10e Université des CCI - vichy - septembre 2006 Hervé le Treut, climatologue, directeur du Laboratoire de météorologie dynamique (CNRS), professeur à l’Ecole polytechnique, membre de l’Académie des sciences Publication : “L’effet de serre. Allons-nous changer le climat ? “ Flammarion 2004. L a modélisation du climat est un enjeu majeur pour la compréhension et l’évolution des phénomènes naturels. Il s’agit d’un des outils d’analyse du climat terrestre développé depuis les années 1970 grâce à l’observation satellitaire. Cette modélisation permet de reconstituer les mouvements météorologiques et climatiques du globe, sous l’effet des lois de la physique. La fiabilité de ce modèle découle de l’amélioration des capacités de calcul. Un changement climatique d’une rapidité sans précédent Sans conteste, ce type de modélisation apportera des informations clés quant au phénomène du réchauffement climatique lié à l’effet de serre. Moins de 1% de la masse de l’atmosphère piège la chaleur auprès du sol et rend la planète habitable. Si les gaz à effet de serre (GES) augmentent dans l’atmosphère, le réchauffement du globe sera inéluctable. Malgré tout ces trente dernières années, des doutes ont pu être émis concernant la pertinence de cette perspective, sachant que le système naturel paraissait développer des capacités de résistance à l’effet de serre. Les modèles de reconstitution des phénomènes climatiques ont néanmoins démontré que le globe est bien en phase de réchauffement et réagit effectivement à l’accroissement de la production de gaz à effet de serre. 14 Depuis 5 000 ans, les civilisations occidentales se sont développées dans un environnement d’une stabilité remarquable du point de vue climatique. Or, cette période est en train de s’interrompre de manière relativement brutale. Certes, la planète a déjà connu des niveaux de CO2 plus élevés que ceux d’aujourd’hui, mais l’évolution de la production des gaz à effet de serre n’a jamais été aussi rapide par le passé. Ces gaz sont majoritairement émis par les pays développés en raison des rejets très importants de CO2. Monde fini ou nouvelles frontières... Quel futur pour l’aventure humaine ? L’ensemble des activités privées de transport individuel est concerné par ce phénomène. Ainsi, un Européen émet chaque année deux à trois tonnes de gaz carbonique contre six ou sept pour un Américain. Par comparaison, un Chinois produit une demi-tonne de CO2, ce qui constitue le seuil limite pour laisser le système naturel dans un état durable. Il est donc à noter que la diversité d’émission varie de manière considérable suivant les habitants de la planète. L’amplitude des conséquences climatiques dépend des quantités de gaz carbonique émises. Les conséquences elles-mêmes varient suivant la localisation des populations : elles sont plus importantes, en matière thermique dans les hautes latitudes et en matière hydrique dans les régions du Sud. L’Arctique fond Qu’en est-il donc pour l’avenir ? Le premier effet direct de la surproduction de gaz à effet de serre est un réchauffement climatique généralisé à l’échelle terrestre. La température moyenne de la planète est un indice de fonctionnement global assez stable. Entre un climat glaciaire et le climat actuel, cinq degrés Celsius d’écart ont été relevés. Dire que la température globale de la planète va monter de 2 à 6 degrés suivant les scénarios d’émission de gaz à effet de serre est donc considérable. Il s’en suivra un dérèglement massif du climat. Dans les régions du Nord, le changement se manifestera par un réchauffement accru : l’Arctique est déjà en train de fondre. Dans le Sud le schéma se présente différemment : la température va augmenter un peu moins fortement. Globalement, ces fontes de glace vont déclencher des processus hydriques très divers. D’autres conséquences majeures sont à prévoir. Les régions pluvieuses actuelles vont être soumises à des phénomènes de pluviosité plus intense ; les régions semi arides courent des risques de désertification plus importants ; enfin, le niveau des mers va se relever. Celui-ci s’élève déjà de 3 mm par an contre 1 mm au cours du XXe siècle. Ceci est lié à la dilatation des océans et à la fonte des glaciers de montagne, deux phénomènes pouvant être accélérés par la fonte de l’Antarctique et du Groenland. L’ensemble de ces prévisions est consigné dans le rapport du GIEC (Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat). Le rôle du GIEC est "d'expertiser l'information scientifique, technique et socio-économique qui concerne le risque de changement climatique provoqué par l'homme". Ce rapport est voté en Assemblée générale par les représentants des pays membres des Nations Unies. Il correspond au meilleur état possible de la science. Cependant, le système climatique n’étant pas complètement prévisible, des conséquences plus graves que celles émises par le rapport sont à craindre. 15 10e Université des CCI - vichy - septembre 2006 Choisir un autre développement Quoi qu’il en soit, une réaction de l’ensemble de la communauté internationale s’impose. Un seul exemple peut être cité à l’appui : les chiffres de la croissance des gaz à effet de serre montrent que les contributions de l’Inde, de la Chine ou du Brésil sont en train de rattraper, voire de dépasser, celles des pays occidentaux. La responsabilité collective des pays industrialisés est donc considérable. Si, dans l’avenir, aucune tentative n’est menée en vue de convaincre des pays comme la Chine d’emprunter un développement le plus sobre possible, les bouleversements climatiques hypothèqueront le devenir même de la planète. 16