Nanostructures métalliques pour applications photoniques

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Vers de nouveaux matériaux et dispositifs
Nanostructures métalliques pour
applications photoniques
Les nanostructures métalliques suscitent depuis quelques années un formidable
engouement. Elles permettent grâce à des résonances de surface de confiner et de
transmettre efficacement la lumière dans des ouvertures très petites devant la longueur
d’onde, ouvrant la voie à de nombreuses applications. Les propriétés des réseaux de fentes
métalliques décrites dans cet article nous ont d’ores et déjà permis de concevoir une
nouvelle génération de photodétecteurs conciliant rapidité et sensibilité.
anipuler la lumière sur des
dimensions de l’ordre de
sa longueur d’onde, voire
inférieures, reste un défi majeur de
l’optique et de l’optoélectronique.
M
Dans cette effervescence légitime
pour les cristaux photoniques, les
métaux ont été délaissés.
Un pas important a été franchi
depuis 1987 grâce aux cristaux photoniques (Images de la Physique
1998). En structurant périodiquement des matériaux diélectriques, on
peut obtenir des matériaux à bande
interdite photoniques qui constituent
des miroirs dans toutes les directions. L’introduction de défauts dans
ces structures donne naissance à des
cavités et des guides d’onde, pouvant par exemple intégrer des
virages très compacts. Ils laissent
entrevoir de nouvelles possibilités
dans le domaine des composants
optiques intégrés, des sources
optiques et des systèmes microondes.
LES RÉSONANCES DE SURFACE AU CŒUR
DES PARADOXES OPTIQUES
(a)
(b)
Figure 1 - Exemples de nanostructures métalliques : (a) Réseau de fentes dans un film métallique ; (b) Réseau de trous.
– Laboratoire de photonique et de nanostructures, UPR 20 CNRS, route de Nozay,
91460 Marcoussis.
82
Pourtant, Wood avait commencé à
mettre en évidence les propriétés
particulières des structures périodiques métalliques il y a plus d’un
siècle. En étudiant les spectres de
réflectivité de réseaux métalliques, il
avait observé de brusques variations
de l’intensité de la lumière réfléchie
(1902), appelées plus tard « anomalies de Wood ». Ces propriétés, liées
principalement à des résonances de
surface, comme suggéré par Fano en
1939, ne sont bien comprises que
depuis le milieu des années 1960.
La découverte d’Ebbesen publiée
en 1998 a suscité un regain d’intérêt
des chercheurs pour les nanostructures métalliques : une transmission
« extraordinaire » de la lumière a été
observée à travers un film métallique
percé de trous de diamètre inférieur
à la longueur d’onde (« tamis à photons », figure 1b). Ce résultat était
inattendu, car les calculs de Bethe
(1944) sur la diffraction de la
lumière à travers une ouverture
unique et plus petite que la longueur
d’onde prévoyaient une transmission
négligeable. Une transmission efficace de la lumière a également été
mise en évidence à travers de fines
fentes métalliques (figure 1a). Les
ondes de surface, que nous allons
maintenant décrire, sont au cœur de
ces phénomènes.
Les plasmons de surface
En optique classique, les équations de Maxwell permettent une
description remarquable de la propagation des ondes électromagnétiques
dans le vide. Dans la matière, il faut
y ajouter l’effet des interactions
entre les photons et les particules
chargées (principalement les électrons), grâce à une permittivité
diélectrique ε (et éventuellement une
perméabilité magnétique µ). ε
caractérise les propriétés électromagnétiques macroscopiques du matériau et dépend de la longueur
d’onde.
Dans le cas des métaux, les électrons libres interagissent avec les
photons dont la longueur d’onde est
dans le domaine visible, infrarouge
et micro-onde (λ 0.5 µm). Cela se
traduit par des valeurs négatives de
la partie réelle de ε (tandis que la
partie imaginaire de ε représente
l’absorption) : les ondes électromagnétiques ne se propagent pas dans
le métal et seuls les électrons en surface « voient » les photons incidents.
L’épaisseur caractéristique est appelée profondeur de peau.
Vers de nouveaux matériaux et dispositifs
En première approximation, εm
est un réel (pas d’absorption) négatif
(métal). k ps est donc plus grand que
k0, le vecteur d’onde de la lumière
dans l’air. k z est imaginaire dans
l’air et dans le métal : c’est une onde
évanescente non seulement dans le
métal mais aussi dans l’air, son
intensité décroît exponentiellement
lorsque l’on s’écarte de l’interface.
Il est possible d’exciter une onde,
appelée plasmon de surface, se propageant le long de la surface métallique (figure 2a). Il s’agit d’un état
couplé (de type polariton) entre les
photons et les électrons de surface,
qui correspond à la fois à une oscillation longitudinale des électrons et
à une onde électromagnétique polarisée TM (le champ magnétique est
parallèle à la surface métallique et
perpendiculaire à la direction de propagation x).
En résumé, lorsqu’une onde plane
éclaire une surface métallique comportant un motif périodique, une
résonance de plasmon de surface
peut être excitée. Il en résulte une
forte intensité lumineuse à la surface
du métal.
Comme k ps > k0 , les plasmons
de surface ne peuvent pas être excités directement par une onde plane.
Le couplage de la lumière avec les
ondes de plasmons de surface peut
être obtenu par une structuration
périodique (de période d) de la surface métallique (figure 2b). Sous
excitation avec une onde plane d’in(n)
cidence θ, les vecteurs d’onde k x
des ondes diffractées par la structure
sont alors quantifiés :
La condition de propagation d’une
onde de plasmon de surface le long
d’une interface plane air/métal est
une solution élémentaire des équations de Maxwell. A une fréquence
ω0 = k0 c donnée, l’amplitude du
champ magnétique est de la forme :
H (x, z, t) = H0 eik ps x eikz z e−iω0 t (1)
et le vecteur d’onde dans la direction
de propagation x est :
1
,
k ps = k0 1
1+
εm
couple de manière résonnante aux
plasmons de surface.
k x(n) = k0 sin θ + n
2π
d
Une transmission
« extraordinaire »
Revenons maintenant au « tamis à
photons » (figure 1b) : éclairée par
une onde plane, la structure périodique des trous donne naissance à
des ondes diffractées évanescentes
sur les surfaces supérieure et inférieure du film métallique. Ces ondes
peuvent mettre en jeu des résonances
de plasmons de surface, qui emmagasinent l’énergie électromagnétique. La lumière est transmise à travers un trou par l’intermédiaire
d’une onde fortement atténuée. La
transmission entre les deux surfaces
métalliques horizontales, qui constituent deux « réservoirs électromagnétiques », se fait donc par effet
tunnel à travers les ouvertures.
(3)
Les premières ondes diffractées
(n)
sont des ondes planes (k x < k0 et
(n)
k z est réel, cas n = 0, 1 de la
figure 2b), les suivantes sont des
(n)
ondes évanescentes (k x > k0 et
(n)
kz
est imaginaire, cas n > 1
figure 2b). Lorsque, pour l’une des
ondes diffractées évanescentes,
k x(n) ∼ k ps , l’onde incidente se
(2)
où εm est la permittivité diélectrique
du métal. De plus, k z2 = k02 − k 2ps
dans l’air et k z2 = εm k02 − k 2ps dans le
métal.
En associant une transmission
faible dans les trous et un confinement fort sur les surfaces du film
z
E
(a)
H
k
y x
profondeur
de peau
Onde incidente
kx
(b)
d
k0
Ondes diffractées
(n=0, k x)
ondes
propagatives
(n=1, kx +2π/d < k 0)
}
θ
(n>1, k x+2πn/d > k 0)
}
ondes
évanescentes
Figure 2 - Plasmons de surface : (a) l’oscillation périodique des électrons près de la surface est couplée à une onde électromagnétique évanescente qui se propage le long de l’interface métallique ; (b) les ondes diffractées par une surface périodique (période d) sont représentées pour n 0 par leur vecteur d’onde.
83
métallique, ces résonances de plasmons de surface permettent de faire
pénétrer la lumière dans une ou plusieurs ouvertures petites devant la
longueur d’onde et de la transmettre
efficacement à travers ces mêmes
ouvertures.
Dans la suite de cet article, nous
nous intéresserons à la structure
représentée sur la figure (3) : elle est
constituée d’un film métallique
entouré d’air et percé d’un réseau de
fentes dont la largeur a et la période
d sont petites devant la longueur
d’onde de la lumière. Nous montrerons que cette structure plus simple,
périodique dans une seule direction,
permet de mettre en jeu deux mécanismes distincts de résonance des
ondes de surface. Ces résonances
seront l’une des clés permettant
d’aboutir à la conception de nouveaux dispositifs optoélectroniques
ultrarapides.
RÉSONANCES PHOTONIQUES DANS LES
RÉSEAUX DE FENTES MÉTALLIQUES
Le mécanisme des résonances
dans les réseaux métalliques est
radicalement différent du cas du
tamis à photons : le couplage entre
les surfaces supérieure et inférieure
du film métallique ne se fait plus par
effet tunnel mais par un mode guidé,
et peut mettre en jeu une résonance
de type Fabry-Pérot. Le mode guidé
est en fait composé de deux ondes de
plasmon de surface couplées sur les
deux parois métalliques verticales de
chaque fente. Elle se propage verticalement avec une faible atténuation
liée uniquement à l’absorption dans
le métal et elle est partiellement
réfléchie à l’extrémité du guide que
constitue chaque fente. Les surfaces
horizontales du film métallique sont
donc des miroirs pour le mode
guidé, formant ainsi une cavité de
Fabry-Pérot.
Le couplage d’une onde plane
incidente avec les ondes de surface
résonantes dans la structure peut se
faire selon deux mécanismes distincts, représentés sur la figure 3.
84
θ
z
x
H
h
a
d
Figure 3 - Résonances de surface horizontales (bleues) et verticales (rouges) dans le réseau de fentes
d’un film métallique.
Résonance de surface horizontale
Dans le premier cas, la structuration périodique de la surface métallique donne naissance à des ondes
diffractées évanescentes qui se couplent aux plasmons de surface horizontaux. Le couplage entre les surfaces supérieure et inférieure du
réseau est assuré par la propagation
du mode guidé des fentes. Cette
résonance de surface horizontale
peut atteindre des facteurs de qualité
très élevés, supérieurs à 104 .
Résonance de surface verticale
Le second mécanisme, appelé
résonance de surface verticale,
repose sur un couplage direct d’une
onde plane incidente avec le mode
guidé des fentes. Pour une longueur
d’onde donnée, l’épaisseur du film
métallique peut être ajustée pour
obtenir une résonance de FabryPérot de l’onde de surface verticale
et conduire à une transmission quasi
totale de la lumière à travers la structure.
de résonance réelle ω0 en fonction
de l’impulsion photonique (ici, la
composante
perpendiculairement
aux fentes k x ). Nous y ajoutons le
facteur de qualité Q, nombre sans
dimension produit de la fréquence et
de la durée de vie du mode résonnant
(Q = ω0 τ ; encadré 1). La fréquence complexe s’écrit alors :
i
.
ω = ω0 1 +
(4)
2Q
Les résultats, constituant les
courbes de dispersion complexes,
sont représentés par les courbes de la
fréquence ω0 (k x ) et du facteur de
qualité Q(k x ) en fonction de k x . Ils
permettent une étude précise des
modes de résonances du système et
de leurs propriétés (encadré 1).
Le calcul des courbes de dispersion complexes permet de déterminer
puis de représenter l’ensemble des
modes de résonance de la structure,
en tenant compte des pertes dues à
l’absorption et au rayonnement.
Les courbes de dispersion ont
notamment révélé de fortes discontinuités du facteur de qualité, qui
n’apparaissent pas sur les courbes de
dispersion « réelles » ω0 (k x ) . Ces
discontinuités ont lieu précisément
sur les anomalies de Rayleigh, c’està-dire lorsque l’une des ondes diffractées par le réseau est à incidence
(n)
rasante (k z = 0). Elles sont donc
liées au passage d’une onde diffractée de l’état d’onde évanescente à
celui d’onde plane propagative.
Comme nous allons le voir, ce phénomène peut être expliqué par l’analyse du confinement de la lumière et
du stockage de l’énergie électromagnétique.
Les courbes de dispersion représentent habituellement la fréquence
La figure 4 représente une vue en
coupe de l’intensité lumineuse dans
CONFINEMENT DE LA LUMIÈRE ET DURÉE
DE VIE DES RÉSONANCES
Vers de nouveaux matériaux et dispositifs
Encadré 1
COURBES DE DISPERSION COMPLEXES
Les courbes de dispersion complexes représentent les modes
de résonance électromagnétique de la structure. Ceux-ci définissent idéalement l’état du système tel qu’il existe des ondes
dans la structure en l’absence d’ondes incidentes. La réponse
du système à une ou plusieurs ondes entrantes peut s’écrire :
ondes
ondes
= (S)
entrantes
sortantes
Un mode de résonance est donc défini par une fréquence ω0
(ou une longueur d’onde λ) et une impulsion k x (ou un angle
d’incidence θ) tels que la matrice (S −1 ) ait une valeur propre
nulle. Pour tenir compte de pertes, la solution est calculée
pour des valeurs complexes
dela fréquence :
i
ω = ω0 + i/τ = ω0 1 +
,
2Q
la partie imaginaire représentant l’atténuation temporelle du
champ électromagnétique dans la structure (durée τ) ou le
facteur de qualité Q de la résonance.
Les courbes de dispersion complexes (ω0 (k x ) et Q(k x ))
permettent une description synthétique et complète
des phénomènes mettant en jeu des résonances photoniques.
Voici quelques éléments pour lire et exploiter ces courbes :
La figure (a1) représente la position spectrale des résonances.
La nature très plate des courbes de dispersion autour de α ,
γ... montre que ces modes sont indépendants de l’impulsion k x
(de l’angle d’incidence) : ce sont des résonances verticales
dans les fentes. Les courbes obliques (par exemple en β ) correspondent aux résonances de surfaces horizontales.
La courbe noire de la figure (b) montre le spectre de transmission calculé pour une onde plane inclinée d’incidence 12o
correspondant aux flèches de la figure (a1).
La figure (a2) représente le facteur de qualité des résonances,
et complète la figure (a1). Avec (a1) et (a2), on a la fréquence
complexe ωα de la résonance α .
On peut reproduire fidèlement le spectre de transmission
autour de la résonance avec une simple courbe lorentzienne
Aα 2
(en couleur sur la figure (b) pour les
de la forme ω −ω 0
α
résonance α , β , ...).
La figure (a2) fait également apparaître une chute brutale du
facteur de qualité, entre les points D(d) et D(e) de la
figure (a2). Elle traduit la disparition des photons accumulés
sur la structure périodique entre les étapes (d) et (e) de la
figure 4. Cette discontinuité intervient sur l’anomalie de
Rayleigh (point D, figure (a1)). Au point D(d), le facteur de
qualité devient très important : l’onde de surface se propage
avec une atténuation très faible.
un réseau métallique, calculée dans
cinq conditions différentes d’éclairement par une onde plane, incidente de
haut en bas et de gauche à droite sur
la figure. Les cinq conditions différentes correspondent à cinq couples
Figure - Courbes de dispersion complexes (a) et spectres de transmission (b) d’un réseau de fentes métalliques de période d, largeur de fente
a = 0,14 d et d’épaisseur h = 0,86 d (notations sur le schéma de la
figure 3).
différents : (ω0 , k x ) ou (λ longueur
d’onde, θ angle d’incidence) : de (a)
à (e), λ diminue légèrement tandis
que θ augmente. Ces valeurs sont
prises le long d’une courbe de dispersion (encadré 1, figure a1 et a2) et
correspondent à divers états de résonance du système.
La figure 4(a) montre un fort
confinement de la lumière dans les
fentes du réseau, obtenu dans le cas
de l’excitation d’une résonance de
85
40
40
40
30
30
30
20
20
20
10
10
10
0
0
0
-10
-10
-10
-20
-20
0
1
2
3
4
5
6
7
-20
0
1
2
(a)
3
4
5
6
7
(b)
40
40
30
30
20
20
10
10
0
0
-10
-10
-20
-20
0
1
2
3
4
5
6
7
(c)
Intensité
relative
1
0
0
1
2
3
4
5
6
7
0
1
2
(d)
3
4
5
6
Dans les cas des figures 4(c) et
4(d), la résonance horizontale
(représentée en bleu sur la figure 3)
domine. Elle met en jeu une onde
évanescente dont l’amplitude décroît
en s’écartant du film métallique et
qui emmagasine l’énergie électromagnétique de la résonance.
Lorsque l’on passe de (c) à (d), la
longueur d’atténuation de l’onde
évanescente dans l’espace au-dessus
du réseau augmente. L’énergie électromagnétique est donc stockée dans
une région de plus en plus grande.
Les pertes sont essentiellement dues
à l’absorption à la surface du métal
et la durée de vie
86
APPLICATION DES NANOSTRUCTURES
MÉTALLIQUES A LA PHOTODÉTECTION
ULTRARAPIDE
7
(e)
Figure 4 - Cartes de l’intensité lumineuse dans un réseau de fentes métalliques (vue en coupe), pour
différents éclairements : de (a) à (e), pour une longueur d’onde quasiment constante, on augmente
l’angle d’incidence de l’onde plane arrivant sur le haut du réseau. Suivant les cas, on observe de fortes
concentrations de lumière dans les fentes (a), (b) ou près des surfaces horizontales (c), (d) du réseau.
Les franges résultent en bas de l’interférence entre l’onde transmise et une onde diffractée. En haut,
elles résultent de l’interférence entre l’onde incidente, l’onde réfléchie et éventuellement une onde diffractée.
surface verticale (symbolisée en
rouge sur la figure 3). Sur la
figure 4(b), on observe toujours la
résonance de type Fabry-Pérot dans
les fentes, mais l’intensité du champ
électromagnétique augmente également sur les surfaces horizontales
supérieure et inférieure du film
métallique. On a alors un état mixte
couplant les résonances de surface
horizontale et verticale.
trise ainsi la localisation de la
lumière dans des fentes très petites
devant la longueur d’onde (résonance de surface verticale) ou au
contraire dans un grand volume
autour des surfaces métalliques horizontales (résonance de surface horizontale). Dans la partie suivante,
nous verrons une application pratique qui met à profit le caractère
localisé et la faible durée de vie des
résonances de surface verticale du
type représenté dans la figure 4(a).
τ=
Énergie emmagasinée
(5)
Puissance dissipée
augmente fortement. Le facteur de
qualité peut dépasser 104 .
Lorsque l’on continue à augmenter
l’angle d’incidence, on atteint l’anomalie de Rayleigh : l’onde évanescente qui était couplée aux plasmons
de surface devient une onde plane se
propageant dans l’air : elle n’emmagasine plus d’énergie et participe au
contraire aux pertes par radiation. On
observe alors une chute brutale du
facteur de qualité et de l’intensité
lumineuse (figure 4e). Cet état correspond à nouveau à une résonance
verticale, avec un facteur de qualité
très faible. La chute brutale de Q correspond à la discontinuité D(d)-D(e)
(encadré 1, figure a2).
Ainsi, en ajustant les conditions
d’éclairement ou la géométrie du
réseau de fentes métalliques, on peut
exciter des résonances dont les facteurs de qualité varient sur plus de
quatre ordres de grandeur. On maî-
Les propriétés des structures
métalliques que nous venons de présenter sont particulièrement intéressantes pour les dispositifs de
l’optoélectronique ultrarapide, pour
lesquels la réduction des dimensions
est cruciale. Dans la suite de cet
article, nous étudions le cas des photodétecteurs, utilisés notamment
dans
les
télécommunications
optiques à haut débit pour convertir
les signaux lumineux des fibres
optiques en signaux électriques.
Dans ces dispositifs, l’absorption
d’un photon dans un matériau semiconducteur engendre la création
d’une paire électron-trou (e-, t+).
Sous l’action d’un champ électrique,
ces porteurs de charges sont séparés
et dérivent avant d’être collectés par
des électrodes. La vitesse du dispositif est principalement limitée par
leur temps de transit dans la région
absorbante.
Pour augmenter la vitesse du photodétecteur, il faut donc diminuer la
taille de la zone absorbante. On se
heurte alors à un compromis lié à la
longueur d’absorption de la lumière
dans le semiconducteur, de l’ordre
de la longueur d’onde λ. Lorsque
l’épaisseur de la couche absorbante
devient inférieure à cette valeur, une
partie importante des photons n’est
plus absorbée dans la zone active,
entraînant une chute de l’efficacité
du photodétecteur : les structures
Vers de nouveaux matériaux et dispositifs
Figure 5 - Représentation schématique du photodétecteur à réseau métal/semiconducteur (a), et localisation de l’absorption calculée pour les deux polarisations de la lumière TM et TE (b).
classiques ne permettent pas de
dépasser des fréquences de coupure
de 100 GHz sans pénaliser fortement
la sensibilité du dispositif.
Les structures de type métalsemiconducteur-métal (MSM), faiblement capacitives, ont ainsi permis
d’atteindre des fréquences de coupure de 300 à 500 GHz, mais avec
un rendement très faible (inférieur à
1 %). En s’appuyant sur la modélisation et les propriétés électromagnétiques des réseaux de fentes métalliques, nous proposons deux
alternatives dans lesquelles les distances inter-électrodes sont de
l’ordre de 100 nm et l’absorption de
la lumière est confinée dans une
couche de 50 nm d’épaisseur. L’utilisation de résonances dont les
mécanismes sont différents selon la
polarisation de la lumière conduit à
des rendements théoriques de 75 %.
Photodétecteur à réseau
métal/semiconducteur
Ce photodétecteur est constitué
d’un réseau métallique « enterré »
dans la couche semiconductrice
absorbante (figure 5a). Un miroir
multicouche (dit de Bragg) permet
d’améliorer l’efficacité du confinement de la lumière. L’absorption
entre les électrodes, dans une région
de faible volume et dans un champ
électrique très uniforme, permet des
temps de collection des charges de
l’ordre d’une picoseconde.
La figure 5(b) montre la localisation de l’absorption (en rouge) dans
la région absorbante, pour les deux
polarisations de la lumière. En polarisation TM (champ magnétique
parallèle aux doigts), le renforcement du champ favorise l’absorption
près des surfaces métalliques. En
polarisation TE (champ électrique
parallèle aux doigts), l’absorption
est privilégiée au centre de la région
inter-électrodes.
L’encadré 2 décrit la technique de
« lift-off » utilisée pour la fabrication de ces nanostructures métal/
semiconducteur périodiques. Les
dispositifs obtenus ont permis de
valider les résultats théoriques. Leur
efficacité est limitée par des défauts
nanométriques aux interfaces métalliques, engendrés par cette technique
de « lift-off » très délicate. D’autres
procédés de nanofabrication, s’appuyant sur des techniques de polis-
Figure 6 - Représentation schématique du photodétecteur à cavité résonante (a) et localisation de l’absorption calculée pour les deux polarisations de la
lumière TM et TE (b).
87
Encadré 2
FABRICATION DE NANOSTRUCTURES
MÉTAL/SEMICONDUCTEUR PÉRIODIQUES
La réalisation de réseaux métal/semiconducteur enterrés de
dimensions nanométriques met en jeu les techniques de pointe
de nanofabrication.
150 nm
50 nm
(3)
(2)
(1)
200 nm
Figure 3 - Gravure ionique réactive.
Figure 1 - Épitaxie des couches semiconductrices et dépôt diélectrique.
La première étape est représentée sur la figure 1. Les couches
de semiconducteur sont composées : (1) d’un miroir de Bragg
(AlGaAs/AlAs) et d’une couche espaceur (AlGaAs) ; (2) d’une
couche absorbante à 0.8 µm (GaAs). Cet empilement est
obtenu par épitaxie par jet moléculaire sur un substrat en
arséniure de galium (GaAs). Un dépôt diélectrique (3) de
nitrure de silicium (Si 3 N4 ) est ajouté pour les besoins du
procédé de fabrication (voir plus loin).
(a)
e-
e-
Intervient ensuite une gravure ionique réactive (figure 3) : son
principe repose sur l’action mécanique et chimique d’un
plasma, les gaz réactifs étant judicieusement choisis pour une
gravure anisotrope (ici verticale) de la couche diélectrique
(3), puis une gravure anisotrope et sélective de la couche
absorbante (2) arrêtée sur la couche espaceur de (1). La
photographie de la structure (microscopie électronique à
balayage, figure 3) permet d’observer les flancs de gravure
des différentes couches, dont les épaisseurs apparaissent par
transparence.
(b)
100 nm 100 nm
(5)
(4)
200 nm
Figure 2 - Lithographie électronique et métallisation par lift-off.
Figure 4 - Sous-gravure et dépôt métallique.
Une étape de lithographie électronique (figure 2) permet
ensuite de dessiner les motifs à l’aide un faisceau d’électrons
balayant une résine (polymère). Les chaînes de monomères
cassées sous l’action des électrons sont ensuite éliminées lors
du développement (figure 2a). Un dépôt métallique (Ti/Au)
suivi d’une dissolution de la résine aboutit à l’obtention d’un
masque métallique (4) sur l’échantillon, identique aux ouvertures tracées dans la résine (figure 2b), avec des motifs
périodiques de 100 nm.
Une sous-gravure de la couche diélectrique (3) de quelques
nanomètres suffit ensuite à obtenir un surplomb du masque
(4). Un film métallique en argent (5) est déposé par évaporation sous vide. La photographie de la figure 4 montre le métal
en surplomb recouvrant le masque. Cette partie en méandre
est éliminée par une attaque chimique de la couche diélectrique (3) (technique de lift-off). Il reste ainsi deux peignes
métalliques interdigités enterrés dans la couche semiconductrice absorbante (2) (figure 5a).
sage ou de dépôts électrochimiques,
sont également à l’étude.
Photodétecteur à cavité résonante
Le photodétecteur à cavité résonante est formé d’un miroir de Bragg
88
et d’une couche absorbante de
50 nm d’épaisseur, sur laquelle on
dépose un réseau métallique qui joue
le rôle d’un miroir semi-réfléchissant (figure 6a). L’absorption est
ainsi confinée dans une cavité résonante sous les électrodes. Comme
dans la structure précédente, l’onde
incidente polarisée TM est absorbée
le long des interfaces métalliques.
Au contraire, en polarisation TE
l’absorption est centrée à équidistance des électrodes, offrant ainsi
une situation particulièrement favo-
Vers de nouveaux matériaux et dispositifs
rable à une collection rapide des
charges (figure 6b).
Cette structure est beaucoup plus
simple à fabriquer que la précédente.
Le photocourant mesuré (figure 7)
montre un rendement de 15 %, en
très bon accord avec le calcul. Cette
Rendement quantique externe
0.2
mesure
modèle
0.15
0.1
0.05
0
720
740
760
780
800
820
840
860
Longueur d’onde (nm)
Figure 7 - Mesure du rendement quantique
externe (photocourant rapporté à la puissance
optique incidente) et calcul de l’absorption
(trait continu) pour un photodétecteur à cavité
résonante à réseau métallique (figure 6).
POUR EN SAVOIR PLUS
Plasmons de surface :
Reather (H.), « Surface Plasmons », Springer Tract in Modern
Physics 111, 1988.
validation expérimentale permet
d’extrapoler ces résultats à ceux
d’une structure optimisée dont le
rendement serait supérieur à 75 %.
la voie à une nouvelle génération de
photodétecteurs conciliant vitesse et
sensibilité.
Il est intéressant de noter que la
structuration sub-longueur d’onde
introduit un paradoxe similaire à
celui soulevé par Ebbesen. Ici, l’optique géométrique prévoit un facteur
de réflexion R au moins égal au taux
de couverture métallique, soit 50 %,
alors qu’en réalité R peut être rendu
très proche de zéro.
PERSPECTIVES
Les deux structures que nous
avons présentées sont complémentaires. Adaptées à une absorption à
0.8 µm, elles sont généralisables à
d’autres longueurs d’onde. Avec un
rendement de 75 %, une absorption
dans une couche de 50 nm d’épaisseur et une distance inter-électrodes
de l’ordre de 100 nm, elles ouvrent
A : Pure Appl. Opt. » (Special
Issue on Electromagnetic Optics),
4, S154, 2002.
Les propriétés photoniques des
nanostructures métalliques offrent
de nouvelles possibilités pour manipuler la lumière : confinement,
contrôle du couplage avec l’espace
libre, transmission de la lumière, filtrage... Exploitant ces propriétés
remarquables, une nouvelle classe
de composants photoniques est en
train d’émerger. La réalisation d’un
photodétecteur ultrarapide présentée
ici en est le premier exemple.
lerin (P.-M.), Thio (T.), Pendry
(J.-B.), Ebbesen (T.-W.), Phys.
Rev. Lett. 86, 114, 2001.
Réseaux de trous dans un film
métallique :
Réseaux de fentes dans un film
métallique :
Ebbesen (T.-W.), Lezec (H.-J.),
Ghaemi (H.-F.), Thio (T.), Wolff
(P.A.), Nature 391, 667, 1998.
Collin (S.), Pardo (F.), Teissier
(R.), Pelouard (J.-L.), « J. Opt.
Martín-Moreno (L.), GarcíaVidal (F.-J.), Lezec (H.-J.), Pel-
Article proposé par :
Stéphane Collin, tél. : 01 69 63 61 48, [email protected]
Fabrice Pardo, tél. : 01 69 63 61 48, [email protected]
Jean-Luc Pelouard, tél. : 01 69 63 61 47, [email protected]
Ont également participé à ce travail Roland Teissier, Nathalie Bardou, Edmond Cambril, Christophe Dupuis, Laurence Ferlazzo et Véronique Thierry-Mieg.
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