Master Interdisciplinaire en études du Tourisme (MIT) Les politiques environnementales au défi de la durabilité: de la limitation des émissions à la gestion durable des ressources Prof. Stéphane Nahrath UER Tourisme Institut universitaire Kurt Bösch (IUKB) Cycle de conférences « Les 4 vents » « Ecologie vs. Capitalisme: qui va gagner? » Université de Fribourg 7 décembre 2010 Plan Master Interdisciplinaire en études du Tourisme (MIT) 1. 2. 3. 4. Le développement historique des politiques environnementales en Suisse Les enjeux des différentes interprétations du concept de « développement durable » Pour une approche ressourcielle du DD: le concept de « régime instititionnel de ressources » Conclusion: 9 thèses sur le DD Master Interdisciplinaire en études du Tourisme (MIT) 1. Le développement historique des politiques environnementales en Suisse 1. Développement historique (1) 4 1. Développement historique (2) 5 Valeurs limites d’immissions (VLI): Objectifs plus ou moins précis d’une politique environnementale concrétisant le but de la politique. Concentration moyenne maximale admise pour une substance polluante pendant une période donnée généralement définie en µg/m3 ou /litre (dans l’air, l’eau, le sol). Mais peut également désigner une pollution sonore (bruit) définie en terme de décibels (db). Valeurs limites d’émission (VLE): Niveau d’émission moyen maximal admis pour une source particulière d’émission de substances polluantes, généralement défini en miligramme/m3 ou / litre, ou pour tout autre type de pollution (p.ex. sonore). LPE = VLE précises en matière de pollution atmosphérique, bruit, vibrations et rayonnements. Autres VLE se trouvent dans d’autres législations : LEaux, LAgr, Inventaires selon LPN, etc. Rares normes véritablement concrètes, précises et impératives du droit de l’environnement 1. Développement historique (3) 6 Analyse du développement historique des politiques environnementales montre clairement un déplacement du point d'intervention des mesures administratives allant des effets (immissions) vers les causes (émissions). 4 grandes étapes correspondant chacune à un principe d’action spécifique, c’est-à-dire à une manière particulière de concevoir la stratégie d’intervention de ces politiques : (1) la protection directe contre les immissions (politiques hygiénistes) première moitié du XXe; (2) l’intervention sur la transmission et la dilution (politique des « hautes cheminées ») années 1950 – 1960; (3) les interventions exceptionnelles sur les émissions, années 1960 - 1970; (4) le principe de l’approche globale et de la réduction généralisée des émissions, années 1980 (LPE) – aujourd’hui. 1. Développement historique (4) 7 Principaux domaines d’intervention publique en matière environnementale (classement par corpus législatifs): Domaines/milieux environnementaux traités déjà durant la première moitié du XXe: • forêt (1876, 1902, (…), 1991), • faune (depuis la fin du XXe) • eau (1871, 1877, 1916, 1955, 1971, 1991), • nature et paysage (1966). LPE (1983): air, bruit, déchets, qualité des sols, substances dangereuses & accidents majeurs. Nouveaux domaines: • Agriculture, construction, énergie, etc. • climat/réduction des émissions CO2 (1999), • déchets nucléaires (?). 1. Développement historique (5) Principales caractéristiques des politiques environnementales actuelles: Paradigme de la réduction préventive et généralisée des émissions polluantes indépendamment de l’état existant du niveau de pollution des milieux (i.e. de l’état de sur- ou sous-exploitation des milieux environnementaux); ceci en fonction de l’état de la technique, des conditions d’exploitation, et pour autant que cela soit « économiquement supportable » (LPE, art. 11). Absence de lien systémqtique et juridiquement contraignant entre VLI et VLE. Application systématique des mêmes VLE à l’ensemble des émetteurs de polluant d’un pays (au sein d’un même secteur) condition pour une concurrence économique équitable = incitation à l’innovation 8 technologique. 1. Développement historique (5) 9 Principaux instruments des politiques environnementales: Principes: Informationnels: campagnes d’information, etc. Réglementaires: VLI/VLE, autorisations, interdictions, obligations d’assainissement, plans, etc. Incitatifs (positivement ou négativement): taxes (poubelles, recyclage, CO2, etc.), redevances, subventions (PNR), allègements fiscaux, etc. Pollueur-payeur, prévention, droit de recours (individus concernés, autorités politiques et ONGE). Observation: la plupart des instruments nouvellement mis en œuvre dans les politiques environnementales sont des instruments fondés sur l’incitation économique. 1. Développement historique (6) 10 Bilan des politiques classiques de l’environnement depuis les années 1980: Amélioration relative – mais toujours fragile - de la qualité de certains milieux/problèmes (eau, air, faune, déchets, substances dangereuses & accidents majeurs). Résultats mitigés dans les domaines de la qualité des sols, de l’assainissement des sites pollués et du bruit. Résultats mauvais dans le domaine de la protection de la biodiversité et des espaces naturels (rapports OCDE). Mise en œuvre partielle des principes de prévention et du pollueurpayeur. Usages efficients de l’instrument du droit de recours de la part des ONGE. Développement important de l’écobusiness. 1. Développement historique (7) 11 Critiques des politiques environnementales (groupes cibles): Rigidité des normes réglementaires contraignantes. Manque d’efficience économique de l’application des normes environnementales. Coûts politiques élevés et déficits de mise en œuvre. Rendre les politiques environnementales plus compatibles avec les objectifs de développement et de compétitivité économique des territoires. Critiques des politiques environnementales (analystes/experts): Incapacité à garantir une gestion durable des systèmes de ressources naturelles (notamment dans un contexte de croissance économique). Problème de la résistance des droits de propriété privée sur certains des composants de l’environnement aux régulations des politiques environnementales. Master Interdisciplinaire en études du Tourisme (MIT) 2. Les enjeux des différentes interprétations du concept de « développement durable » 2. Enjeux des différentes conceptions du DD (1) 13 Les 3 conceptions du DD 2. Enjeux des différentes conceptions du DD (2) 14 Critique de la conception 2 du DD (équilibre entre les 3 pôles): Maintien, voire renforcement, du paradigme de la limitation « (socialement et) économiquement supportable » des émissions polluantes existant dans le cadre de la LPE (paradigme des VLE individualisées). Niveau de protection des milieux dépend des capacités techniques et de la supportabilité économique (et sociale), et pas des capacités de reproduction des systèmes de ressources. VLE individualisées = absence de limitation globales des usages (quotas, contingentements) ne permet aucunement le maintien à long terme des systèmes de ressources vitaux pour l’humanité (eau, air, sols, climat, biodiversité (ressources génétiques), etc.). Conception contraire à la définition constitutionnelle (i.e. rapport Brundtland) de la durabilité (cf. articles A. Flückiger, Petitpierre-Sauvain, etc.) 2. Enjeux des différentes conceptions du DD (3) 15 2. Enjeux des différentes conceptions du DD (4) | Diapositive 16 | Conception 3 (ressourcielle): nécessité d’une régulation coordonnée de l’ensemble des droits d’usage des différents groupes d’usagers définis en fonction de la capacité de reproduction du système de la ressource ≠ politiques environnementales sectorielles. = redistribution coordonnée (entre politiques de protection et d’exploitation) de l’ensemble des droits d’usage entre l’ensemble des groupes d’usagers d’un système de ressource. Master Interdisciplinaire en études du Tourisme (MIT) 3. Pour une approche ressourcielle du DD: le concept de « régime institutionnel de ressources » 3. Le concept de « régime institutionnel de ressources (RIR) » (1) | Diapositive 18 | Conditions (théoriques/conceptuelles/analytiques) pour dépasser les apories des approches des politiques sectorielles de l’environnement : 1. Identifier et analyser les (rapports entre les) différents usages et groupes d’usagers du système de ressource. 2. Analyser les conditions de reproduction à long terme du système de ressource (rapports fruits/stock) 3. Le concept de « régime institutionnel de ressources (RIR) » (2) 19 Identifier et analyser l’ensemble des règles institutionnelles formelles régulant l’ensemble des différents usages (en termes de B&S) d’un système de ressource dans le cadre d’un périmètre donné Identifier: 3. • • l’ensemble des régulations de droit public (politiques publiques d’exploitation et de protection des ressources), l’ensemble des régulations de droit (de propriété) privé (code civil, code des obligations) = Régime institutionnel de ressources (RIR). 3. Le concept de « régime institutionnel de ressources (RIR) » (3) | Diapositive 20 | 3. Le concept de « régime institutionnel de ressources (RIR) » (4) | Diapositive 21 | Deux grands types de modalités de régulation résultant du policy design : 3. Le concept de « régime institutionnel de ressources (RIR) » (5) | Diapositive 22 | 2ème composant: Système régulatif (droits de propriété) : 3. Le concept de « régime institutionnel de ressources (RIR) » (6) | Diapositive 23 | Deux grands types de modalités de régulation résultant du SR: 3. Le concept de « régime institutionnel de ressources (RIR) » (7) | Diapositive 24 | C’est de l’articulation des deux composants du RIRN (PD et SR) que dépend l’ampleur et le contenu des modalités de régulation 2/3A et 2/3B qui sont au cœur de tout RIR: 3. Le concept de « régime institutionnel de ressources (RIR) » (8) | Diapositive 25 | 3. Le concept de « régime institutionnel de ressources (RIR) » (9) | Diapositive 26 | Hypothèses de recherche principales: RIR intégré = gestion durable de la ressource RIR complexe = gestion non durable suite à des déficits de cohérence du RIR surexploitation résultant des contradictions entre PP et/ou entre PP et DP (p. ex.: aménagement du territoire, débits minimaux, etc.) RIR simple = gestion non durable en raison de la faible étendue du RIR surexploitation du système de la ressource résultant de l’absence de régulation de plusieurs B+S hypothéquant la reproduction du stock de la ressource (p.ex.: jusqu’en 1991, non prise en compte des pollutions diffuses des eaux (nappes phréatiques) par l’agriculture, non intégration du secteur de l’aviation civile dans les politiques de réduction des émissions CO2), etc. 3. Le concept de « régime institutionnel de ressources (RIR) » (10) | Diapositive 27 | Master Interdisciplinaire en études du Tourisme (MIT) 4. Conclusion: 9 thèses sur le DD 4. Conclusion: 9 thèses sur le DD (1) 29 Nécessité de compléter les réflexions théoriques et normatives sur le DD en intégrant les travaux portants sur les grandes dynamiques historiques anthropo-démographiques (p. ex. E. Todd) : 1. impacts sur la démographie de l’alphabétisation (des femmes), du développement économique, du contrôle des naissances, du reflux des grands systèmes de croyances religieuses, etc.; Idem pour les travaux sur les effets - positifs comme négatifs - des changements climatiques (notamment sur les processus de reproduction des systèmes de ressource). 2. Pas de DD hors du paradigme ressourciel: 3. Pas de durabilité sans systèmes de quotas/contingentements des usages proportionnés à la capacité de reproduction des systèmes de ressources. Probablement pas de DD sans une réduction progressive de la consommation par usagers des ressources, respectivement une réduction du nombre des usagers. Pas de durabilité sans un accroissement massif des énergies réellement renouvelables (≠ nucléaire). 4. Conclusion: 9 thèses sur le DD (2) 30 4. 5. 6. Paradoxalement, systèmes de contingentement comme meilleure incitation pour décupler les innovations technologiques dans les domaines économique et énergétique. Nécessité de mettre en place des systèmes de droits de propriété (collectifs) – et surtout de droits d’usage (individuels) – clairement définis sur les ressources (≠ mercantilisation de la nature). Vers une nouvelle communautarisation des ressources environnementales (France: eau « patrimoine commun de la nation »), respectivement émergence d’une forme renouvelée de la plura dominia proche de l‘Ancien Régime (afin de sortir des impasses de la propriété privative)? 4. Conclusion: 9 thèses sur le DD (3) 31 7. 8. 9. Question du séminaire est sur le principe très simple à répondre: pas de durabilité économique et sociale sans durabilité des ressources donc pas de durabilité si on reste dans une perspective d’opposition radicale entre environnement et capitalisme. En réalité, la question n’est pas de savoir « qui va gagner ? », mais « comment éviter que tout le monde perde ? » (sachant que le DD crée comme toute action collective publique de type redistributif des « gagnants » et des « perdants »). Question: se trouve-t-on à un (nouveau) tournant de l’histoire du capitalisme où pour la première fois, ce n’est pas la critique (ouvrière, artiste, environnementale) du capitalisme qui se « dissout » dans le capitalisme (Boltanski &Chiapello), mais le capitalisme qui devra s’adapter à la finitude du monde (et de ses ressources) et donc revoir totalement ses fondamentaux. Bibliographie | Diapositive 32 | Knoepfel, P., Nahrath, S., Savary, J., Varone, F. (2010). Analyse des politiques suisses de l'environnement. Zürich/Chur: Ruegger Verlag. Knoepfel Peter, Nahrath Stéphane, Varone Frédéric, 2007, « Institutional regimes for Natural Resources: An Innovative Theoretical Framework for Sustainability », in Knoepfel Peter, Environmental Policy Analyses. Learning from the Past for the Future - 25 Years of Research, Berlin, Springer, pp.455-506. Gerber, J.-D., Knoepfel, Peter, Nahrath, Stéphane, Varone Frédéric (2009). Institutional Resource Regimes: Towards sustainability through the combination of property-rights theory and policy analysis. Ecological Economics, 68(3), 798-809.