été possible d’atteindre ce taux. En effet, des éléments comme la
modification de l’attestation, la demande de suivi du dossier, les décisions de conseil de classe
de juin 2000 et les annotations autres, aux dossiers, permettent de connaître dans une très
large proportion le parcours directement à la sortie de type 8 de ces enfants. Par contre, lors
de la deuxième année, ces renseignements se révèlent plus difficiles à obtenir. Il nous faut
contacter les parents ou connaître avec précision les écoles d’accueil. C’est ainsi qu’en
deuxième année, le taux de réponse a été de 84.15% (n=223).
Enfin, à cause de
changements d’école non-connus, le taux de réponse passe à 82.64% (n=219) pour la
troisième année.
99
Orientation en première année
70,00%
60,15%
60,00%
50,00%
40,00%
30,00%
23,76%
14,56%
20,00%
10,00%
1,53%
0,00%
1b
1a
ES F4
ES f3
On observe que le taux de réintégration en enseignement ordinaire ou en enseignement spécial
de forme 4 touche 76.24%. Ces chiffres sont inférieurs à ceux trouvé par De Fever (1995) sur
une population flamande (82%). Le pourcentage d’enfants orientés vers le type 1 de forme 3
au secondaire est en effet plus important d’environ 5.7% que celui de De Fever. Ces chiffres
semblent en accord avec l’analyse de Delvaux qui concluait qu’ « au vu des chiffres, il semble
qu’en secondaire, cette catégorie accueille une partie des élèves qui, en primaire, étaient
reconnus comme souffrant de troubles instrumentaux ». La réintégration en enseignement
ordinaire « est nettement plus développée au nord qu’au sud du pays, la Flandre réintégrant
alors dans l’ordinaire le surplus d’élèves ayant fréquenté le primaire spécial » (Delvaux,
2000).
En ce qui concerne l’enseignement spécial de forme 3, il est essentiellement constitué
d’enfants inscrits en enseignement spécial de type 1. Les enfants fréquentant un
enseignement de type 3 et de forme 3 ne sont que 3. Parmi ceux qui fréquentaient un
enseignement de forme 4 en enseignement spécial secondaire, deux étudiants fréquentaient un
type 4, un élève un type 7 et un autre un type 3 de forme 4. Pour les deux années suivantes,
les enfants fréquentant la forme 4 de l’enseignement secondaire spécial seront comptabilisés
comme faisant partie de l’enseignement ordinaire général.
5.4.2 La deuxième année
Pour la deuxième année, nous avons dû tout d’abord procéder à un ajustement de nos
résultats. En effet, nous avons remarqué un meilleur taux de réponse en ce qui concerne les
enfants fréquentant l’enseignement spécial. Ces écoles sont relativement peu nombreuses en
Région bruxelloise, à comparer avec les écoles ordinaires, il a donc été plus facile de
connaître le parcours scolaire de ces enfants. De plus, certaines écoles d’enseignement
spécial de type 1 et 8 de l’échantillon organisent elles-mêmes un enseignement secondaire de
type 1 ou ont des liens et des habitudes avec certaines écoles spéciales de type 1. Cela facilite
l’échange d’informations et les passerelles. Enfin, cette dernière population est relativement
stable. Il y a peu de changements d’école et le parcours est linéaire, sans presque jamais
d’échec. Cette situation fait que l’immense majorité des non-réponses est constituée d’élèves
ayant été orientés vers l’enseignement ordinaire.
100
Orientation en deuxième année
42,60%
45,00%
40,00%
40,00%
37,11%
35,00%
35,00%
30,04%
30,00%
Orientation en deuxième année
(ajustée)
27,36%
30,00%
25,00%
25,00%
20,00%
20,00%
15,00%
15,00%
10,00%
10,00%
5,00%
5,00%
0,00%
26,17%
23,82%
12,89%
0,00%
EOG
EOP
ES f3
EG
EP
ES f3
? EO
Pour arriver à connaître plus justement la proportion véritable, nous avons été amené à
effectuer un ajustement et une répartition des élèves dont on ne connaissait pas l’orientation
après la première année. Pour la deuxième année secondaire, nous avons donc cherché le
nombre de non-réponses pour chacune des orientations possibles. Nous avons compté 27
non-réponses pour la suite d’une 1B et 9 non-réponses pour la suite d’une 1A. Il n’y a que
deux non-réponses pour l’enseignement spécial, une en type 1 et l’autre en type 3. Ces deux
derniers furent considérés comme poursuivant une scolarité linéaire en enseignement spécial.
Ils ont été ajoutés au groupe de ceux allant en enseignement spécial. Ces 38 cas où l’on ne
connaissait pas l’orientation après la première secondaire ont été ajouté au 223 cas dont
l’orientation était connue. Cela nous permet de toujours avoir un échantillon de n=261,
comme en première année. Nous gardons ainsi des statistiques comparables pour les trois
années. Cela permet d’éviter le biais dû à un meilleur taux de réponses des jeunes dirigés vers
l’enseignement spécial secondaire Pour les 36 autres non-réponses d’enfants allant en
enseignement ordinaire, nous avons tout d’abord observé que dans l’ensemble de
l’échantillon, 66% des élèves vont vers une 2P après la 1A. Les autres sont donc considérés
comme allant en 2A. Pour ceux ayant fréquenté la 1B, dans l’ensemble de l’échantillon, ces
élèves allaient dans une proportion de 0.11 % des élèves allaient en 1A, les autres en 2P. Ce
coefficient fut donc appliqué aux non-réponses d’enfants ayant effectué une 1B. Le même
procédé a été utilisé lors de la 3e année pour les 42 non-réponses.
101
Orientation en 2e année (ajustée et répartie)
60,00%
48,27%
50,00%
40,00%
30,00%
26,44%
25,28%
20,00%
10,00%
0,00%
EG
EP
ES f3
Pour la deuxième année, les enfants qui ont effectué une première année d’accueil (1B)
s’orientent massivement vers l’enseignement professionnel. Ceux de 1B se sont massivement
orientés vers la 2P, une plus petite partie vers la 2A et le reste en enseignement spécial. En
effet, on observe certains passages de l’enseignement ordinaire vers l’enseignement spécial.
Dans l’ensemble de l’échantillon, 9 élèves (3.96%) sont retournés en enseignement spécial et
deux l’ont quitté pour être réintégrés en enseignement ordinaire. Le premier a fait une
tentative de réintégration ratée en 2e année pour aller en 1A en enseignement ordinaire après
avoir obtenu son CEB à la fin de la 1B en forme 4. A la troisième année, il est retourné en
type 3 mais de forme 3. Pour l’autre, la réintégration tardive a fonctionné et il poursuit une 2e
générale.
5.4.3 La troisième année
On observe que la tendance vers l’enseignement professionnel s’accentue encore de façon
beaucoup plus nette. Il n’y a plus que 18.36% des élèves qui sont encore en enseignement
secondaire général.
Lorsque l’on additionne la proportion d’enfants fréquentant
l’enseignement professionnel de l’enseignement ordinaire et l’enseignement professionnel de
forme 3 de l’enseignement spécial, on obtient près de 8/10 des élèves. Un tiers de ce dernier
groupe fréquente l’enseignement spécial professionnel de forme 3. De plus, si l’on ajoute les
élèves fréquentant l’enseignement technique de qualification, le pourcentage s’élève à 81,4%
des enfants qui s’orientent vers un enseignement ne permettant pas d’atteindre l’enseignement
supérieur à la fin du cursus normal.
102
Orientation en 3e année (ajustée et répartie)
60,00%
52,34%
50,00%
40,00%
26,95%
30,00%
20,00%
18,36%
10,00%
1,95%
0,39%
0,00%
EOG
EOTQ
EOP
ES f3
Décro
Les 18.4% d’enfants restant en enseignement ordinaire général (EOG) ne sont également pas
certains de rejoindre l’enseignement général ou technique (EOT). En effet, il n’y a que 1/5 de
ce groupe qui est en enseignement secondaire en 3A, c’est-à-dire qui a réussi le passage du
premier cycle. Ainsi sur les 13.25% d’enfants restant en 2A, seul un petit nombre (7)
rejoindra l’an prochain la 3A. Beaucoup passeront, à la fin du tronc commun, en
enseignement professionnel ou technique. Dans une quatrième année, on risque donc de voir
encore augmenter de façon importante la proportion d’enfants s’orientant vers l’enseignement
professionnel. Sur les 22 enfants ayant effectué une deuxième année générale, seuls 7
(31.18%) s’orientent vers l’enseignement général, 8 en professionnel (36.36%), 4 en
technique de qualification (18.18%) et les 3 autres ont doublé la 2A et la recommence ou font
une 2A complémentaire (14.28%). Il y a 29 élèves qui fréquentent l’enseignement ordinaire
2A pour leur troisième année en enseignement secondaire. Ce sont des étudiants qui ont
effectué une 1B avant d’aller en 1A ou qui ont doublés en secondaire. On peut donc
s’attendre à ce que plus du tiers de cette cohorte rejoignent les rangs de l’enseignement
professionnel l’an prochain. En ajoutant la proportion d’étudiants allant vers les techniques
de qualification, encore une fois c’est la moitié du groupe en EOG qui s’oriente vers une voie
plus « professionnalisante » d’année en année. Les quatre étudiants fréquentant un
enseignement spécial de forme 4 et qui sont comptabilisés comme faisant parti du groupe
EOG, n’ont pour leur part connu aucun échec sauf celui qui a tenté une réintégration en
enseignement ordinaire après un 1B en type 3 de forme 4. De plus, ceci constitue, à une très
faible échelle, un exemple de réussite complète pour des enfants issus du type 8. Toutefois,
en regardant ces cas de plus près, nous constatons que ces trois étudiants sont issus d’un
milieu favorisé ce qui peut également, comme nous le verrons plus bas, influencer fortement
l’orientation et le parcours des adolescents.
103
Orientation des élèves pour la Communauté française
100,00% 89,50%
90,00%
80,00%
70,00%
60,00%
50,00%
40,00%
30,00%
20,00%
10,40%
10,00%
0,00%
1A
1B
86,30%
50%
25,50% 24,70%
13,70%
2G
2P
3G
3T
3P
En comparant ces chiffres avec la population en enseignement ordinaire en Communauté
française, on remarque que des étudiants de la même cohorte de naissance, qui ont fait des
études primaires en commençant la même année, présentent un parcours scolaire avec un
contraste impressionnant. En Communauté française, 89.50% des élèves vont directement en
1A pour 14.56% des élèves de notre échantillon. De plus, 60% des élèves de notre
échantillon vont en 1B contre seulement 10% pour l’ensemble de la Communauté française.
Le nombre important d’élèves s’orientant vers l’enseignement spécial lors du passage au
secondaire, bien qu’alarmant, ne nous permet pas de comparer adéquatement le parcours
d’enfants en enseignement ordinaire. Nous avons donc repris uniquement cette population
allant en enseignement ordinaire dans notre échantillon sur les trois années pour une analyse
partielle.
Elèves orientés vers l'enseignement ordinaire (échantillon)
90,00%
80,52%
80,00%
72,04%
70,00%
60,39%
60,00%
50,00%
39,61%
40,00%
30,00%
25,27%
19,48%
20,00%
10,00%
2,68%
0,00%
1A
1B
2G
2P
3G
3T
3P
Les différences entre les deux populations sont importantes. Beaucoup moins d’élèves de
l’échantillon, comparé à l’ensemble des francophones, réussissent le passage direct en 1A
malgré les années supplémentaires passées en primaire. Le passage de la 1B vers la 1A
104
semble beaucoup plus difficile pour ces élèves, de même que le respect du tronc commun
théorique en secondaire inférieur. C’est la filière professionnelle qui est très tôt et
massivement choisie par les élèves du type 8. En plus, il faut tenir compte du fait qu’environ
50% de cette population a un retard en Communauté française alors que cela touche la quasitotalité de notre échantillon en 3e année.
5.4.4 Orientation et sous-échantillons
5.4.4.1
Orientation et CEB
Il y a 49.36% des enfants qui ont obtenu leur CEB avant juin 2002. De ce nombre, 18.3% des
élèves de l’échantillon l’ont obtenu en quittant l’école de type 8 (juin 2000), 24.68% au terme
de la 1B et 6.38% au terme d’une 2P (certificat équivalent au CEB). Nous avons ensuite
regardé le parcours d’enfants qui sont sortis de l’enseignement spécial de type 8 avec le CEB
en poche. Ces 44 élèves avaient atteint officiellement ce niveau de fin de 6e. Pourtant, huit
de ces élèves sont d’abord allés en 1B. Les écoles ne sont pas obligées d’inscrire un élève
issu de l’enseignement spécial en 1A, même avec le CEB. Un effet du stigmate de
l’enseignement spécial est supposé dans ce cas. En deuxième année, sur les 33 élèves dont
nous avions les données, 19 ont poursuivi le tronc commun. Un élève a profité de la première
année complémentaire. Sept élèves qui avaient effectué une 1A se sont orientés directement
vers la 2P (27.58%). Deux élèves de 1B sont passés en 1A et les 4 autres en 2P. Un élève né
en 86 a fait un saut d’un an et a rejoint directement la 3e professionnelle. Pour ceux qui ont
terminé ce tronc commun 1A et 2A (n=19), seulement 26.32% continueront en 3A. Plus de
1/5 refont la deuxième, 15.79% vont en technique de qualification et 36.84% vont en
professionnel 3P.
Enfin, en 3e année (n=30), il n’y a que 1/6 des élèves, qui avaient le CEB au sortir du type 8,
qui continuent en enseignement général.
Les quatre étudiants qui s’orientent en
enseignement technique ont tous eu le CEB. De ceux qui ont terminé une 2A, trois élèves
font la complémentaire tandis que les autres (n=6) vont en enseignement professionnel.
Enfin, un seul élève qui a débuté en 1B arrive en 2A. Le passage normal 1A-2A-3A est très
rare et semble difficile pour ces élèves. Seuls cinq enfants sur les 44 du départ l’ont réussi.
La diminution d’élèves en enseignement général commence dès le passage du primaire et se
poursuit d’année en année.
105
Orientation avec CEB
90,00% 81,81%
80,00%
70,00%
57,57%
60,00%
56,67%
50,00%
40,00%
33,33%
30,00%
18,18%
20,00%
16,67%
13,33%
10%
3,33%
3,03%6,06%
10,00%
0,00%
1A
1B
2A
1Ac
1A
2P
3A
2A
3Tq 2Ac
3P
On voit que comparés à une population d’élèves dite « normale » en Communauté française,
les élèves de l’enseignement spécial de type 8 avec CEB, ont moins de chances d’aller
directement en 1A. De plus, leur orientation vers l’enseignement professionnel est beaucoup
plus rapide et massive. En 3e année secondaire, 30% des étudiants seulement restent en
enseignement général contre 50% dans la population générale. A diplôme égal, ces enfants
feront donc un parcours scolaire différent de ceux de la population générale. Faire les deux
années du premier cycle en 3 ans au lieu de 2 ans touche près de la moitié des élèves encore
en général. Cela signifie qu’à niveau scolaire égal, les élèves ayant fréquenté le type 8
effectuent malgré un parcours de moindre qualité.
5.4.4.2
Maintien et orientation
Par la suite, nous avons tenté d’examiner l’effet du maintien dans le parcours scolaire. Les
maintiens sont généralement justifiés par deux raisons : l’enfant peut atteindre un niveau qui
lui permet une meilleure réintégration (ex. CEB) ou l’enfant n’est pas prêt, manque de
maturité, pour aller en enseignement secondaire spécial de type 1. Il y a 72.91% enfants qui
ont été maintenus pour aller ensuite en ordinaire et 27.09 % pour aller en spécial. Le
maintien, parce qu’il augmente le retard en terme d’âge avec la cohorte d’origine, peut
engendrer un « effet enseignement spécial » à cause de l’âge avancé de ces élèves par rapport
à ceux de leur nouvelle classe.
106
Orientation en 1ere et 3e avec maintien
60,00%
56,25%
54,16%
40,00%
27,08%
18,75%
27,08%
16,66%
20,00%
0,00%
1b
1a
s1
EOG
EP
ES3
Orientation en 1ere et 3e sans maintien
80,00%
63,41%
48,70%
60,00%
40,00%
23,78%
22,72%
s1
EOG
12,80%
20,00%
28,57%
0,00%
1b
1a
EP
ES3
En utilisant le maintien pour caractériser l’échantillon, on remarque qu’il y a une plus grande
proportion d’enfants maintenus (27.08% contre 23.78% de non-maintenus) qui ont ensuite été
en enseignement spécial. Par contre, l’obtention du CEB comme objectif semble fonctionner
car un plus grand nombre d’enfants maintenus profitent de cette année supplémentaire pour
passer le CEB qui leur fait regagner une année en secondaire, car ils passent généralement en
1A. Les proportions en enseignement spécial se rejoignent en troisième année. En troisième
année d’ailleurs, les élèves non-maintenus présentent un meilleur parcours en enseignement
ordinaire que les enfants maintenus alors que c’était l’inverse en 1ère année. Un seul maintenu
de l’échantillon a regagné l’enseignement spécial après une réintégration en ordinaire. Par
contre, 9/10 des retours en enseignement spécial après un essai de réintégration en
enseignement ordinaire concernent des élèves non-maintenus, dont deux qui ont quitté à 12
ans au lieu de 13. Seulement 26 élèves, ceux nés en 1998, ont quitté à l’âge normal pour
l’école primaire ordinaire sans retard (12 ans), ce qui représente 9.81% des sortants de cette
année et 37.76% d’enfants maintenus une année ou plus (un seul a été maintenu deux ans).
Le maintien semble donc avoir un effet surtout lors de la réintégration mais semble plomber
les parcours d’élèves par la suite.
5.4.4.3
Orientation et nationalités
Nous nous sommes intéressés ensuite aux possibles effets de l’origine des élèves sur la
réintégration et le parcours scolaire des enfants. Nous avons divisé notre échantillon en trois
groupes : les enfants de parents de nationalité (ou d’origine) belge, ceux de nationalité (ou
d’origine) marocaine et ceux d’une autre nationalité (ou origine). Nous avons utilisé cette
façon de procéder en ce qui concerne les parents à cause de la nature des documents retrouvés
dans les dossiers. Dans ces derniers, la photocopie de la carte d’identité des parents et leur
nationalité sont généralement inscrites. La nationalité de l’enfant ne nous renseigne pas
107
toujours sur son origine ethnique et faussait les proportions comme nous l’avons vu plus haut.
Le choix de cet indicateur permet de connaître avec précision la nationalité ou le lieu de
naissance des parents, qu’ils aient changé ou non. Toutefois, il ne nous est pas possible de
connaître le temps passé en Belgique pour ses parents (génération) et garder une classification
comparable à celle de PISA par exemple. De par la nature des renseignements demandés, ces
derniers nous semblaient intrusifs pour certaines catégories sociales. Les 26 couples mixtes
(belge marié(e) à une étranger(e)) ont été mis de côté.
Orientation en 1ère et 3e des enfants de parents de
nationalité belge
70,00%
60,34%
60,00%
49,11%
50,00%
40,00%
30,00%
22,41%
24,11%
ES1
EOGT
26,78%
17,24%
20,00%
10,00%
0,00%
1B
EG 1A
EOP
ES F3
Orientation en 1ère et 3e des enfants de parents de
nationalité marocaine
70,00%
65,08%
57,09%
60,00%
50,00%
40,00%
30,00%
20,00%
22,22%
19,67%
ES 1
EOGT
25%
12,70%
10,00%
0,00%
1B
1A
EOP
ES F3
108
Orientation en 1ere et 3e des enfants de parents de
nationalités autres
60,00%
55,00%
54,10%
50,00%
40,00%
31,66%
24,60%
30,00%
19,67%
20,00%
13,33%
10,00%
1,63%
0,00%
1B
1A
ES 1
EOGT
EOP
ES F3
Décro
En ce qui concerne la réintégration en enseignement ordinaire, elle touche 77.58% des enfants
d’origine belge et 77.78% des élèves d’origine marocaine. Il n’y a pas de différences entre la
population d’origine belge et marocaine sur l’orientation en enseignement spécial. Toutefois,
on remarque que les enfants belges vont plus en 1A que ceux d’origine marocaine (+5%). En
ce qui concerne les enfants d’autres nationalités, 68.33% des élèves seulement rejoignent
l’enseignement ordinaire. Le recours à l’enseignement spécial de type 1 semble donc
beaucoup plus fréquent pour cette dernière catégorie d’élèves.
Nous avons choisi d’effectuer le test du Chi carré (X²) pour mesurer l’homogénéité des
différents sous-échantillon entre eux. Ce test était possible car notre échantillon s’élevait à
plus de n=30, tous les effectifs étaient supérieurs à 0 et que 80% des effectifs théoriques sont
supérieurs ou égal à 5. Le test de X² montre qu’avec les données de la première année, nous
pouvons, pour l’ensemble de la population et entre chaque échantillon, mettre en évidence une
hétérogénéité importante entre les groupes selon l’orientation, bien que la p-valeur se situe audessus du niveau de prise de décision (5%). En effet, la p-valeur est égale à 0.0586 et est
donc supérieure au niveau de décision 0.05. Cela nous amène à rejeter, pour l’instant,
l’hypothèse statistique nulle d’un possible effet de l’origine sur l’orientation des élèves.
Tableaux des effectifs observés et attendus en 1ère selon l’hypothèse d’homogénéité des
échantillons
Effectifs observés (1ère)
Effectifs théoriques attendus (1ère)
1A
1B
ES
total
Belgique Maroc Autres total
20
8
8
36
70
41
33
144
26
14
19
59
116
63
60
239
1A
1B
ES
total
Belgique Maroc Autres total
17,47 9,49 9,04 36
69,89 37,96 36,15 144
28,64 15,55 14,81 59
116
63
60
239
En troisième année, les mêmes tendances sont remarquées, mais de façon beaucoup
nettes. Les jeunes de parents de nationalité belge (24.11%) ont une orientation allant
vers l’enseignement général, au détriment de l’enseignement professionnel (49.11%).
deux autres groupes ont le même niveau en enseignement général (19.67%) et spécial.
plus
plus
Les
Les
109
deux profils d’enfants d’origine étrangère (marocain et autres) sont très similaires en
troisième année alors qu’ils semblaient présenter des différences, non-significatives, en
première année secondaire. Ce phénomène peut s’expliquer en grande partie par le fait
qu’une plus grande proportion des parents de nationalité belge occupe une position socioéconomique plus favorisée, l’inverse étant également vrai. Pour ce qui a trait à
l’enseignement spécial de type 1 (forme 3), les chiffres entre les trois populations
s’équilibrent à partir de la troisième, beaucoup d’enfants de parents belges effectuant un
retour en enseignement spécial. Les enfants de parents de nationalité belge sont les plus
nombreux à effectuer un retour dans l’enseignement spécial pour 70% des retours (20% pour
les enfants de parents marocains et 10% pour ceux d’autres nationalités) et les plus nombreux
en enseignement ordinaire général.
En ce qui concerne l’hypothèse d’homogénéité des groupes pour la troisième année au test X²,
on remarque que l’orientation diffère selon l’origine des parents. Pour l’ensemble de la
population, la p-valeur est de 0.0412. Prise au niveau de décision 5%, on rejette l’hypothèse
nulle, mais pas à 0.01. Cela signifie que les trois sous-échantillons ne sont pas homogène de
par leur orientation. De même, entre les Belges et les Marocains, on doit rejeter l’hypothèse
nulle. Il existe des différences entre le parcours scolaire des élèves des deux échantillons.
Cela diffère de la situation en 1ère année secondaire.
Tableaux des effectifs observés et attendus en 3e selon l’hypothèse d’homogénéité des
échantillons
Effectifs observés (3e)
Effectifs théoriques attendus (3e)
EO
EP
ES
total
Belgique Maroc Autres total
20
11
5
36
41
30
19
90
29
14
26
69
90
55
50
195
5.4.4.4
EOG
EOP
ES
total
Belgique Maroc Autres total
16,61 10,15 9,23 36
41,53 25,38 23,08 90
31,84 19,46 17,64 69
90
55
50
195
Orientation et langue maternelle
La nationalité peut ne représenter qu’imparfaitement la situation véritable. D’autres
indicateurs comme la langue maternelle, permettent de relativiser ces résultats. On remarque
que les élèves de langue maternelle française sont ceux qui ont le parcours collant le plus à la
moyenne de l’ensemble de l’échantillon. Les proportions sont très proches en première
comme en troisième année.
110
Orientation selon la langue maternelle française
70,00%
62,40%
60,00%
52,80%
50,00%
40,00%
30,00%
26,40%
22,40%
19%
15,20%
20,00%
10,00%
1,60%
0,00%
1B
1A
ES
EG
ET
EP
ES
Par contre, pour les élèves ayant une langue maternelle autre que le français, on remarque une
plus grande réintégration en 1A et a contrario, une plus grande orientation vers
l’enseignement spécial comparé à la moyenne de l’échantillon. Il y a une polarisation des
résultats. En troisième année, les différences disparaissent toutefois.
Orientation selon une langue maternelle autre que le
français
60,00%
55,65%
50,00%
50,00%
40,00%
29,03%
27,42%
30,00%
18,55%
16,94%
20,00%
10,00%
1,61%
0,80%
0,00%
1B
1A
5.4.4.5
ES
EG
ET
EP
ES
D
Orientation et primo-arrivants
La langue maternelle ne semble pas être révélatrice de différences pour des élèves dans un
milieu francophone comme c’est le cas des immigrés de longue date en Belgique. Par contre,
pour les primo-arrivants qui n‘ont été que récemment mis en contact avec le français, on
observe des différences beaucoup plus importantes. Il y a 20 élèves qui ont été classés
comme primo-arrivants. Cet état a influencé le diagnostic car il se retrouve dans les
conclusions. On remarque que le maintien touche beaucoup plus ces jeunes. En effet,
44.44% de ces derniers sont maintenus. Plus de 95% sont de niveau socioprofessionnel D
(66.6%) ou C (30%).
111
Orientation des primo-arrivants en 1ère et 3e
60%
50%
44,44%
50%
40%
33,33%
33,33%
30%
17,66%
20%
16,66%
5,55%
10%
0%
1b
1a
s1
EG
ET
EP
ES
Les primo-arrivants s’orientent beaucoup plus vers l’enseignement spécial ou professionnel.
Là encore, on assiste à une polarisation des résultats. En ce qui concerne l’enseignement
ordinaire, l’orientation en 1A est très semblable, les primo-arrivants obtenant même un très
léger avantage en ce qui touche la proportion d’enfants en 1A (17.66% contre 14.56%). Ce
sont les 1B (environ 10%) qui sont moins nombreux. Ce 10% d’élèves semblent se déplacer
vers l’enseignement spécial de type 1.
Les élèves qui ont été placés en enseignement spécial, parce qu’ils sont primo-arrivants,
n’ont pas pu bénéficier d’une scolarité adaptée à leur problématique. Il semblerait donc que
l’enseignement spécial doive jouer ce rôle également dans le chef de certains centres PMS qui
orientent les élèves. Le manque de classes adaptées en enseignement ordinaire pour ces
élèves est également important. Dans beaucoup d’écoles bruxelloises, rien n’est offert à ces
élèves qui doivent apprendre le français « sur le tas ». De plus, dans l’immense majorité des
cas (16 sur 20), ces élèves étaient sous-scolarisés. Ils avaient arrêté leur scolarité depuis plus
d’un an. Dans les définitions de références, il s’agit d’éléments d’exclusion pour l’orientation
d’un élève vers le type 8. Il serait utile de s’interroger sur la pertinence de placer ces élèves
en enseignement spécial pour les aider à rattraper le niveau. Il semble que ce recours à
l’enseignement spécial capte ces élèves et les laisse réintégrer dans une moindre mesure. Le
meilleur score de ces enfants dans l’orientation vers la 1A semble également confirmer la
thèse du « handicap culturel » pour ces enfants.
On remarque dans un premier temps, que bien qu’il y ait une sur-représentation de certains
groupes ethniques, les élèves d’origine belge et ceux d’origine marocaine ont un
comportement scolaire assez similaire. Les différences touchent plus les élèves d’autres
nationalités, surtout les primo-arrivants. Pour les élèves d’autres nationalités, le recours à
l’enseignement spécial de type 1 est beaucoup plus fréquent. Ce phénomène pose question à
de nombreux égards. Premièrement, au vu des chiffres des autres communautés ethniques, le
nombres d’enfants en enseignement spécial permet d’avancer l’hypothèse que le handicap
culturel conduit ces élèves vers un enseignement destiné à des enfants ayant un handicap
intellectuel (types 1 ou 2). Ensuite, cet état de fait met en question la validité des tests
effectués pour orienter ces enfants vers ce type d’enseignement spécial. Des différences
culturelles peuvent expliquer des scores faibles surtout au niveau verbal. Troisièmement, ce
passage peut s’expliquer par un manque d’alternative possible. Ces élèves ne possèdent pas le
niveau pour réintégrer l’enseignement ordinaire, la seule possibilité est de les placer dans
112
cette structure. Enfin, ce nombre important d’orientation vers l’enseignement spécial chez les
primo-arrivants (33%) démontrent une certaine forme d’échec du système scolaire, en
général, à intégrer ces enfants à part entière.
5.4.4.6
Orientation et niveau socioprofessionnel
Il semblerait donc qu’à part un « effet primo-arrivant », il n’y ait pas véritablement de
différence dans l’orientation des populations nées en Belgique. En prenant l’occupation des
parents comme repère socioprofessionnel, on observe que l’orientation se distribue de façons
différentes. Pour rappel, le niveau A correspond aux professions libérales, gérants, directeurs,
le niveau B aux employés, le niveau C aux ouvriers et le niveau D aux sans-emplois. Les
enfants avec les parents de niveau A vont plus en 1A et en enseignement spécial. Seuls
64.71% des élèves vont en enseignement secondaire ordinaire. On remarque une présence
« anormale » d’enfants issus de milieu favorisé (A) qui vont en enseignement secondaire
spécialisé. Il se pourrait que les parents de ces enfants, qui devraient normalement aller en
enseignement de type 1, préfèrent placer leur enfant en enseignement de type 8. Une
hypothèse est que les parents d’enfant suspecté d’un retard intellectuel désirent un type
d’enseignement qui développera au maximum les potentialités de son enfant. Le type 1 ne
leur semble pas permettre cette émulation. De plus, l’enseignement de type 8, suit un
programme similaire à celui de l’ordinaire et a des possibilités de réintégration. Il y a donc
une possibilité de « forcer le destin », surtout si une aide supplémentaire et des stimulations
sont apportées à l’extérieur de l’école. Par ailleurs, le stigmate paraît moins important car les
capacités intellectuelles sont supposées intactes chez les enfants fréquentant ce type
d’enseignement. Les parents peuvent ainsi accepter plus facilement un placement en
enseignement spécial. Dans tous les cas, cette utilisation de l’enseignement spécial de type 8
par les parents les plus aisés augmente le nombre d’enfants allant en enseignement spécial
secondaire. Cela nous permet d’observer à la sortie un phénomène qui était caché à l’entrée.
Nous avons tenté de vérifier ce point de manière statistique mais le manque de données et le
trop faible échantillon ne nous permet pas de confirmer cette hypothèse d’utilisation par les
classes favorisées du type 8.
Orientation en 1ère selon le niveau
socio-économique A
45,00%
Orientation en 1ère selon le niveau
socio-économique B
90,00%
41,18%
40,00%
80,00%
32,24%
35,00%
30,00%
76,87%
70,00%
60,00%
23,53%
25,00%
50,00%
20,00%
40,00%
15,00%
30,00%
10,00%
20,00%
5,00%
10,00%
0,00%
15,67%
7,46%
0,00%
1b
1a
s1 f3
1B
1A
SI f3
113
Orientation en 1ère selon le niveau
socio-économique C
70,00%
Orientation en 1ère selon le niveau
socio-économique D
70,00%
59,52%
60,00%
60,00%
50,00%
50,00%
40,00%
40,00%
57,73%
29,90%
30,00%
22,62%
17,86%
20,00%
30,00%
20,00%
10,00%
12,37%
10,00%
0,00%
0,00%
1b
1a
s1
1b
1a
s1
La catégorie la plus performante, sur le plan scolaire, est celle qui regroupe les enfants de
parents de niveau socio-économique B (employé, enseignant, etc.). On observe en effet que
la proportion d’enfants en enseignement spécial augmente avec la défavorisation à partir du
niveau B. En catégorie B, l’orientation en enseignement ordinaire concerne 92.54% des
adolescents. Le recours à l’enseignement spécial de type 1 (forme 3) est particulièrement bas,
comparé aux autres niveaux socio-économiques. Au niveau C, le niveau d’élèves en
enseignement ordinaire s’élève à 77.38% et en D à 71%. Les chances de réintégration
semblent donc dépendre du niveau socioéconomique des parents. La population des enfants
d’employés (B) est celle qui profite le plus du type 8 en prenant en compte l’orientation.
Toutefois, les intérêts des parents d’élèves aux capacités faibles de niveau A peuvent les
amener à considérer d’autres indicateurs que la réussite et l’orientation comme facteur
d’évaluation. Pour ces derniers, la progression de leur enfant semble être déterminante plutôt
qu’un parcours ordinaire.
En troisième année, la situation a changé très sensiblement et les différences entre les niveaux
se sont encore plus marquées. La tendance du recours à l’enseignement spécial de forme 3
pour les extrêmes se confirment même si les raisons de cette orientation peuvent être
différentes. L’effet du milieu sur le développement des capacités intellectuelles semble
présent, tout comme un échec de cet enseignement adapté et personnalisé à réduire ces
inégalités sociales à l’orientation.
Orientation en 3e selon le niveau
socio-économique A
45,00%
40,00%
35,00%
30,00%
25,00%
20,00%
15,00%
10,00%
5,00%
0,00%
41,18%
35,29%
Orientation en 3e selon le niveau
socio-économique B
50,00%
42,86%
40,00%
40,00%
23,53%
30,00%
17,14%
20,00%
10,00%
0%
0,00%
0,00%
EG
ET
EP
ES f3
EG
ET
EP
ES f3
114
Orientation en 3e selon le niveau socioéconomique C
65,49%
70,00%
Orientation en 3e selon le niveau
socio-économique D
60,00%
60,00%
52,04%
50,00%
50,00%
40,00%
31,63%
40,00%
30,00%
30,00%
20,00%
21,42%
20,00%
11,90%
10,00%
14,29%
10,00%
1,19%
0,00%
2,04%
0,00%
EG
ET
EP
ES f3
EG
ET
EP
ES f3
Très peu d’enfants des niveaux C et D, entre 10 et 15%, peuvent espérer être encore en
enseignement général après trois années en secondaire. Ces catégories s’orientent
massivement (90%) vers l’enseignement professionnel (ordinaire ou spécial) ou technique de
qualification. Le niveau B est encore celui qui présente le meilleur tableau, 41.38% des
jeunes de cette catégorie continuent en enseignement ordinaire général (EOG). Pour le niveau
A, le pourcentage est assez proche à 35.28%. De plus, 40% des élèves de l’échantillon, dont
les parents ont fait au moins des études secondaires supérieures et occupent les niveaux A ou
B continuent en enseignement général. Il faut rappeler que ces deux catégories ne
représentent que 23.1% des élèves de notre échantillon. Enfin, 41.6% des enfants qui sont
encore en enseignement général après 3 ans appartiennent à ce groupe. On remarque
également qu’après 3 ans, ce sont les élèves de la catégorie socioprofessionnelle B qui
présente le parcours scolaire s’approchant le plus des statistiques de la Communauté
française.
Pour tenter de démontrer l’hétérogénéité de la catégorie socioprofessionnelle B par rapport
aux autres sous-échantillons socioprofessionnels, nous avons comparé les fréquences
observées dans les différents sous-échantillons d’élèves classés selon l’orientation. En
première année, les données ne nous permettent pas de valider l’hypothèse nulle, on ne peut
donc conclure à des différences entre les groupes en prenant l’ensemble de l’échantillon.
(p=0.1665). En 3e année, la valeur d’homogénéité est de 0.0066 pour l’ensemble de
l’échantillon. Ceci signifie que des différences apparaissent selon le niveau socioéconomique à un niveau 5% et 1%. De plus, on remarque que les catégories A et B semblent
bien être hétérogènes statistiquement des catégories C et D. Ces deux groupes ont des
parcours scolaires qui se différencient de façon significative.
On remarque enfin qu’à partir de la catégorie B, les orientations en enseignement ordinaire
diminuent, surtout en général, et que le placement en enseignement spécial augmente.
L’enseignement professionnel suit la même tendance générale. Il n’y a que la proportion
élevée d’enfants de catégorie A en enseignement spécial qui empêche de dessiner une
tendance claire allant de A vers D. Le niveau socio-économique semble le plus révélateur
pour différencier des comportements scolaires d’élèves. Le parcours scolaire change
fondamentalement selon les classes socioprofessionnelles.
115
5.4.4.7
Orientation selon le genre
Nous avons tenté de voir si les élèves se comportaient de manière similaire selon le genre. On
a vu plus haut que le placement touche beaucoup moins les filles que les garçons. Des effets
similaires sont dès lors soupçonnés d’apparaître également lors de l’orientation. Pour la
première année, on ne remarque pas de véritable différence entre les filles et l’ensemble de
l’échantillon. On remarque surtout que les filles sont plus nombreuses à aller en
enseignement spécial. Cette première année, les garçons semblent avoir un léger avantage sur
les filles.
Orientation des filles en 1ère et 3e
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
59%
43,53%
27,59%
27,06%
ES f3
EOG
29,41%
13,79%
1B
1A
EOP
ES
Orientation des garçons en 1ère et 3e
70%
61%
54,42%
60%
50%
40%
29,25%
23,98%
30%
14,62%
20%
11,97%
10%
1,36%
0%
1B
1A
ES f3
EOG
EOP
ES
EOT
Par contre, en ce qui concerne la troisième année, des différences notables sont observées. Le
nombre de filles restant en enseignement général est beaucoup plus important (27.06% contre
18.36% pour l’ensemble de l’échantillon). L’orientation de meilleure qualité des filles ne
semble pas faire de doute. Les garçons rattrapent également les filles en ce qui concerne les
chiffres de l’enseignement spécial (27%). L’enseignement professionnel compte 10% moins
de filles et l’enseignement général en compte quant à lui 15% de plus. Comme en ce qui
concerne l’effet du niveau socioprofessionnel des parents, c’est après la sortie que les
116
différences se marquent. Au test de X², on remarque en première année une p-valeur au test
d’homogénéité X² de p=0.80 et de p=0.11 en troisième. Les deux parcours se différencient
avec le temps.
5.4.4.8
Le retard en secondaire
Le retard à l’entrée en enseignement secondaire pour ce groupe est de 2.62 années par rapport
aux enfants nés la même année. Pour ce faire, nous avons calculé l’année de la cohorte de
naissance et vérifié le retard avec notre échantillon. La 1B était classée une « 0 » secondaire,
1A comme une 1ère, tout comme la première secondaire de l’enseignement spécial. Le retard
passe à 1.42 en deuxième année et à 1.41 années en moyenne pour l’ensemble de la cohorte
en troisième année. Il semblerait donc que le passage direct de la 1B ou 1A vers la filière
professionnelle permet de rattraper, une seule fois, une partie du retard des élèves de notre
échantillon d’avec leur cohorte d’origine. Le retard se réduit donc après le passage en
ordinaire par le recours massif à l’enseignement professionnel. De plus, avec la limite d’âge,
il arrive que des élèves « sautent » de classe, ceux-ci reprennent ainsi deux ans sur leur retard
effectif en terme de niveau scolaire.
Les échecs en terme de redoublement d’années en secondaire sont extrêmement rares dans
l’ensemble de l’échantillon. Certains enfants ont ainsi fait une 1A ou 2A complémentaire ou
ont recommencé leur année.
Cependant, lorsque l’on analyse le passage vers
l’embranchement professionnel, on constate que beaucoup de passages d’années entre
l’enseignement général et professionnel ont un échec comme base. En effet, les étudiants
n’ayant pas réussi le CEB à la fin de la 1B vont directement en 2P. Il en va de même avec un
élève porteur du CEB qui ne s’oriente pas toujours en 1A et qui termine en enseignement
professionnel dans une majorité des cas (67.69%).
En Communauté française, le taux de retard à 13 ans est de 32%, de 47.5% à 14 ans et de 56%
à 15 ans. Pour notre échantillon, ce retard touche tous ceux nés en 87 ou avant. Les enfants
nés en 1988, (6 ans de primaire) sont sortis sans retard du type 8. Sur les 22 élèves nés en 88
et dont on connaît l’orientation sur les trois années, on observe que 16 (72.72%) sont « à
l’heure » en 3e année. Ces élèves ont fait l’enseignement spécial ou ont suivi la voie
professionnelle ; aucun en général. Pour l’âge de référence de la 3e (15 ans), le taux de jeunes
s’écartant du parcours « normal » est de 56%. Par contre, pour les élèves nés en 87 ou avant,
ce taux est de 99.54%. Un seul élève né en 87 a rattrapé son retard en sautant une classe en
enseignement secondaire spécial de type 1.
5.4.4.9
Temps passé en type 8 et orientation
Une supposition que nous avions en commençant le travail était le lien possible entre le temps
passé en enseignement spécial et l’orientation future des élèves. Nous pensions que plus le
temps passé en enseignement spécial était long, plus l’orientation s’éloignait des filières
générales. Nous avons tout d’abord observé l’effet de temps passé en enseignement spécial
de type 8 sur une orientation secondaire en enseignement spécial. Nous observons clairement
que plus le temps passé en enseignement spécial est important, plus les élèves sont orientés en
enseignement spécial. Cela touche environ le tiers de ceux ayant passé 6 années et plus dans
ce type d’enseignement.
117
Temps passé et orientation en enseignement spécial
40,00%
35,00%
30,00%
25,00%
20,00%
15,00%
10,00%
5,00%
0,00%
1
2
3
4
5
6
7
118
6. Discussion
Notre travail, basé sur une enquête longitudinale, avait comme objectif d’analyser les résultats
de l’enseignement spécial de type 8 en considérant l’entrée et la sortie de ce système
d’enseignement. Nous avons émis en ce sens les hypothèses suivantes : « La population
fréquentant l’enseignement primaire spécial de type 8 constitue une catégorie hétérogène
d’élèves, n’ayant pas uniquement et exclusivement des troubles d’apprentissage » et « La
finalité de l’enseignement primaire spécial de type 8, qui prévoit la réintégration en
enseignement ordinaire de ces élèves, n’est pas réalisée ».
Bien que les troubles d’apprentissage constituent la catégorie qui accueille le plus d’enfants
en enseignement spécial, ils sont, dans le même temps, les moins bien connus. Adelman
(1992) conclut à ce propos : « Comme concept, les troubles d’apprentissage sont demeurés
nébuleux, comme catégorie, ils sont demeurés polymorphes ». La réalité des troubles chez
tous les enfants et la précision très relative des diagnostics s’inscrit dans le dilemme de fond
de l’enseignement spécial entre les besoins (catégorie de services) d’une part et l’admissibilité
à ces services (catégorie d’enfants) d’autre part. Nos résultats montrent qu’il y a des
différences importantes entre les pratiques du terrain et ce qui est prescrit. Ces différences
touchent tant les dispositions légales obligatoires concernant l’établissement du protocole
d’admission que les exclusions prévues. On peut affirmer, sans trop de risque de se tromper,
que cette catégorie d’élèves ne regroupent pas des enfants atteints uniquement et
exclusivement de troubles d’apprentissage. Ainsi, le gouvernement ontarien reconnaît
ouvertement que « Plusieurs élèves avec ces conditions sont ainsi inclus dans la catégorie des
troubles d'apprentissage pour pouvoir avoir droit aux services d'éducation à l'enfance en
difficulté ». Il semble par conséquent utopique de penser pouvoir définir une catégorie
d’enfants souffrant de troubles d’apprentissage de manière claire et valide. En effet, il
n’existe pas à ce jour de système d’enseignement spécialisé par les élèves atteints de troubles
d’apprentissage qui peut se targuer d’effectuer un diagnostic totalement efficace et neutre.
Notre étude démontre en outre que cette organisation en catégorie d’élèves recevant des
services spécialisés, dans une structure séparée, pose de sérieuses questions tant sur le plan du
placement que de la finalité de réintégration de ce système.
Toutefois, ces éléments ne permettent pas de connaître avec certitude la proportion d’élèves
qui correspond bien à la catégorie des élèves ayant des troubles d’apprentissage telle que
définie. Le manque d’informations valables, bien que nous permettant de douter de la valeur
intrinsèque des diagnostics, quand ceux-ci sont posés de manière explicite, ne nous permettent
pas de l’affirmer. Bien que nous puissions conclure avec certitude que ce phénomène existe,
nous ne pouvons, à cause du manque de données fiables, comparables et occurrentes,
l’estimer de façon correcte. Cette situation est très similaire à celle retrouvée en Flandre et
ailleurs. Pour Lyon (2002) : « Les effets de ces pratiques sur la recherche et sur la
compréhension des troubles d’apprentissage ont été dévastateurs et insidieux. La plupart des
recherches sur les enfants avec des troubles d’apprentissage ont été faites avec des groupes
hétérogènes sans attention sur le comment et le pourquoi du diagnostic appliqué. Les
différences observées à partir d’un même échantillon ou d’échantillons différents sont
importants qu’elles rendent l’interprétation de résultats difficiles ». Cela nous permet de
justifier toutefois une révision complète du placement de ces élèves et de leur suivi
thérapeutique. Un protocole plus fouillé et véritablement pluridisciplinaire remplirait mieux
son rôle de référence pour le traitement. Des invariables obligatoires devraient apparaître
dans tous les protocoles.
Pour notre part, une méthodologie utilisant des techniques
d’analyse de contenu des dossiers et protocoles plus systématiques auraient permis une
119
analyse plus détaillée des manquements et omissions d’une part et d’élargir le champ de
l’analyse d’autre part.
En ce qui concerne la deuxième hypothèse touchant la finalité de cet enseignement, on
remarque trois filières principales : l’enseignement spécial de forme 3, l’enseignement
ordinaire professionnel et dans une moindre mesure, l’enseignement général. L’orientation
enseignement spécial secondaire qui intervient pour environ un quart des élèves a lieu presque
exclusivement lors du passage du primaire vers le secondaire. L’orientation vers la 1B est
très massive. Les seuls chiffres comparables à notre situation sont ceux de De Fever (1996).
En Flandre, le passage en enseignement secondaire spécial ne touche que 18% des sortants
du type 8. Il y a 20% des élèves qui vont en 1A en Flandre contre moins de 15% dans notre
échantillon. Enfin, 62% des Flamands ayant fréquenté le type 8 vont en 1B contre 60% à
Bruxelles.
Notre observation sur trois années a permis de remarquer que la réintégration en
enseignement secondaire ordinaire connaît différentes vagues d’orientations successives vers
l’enseignement professionnel. Ces orientations sont liées à l’échec (non-obtention du CEB à
la fin de la 1B) dans la grande majorité des cas. En comparant avec les statistiques de la
population scolaire de la Communauté française, on observe que les élèves de l’échantillon
ont un comportement très différent sur le plan du parcours scolaire. On remarque que le
nombre d’enfants restants en enseignement général est très faible et que ceux ayant réussi un
parcours scolaire « normal » sans échec sont extrêmement rares. Il semblerait que l’âge et le
passage en type 8 ne donnent pas de « droit à l’échec » à ces élèves. Par exemple, le maintien
semble être positif quant à l’orientation dans un premier temps ; plus d’élèves vont en 1A que
ceux qui n’ont pas été maintenu. Toutefois, ce maintien semble avoir un effet négatif par
rapport à une population non-maintenue sur trois années. De même, le fait d’avoir le CEB ne
garantit pas un passage direct en enseignement ordinaire (1A). Il y a un poids du passé
scolaire de l’enfant dans cette décision. Bien entendu, l’enquête statistique devrait être
complétée par l’observation et l’analyse de parcours individuels à l’aide d’autres outils, tant
les facteurs à prendre en considération sont multiples et conduisent à des situations toujours
singulières et complexes.
Globalement, nous pouvons affirmer qu’en ce qui concerne la vérification de cette deuxième
hypothèse, le nombre important d’étudiants allant vers l’enseignement spécial de type 1
révèlent une part d’échec (25%) dans l’atteinte de la finalité. Toutefois cet échec doit être
relativisé. Si les élèves qui s’orientent vers l’enseignement secondaire spécial sont ceux qui y
étaient destinés dès le départ, cela nous permet d’estimer la part des élèves qui n’entrent pas
dans la catégorie des élèves ayant des troubles d’apprentissage. De plus, on comparant avec
la Flandre, où on remarque qu’il y a un passage moins important type 8 primaire vers le type 1
secondaire, on peut supposer que l’utilisation du placement vers le type 8 varie sensiblement
entre les deux Communautés. Malheureusement, comme nous le montrent les résultats
concernant la première hypothèse, il ne nous est pas possible de la vérifier pour l’instant.
Dans le cas de réintégration, la « qualité » du parcours des élèves ne permet pas de parler
d’atteinte de la finalité de réintégration. L’utilisation massive de la filière professionnelle est
révélatrice d’échec lors des toutes premières années de la réintégration. Cette filière constitue
dans les faits une voie de relégation pour des enfants ne pouvant réussir ailleurs. S’agissant
d’une recherche exploratoire, il est difficile d’établir préalablement un seuil sous lequel on
pourrait considérer que ce type d’enseignement ne répond pas à sa finalité. La comparaison
avec la Flandre comporte des limites. De plus, il ne suffit pas que de rares cas permettent de
120
confirmer ou infirmer l’hypothèse. De plus, il faut tenir compte d’un aspect plus qualitatif
dans l’atteinte ou non de la finalité et du contexte. Toutefois, l’on peut considérer que
« l’espérance scolaire » offerte à ces élèves est relativement faible. Le passage d’un élève par
l’enseignement spécial de type 8 semble par ailleurs affecter son parcours ultérieur.
En général, les catégories sous-représentées lors du placement (filles, niveau
socioprofessionnel élevé, etc.) sont celles qui réussissent le mieux et le passage en
enseignement secondaire semble accentuer les différences entre catégories. On remarque en
effet que bien que l’enseignement spécial s’adresse dans les faits à une population
majoritairement masculine, défavorisée et étrangère, ce sont les filles d’origine belge
francophone et d’un milieu favorisé qui profitent le plus de ce système d’enseignement.
121
7. Conclusions
Notre étude longitudinale sur le parcours scolaire d’enfants sortants du type 8 de
l’enseignement spécial avait pour objectif d’évaluer le respect des critères fixant la catégorie
d’élèves et l’atteinte de la finalité dévolue à ce type d’enseignement. Nous avons étudié le
parcours scolaire d’enfants ayant transité par le type 8 et qui sont sortis en juin 2000. Par ce
faire, nous avons utilisé les dossiers des élèves et procédé à une enquête téléphonique pour
connaître leur parcours après avoir quitté le type 8. Notre échantillon comprenait 17 écoles
d’enseignement spécial situées en région bruxelloise et concernait 265 jeunes. Les
informations recueillies nous permettaient de mettre en relation les caractéristiques des élèves
avec leur parcours scolaire.
Nos résultats ont montré que lors de l’entrée et de la sortie en enseignement spécial de type 8,
des phénomènes de sur-représentation sont bien présents, mais touchaient les groupes avec
des effets variables. Cet effet « discriminatoire » a trois moments d’action : l’entrée, la sortie,
le parcours ultérieur. Des groupes formés à partir de variables comme la langue maternelle
(primo-arrivant), le milieu socioprofessionnel, le domicile et le genre montrent, dans un
certain nombre de cas, que les différents groupes se comportent de façons différentes, certains
ayant de meilleur parcours que d’autres. On remarque que le parcours des élèves s’oriente
très tôt vers les filières professionnelles de l’enseignement spécial (forme 3) ou de
l’enseignement ordinaire. Trois années après la sortie, il ne reste que moins de 20% des
étudiants en enseignement général et tout porte à croire que ce nombre se réduira encore
l’année prochaine. Au final, nous pensons que très peu d’élèves ayant transité par ce type
d’enseignement pourront avoir un diplôme donnant accès à des études supérieures.
L’espérance scolaire de ce groupe nous semble donc faible.
Enfin, la définition et le diagnostic posant problème tant sur le terrain qu’en théorie, c’est la
notion de catégorie d’élèves fiable qui est remise en question tant sur la forme que sur le fond.
On ne peut que constater le manque tant de base et de critères objectifs pour orienter un élève
vers le type 8. Il en va de même avec les explicitations, par les professionnels chargés de
l’orientation, des besoins pédagogiques et thérapeutiques de l’élève.
Au vu des résultats obtenus, il nous apparaît que la séparation entre enseignement spécial et
enseignement ordinaire pour l’aide apportée à ces élèves pose problème à de nombreux
niveaux (retard, âge, placement, réintégration, orientation, etc.). De plus, lors de la
réintégration en enseignement ordinaire, au passage entre l’enseignement primaire et
secondaire s’ajoute le passage du spécial vers l’ordinaire. Les exigences scolaires et le
programme (matière, période, néerlandais, etc.) sont différents entre les deux systèmes
d’enseignement. Cela entraîne un certain écart de « culture scolaire » que l’élève devra tenter
de récupérer, combler lors d’une réintégration. L’enfant semble également porter un stigmate,
qui retire de la valeur à son diplôme et plombe le reste de son parcours. Enfin, l’absence
d’aide adéquate en enseignement ordinaire semble être une conséquence de cette séparation
entre deux systèmes d’enseignement. Dans le contexte particulier du type 8, nous croyons,
comme Petit et Spielman, que cet état de choses ne permet pas, à ces élèves avec des besoins
particuliers, d’effectuer un parcours scolaire dans l’enseignement ordinaire à chance égales
avec les autres.
Nous avons vu que les services donnés par l’enseignement spécial en général sont très
coûteux et que l’évaluation des services donnés en est encore à ses débuts. On ne s’intéresse
sérieusement à ces questions que depuis une quinzaine d’années. Ces enfants font l’objet
122
d’interventions éducatives très diverses, dont la plupart n’ont pas été évaluées. En
Communauté française de Belgique, ce manque d’informations sur le système d’enseignement
spécial est encore plus criant. L’augmentation constante de la population scolaire fréquentant
se type d’enseignement constaté en Belgique et ailleurs impose également certains
aménagements dans l’organisation de ce type d’enseignement. Il ne sera pas possible de
poursuivre une progression à ce rythme sur de nombreuses années sans s’interroger sur ses
causes et conséquences. De plus, cet intérêt est lié, en partie, à un changement dans la
perception de l’enseignement spécial par les parents. Alors que dans de nombreux pays, ces
derniers avaient appuyé avec enthousiasme la création d’enseignement spécialisé pour leurs
enfants, ils sont de plus en plus nombreux aujourd’hui à demander des changements allant
vers une intégration de ces enfants, ceux-ci en enseignement ordinaire.
Nos résultats concernant le placement de ces enfants en enseignement spécial de type 8 et leur
parcours scolaire nous amènent à penser que l’aide accordée à ces élèves devrait être repensée
selon une toute autre optique. Il s’agit en fait de revenir à la philosophie qui a guidé la
création de l’enseignement spécial ; offrir des services selon les besoins, c’est-à-dire, passer
d’une catégorie d’élèves à une catégorie de services (ou de besoins). Cela implique à notre
sens une analyse de ces besoins basée sur la confrontation entre les divers intervenants
(parents, enfants, enseignants, PMS, thérapeutes, etc.). Il faut donc à notre avis passer à une
notion non-catégorielle des services éducatifs fournis aux élèves dits en « difficultés » dans
laquelle on favorise les interventions préventives au sein de l’école ordinaire d’origine. On
s’appuie pour cela sur notre conviction, étayée par les résultats obtenus, qu’une identification
administrative des élèves avec des troubles d’apprentissage ne permet pas d’offrir des services
adaptés à l’élève et que les catégories utilisées présentent une perméabilité et un manque de
fiabilité ne justifiant pas le temps consacré à recueillir l’information exigée.
Le diagnostic devrait être un processus. En effet, ces protocoles, comme nous l’avons vu,
viennent officialiser une décision, il s’agit plus d’une formalité d’admission que d’un
véritable document permettant l’analyse des besoins pédagogiques et thérapeutiques de
l’enfant et des pistes pour son traitement. A la lecture des dossiers, on se rend bien compte
que c’est au sein de l’école d’enseignement spécial que commence le véritable diagnostic et
l’aide adaptée. De plus, les définitions appliquées d’une manière stricte, ne laissent pas de
place à l’intervention préventive. L’aide apportée ne concernerait ainsi pas uniquement les
enfants souffrants de troubles d’apprentissage mais également dans une certaine mesure ceux
atteint de retard intellectuel léger ou de troubles d’adaptation (comportement). Nous pensons,
en effet, qu’il y a une relation directe et fonctionnelle entre l'activité d'évaluation diagnostique
et l'intervention qui doit exister. L’évaluation des besoins et des capacités de ces élèves
demeurera nécessaire pour déterminer les services à leur offrir et pour établir le plan
d’intervention (PEI) qui reprend les objectifs à atteindre pour l’élève. Cette évaluation pourra
être davantage orientée vers la recherche des conditions facilitant leur réussite éducative que
vers la recherche d’un diagnostic précis aux fins d’admissibilité au financement des services.
Il s’agit en fait de « démédicalisation » des troubles de l’apprentissage. Dans les faits, les
seules différences fondamentales entre les écoles d’enseignement spécial de type 8 et les
écoles ordinaires sont, outre la population, des classes plus petites et un suivi logopédique
dans l’école. Les enseignants ont la même formation que dans l’ordinaire, bien qu’ils aient
acquis une expertise complémentaire. Cette définition plus large préconise l’intervention
précoce et directe, sans passage par une autre structure comme l’enseignement spécial ou des
classes adaptées. On assiste plus à une « scolarisation » de l’aide et du diagnostic. Les
besoins et les capacités de l’élève sont mis en avant au sein de l’école ordinaire. C’est le
123
retard scolaire qui est, là aussi, déterminant pour l’apport d’une aide à ces enfants. Nous
proposons de s’appuyer sur les progrès ou sur l’absence de progrès du jeune en fonction des
buts que se fixent l’école en regard de ses apprentissages, de sa socialisation et de sa
qualification. On pourrait ainsi aider des élèves qui ne bénéficient pas pour l’instant d’une
aide adaptée car ils ne fréquentent pas l’enseignement spécial mais qui ont toutefois des
troubles. On s’éloignerait donc d’une définition stricte des troubles d’apprentissage pour ne
se baser que sur des notions de besoins. Cette aide spécialisée pourrait être gérée par les
Centres PMS spécialisés en collaboration avec l’école. L’aide pourrait de telle sorte être
apportée à différents types d’élèves et pas uniquement ceux souffrant de troubles
d’apprentissage. En effet, ce système permet d’élargir l’aide et de la rendre plus efficace en
utilisant ce qui est déjà sur place et les moyens de l’enseignement spécial investis en
enseignement ordinaire
En plus de l’aide spécialisée à proprement parler, à l’intérieur de la classe ordinaire d’accueil,
il faudrait prévoir un calcul du capital-période permettant de donner par exemple une valeur
de « 2 ou 3 élèves » à un élève bénéficiant de l’aide apportée dans le cadre de la nouvelle
structure. Les classes comportant des enfants en difficultés seraient ainsi moins populeuses.
Il ne s’agit pas toutefois de faire des classes spéciales à l’intérieur d’une école ordinaire. Un
certain quota devra peut-être s’imposer pour éviter des « classes-poubelles ». Cela ne va pas
sans une préparation de l’école ordinaire à cette nouvelle mission en terme d’information, de
formation et de moyens en personnel et en argent. Il faut revoir l’optique pour que
l’enseignant puisse gérer ses nouvelles problématiques. On peut imaginer également des
parcours scolaires adaptés à ces élèves qui tableraient plutôt sur leurs forces que sur leurs
faiblesses.
L’école et le PMS devraient disposer d’un personnel stable leur permettant année après année
de construire dans un cadre identique au point de vue humain et financier l’aide apportée aux
élèves. L’enseignant, l’école et le PMS seraient ainsi responsables dans la décision de l’octroi
d’une aide et de la forme qu’elle prendra. Pour les élèves concernés, le PMS et l’école
devront établir un plan d’intervention (PEI) qui fixera les objectifs à atteindre et les moyens
pris pour y arriver. Cette aide nécessitera un changement important de l’école ordinaire, qui
pourra avoir des effets bénéfiques sur l’ensemble des élèves. Il faudra toutefois veiller à ce
que l’aide puisse s’articuler correctement avec le temps scolaire pour ne pas nuire aux
apprentissages en groupe.
Nous pensons donc qu’il faut savoir allier aide et enseignement ordinaire. Nous croyons donc
que ramener l’aide spécialisée à l’intérieur de l’école ordinaire constituerait la meilleure
garantie d’efficacité dans l’aide à apporter à ces élèves. On pourrait ainsi éviter un effet du
changement de structure tout en gardant une aide importante au sein de l’école même. L’aide
pourrait être apportée également en enseignement secondaire, du moins au premier cycle. En
effet, il est utopique de croire que les troubles s’arrêtent parce que l’on change de degré. Les
résultats de Petit et Spielman montrent qu’un accompagnement permet d’obtenir des parcours
scolaires de meilleure qualité. L’aide devra donc être apportée tout au long des études
obligatoires pour permettre aux jeunes d’effectuer un parcours scolaire choisi.
*
En cours de recherche, différents éléments nous ont semblé importants pour bénéficier d’une
recherche séparée à celle-ci mais complémentaire. Cette recherche laisse, malgré les
éclairages qu’elle apporte sur différents points, encore beaucoup de zones d’ombre. Des
124
prolongements à cette recherche sont nécessaires pour pouvoir traiter de l’efficacité du
système d’enseignement spécial de type 8 dans son ensemble et avec toutes ses subtilités.
On ne connaît pas, par exemple, les motivations des jeunes et des parents dans le parcours
scolaire. Des entretiens semi-directifs avec les parents et/ou les jeunes auraient permis de
répondre à plusieurs questions cachées par ces statistiques. Nous manquons également de
renseignements sur le parcours secondaire lui-même et les raisons des échecs évoquées par les
enseignants.
De même dans cette recherche, nous ne nous sommes pas intéressés à ce qui se passe à
l’intérieur des écoles de type 8. Notre travail s’intéressait plus à l’entrée et à la sortie du
système car c’était l’organisation même de ce type d’enseignement qui était l’objet de la
recherche. Nous avons consciemment mis de côté le processus pédagogique à proprement
parlé. Nous n’avons donc pas tenté de vérifier ce dernier aspect qui concerne « une
pédagogie de la sécurisation des exigences soigneusement mesurées et personnalisées dans le
domaine proprement scolaire » (CF, 1986). Pour ce faire, une étude différente aurait été
nécessaire en utilisant par exemple l’observation et l’analyse des pratiques de classe (des
TRAE : Temps réservé à l'action éducative).
Par ailleurs, il serait extrêmement informatif de poursuivre et approfondir le suivi des élèves
de l’échantillon pour connaître leur parcours. Une étude longitudinale jusqu’à la fin des
études secondaires permettrait de prendre la pleine mesure des effets sur le parcours scolaire.
Il serait également possible d’élargir l’échantillon pour considérer l’ensemble de la Région
bruxelloise ou la Communauté française. Enfin, une étude similaire sur les élèves fréquentant
le type 3 de l’enseignement spécial permettrait des comparaisons sur les parcours scolaires par
rapport aux organisations propres à chaque type.
125
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133
9. Annexes
9.1 Annexe 1
Prédicteurs d'un retard en lecture
Tâches
Corrélation avec un
retard en lecture
niveau courant de lecture
.69
copie d'items lus
.56
identification de lettres
.53
rétention de phrases
.49
dénomination
.49
langage dans son ensemble .47
conscience phonologique
.42
épreuves de fluence verbale .40
langage réceptif
.38
langage expressif
.37
vocabulaire réceptif
.33
134
9.2 Annexe 2
La carte d’activation du métabolisme d’une enfant dyslexique avant et après une intervention
phonologique de 30 heures.
9.3 Annexe 3
Image de l’activation du cerveau d’un enfant dyslexique et bon lecteur pendant la lecture de
pseudo-mots (phonologie) (in Lyon, 2001 tiré de Simos et al., 2000b).
135
9.4 Annexe 4
Pourcentage d’enfants identifiés selon leur type de troubles de l’année 1977 à 1993.
Source : Office of Special Education Program, Implementation of the Individuals with
Disabilities Education Act, 15e Annual Report in Congress, Washington D.C., US
Department of Education, 1993.
136
9.5 Annexe 5
Effets de la participation au programme Cadillac (CPC)
Effect
All Participants in the CPC
Program
Comparison
Group
Reading achievement
Grade 3
Grade 5
Grade 8
Preschool + elementary school
Elementary school only
Math achievementa
Grade 3
Grade 5
Grade 8
Preschool + elementary school
Elementary school only
Life-skill competence
Preschool + elementary school
Elementary school only
% ever retained in grade
Preschool + elementary school
Elementary school only
Special education placement, yrs in special
education
Preschool + elementary school
Elementary school only
98.6
112.8
146.1
154.9
147.7
92.9
109.8
142.3
101.8
118.5
148.4
149.4
145.1
40.7
41.2
38.5
25.3
24.2
31.8
97.6
114.7
144.9
0.6
0.9
37.7
36.5
0.5
0.9
137
138
139
9.7 Annexe 7
Numéro : …….
1. Nom de l’élève : ………………………………………………….
2. Sexe :
m
f
3. Nationalité : ______________________
4. Nom des parents : …………………………………………………
: …………………………………………………
5. Adresse : ……………………………………………………………………
6. Téléphone : ……………………………………………………
7. Date de naissance : …………………..
8. Fratrie : …………………………………………………………………………
9. Antécédents : ……………………………………………………………………
10. Langue maternelle de l’enfant : ……………………
11. Handicap
oui : ………………..
non
12. Placement en internat :
oui
non
13. Ecole d’origine : ...…………………………………………………………….
14. Date d’entrée dans l’école : ………………
15. Raison(s) du placement :………………………………………………………
…………………………………………………………………………………….
16. Type de troubles :
a)
b)
c)
d)
e)
f)
dyslexie
dysorthographie
dyscalculie
dysphasie
comportement
autres : ………………………………………………
17. QI à l’entrée : ………
QI (verbal) : …….
QI (perf) : ……..
18. QI à la sortie : ………
QI (verbal) : …….
QI (perf) : ……..
19. Niveau scolaire à l’entrée : ………
20. Niveau scolaire à la sortie : ………
140
21. Niveau scolaire en français : ………
22. Niveau scolaire en mathématiques : ………
23. Maturité à l’entré : …….
24. Maturité à la sortie : ……..
25. Tests à l’entrée
……………………………………………………………………………………………….…
……………………………………………………………………………………………….…
……………………………………………………………………………………………….…
26. Tests dans l’école
……………………………………………………………………………………………….…
……………………………………………………………………………………………….…
……………………………………………………………………………………………….…
27. Tests à la sortie
……………………………………………………………………………………………….…
……………………………………………………………………………………………….…
……………………………………………………………………………………………….…
28. Maintien d’une année supplémentaire :
oui
non
29. CEB :
oui
non
30. Date de l’obtention du CEB : ………….
A. Orientation à la sortie de l’enseignement spécial de type 8 :
a)
b)
c)
d)
1B
1A
ES : ……………..
Autres : ……………
B. Ecole secondaire nouvelle : …………………………………….
C. 2e :
a)
b)
c)
d)
général
technique
professionnel
ES : ……………………………..
141
e) autres : ……………………………..
D. 3e
f)
g)
h)
i)
j)
général
technique
professionnel
ES : ……………………………..
autres : ……………………………..
E. Retour en spécial :
oui
non
F. Diplôme des parents : (père et/ou mère)
a)
b)
c)
d)
e)
aucun
primaire
secondaire inférieur
secondaire supérieur (général, technique, professionnel)
études supérieures (haute école ou université)
G. Occupation des parents (père et/ou mère)
_______________________ +
__________________________ = ______
H. Type de famille (mono, biparentale, recomposé, etc.) : ……..
I. Langue(s) parlée(s) à la maison : ……………………………………..
J. Nationalité : (père et/ou mère)
a) CEE
b) Europe : ……………………………….
c) Hors-Europe : ……………………………….
142
9.8 Annexe 8
Numéro : …….
31. Nom de l’élève : ………………………………………………….
32. Sexe :
m
f
33. Nationalité : ______________________
34. Nom des parents : …………………………………………………
: …………………………………………………
35. Adresse : ……………………………………………………………………
36. Téléphone : ……………………………………………………
37. Date de naissance : …………………..
38. Langue maternelle de l’enfant : ……………………
39. Handicap
oui : ………………..
non
40. Placement en internat :
oui
non
41. Ecole d’origine : ...…………………………………………………………….
42. Date d’entrée dans l’école : ………………
43. Raison(s) du placement :………………………………………………………
…………………………………………………………………………………….
44. Type de troubles :
g)
h)
i)
j)
k)
l)
dyslexie
dysorthographie
dyscalculie
dysphasie
comportement
autres : ………………………………………………
45. QI à l’entrée : ………
QI (verbal) : …….
QI (perf) : ……..
46. Niveau scolaire à l’entrée : ………
47. Maintien d’une année supplémentaire :
oui
non
48. CEB :
oui
non
49. Date de l’obtention du CEB : ………….
143
A. Orientation à la sortie de l’enseignement spécial de type 8 :
e)
f)
g)
h)
1B
1A
ES : ……………..
Autres : ……………
B. Ecole secondaire nouvelle : …………………………………….
C. 2e :
k) général
l) technique
m) professionnel
n) ES : ……………………………..
o) autres : ……………………………..
D. 3e
p)
q)
r)
s)
t)
général
technique
professionnel
ES : ……………………………..
autres : ……………………………..
E. Retour en spécial :
oui
non
F. Diplôme des parents : (père et/ou mère)
f)
g)
h)
i)
j)
aucun
primaire
secondaire inférieur
secondaire supérieur (général, technique, professionnel)
études supérieures (haute école ou université)
G. Occupation des parents (père et/ou mère)
_______________________ +
__________________________ = ______
H. Langue(s) parlée(s) à la maison : ……………………………………..
I. Nationalité : (père et/ou mère)
d) CEE
e) Europe : ……………………………….
f) Hors-Europe : ……………………………….
144
9.9 Annexe 9
Carte de la Région de Bruxelles-Capitale
145
Table des matières
1. Introduction
3
2. Revue de la littérature
5
2.1 La situation internationale
5
2.1.1 Historique
5
2.1.2 La définition des troubles d’apprentissage
2.1.2.1 Définitions des classifications internationales
2.1.2.2 La définition du gouvernement étasunien
2.1.2.3 Définitions de la recherche
8
8
11
12
2.1.3 Analyse de ces définitions
2.1.3.1 Les quatre postulats
2.1.3.1.1 Postulat d’hétérogénéité
2.1.3.1.2 Postulat intrinsèque
2.1.3.1.3 Postulat de discrépance
2.1.3.1.4 Postulat d’exclusion
14
15
15
16
17
19
2.1.4 Les différentes troubles
2.1.4.1 Troubles de la communication
2.1.4.2 Troubles de la lecture
2.1.4.3 Trouble de l’expression écrite
2.1.4.4 Trouble du calcul
2.1.4.5 Les troubles mixtes
2.1.4.6 Comorbidité
22
23
24
26
26
27
27
2.1.5 Etiologie
2.1.5.1 La neurobiologie et la neuropsychologie
2.1.5.2 La génétique
2.1.5.3 La psychologie
2.1.5.4 La psychanalyse
2.1.5.5 La systémique
2.1.5.6 Le milieu social
2.1.5.7 L’école
30
30
30
31
32
33
33
34
2.1.6 Diagnostic
36
2.1.7 Epidémiologie
38
2.1.8 L’évaluation du système d’enseignement
41
2.2 La situation en Belgique
46
2.2.1 Court historique de l’enseignement spécial en Belgique
46
146
2.2.2 La loi de l’enseignement spécial de 1970
2.2.2.1 Objectifs et finalité
2.2.2.2 Arrêtés d’application de la loi de 1970
2.2.2.3 Types d’enseignement
2.2.2.4 Les maturités
2.2.2.5 L’intégration
2.2.2.6 Les formes de l’enseignement spécial secondaire
2.2.2.6.1 La forme 1
2.2.2.6.2 La forme 2
2.2.2.6.3 La forme 3
2.2.2.6.4 La forme 4
47
48
48
48
50
50
51
51
51
51
52
2.2.3 Caractéristiques de l’enseignement spécial en Belgique
53
2.2.4 Le type 8 de l’enseignement spécial
2.2.4.1 Définition des troubles d’apprentissage (ou troubles instrumentaux)
2.2.4.1.1 Arrêté royal de 1978
2.2.4.1.2 Etre un élève spécial dans l’enseignement ordinaire …
2.2.4.1.3 Circulaire ministérielle de 1992
2.2.4.2 L’orientation d’un élève vers le type 8
2.2.4.2.1 Les centres PMS
2.2.4.2.2 L’orientation à l’entrée
2.2.4.2.3 Le protocole justificatif
2.2.4.2.3.1 Examen médical
2.2.4.2.3.2 Examen psychologique
2.2.4.2.3.3 Examen pédagogique
2.2.4.2.3.4 Etude sociale
2.2.4.2.4 Le diagnostic
2.2.4.2.5 La guidance
54
54
54
55
56
58
58
59
61
62
62
63
63
63
64
2.2.5 L’orientation d’un élève du type 8 vers le secondaire
2.2.5.1 L’enseignement secondaire ordinaire
2.2.5.2 L’enseignement spécial
2.2.5.3 Le maintien
2.2.5.4 Autres orientations
64
65
66
66
66
2.2.6 Epidémiologie
66
2.2.7 L’évaluation du système d’enseignement
73
3. Hypothèse
81
4. Méthodologie
83
4.1 Le choix des informations et des sources
83
4.1.1 Le protocole justificatif du centre PMS
84
4.1.2 Les documents du PMS de guidance
84
147
4.1.3 Les documents administratifs scolaires
84
4.1.4 Le contact téléphonique avec les parents
85
4.1.5 Le contact avec l’école
85
4.2 La grille de recueil
85
4.3 L’échantillon
86
5. Résultats
88
5.1 Analyse qualitative des données recueillies
88
5.2 Les caractéristiques générales de l’échantillon
91
5.3 L’orientation en enseignement spécial de type 8
94
5.4 La réintégration en enseignement ordinaire
99
5.4.1 La première année
100
5.4.2 La deuxième année
101
5.4.3 La troisième année
103
5.4.4 Orientation et sous-échantillons
5.4.4.1 Orientation et CEB
5.4.4.2 Maintien et orientation
5.4.4.3 Orientation et nationalités
5.4.4.4 Orientation et langue maternelle
5.4.4.5 Orientation et primo-arrivants
5.4.4.6 Orientation et niveau socioprofessionnel
5.4.4.7 Orientation selon le genre
5.4.4.8 Le retard en secondaire
5.4.4.9 Temps passé en type 8 et orientation
106
106
107
108
110
111
113
116
117
118
6. Discussion
119
7. Conclusion
122
8. Bibliographie
126
9. Annexes
134
148
a
Cette conception de la « géographie du cerveau » était compatible avec la théorie selon laquelle les différentes
compétences sont localisées dans certaines régions (Broca, 1863-65). Bien après Gall, Broca a étudié l’aphasie,
avec des adultes qui ont des dommages au cerveau, et remarqué qu’elle résultait de lésions précises à l’arrière de
l’hémisphère gauche pour les droitiers. Elles n’affectaient pas l’écoute et les fonctions non-verbales.
b
Très tôt, on s’est surtout intéressé aux troubles de la lecture, plus courants. La première définition du trouble
de la lecture est celle de « blindness » (ou cécité verbale) qui signifie une perte d’habileté à lire. On propose
ensuite la définition de « congenital blindness » qui s’observe chez « des enfants avec ou sans dommages au
cerveau et caractérisé par un trouble à apprendre à lire » (Lyon, 2000). Puis au début du XXe siècle, des
preuves de plusieurs sources attestent du caractère unique et spécifique des troubles de la lecture. Orton émet
cette hypothèse : le manque de latéralisation des hémisphères du cerveau expliquerait les troubles de la lecture.
Il s’agissait pour lui d’un problème de dominance de l’hémisphère gauche sur les fonctions du langage qui
n’était pas établie correctement. Ces enfants auraient des problèmes de perception et de mémoire visuelle. Les
travaux sur la latéralisation montrent que ces processus jouent un rôle important dans le développement des
capacités perceptuelles, langagières et motrices tout au long de l’enfance mais que cette asymétrie n’était pas ce
qui distinguait les bons lecteurs des mauvais. En fait l’asymétrie correspond aux mauvais lecteurs, les bons sont
ceux qui utilisent les deux hémisphères, après une période de latéralisation. Bien que son modèle se soit révélé
inexact, son influence est encore importante aujourd’hui pour ce qui touche le diagnostic et l’idée qu’on pouvait
traiter et guérir les troubles de la lecture chez l’enfant.
c
La définition de l’Organisation mondiale de la santé des troubles de l’apprentissage est reprise mot pour mot
par Classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent (CFTMEA R-2000). La
CFTMEA qui a une assez bonne audience dans les pays francophones tente de plus en plus à faire correspondre
sa classification à celle de l’OMS. Les références de CIM sont inscrites à chaque sous-catégorie. Toutefois, cela
ne doit pas cacher les particularités de chaque classification qui présente de multiples différences quant à la
terminologie utilisée. Par exemple, le titre n’est pas le même pour cette catégorie, remplacé par : « Troubles
cognitifs et des acquisitions scolaires » qui se retrouvent dans la section des « Troubles du développement et des
fonctions instrumentales ». Ces troubles sont envisagés dans une perspective descriptive, sans référence étiopathogénique. Certains d'entre eux, en l'absence d'une cause précise, sont définis par l'expression « troubles
spécifiques du développement ». Ils sont divisés en trois grandes sous-catégories : les troubles de la parole et du
langage, les troubles cognitifs et des acquisitions scolaires, les troubles psychomoteurs, sauf l’instabilité qui est
classée dans le chapitre se rapportant au comportement. Pour ce qui touche les troubles cognitifs et des
acquisitions scolaires, la classification française utilise des définitions et des critères beaucoup plus explicites.
La sous-classification des troubles est différente : les troubles de la lecture et de l’orthographe sont regroupés
sous une même sous-catégorie, troubles lexicographiques, tandis qu’une nouvelle sous-catégorie, les troubles du
raisonnement ou dysharmonies cognitives. Les troubles de l’attention sans hyperactivité y figurent également.
Des termes de dyslexie, dyscalculie ou dysorthographie sont présents dans la classification française tandis que
l’OMS se contente de termes plus neutres comme retard spécifique de l’orthographe ou de la lecture. La
dysphasie n’est nommée dans aucune de ces classifications.
d
Ces 11 définitions sont celles : de Kirk, de Bateman, du National Advisory Committee on Handicapped
Children, de la Northwestern University, du CEC/DCLD, de Wepman et &, du U.S. Office of Education (1976 et
1977), du National Joint Committee on Learning Disabilities, de la Learning Disabilities Association of America
et du Interagency Committee on Learning Disabilities.
e
« Troubles d’apprentissage est un terme générique qui fait référence à un groupe hétérogène de troubles qui se
manifestent par des difficultés significatives dans l’acquisition et l’utilisation de l’écoute, de la parole, la
lecture, l’écriture, le raisonnement et les habilités mathématiques ou les compétences sociales. Ces troubles
sont intrinsèques à l’individu et sont présumés être dû à un dysfonctionnement du système nerveux central. Il
peut même arriver que des troubles d’apprentissage puissent être présents avec d’autres handicaps (retard
mental, cécité, surdité, troubles psychotiques, etc.), avec les influences de l’environnement social (différences
culturelles, scolarité insuffisante ou inappropriée), et spécialement avec le trouble de l’attention, les troubles de
l’apprentissage ne sont pas le résultat direct de ces handicaps ou influences » (Citée dans Kavale et Forness,
1992).
f
« Les troubles d’apprentissage font référence à une variété de troubles qui affecte l’acquisition, la rétention, la
compréhension, l’organisation ou l’utilisation d’informations verbales ou non-verbales. Ces troubles résultent de
l’altération d’un ou plusieurs processus psychologiques d’apprentissage en combinaison avec d’autres
compétences essentielles pour la pensée et le raisonnement. Les troubles d’apprentissage sont des altérations
149
spécifiques et non pas globales et sont distinctes des troubles intellectuels. Les troubles de l’apprentissage sont
classés par leur sévérité ou leurs invariants interfèrent dans l’acquisition et l’utilisation d’une ou plusieurs
compétences suivantes : le langage oral, la lecture, le langage écrit et les mathématiques (calcul et résolution de
problème). Les troubles d’apprentissage peuvent aussi être la cause de difficultés dans les compétences
organisationnelles, la perception sociale et les interactions sociales. Les altérations sont généralement pour
toute la vie. Toutefois leurs effets peuvent s’exprimer différemment selon le temps, en fonction de la
concordance des demandes de l’environnement et les caractéristiques individuelles. Au cours des années
d'apprentissage scolaire, les troubles d'apprentissage sont décelés lorsqu'un élève obtient des résultats
beaucoup plus faibles que ceux auxquels on serait en droit de s'attendre ou encore des résultats raisonnables
uniquement grâce à des efforts très poussés et à un appui important. Les troubles d’apprentissages sont causés
par des facteurs génétiques, congénitaux et/ou neurologiques acquis. Ils ne sont pas causés par des facteurs
comme les différences culturelles ou de langue, un enseignement scolaire inadéquat ou inapproprié, le statut
socioéconomique ou un manque de motivation, quoique chacun de ces facteurs et d’autres, peuvent aggraver
l’impact des troubles de l’apprentissage. Fréquemment, des troubles de l’apprentissage coexistent avec d’autres
conditions comme les troubles émotionnels, de l’attention et du comportement, les altérations sensorielles ou
d’autres conditions médicales. »
g
Certains ont nuancé ces critiques et remis en question certains résultats. Ils affirment que la discrépance
pourrait être un facteur majeur et fiable pour marquer les différences entre les troubles d’apprentissages et les
autres conditions. Kavale (1995) montre que l’on peut distinguer plus de 60% des élèves avec des troubles
d’apprentissage à l’aide de ce critère et que les deux populations, sont bien distinctes. Récemment, certains
travaux de recherche ont tenté de développer une approche de la définition des troubles d'apprentissage qui soit
davantage opérationnalisée. Ainsi, Shaw (1995) et Kavale (1995) ont revu et précisé l'approche fondée
uniquement sur l'écart entre les aptitudes et le rendement. Ils ont opté pour la proposition d'un modèle
comportant quatre niveaux et qui, pour l'essentiel, reprend la définition proposée par le National Joint Committee
on Learning Disabilities (NJCLD). Le premier niveau correspond à la discrépance. Le second met l'accent sur
les écarts qui sont intrinsèques à l'élève et qui pourraient s'expliquer par une dysfonction du système nerveux
central ou par un problème dans le traitement de l'information. Le troisième niveau fait état des considérations
associées aux difficultés d'apprentissage telles que les habiletés sociales, physiques et sensorielles. Enfin, le
quatrième niveau examine différentes explications de l'existence des difficultés d'apprentissage, comme par
exemple la présence d'autres difficultés, les influences de l'environnement culturel ou économique, une
instruction inappropriée ou inadéquate (Kavale, 2002).
h
La conscience phonologique est liée à certaines aptitudes comme la segmentation, l’assemblage, l’élision,
dénomination rapide, discrimination, etc. Cette mauvaise manipulation des règles phonologiques amène des
difficultés à déchiffrer et à identifier rapidement les mots connus ou à nommer des chiffres, des couleurs, des
objets, etc. Ces difficultés nuisent à la compréhension. Les prérequis communs à la conscience phonologique
incluent la reconnaissance de rimes et la syllabisation constatées lors de jeux de mots et à travers des textes à
rimes. Pour Shapiro (2000) « Les prérequis de conscience phonologique ont des corrélations modérées avec la
lecture, mais semblent être des précurseurs développementaux essentiels. Plusieurs chercheurs ont prouvé
expérimentalement que l'enseignement de la conscience phonologique est pertinent, même avant l'instruction
régulière de la lecture. » La formation de conscience phonologique réussie se corrèle bien avec l'apprentissage
de la lecture. « Nous ne savons pas pourquoi quelques enfants développent leur conscience phonologique
facilement, alors que d'autres ont besoin d'un enseignement explicite. Les programmes d'enseignement qui
n'incluent pas un travail sur la conscience phonologique font prendre des risques à certains enfants ». La thèse
défendue ici est que l’identification des mots est une condition nécessaire à la lecture. L'expression traitement
phonologique selon Smith, Simmons, & Kameenui renvoie à l’emploi de l’information phonétique dans le
traitement des langages écrit et oral. Des troubles au niveau d'un ou plusieurs de ces processus peuvent
occasionner des problèmes au niveau de la lecture et de l'écriture. Le traitement phonologique peut comprendre
la reconnaissance des phonèmes, c’est-à-dire la connaissance explicite des sons (phonèmes et allophones) qui
constituent le langage parlé, la mémoire opérationnelle phonologique, c’est-à-dire la rétention et la manipulation
de l’information sous forme verbale et le recodage phonologique, soit la capacité d'extraire de la mémoire à long
terme des codes ou des sons phonologiques (prononciation), associés à des lettres, des sections de mots et des
mots entiers, de même qu'à traduire l'information verbale en un système basé sur le son pour l'entreposage
temporaire dans la mémoire opérationnelle et servir à des processus tels que le décodage de mots non familiers
lors de la lecture courante ou lors des processus de fusion et de segmentation.
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